L’appréciation du préjudice doit-elle rester entre les mains des juges du fait ?
Fodé David FAYE
Doctorant en droit privé à l’université Assane SECK de Ziguinchor
Membre du laboratoire de recherche en sciences économiques et sociales (LARSES)
Membre du laboratoire d’études et de recherches critiques sur le droit en Afrique (LERCDA)
Résumé
La responsabilité civile offre une tribune exceptionnelle à l’expression de l’office du juge. Elle est d’ailleurs connue et reconnue comme une discipline prétorienne, c’est-à-dire formée et moulue au gré de la jurisprudence. C’est à partir de quelques dispositions y relatives dans le Code civil de 1804 que le juge français a construit l’une des disciplines les plus transversales et les plus denses en termes de spécificités et d’applications variées. Au Sénégal, l’appréciation du préjudice relevant du juge est une prérogative reconnue au juge des faits et qu’il doit effectuer au jour du jugement. Cependant, cette appréciation souveraine consacrée donne en pratique une difficulté pour le justiciable. La responsabilité civile dans les systèmes juridiques romano-germaniques se présente comme le lit de l’activité jurisprudentielle la plus fertile, à côté du droit des contrats avec lequel ils forment le droit des obligations. Sur la qualification de la faute, sur l’appréciation du lien causal, sur les caractères du dommage indemnisable et entre autres questions telles que l’appréciation du préjudice, le juge du fait dispose d’une latitude qui rend son intervention à la fois inéluctable et décisive. L’objectif de cette étude est de présenter l’état de la question et permet de mieux analyser l’office du juge dans le cadre du procès civil et plus particulièrement sur la question de l’appréciation.
« Dans cette immensité d’objets divers, qui composent les matières civiles, et dont le jugement, dans le plus grand nombre des cas, est moins l’application d’un texte précis, que la combinaison de plusieurs textes qui conduisent à la décision bien plus qu’ils ne la renferment, on ne peut pas plus se passer de jurisprudence que de lois »
J.-M. PORTALIS, « Discours préliminaire sur le projet de Code civil présenté le 1er pluviôse an IX », in Le discours et le Code. Portalis, deux siècles après le Code Napoléon, Litec, 2004.
Introduction
À la différence des systèmes de common law, les pays de tradition romano-germanique[1] partagent essentiellement les fondements et surtout les logiques socio-normatives qui sous-tendent le système juridique. En effet, ils partagent, en plus du droit écrit, une conception légicentrique de la normativité. Dans ces systèmes, le juge
n’intervient que sur la base de textes juridiques préétablis, de sorte que même en présence de silence ou d’ambiguïté de la loi, les voies du salut s’offrant à lui sont également minutieusement encadrées. D’ailleurs, Montesquieu dixit à leur propos : Les juges ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui ne peuvent en modérer ni la force, ni la vigueur[2]. Les seules fois où le juge peut se sentir moins contraint de suivre la loi, c’est dans la mise en œuvre du pouvoir souverain d’appréciation dans le cadre du procès civil de façon générale et particulièrement en droit de la responsabilité civile. En effet, dans ladite discipline, l’expression du pouvoir souverain du juge du fond connaît une intensité particulière en ce qu’elle se sent tout au long de la procédure, notamment dans le cadre de l’appréciation des conditions de mise en œuvre de la responsabilité civile.[3] C’est autour de ce pouvoir reconnu au juge des faits ou au juge du fond dans l’appréciation du préjudice que notre réflexion s’articule.
L’appréciation s’entend comme l’action d’apprécier. Étymologiquement, le verbe apprécier est emprunté du latin appretiare – déterminer, évaluer un prix – qui est un dérivé du terme pretium qui signifie le prix. L’appréciation du préjudice, quant à elle, s’entend comme l’activité par laquelle le juge des faits ou du fond essaie de cerner l’étendue des effets du dommage que la victime a subi. Le préjudice, introduit récemment dans le Code civil sous sa forme écologique[4], fait écho aux conséquences du dommage[5]. En droit sénégalais, le législateur, s’inspirant du Code civil français de 1804, opta pour le concept de dommage au détriment de celui du préjudice[6]. En effet, le législateur prévoit à l’article 135 du Code des obligations civiles et commerciales (ci-après COCC) que « l’évaluation du dommage se fait au jour du jugement ou de l’arrêt. » En d’autres, il appartient au juge de procéder à l’évaluation du dommage ou à son appréciation. L’usage du substantif « évaluation » renvoie certainement à l’étymologie du terme ci-dessus exposée, en ce que la réparation du dommage se fait en principe par équivalent par le biais d’une allocation de dommages et intérêts, c’est-à-dire une somme d’argent[7]. Par ailleurs, la distinction entre le préjudice et le dommage n’est pas aisée à établir. Le préjudice consisterait selon les puristes en l’atteinte à un droit résultant d’un déséquilibre constitutif du dommage[8]. En droit sénégalais, le législateur contribue à cette difficulté en définissant le préjudice en référence au dommage : « il est générateur de responsabilité s’il porte atteinte à un droit. »[9] L’appréciation du préjudice constitue foncièrement une tâche relevant du juge du fond[10]. À ce niveau, il faut relever d’avance la subtile distinction entre appréciation des faits et appréciation du préjudice. En réalité, toutes les deux tâches relèvent du pouvoir souverain d’appréciation du juge, mais à des niveaux différents. L’appréciation souveraine d’une notion de fait est une étape conduisant à la qualification, à la caractérisation de l’existence de la responsabilité. Elle est à distinguer de l’appréciation du préjudice. En tout état de cause, il faut admettre une certaine connexité entre les deux, d’où l’affirmation selon laquelle ils relèvent du pouvoir souverain conféré au juge du fait.
L’auteur de ces lignes tient à rappeler d’emblée que le cadre d’étude de ce sujet est doublement limité. Sur le plan du droit matériel, il convient de retenir que l’appréciation du préjudice ne fait pas l’apanage du droit civil. La question n’a pas manqué d’attirer l’attention de la doctrine en droit administratif[11] ou encore en droit pénal[12]. Nous mettrons, pour notre part, un accent particulier sur la responsabilité civile délictuelle. Par ailleurs, il nous semble nécessaire de préciser que le champ d’étude sera aussi limité au droit sénégalais en référence au droit français, eu égard aux liens étroits que ces deux ordres juridiques entretiennent. Sous ce rapport, l’appréciation du préjudice doit-elle rester entre les mains des juges du fait ? L’analyse de cette problématique telle que posée peut aboutir à des orientations multiples. Cependant, il nous faut rappeler que les préjudices, bien que multiples dans leur nature, ne doivent pas monopoliser l’attention. Il est fait usage de la notion dans sa forme générique, ce qui nous amène à aborder la question sous l’angle de la responsabilité civile, droit commun de la réparation des préjudices.
La responsabilité civile délictuelle présente une ambivalence lorsqu’il s’agit de la représenter. En plus de sa dimension substantielle[13], elle est assortie d’un droit processuel insuffisamment mis en exergue. Le mérite d’un tel sujet d’étude est de permettre une mise en lumière de cet aspect, en l’occurrence à travers l’intervention du juge. Car faut-il le reconnaître, un droit substantiel serait dénué de tout intérêt sans droit processuel. La pertinence de ce sujet peut être aussi mesurée à l’aune du principe de la réparation intégrale du dommage[14]. Le juge du fond étant censé réparer le dommage, tout le dommage et rien que le dommage[15], l’atteinte d’un tel résultat postule une correcte appréciation de l’existence du préjudice et de son étendue. Dès lors, la recherche des fondements juridiques de l’intervention du juge est inéluctable[16] pour une étude digeste d’une telle thématique. En Afrique comme en Occident, la fonction de juger a des origines divines, incarnées en premier lieu dans la royauté, que l’on retrouvait dans la personne du roi, un législateur et un arbitre[17]. La dépersonnalisation du pouvoir et l’arrivée des religions monothéistes révélées ont fortement contribué à une séparation – nette au début, mais souple par la suite[18] – de la gestion des affaires de la cité et des affaires religieuses[19]. Autre précision, l’expression du pouvoir d’appréciation du préjudice, placée sous le prisme de l’office du juge, connaît moins bonne fortune depuis que la doctrine française et sénégalaise a commencé à poser ses lorgnettes sur les préceptes de la common law notamment avec la théorie de l’analyse économique du droit[20] et de l’obligation de minimiser le dommage[21]. Si le pouvoir souverain a conduit au foisonnement des préjudices réparables, il faut éviter que les contingences relatives à ces limites ne départissent le juge du fond de son outil de travail principal. Il faut dire que trouver un équilibre entre ces différentes préoccupations n’est pas chose aisée, surtout dans le présent contexte où le juge semble se muer en législateur[22]. Les pouvoirs du juge du fond ont considérablement augmenté au regard de la complexité des rapports humains[23], mais particulièrement de son rôle fondamental dans l’adaptation des textes juridiques souvent laissés en rade par un développement socio-économique et technologique exponentiel. À l’ère du numérisme juridique[24], du transhumanisme et du néo-droit, il est plus que vital pour la sécurité juridique et judiciaire que le juge soit debout telle une sentinelle contre l’inadaptation du droit écrit caractérisé par son intangibilité. Dans ce monde nouveau où « la formule dangereuse n’est plus « magister dixit » mais « roboticus dixit »[25] », il est plus qu’important de repenser l’appréciation du préjudice.
Au risque d’aborder le sujet à travers une approche euclidienne, notre démarche se veut analytique, car permettant une appréhension plus pragmatique de la problématique dégagée. C’est dans cet ordre d’idées qu’il convient d’affirmer, compte tenu de notre tradition juridique romano-germanique, que l’appréciation du préjudice est un pouvoir souverain du juge des faits (I). Mais un pouvoir dont le caractère souverain s’effiloche de fil en aigüe (II).
I. L’appréciation du préjudice, un pouvoir souverain du juge des faits
Il faut admettre qu’une analyse du droit existant rend compte de ce que le juge est au cœur du processus aboutissant à la réparation des préjudices. Cela se justifie parce que la responsabilité civile a une dimension procédurale non négligeable. À ce niveau, le législateur dans les pays de tradition juridique romano-germanique consacre le pouvoir d’appréciation souverain (A). Bien que ce pouvoir soit consacré, il n’en demeure pas moins éprouvé (B).
A. Un pouvoir souverain consacré
L’intervention souveraine du juge dans l’appréciation du préjudice est fondée par une tradition systémique que les pays de tradition juridique romano-germanique et dont le droit commun de la responsabilité civile se fait l’écho (1). Il est également confirmé par une jurisprudence assez constante de la Cour suprême du Sénégal (2).
1- Une consécration positive inféodée au système juridique
En droit romain, le procès était composé de deux phases : la phase in jure se déroule devant un magistrat titulaire de l’imperium, le pouvoir de donner des ordres, qui remplace les pontifes dans leur rôle de distributeur d’actions[26], et la phase in juridicio[27]. Aujourd’hui, la configuration systémique de la justice n’opère plus de la même façon. En effet, les juges du fond sont aujourd’hui communément appelés juges des faits en référence à leur rôle fondamental dans la qualification des faits[28]. Pour autant, il faut noter que si le juge dispose d’un pouvoir, c’est parce que le paradigme nodal fondant ce pouvoir se trouve dans le légicentrisme[29]. En effet, comme le souligne un auteur, la fonction de juger, elle-même, découle de la loi[30]. Ainsi, marqué, dans le cadre de l’appréciation du préjudice, il semble que le juge des faits n’échappe pas à cette logique instituée par la loi. En effet, il appert de la lecture de l’article 135 COCC que l’évaluation du dommage se fait au jour du jugement ou de l’arrêt. Cette disposition emporte implicitement une consécration du pouvoir souverain du juge dans l’appréciation du préjudice en vue de sa réparation. Cette disposition nécessite deux précisions majeures quant à son exégèse. D’une part, il faut relever que le législateur utilise le terme dommage en lieu et place de préjudice. En cela, s’il faut admettre l’existence d’une synonymie posée à l’article 124 COCC dans la définition même du dommage, il convient de marquer une forme de démarcation d’avec cette conception dans la mesure où techniquement, c’est l’évaluation du préjudice qui devrait être fixée pour le jour du jugement, le dommage n’étant qu’une réalité matérielle[31]. Cette perspective nous semble plus cohérente au regard de l’utilité de l’évaluation pour la prise en compte des intérêts en jeu[32]. D’autre part, l’appréciation du préjudice est une question foncièrement subjective mettant le juge au premier plan, d’où la précision faite au niveau de l’article 135 COCC avec une tournure syntaxique élusive, omettant de faire la précision sur la personne chargée de l’évaluation du préjudice. Même si de jure, il s’agit du juge des faits. Pour s’en convaincre, l’on peut relever que la disposition ipse mentionne « … le jour du jugement ou de l’arrêt ». Cette précision nous paraît importante, même si elle peut paraître relever de l’évidence. En effet, cela permet de se rendre compte de ce que l’évaluation du préjudice est du ressort des juges de faits. En droit français, si l’on peut regretter que le Code civil ne contienne pas de disposition aussi éloquente, il n’en demeure pas moins que la même logique est observée dans la pratique[33]. La différence étant justifiée puisque le COCC est élaboré non seulement à partir du texte originel du Code civil, mais aussi des évolutions jurisprudentielles en la matière[34].
La consécration de ce pouvoir souverain peut indirectement être justifiée par le détour de la procédure civile. En effet, les juges du fait sont investis de la juridictio en tant que pouvoir de dire le droit et dans ce sens, leur pouvoir consacré dans les textes y relatifs leur donne un fondement juridique, au-delà de la simple légitimité tirée de leur appartenance au pouvoir judiciaire, de déterminer l’étendue du préjudice subi par la victime d’un dommage, tenant compte de ses manifestations. Cela répond de l’ordre juridique dans les États de droit. C’est fort de cela que lorsque l’appréciation du préjudice nécessite quelques fois l’appui des experts, il n’est permis au juge d’y recourir que pour ce qui est des questions techniques, selon l’article 156 du Code de procédure civile. Dans cette disposition, il est prévu que la mission de l’expert est précisée de manière explicite et celle-ci ne peut porter que sur des questions purement techniques. Par conséquent, le juge des faits ne délègue point le pouvoir d’appréciation, car même ayant recours à une expertise, celle-ci ne sera que d’un appui technique. D’où le caractère subjectif du pouvoir d’appréciation souverain.
2- Un pouvoir souverain jurisprudentiellement affirmé
Le pouvoir conféré au juge dans l’appréciation du préjudice n’a pas seulement été consacré dans le cadre du droit positif, il est également confirmé par une pratique judiciaire qui est adossée à des grands principes de droit processuel. En effet, il est devenu usuel de constater dans les décisions de justice l’emploi de la locution « pouvoir souverain du juge »[35].
Il est de jurisprudence constante que l’appréciation du préjudice relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges. Au Sénégal, à titre d’illustration, la Cour suprême a confirmé un arrêt de la cour d’appel dans lequel ladite cour a porté le montant des dommages et intérêts accordé à un employé de trois millions (3.000.000 FCFA) fixé par le juge de première instance à dix millions (10.000.000 FCFA bien que l’employé ait été licencié pour malversation et escroquerie. Dans ses motivations, la Cour suprême affirme que « faisant usage de son pouvoir souverain d’appréciation du montant des dommages et intérêts, [la Cour d’appel] n’encourt pas le reproche allégué au moyen »[36]. Dans une autre affaire très récente, la Haute juridiction a pu retenir que « Attendu que, sous le couvert d’une violation de la loi, le moyen ne tend qu’à remettre en cause les appréciations souveraines des juges du fond sur les éléments de faits et de preuve soumis à leur examen ; D’où il suit qu’il est irrecevable »[37].
Ainsi, l’appréciation du préjudice par une intervention souveraine constitue un fondement essentiel du système juridique dans de nombreux pays de tradition à travers le monde. Cette pratique est souvent encadrée par des lois, des codes et des principes juridiques qui confèrent aux autorités judiciaires le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour évaluer les dommages subis et accorder des compensations appropriées. La mise à contribution de ce pouvoir du juge des faits est considérée comme un principe fondamental pour garantir une équité dans la réparation des préjudices. C’est dans cette optique que le législateur sénégalais marque au terme de l’article 134 alinéa 1 du COCC que la réparation du préjudice, finalité de l’appréciation du préjudice, doit être faite de sorte que les dommages et intérêts soient pour la victime la réparation intégrale. Techniquement, le juge des faits tient compte de divers facteurs en fonction de la nature du dommage[38]. Le rôle du juge nécessite alors une forte autonomie dans le cadre de la recherche des éléments permettant une identification correcte et fiable de l’étendue du préjudice. Il ne s’agit plus en réalité de vérifier si les conditions pour retenir la responsabilité sont établies. C’est dans cette optique qu’il est d’ailleurs permis au juge des faits de recourir à toutes mesures qu’il juge utiles[39].
En outre, il faut relever que l’appréciation souveraine du préjudice est inféodée au caractère normatif de la responsabilité civile. En effet, c’est sous ce paradigme que l’expression du caractère souverain de l’appréciation a connu ses lettres de noblesse. La dimension normative de la responsabilité civile ne faisait dépendre le sort de l’auteur du fait dommageable que du juge des faits. Ainsi, ce dernier, procédant à une appréciation des faits, à leur qualification et à la détermination, est mieux placé pour procéder à l’appréciation en même temps du préjudice subi par la victime en vue de sa réparation. Cette intervention souveraine sera éprouvée par l’apparition de nouveaux paradigmes et de nouvelles pratiques[40].
B. Une pouvoir souverain éprouvé
Au-delà de sa consécration et de son affirmation jurisprudentielle, le pouvoir souverain d’appréciation entre les mains du juge des faits est éprouvé par une érosion progressive due à l’apparition de paradigmes nouveaux liées aux transformations sociales (1), mais également par un contrôle juridictionnel (2) de plus en plus fréquent.
1- Une érosion progressive du pouvoir souverain du juge des faits.
L’érosion du pouvoir d’appréciation souveraine du juge des faits trouve ses racines dans les transformations socio-économiques profondes initiées par l’industrialisation au début du XIXe siècle. L’essor du capitalisme et le développement du machinisme ont engendré une multiplication des risques et une augmentation exponentielle des dommages, créant un déséquilibre manifeste entre les mécanismes traditionnels de réparation des préjudices, jusqu’alors ancrés dans une philosophie normative rigide, et la réalité des nouveaux types de dommages subis. Cette asynchronie a mis en lumière les limites d’une approche purement légaliste face à la complexité croissante des situations factuelles.
L’appréciation du préjudice dans le cadre d’une intervention souveraine, exercée par le juge des faits, repose sur une pratique réelle qui, bien que discutée, demeure un pilier central du système judiciaire dans de nombreuses juridictions. Cette pratique implique que le pouvoir discrétionnaire de déterminer les dommages subis et les compensations à accorder soit confié à l’autorité judiciaire, plutôt qu’à des règles strictes ou des barèmes prédéfinis[41]. Cette approche repose sur la conviction que chaque litige est unique et nécessite une évaluation individualisée, tenant compte des circonstances spécifiques et des preuves présentées. Le juge des faits est donc investi d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour apprécier le préjudice et rendre une décision juste et équitable, en fonction des faits et des principes de droit applicables. Bien que cette pratique puisse être remise en question en raison de son caractère subjectif et de la possibilité de divergences d’interprétation entre les juges, elle reste essentielle pour garantir une justice adaptée, une réparation personnalisée. En effet, elle permet une flexibilité et une adaptation aux situations particulières, ce qui est souvent nécessaire pour assurer une juste réparation des préjudices subis par les parties.
2- Un pouvoir souverain à l’épreuve du contrôle juridictionnel
Nonobstant la nécessité qu’elle représente, l’appréciation souveraine est placée sous le contrôle du juge de droit[42]. Le contrôle du pouvoir souverain d’appréciation se fait à deux niveaux. D’une part, en partant du principe du double degré de juridiction[43], il y a un contrôle entre juges des faits. En effet, certains juges du fond, à savoir ceux des juridictions de droit commun, constituent un premier rempart contre les dérives auxquelles le pouvoir discrétionnaire accordé aux juges des faits peut conduire[44]. Conformément à la loi sénégalaise relative à l’organisation judiciaire, la Cour d’appel constitue la juridiction de droit commun compétente en dernier ressort[45]. Elle exerce un pouvoir d’évocation sur les décisions rendues et ayant fait l’objet d’appel. Ainsi, le pouvoir d’évocation lui permet, dans une certaine mesure, de se prononcer en fait et en droit sur l’affaire dont elle est saisie. D’autre part, il faut rappeler que le pouvoir d’évocation jadis reconnu au juge du fond statuant en appel va être consacré au profit de la juridiction de cassation[46]. On peut déduire de la lecture de l’article 53 de la loi organique n°2017/09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême du Sénégal en ses alinéas 3 et 4 que le législateur a consacré un pouvoir d’évocation prévoyant la possibilité pour la haute cour de mettre fin au litige, soit en cassant sans renvoi et appliquant la règle de droit appropriée lorsque les faits souverainement appréciés le lui permettent. Il faut noter par ailleurs que le juge de droit procède à un contrôle, notamment sur l’appréciation de l’étendue du préjudice. Nous pouvons relever plusieurs décisions dans lesquelles le juge de cassation, sans pour autant remettre en cause la qualification des faits, censure la réparation allouée par le juge du fond[47]. Le contrôle effectué par le juge de cassation peut par contre ne pas présenter une certaine sécurité judiciaire en ce que tantôt, il reconnaît le pouvoir souverain du juge d’appel dans l’appréciation du préjudice, tantôt il s’en remet au juge de première instance[48]. En atteste une affaire dans laquelle le juge de cassation censure le juge d’appel qui a revu à la baisse le montant des dommages et intérêts réclamés, considérant qu’il était exagéré en se fondant sur la catégorie socio-professionnelle du demandeur et son ancienneté[49].
Il faut considérer que le contrôle effectué sur l’appréciation du préjudice par le juge des faits essuie les tares de la justice moderne. Institué à partir du principe du double degré de juridiction, ce contrôle qui est endogène avant d’être le fait du juge de cassation, semble ne pas offrir suffisamment de garantie contre les risques d’arbitraires et renforce la tendance vers une « désouverainisation » du pouvoir souverain d’appréciation du préjudice reconnu au juge des faits.
II. L’appréciation du préjudice, vers une « désouverainisation » du pouvoir du juge des faits
Le concept de désouverainisation est apparu pour la première fois dans un article publié au journal Le Monde Diplomatique[50]. Ce terme désigne la perte de la souveraineté. Nous considérons que l’évolution socio-technologique, sur fond de globalisation[51], contribue à un effritement de la souveraineté du juge des faits dans l’appréciation du préjudice[52]. Ainsi, cette désouverainisation en perpétuelle évolution peut être rattachée, d’une part, au dirigisme économique dans ses répercussions juridiques (A) et, d’autre part, à une montée en puissance du numérisme juridique (B).
A. Une « désouverainisation » au gré du dirigisme juridique
La désouverainisation appréhendée sous le prisme du dirigisme juridique[53] s’analyse d’abord à travers l’objectivation de la responsabilité civile (1) qui entraîne une réduction du pouvoir d’appréciation, notamment lorsqu’il s’agit de caractériser les conditions de sa mise en œuvre[54]. Cette situation ne manque également pas d’entraîner des conséquences pour ce qui est de l’indemnisation des victimes (2).
1- La désouverainisation par l’objectivation de la responsabilité civile
L’appréciation du préjudice dans le contexte du dirigisme juridique peut conduire à une forme de « désouverainisation », où le pouvoir de déterminer les dommages subis et les compensations à accorder est progressivement transféré des individus et des institutions traditionnelles vers une autorité centrale ou un organe étatique. Le dirigisme est indissociable de la montée en puissance de l’industrialisation et du capitalisme dans les sociétés occidentales[55]. Le développement du machinisme contribue à créer un cadre favorable à la désouverainisation du juge des faits. Celle-ci s’opère d’abord sur le plan de l’appréciation des conditions de la responsabilité civile[56]. En d’autres, c’est déjà par le fait d’une objectivation de la responsabilité délictuelle que s’annonce le processus de désouverainisation. Comme rappelé tantôt, l’accroissement du nombre de victimes de dommage contrastait avec les réparations prononcées tant il était difficile, voire utopique, d’établir les conditions classiques de mise en œuvre[57]. Dans une telle dynamique, l’objectivation de la responsabilité avec l’accession du risque à la dignité de fondement de la responsabilité délictuelle a eu pour effet d’amenuiser le pouvoir souverain caractéristique de l’office du juge des faits. Mieux encore, ce mouvement d’objectivation, par son effet pivotal, va être accompagné d’un vaste mouvement de régulation qui accentue la désouverainisation du juge des faits de son pouvoir d’appréciation du préjudice. La consécration de diverses méthodes de réparation[58] en atteste la teneur.
L’on peut relever en matière d’assurance l’existence d’une barémisation constituant un atermoiement au pouvoir souverain du juge des faits dans l’appréciation des postes de préjudices réparables[59]. En effet, le barème CIMA ou les barèmes CIMA devrait-on dire, indique au juge la solution « prêt-à-porter » à appliquer, lui laissant peu ou prou la faculté d’apprécier souverainement le préjudice. Il existe en droit CIMA trois barèmes ou méthodes d’appréciation du préjudice. Le premier est relatif à la répartition de la responsabilité entre les parties. On parle de barème de responsabilité[60]. Le deuxième est un barème de capitalisation des rentes[61] et le troisième barème est celui du barème fonctionnel indicatif des incapacités en droit commun[62]. La barémisation a été considérée comme un paradoxe[63] dans la mesure où comme une simple technique n’ayant pas pour but de s’imposer au juge, mais de l’aider dans son œuvre[64]. Comme le rappelle un auteur, « dans un contexte africain fait de rareté des ressources financières, établir un barème et déterminer les dommages réparables est de nature à prédéterminer le montant des sommes à allouer aux victimes[65] … ».
2- Les conséquences de la désouverainisation du juge sur l’indemnisation des victimes
La désouverainisation progressive avec le système de barémisation se caractérise par une forte intervention de l’État dans la régulation des indemnisations octroyées aux victimes, réduisant le champ des possibilités jadis laissé aux juges des faits. Ce dernier est désormais tenu de se conformer à un barème ou à une nomenclature[66] qui le lie. Dans ce cadre, l’État peut exercer un contrôle étroit sur le processus d’appréciation du préjudice, en édictant des règles strictes, des normes de responsabilité et des barèmes de dommages-intérêts[67]. On peut ainsi relever au Sénégal, l’existence d’un Fonds de Garantie des Automobiles, qui est une société anonyme à participation publique majoritaire dont la mission fondamentale est de prendre en charge l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation à chaque fois que l’auteur n’est pas assuré ou est inconnu[68].
Cette approche visant à dépouiller le juge des faits de son fer de lance peut être justifiée par la volonté de promouvoir la cohérence et la prévisibilité dans le traitement des litiges, ainsi que de protéger les intérêts des parties vulnérables[69]. Cependant, elle soulève également des préoccupations concernant la perte d’autonomie et de flexibilité dans l’appréciation des dommages, ainsi que sur les chances des victimes d’obtenir une réparation adéquate pour les préjudices qu’elles ont subis. En effet, dans un système dans lequel les barèmes de dommages-intérêts sont rigides et préétablis, il existe un risque que les victimes ne soient pas pleinement indemnisées pour les dommages réels qu’elles ont subis. De plus, cela peut limiter la capacité des juges à tenir compte de circonstances particulières et à rendre des décisions individualisées, basées sur une appréciation fine des faits et des preuves présentées. En tout état de cause, sous le prisme du dirigisme économique, la désouverainisation ne fait l’objet d’aucun doute en ce qu’elle suit la logique d’objectivation de la responsabilité délictuelle amorcée pour une meilleure prise en charge de la victime. Cela peut potentiellement compromettre l’impartialité et l’objectivité du processus d’appréciation du préjudice, en le soumettant à des considérations politiques ou économiques. Outre ce facteur non moins important, l’on ne peut pas ne pas aborder le numérisme juridique.
B. Une « désouverainisation » au gré du numérisme juridique
La désouverainisation au gré du numérisme juridique peut être constatée avec le recours aux ressources technologiques dans l’acte de juger de plus en plus plébiscité (2). Et cela dénote l’émergence du numérisme juridique (1) aux implications certaines sur le pouvoir d’appréciation souverain du juge.
1- L’émergence du numérisme juridique et ses implications sur le pouvoir d’appréciation souverain du juge
L’appréciation du préjudice dans le contexte du numérisme juridique semble devenir de plus en plus complexe et nuancée, conduisant potentiellement à une forme de « désouverainisation » où le pouvoir d’appréciation et de décision traditionnellement détenu par les humains est en partie transféré aux outils numériques et algorithmiques. Le numérisme juridique peut être considéré comme le développement important du numérique au point d’être considéré comme une force créatrice, un paradigme aux côtés du positivisme et du jusnaturalisme[70]. En effet, dans les sociétés 2.0, l’on ne peut occulter les implications que le numérique dans son sens générique peut avoir sur la fonction de juger[71]. En Afrique, où le numérique, bien que présent, tarde à faire l’objet d’une implémentation optimale dans les systèmes judiciaires[72], il peut paraître prétentieux de parler de désouverainisation au gré du numérisme juridique. Pour autant, l’hypothèse n’est pas totalement dénuée de sens[73]. En effet, face aux vents favorables qui soufflent et à une volonté affirmée des autorités étatiques de moderniser la justice[74], l’on peut, sans être devin, s’attendre à une implémentation de solutions numériques pour l’aide à la décision, comme le rappelle une voix autorisée[75], eu égard aux développements et progrès importants réalisés dans le domaine. La création d’une direction de la dématérialisation et de l’automatisation des services judiciaires au sein du ministère de la Justice confirme cette volonté de l’État d’assurer une prise en compte des ressources numériques dans le secteur judiciaire[76]. S’il est presque impossible d’envisager une administration de la justice capable de répondre aux défis posés par la société de l’information sans une modernisation axée sur des politiques de dématérialisation et d’automatisation des services, il ne faut pas perdre de vue que dans son office, le juge ne doit, sur le principe de l’impartialité, subir aucune forme d’influence. D’où la nécessité d’ailleurs d’aborder la question de la justice prédictive comme facteur de désouverainisation du pouvoir du juge.
2- La justice prédictive et la désouverainisation du pouvoir du juge
Aborder la désouverainisation sous le prisme de la justice prédictive permet d’appréhender qu’un effritement progressif du pouvoir d’appréciation du préjudice s’opère à plusieurs niveaux. En ce qui nous concerne, le recours aux logiciels prédictifs peut constituer dans une certaine mesure un facteur clé pour la désouverainisation. En effet, la justice prédictive désigne une méthode de résolution judiciaire des contentieux qui s’appuie sur le traitement de masse de données jurisprudentielles par des algorithmes[77]. Cette méthode, déjà en mise en œuvre aux États-Unis[78] et en Europe, renvoie en d’autres termes à une « une justice prédite par des algorithmes » qui effectuent des calculs à partir de grandes masses de données (big data) ouvertes (open data) afin de repérer des récurrences à des fins de prédictions[79] ». Si des craintes sont formulées çà et là à propos de l’implémentation d’une justice algorithmique[80], le bilan coût-avantage semble y être favorable[81], nonobstant les mises en garde compte tenu de l’état de nos politiques publiques dans le secteur judiciaire[82]. Dans cette configuration, le rôle du juge sera beaucoup moins important au regard des capacités exceptionnelles des algorithmes en termes de traitement de données. La désouverainisation serait donc le résultat d’une telle implémentation destinée à assurer une meilleure prévisibilité des décisions, mais aussi un sentiment de justice auprès des usagers[83]. Avec sa capacité à traiter des big data et d’en fournir une présentation logique et cohérente ainsi que les occurrences de similarités des jurisprudences étudiées et le cas soumis au juge, il est vrai que le recours à une telle méthode devient fort intéressant surtout dans des domaines où la pratique peut varier d’une juridiction à une autre, en fonction des cultures et autres aspects. Ces technologies peuvent être utilisées pour analyser des volumes de données plus importants et identifier des schémas et des tendances qui pourraient échapper à l’observation humaine[84]. Elles peuvent également contribuer à l’automatisation de certaines tâches juridiques, ce qui peut accélérer le processus d’évaluation des préjudices. Les avantages en termes de rapidité dans le traitement des contentieux, de capacité d’analyse des documents usités et surtout d’évitement de minimisation des probabilités d’anachronisme dans les décisions rendues font que le recours à la justice prédictive fascine autant qu’elle effraie[85]. Pour notre part, la désouverainisation du juge dans le cadre de l’appréciation du préjudice semble s’inscrire dans la logique de la recherche d’une justice toujours plus performante. La désétatisation de la responsabilité civile conjuguée à une montée en puissance du numérisme juridique incline manifestement au constat d’un éventuel effritement du pouvoir souverain du juge des faits dans le cadre de son office[86].
Cependant, malgré les avantages potentiels qu’offre le numérisme juridique en matière d’efficacité et de précision, il soulève également des questions importantes en matière de responsabilité, de transparence et de justice. Par exemple, dans quelle mesure les décisions prises par des algorithmes sont-elles équitables et impartiales ? Qui est responsable en cas d’erreur ou d’injustice découlant d’une décision automatisée ? De plus, le recours croissant au numérisme juridique peut potentiellement affaiblir le rôle des acteurs humains dans le processus d’appréciation du préjudice. Les juges et les avocats pourraient se retrouver dans une position où ils doivent dépendre largement des résultats produits par des algorithmes et des systèmes automatisés pour prendre des décisions, ce qui réduirait leur marge de manœuvre et leur pouvoir discrétionnaire.
En fin de compte, l’impact du numérisme juridique sur l’appréciation du préjudice dépendra largement de la manière dont ces technologies sont utilisées et réglementées. Il est essentiel de trouver un équilibre entre l’innovation technologique et la protection des droits fondamentaux, afin de garantir que le processus d’appréciation du préjudice reste équitable, transparent et conforme aux principes de justice.
Si l’appréciation du préjudice reste la chasse-gardée des juges du fait en corrélation avec leur pouvoir souverain d’appréciation, il n’en demeure pas moins que les marqueurs d’une évolution, voire d’une pratique disruptive, sont déjà décelables. Ainsi, il peut paraître prétention d’essayer de répondre de façon nette à la question, mais l’on peut affirmer d’ores et déjà que les tendances actuelles avec la montée en puissance du numérisme juridique dont l’expression ne peut encore être circonscrit, inclinent à constater l’effilochement de ce pouvoir d’appréciation tant cher aux juges du fond. Une voix autorisée affirme à juste titre que « … qu’il ne peut être question de désinventer le numérique[87], il faut apprendre à vivre avec lui et mieux, de saisir les opportunités qu’il nous offre et qui sont loin d’être négligeables. »[88]
[1] T. RAMBAUD, « Chapitre I – La tradition romano-germanique », in Introduction au droit comparé. Les grandes traditions juridiques dans le monde, Presses universitaires de France, 2017, pp. 65-116 ; B. OPPETIT, « Titre III – Droit émietté et droit réunifié », in Droit et modernité. Presses universitaires de France, 1998, pp. 73-92. S. MANCUSO, « L’Afrique, ses constitutions et le droit comparé », in The Cardozo Electronic Law. Bulletin, Vol. 24(2) – Fall 2018, p. n° 3 « L’hypothèse était que les nouveaux développements du continent africain n’avaient pas comme conséquence de rejeter les modèles occidentaux, plutôt que leur expansion plus forte, car ils restaient l’épine dorsale des systèmes juridiques africains. Par conséquent, la caractéristique la plus distinctive du droit africain a été reléguée dans une position marginale, et le comparatiste a continué à considérer les systèmes juridiques africains comme des expressions de familles juridiques “vivantes” ailleurs. »
[2] MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, éd. Laurent Versini, Paris, Éditions Gallimard, 1995.
[3] V. J. M. PORTALIS, « Discours préliminaire sur le projet de Code civil présenté le 1er pluviôse an IX », in Le discours et le Code. Portalis, deux siècles après le Code Napoléon, Litec, 2004, p. 23.
[4] V. article 1246 et suivants ;
[5] S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), Lexique des Termes Juridiques, Dalloz Lefebvre 2023-204, 31ième éd., 2024, préjudice ; v. aussi L. CADIET, Le préjudice d’agrément, thèse Poitiers, 1983, n° 288 s. ; n° 323 s. ; S. ROUXEL, Recherche sur la distinction du dommage et du préjudice, thèse Grenoble, 1994, p. 4 s. Adde, H. et L. MAZEAUD, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile, t. 1, 4ième éd., 1947, n° 208 ; R. RODIERE, JCP 1953. II. 7592, note sous Civ. 1er, 21 oct. 1952.
[6] V. K. I. AGBAM, Le contrat face à l’imprévision dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne : essai d’une analyse normative socio-économique à la lumière des droits français et québécois, thèse de doctorat, Université Laval & Nantes Université, soutenue le 15 décembre 2023, p. 329 et s ; F. B. DIA, « L’unité des responsabilités contractuelle et délictuelle : état de la question », in I.-Y. NDIAYE, J. L. CORREA, A.-A. DIOUF (dir.), Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal (C.O.C.C.) : cinquante ans après, L’Harmattan-Sénégal, 2018, vol. 1, pp. 179-205 ; A.-A. DIOUF, « L’article 142 du Code des obligations civiles et commerciales et l’existence d’un principe général de responsabilité du fait d’autrui en droit positif sénégalais », in N. DIOUF, M. B. NIANG, A.-A. DIOUF (dir)., Le droit africain à la quête de son identité, Mélanges offertes au Professeur Isaac Yankhoba Ndiaye, L’Harmattan-Sénégal, 2021, p. 388 ; J.J.-L. CORREA, « Épistémologie des catégories contractuelles du Code des Obligations civiles et commerciales (COCC) », in N. DIOUF, M. B. NIANG, A.-A. DIOUF (dir)., Le droit africain à la quête de son identité, Mélanges offertes au Professeur Isaac Yankhoba Ndiaye, L’Harmattan-Sénégal, 2021, pp. 240 ; Du même auteur, « L’écriture du droit des obligations au Sénégal, Discours de la méthode pour une réforme du droit des obligations au Sénégal », Wolters Kluwer, Actualités du droit, 18 juillet 2017, consulté le 09/06/2023 https://www.actualitesdudroit.fr/browse/afrique/droits-nationaux/8166/l-ecriture-du-droit-des-obligations-au-senegal . Pour une épistémologie du droit, voir, Ch. ATIAS, Épistémologie juridique, Paris, PUF, 1985, n° 21, p. 46 ; A. TUNC, « La responsabilité civile dans trois récentes codifications africaines », In, Revue internationale de droit comparé, Vol. 19 N°4, octobre-décembre 1967, pp. 927-932. Voir aussi R. DECOTTIGNIES, « Réflexions sur le projet de code sénégalais des obligations », Annales Africaines, 1962, p. 171 et s. ; J. CHABAS, « Réflexions sur l’évolution du droit sénégalais », Études juridiques offertes à Léon Julliot de La Morandière, 1964, p. 127 et s. ; E. A. FARNSWORTH, « Le nouveau Code des obligations au Sénégal », Annalesafricaines, 1963, p. 73 et s. I. DIATTA, L’avant-contrat en droit sénégalais, thèse de doctorat, Université Cheikh Anta DIOP de Dakar, soutenue le 13 mai 2023, p. 6 : « Les exemples, de ce qui est parfois qualifiée de mimétisme juridique, peuvent être cités à outrance. Le droit français n’est toutefois pas le seul à voir servir de source d’inspiration, les codes civils italien et marocains de même que le code civil éthiopien ont également aidé à élaborer le COCC ».
[7] Somme d’argent destinée à réparer le dommage subi par une personne en raison de l’inexécution, de l’exécution tardive, ou de l’exécution défectueuse d’une obligation ou d’un devoir juridique par le cocontractant ou un tiers ; on parle alors de dommages et intérêts compensatoires. Lorsque le dommage subi provient du retard dans l’exécution, les dommages et intérêts sont dits moratoires, v. S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), Lexique des Termes Juridiques, Dalloz Lefebvre, 2023-204, 31ième éd., 2024.
[8] Ph. Le TOURNEAU, Ph. Stoffel-Munck, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, 13ième éd. 2023, p. 580, n° 2121.14.
[9] Article 124 COCC.
[10] Civ. 3e, 8 déc. 1981, n°80-13.672, P. III, n° 206 ; Civ. 2e, 8 juill. 1984, n° 85-15.193 ; Cass., ch. Mixte, 6 sept. 2002, n°98-22.981, P n° 4 ; GAJC, 12ième éd., 2008, n° 242 ; D. 2002. 2963, note D. MAZEAUD ; D. 2002. 2531, obs. A. LIENHARD ; RTD civ. 2003. 94. Obs. J. MESTRE et B. FAGES ; RTD com. 2003. 355, obs. B. BOULOC.
[11] F.-P. BENOIT, « Essai sur les conditions de la responsabilité en droit public et privé (problèmes de causalité et d’imputabilité) », JCP 1957. I. 1351.
[12] R. OLLARD, « La distinction du dommage et du préjudice en droit pénal », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, vol. 3, no. 3, 2010, pp. 561-585.
[13] Le droit à réparation, fondement du droit de la responsabilité civile, s’analyse en un droit substantiel.
[14] J. J.-L. CORREA, « La réparation intégrale du dommage dans le Code des obligations civiles et commerciales », in I.-Y. NDIAYE, J.-L. CORREA, A.-A. DIOUF (dir.),Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal (C.O.C.C.) : cinquante ans après, L’Harmattan-Sénégal, 2018, vol. 1, p.
[15] Civ. 2e, 9 nov. 1976, n° 75-11.737 : « Attendu que l’auteur d’un dommage est tenu à la réparation intégrale du préjudice causé, de telle sorte qu’il ne puisse y avoir pour la victime ni perte ni profit » ; v. aussi article 134 Code des obligations civiles et commerciales : « Les dommages et intérêts doivent être fixés de telle sorte qu’ils soient pour la victime la réparation intégrale du préjudice subi ».
[16] Selon ROUSSEAU, « La Société ne consista d’abord qu’en quelques conventions générales que tous les particuliers s’engageoient à observer (…). Il fallut que la Loi fût éludée de mille manières (…) pour qu’on songeât enfin à confier à des particuliers le dangereux dépôt de l’autorité publique, et qu’on commît à des Magistrats le soin de faire observer les délibérations du Peuple ». J.-J. ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité, Paris, Gallimard, 1965, p. 109, cité par R. COLSON, La fonction de juger. Étude historique et positive, coll. Presses universitaires de Clermont, LGDJ, p. 26.
[17] É. Le ROY, « L’évolution de La Justice Traditionnelle Dans l’Afrique Francophone », Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne Des Études Africaines, vol. 9, no. 1, 1975, pp. 75–87 ; J. CHABAS, « La réforme judiciaire et le droit coutumier dans les États africains », Études de droit africain, éd. Cujas, Paris, 1966, p. 267 ; F. K. CAMARA, Pouvoir et justice dans la tradition des peuples noirs, L’Harmattan, 2004, 246 pages.
[18] Il est institutionnellement admis en droit sénégalais dans l’office du juge en matière matrimoniale et successorale, v. É. Le ROY, « L’évolution de La Justice Traditionnelle Dans l’Afrique Francophone », op. cit, p. 77, l’auteur y rappelle que : … le Sénégal a intégré, au niveau de la justice de paix (actuels tribunaux d’instance) les tribunaux musulmans du cadi (fondés sur le décret du 20 novembre 1932) et les tribunaux coutumiers du chef de village ou de canton, en créant soit une Chambre musulmane en premier ressort (Dakar et Saint Louis), soit des postes d’assesseurs coutumiers au niveau de la justice de paix et de la Cour suprême » ; Rapport General Des Assises De La Justice « Réforme et Modernisation de la Justice » ; 28 mai-4 juin 2024 https://droit-et-politique-en-afrique.info/wp-content/uploads/2024/07/RAPPORT-GENERAL-DES-ASSISES-DE-LA-JUSTICE_Juin-2024-Senegal.pdf consulté le 16 août 2024 à 11h. « Le recours au Cadi pour régler les problèmes matrimoniaux et successoraux, en plus de décongestionner le prétoire, participerait, selon des participants, d’une prise de conscience de l’importance des valeurs religieuses et sociales dans la recherche des solutions aux problèmes des citoyens. »,
[19] « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Cette phrase se trouve dans les trois Évangiles synoptiques : Marc 12,17, Matthieu 22,21 et Luc 20,25.
[20] A. STROWEL, « L’analyse économique du droit : Revue de la recherche juridique, Droit prospectif, 1987-2, pp. 409-785 ». Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 1987/2 Volume 19, 1987. p.151-160
[21] P. JOURDAIN, « Vers une sanction de l’obligation de minimiser son dommage ? », RTD Civ. 2012, p. 324.
[22] B. RÜTHERS, Die heimliche Revolution vom Rechtsstaat zum Richterstaat. Verfassung und Methoden. Ein Essay, Tübingen, Mohr Siebeck traduction : La révolution secrète de l’État de droit à l’État de justice. Constitution et méthodes. Un essai), 2014 ; A. BARAK, The Judge in a Democracy, Princeton, Princeton University Press, 2006, p. xviii, p. 3, p. 20, cités par S. CASSESE, « Le pouvoir des juges », in P. DELVOLVE éd., Le pouvoir. Presses Universitaires de France, 2022, p. 325. L’auteur marque : « Le poids des juges est croissant. Au centre de la juridicisation des activités humaines, il y a le pouvoir judiciaire. Dans son livre intitulé La Révolution secrète de l’État de droit à l’État des juges, le juriste allemand Bernd Rüthers a observé que la majeure partie du droit est désormais droit judiciaire et que ce dernier a acquis un rôle de guide. Cette révolution clandestine a transformé le juge en législateur ; le droit judiciaire est devenu source de droit ».
[23] I. SECK, « Des quelques mutations du droit sénégalais des contrats de droit privé », Les annales africaines, Janvier 2020, numéro spécial, p.37 ; Du même auteur, « Réflexions sur le cadre juridique des contrats de situation en droit sénégalais », Annales africaines, p. 2. Pour aller plus loin : É. FOKOU, « La notion d’économie du contrat en droit français et québécois », Revue générale de droit, vol. 46, n° 2 ; 2016, pp. 343–377, M. MEKKI, « Le discours du contrat. Quand dire, ce n’est pas toujours faire », Revue des contrats, 2006, no 2 ; L. CADIET, « Interrogations sur le droit contemporain des contrats », in L. CADIET (dir.), Le Droit contemporain des contrats, Paris, Economica, 1987, p. 33.
[24] M. MEKKI, « Du numérisme juridique à l’humanisme numérique », in Mélanges en l’honneur du doyen Didier Guével. LGDJ, 2021, 486 pages ; M. BOURASSIN, « Le numérique, l’Homme et le droit », Rapport de synthèse du 117eme Congrès des notaires, [Rapport de recherche] Congrès des notaires de France, 2021 ; S. BERNATCHEZ, « Le droit en transition : le droit de la gouvernance et le paradigme cybernétique », in A. BAILLEUX (dir.), Le droit en transition. Les clés juridiques d’une prospérité sans croissance, Bruxelles, Presses de l’Université Saint-Louis, 2020, p. 85-108 ; B. BARRAUD, « L’intelligence de l’intelligence artificielle », in B. BARRAUD. L’intelligence artificielle Dans toutes ses dimensions, L’Harmattan, 2019 ; du même auteur, Humanisme et intelligence artificielle : Théorie des droits de l’homme numérique, Paris, L’Harmattan, 2022, p. 16. « Dès lors, l’humain change de statut : il est de moins en moins sujet et de plus en plus objet. »
[25] Ibidem, p. 16
[26] « La procédure, enfin, est entièrement orale, composée de gestes symboliques et d’affirmations solennelles, fondées sur le droit des Quirites ».
[27] G. BRY, Principes de droit romain, 6ième éd., revue et corrigée par Joseph BRY, tome II, Recueil Sirey, Paris, 1930, p. 1-2. ; M. VILLEY, Le Droit romain, 8ième éd., PUF, coll. « Que sais-je ? », n° 195, Paris, 1987, p. 13.
[28] G. MARTY, La distinction du fait et au droit, essai sur le pouvoir de contrôle de la Cour de cassation sur les juges du fait, Thèse, Toulouse, 1929, p. 363, n° 165.
[29] R. COLSON, La fonction de juger. Étude historique et positive, coll. Presses universitaires de Clermont, LGDJ, 360 pages ;
[30] « Dans les républiques, c’est la loi qui confère elle-même les pouvoirs ; et il n’y a point d’autorité qui puisse détruire son ouvrage (…). » H. De PANSEY, De l’autorité judiciaire en France, Paris, Théophile Barrois, 1827, Tome 1, p. 226.
[31] J.-C. GEMAR, « Contribution d’un jurilinguiste à la distinction entre préjudice et dommage », Revue du Barreau canadien, n° 95-3, 2017, p. 735 ; A. REY (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, 4ième éd., Paris, Dictionnaires le Robert, 2016, sub verbo « dam », p 625 ; M. MEKKI, « La place du préjudice en droit de la responsabilité civile : Rapport de synthèse », La notion de préjudice, Journées franco-japonaises, coll « Travaux Henri Capitant », Tokyo, juillet 2009.
[32] P. GERARD, F. st et M. VAN DE KERCHOVE (dir.), Droit et intérêt, vol. 2, « Entre droit et non-droit : l’intérêt. Essai sur les fonctions qu’exerce la notion d’intérêt en droit privé », op. cit., p. 55 : « Voilà donc relancé le travail du juriste positiviste qui, arrivé aux confins de la juridicité – en cette zone d’échange (qu’il se représente comme un abîme) du fait et du droit, ou, plus exactement, de l’infra-droit et du droit – part désespérément en quête d’un critère normatif formel qui devrait, pense-t-il, lui garantir quelques sécurités en assurant la clôture de son système de référence », cité par M. LACROIX, « La notion d’intérêts protégés en droit québécois », in A. MAZOUZ, E. ARDOUNIS et A. QUERY (dir.), Les évolutions contemporaines du préjudice, L’Harmattan, 2019, p. 119.
[33] La Cour de cassation française a affirmé que l’appréciation des juges du fond pour évaluer le dommage est souveraine. V. Cass. civ., 16 mai 1922 : S. 1922, 1, p. 358 ; Cass. req., 25 juin 1928 : S. 1928, 1, p. 351 ; Cass. 2e civ., 23 nov. 1955 : D. 1956, Somm., p. 76 ; Cass. 2e civ., 16 oct. 1963 : Bull. civ. II, n° 628 ; Cass. 2e civ., 10 juin 1964 : Bull. civ. II, n° 459 ; Cass. com., 22 févr. 1967 : Bull. civ. III n° 86 ; Cass. 1re civ., 16 juill. 1991 : Bull. civ. I, n° 249 ; JCP 1992, I 3572, obs. Viney G. ; Cass. 2e civ., 20 janv. 1993 : JCP G 1993, IV 739 ; Cass. 1re civ., 20 févr. 1996 : D. 1996, p. 511, Edelman B. ; Cass. ch. mixte, 6 sept. 2002, n° 98-14397 : JCP G 2002, II 10, 173 ; S. REIFEGERSTE, D. 2002, p. 2963, D. MAZEAUD ; Defrénois 2002, n° 24/02, art. 37644, p. 1608 et s., obs. É. SAVAUX ; CCE 2002, comm. 151, Raymond G. – Et déjà en ce sens : Cass. 2e civ., 11 déc. 1957 : Bull. civ. II, n° 768 Cass. 2e civ., 18 avr. 1969 : Bull. civ. II, n° 111
[34] M. B. NIANG, « Préface », in, I.-Y. NDIAYE, J.-L. CORREA, A.-A. DIOUF (dir.), Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal (C.O.C.C.) : cinquante ans après, L’Harmattan-Sénégal, 2018, vol. 1, p. 10.
[35] F. MALHIERE, « L’autorité du juge à l’épreuve (du refus) de son pouvoir d’interprétation », Les Cahiers de la Justice, 2020/4 N° 4, 2020. p.633-646
[36] Sénégal, Cour suprême, Ch. Soc., Arrêt n° 04 du 12 janvier 2022, MYANE OPTIQUE SARL c/ Ae B : « Attendu qu’ayant relevé que le montant de 3.000.000 frs, fixé par le juge au titre des dommages et intérêts, sur le fondement de la privation des revenus salariaux, des circonstances du licenciement, de l’ancienneté du travailleur et du niveau de sa rémunération, est insuffisant pour couvrir l’étendue du préjudice souffert, si l’on ajoute l’âge du travailleur, plus de 55 ans, la cour d’Appel, qui a porté le montant à 10.000.000 frs, faisant usage de son pouvoir souverain d’appréciation du montant des dommages et intérêts, n’encourt pas le reproche allégué au moyen »;
[37] C. Suprême, Ch. Soc., Arrêt n° 5 du 14 juin 2023, La société Fûts Métalliques et Plastiques de l’Ouest Africain dite FUMOA c/ Ac Ab Ad
[38] Sur ce point, il faut retenir que le législateur français s’est fait larguer par une jurisprudence aux multiples ressources, avec notamment une conception unitaire du dommage, mais plusieurs variantes de préjudices, v. J. VAN MEERBEECK, « Le juge, la responsabilité civile et l’assurance : alea iacta est », in Y. CARTUYVELS, (Ed.), Les ambivalences du risque : Regards croisés en sciences sociales. Presses de l’université Saint-Louis, 2008, pp.337-379. Le juge du fond apprécie en fait et dès lors souverainement l’existence de la faute (Cass., 19 octobre 2001, Pas., I, n°558) du dommage (Cass., 23 septembre 1997, Pas., I, p. 364) et du lien de causalité (Cass., 24 novembre 1999, Pas., I, p. 625 ; Cass., 21 mai 1999, Pas., I, p. 303), la Cour de cassation se contentant d’exercer un contrôle marginal de légalité.
[39] V. Article 8 du Code de procédure civile sénégalais ; article 144 du Code de procédure civile français.
[40] « L’histoire est bien connue : parce que le droit de la responsabilité civile ne permettait pas la prise en charge des accidents industriels, qu’il était impossible de démontrer la faute du patron ou le lien de causalité entre sa faute et le dommage, les victimes, ces « déchets humains de l’industrie » ne pouvaient accéder à la réparation. Deux théories sont mises en exergue pour pallier la difficulté : l’objectivation de la responsabilité ou la découverte dans le contrat de louage d’une obligation contractuelle de sécurité du patron », v. G. B. SARR, « vers un élargissement des fondements de la responsabilité civile en droit sénégalais », Annales Africaines, vol. 2, déc. 2015, p. 255.
[41] J. J.-L. CORREA, « La réparation intégrale du dommage dans le Code des obligations civiles et commerciales », in, I.-Y. NDIAYE, J.-L. CORREA, A.-A. DIOUF (dir.),Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal (C.O.C.C.) : cinquante ans après, L’Harmattan-Sénégal, 2018, vol. 1, p.
[42] K. CASTANIER, « La portée de la procédure de jugement au fond dans la loi « Justice du XXIe siècle » : l’ambition revendiquée pour la Cour de cassation de ne plus seulement être juge de droit », Revue juridique de l’Ouest, 2017-3. pp. 83-96.
[43] S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz Lefebvre 2023-204, 31ième éd., 2024, p. 411, v. double degré de juridiction.
[44] R. N. TEMGWA, « Le droit d’évocation reconnu aux juridictions de cassation statuant en matière civile : le cas de la cour suprême du Cameroun », Civil Procedure Review, v.1, sep./déc., 2010, n.3, 3-27.
[45] V. Article 254 Code de procédure civile sénégalais : La Cour d’Appel connaît de l’appel de tous les jugements rendus en premier ressort par les tribunaux régionaux.
[46] L’évocation est la faculté qui appartient au juge du second degré, saisi de l’appel de certains jugements de première instance, de s’emparer de toute l’affaire, et de statuer sur le tout, c’est-à-dire sur l’appel et sur le fond du procès, par une seule et même décision. V. S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), Lexique des Termes Juridiques, Dalloz Lefebvre 2023-204, 31ième éd., 2024, p. 477
[47] Sénégal, Cour suprême, Ch. Soc. Arrêt du 20 septembre 2023, 37 Aj Ag Aa A C/ La Société Touristique de la Somone dite SOTOUSO SA: « Attendu que pour porter le montant des dommages-intérêts à 8 000 000 FCFA, l’arrêt retient que les dommages-intérêts doivent être fixés de sorte qu’ils réparent intégralement le préjudice et que la somme de 5 000 000 FCFA est insuffisante pour réparer tout le préjudice causé par la démission abusive ; »
« Qu’en se déterminant ainsi, par un motif général et sans dire en quoi le montant alloué par le premier juge est insuffisant pour réparer l’intégralité du préjudice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale »
[48] Sénégal, Cour suprême, Ch. Soc. Arrêt du 23 août 2023, 33 : « Mais attendu qu’ayant relevé que M. A percevait un salaire mensuel de 349 932 F CFA et qu’il comptait dix-huit années de service, puis retenu que malgré cette ancienneté, il a été licencié dans des circonstances dépourvues de rigueur et désinvoltes, la cour d’Appel qui a souverainement fixé le montant des dommages et intérêts à 6 000 000 F CFA, n’encourt pas le reproche allégué »
[49] Sénégal, Cour suprême, Ch. Soc., Arrêt du 23 août 2023, 34.
[50] J. De MAILLARD, « Le marché de la loi rend les délinquants prospères », Le Monde diplomatique, avril 2000, pp. 6-7, « Ils ont fait franchir une étape supplémentaire au mouvement de « désouverainisation » en utilisant précisément leur souveraineté́ comme un élément du commerce mondial le plus prospère : ils édictent, en effet, des législations dont la seule finalité́ est de permettre d’échapper, quel qu’en soit le mobile, aux normes légales des autres pays. »
[51] J. De MAILLARD, Le marché fait sa loi, Mille et une nuits, Paris, 2001, pp. 128.
[52] J. J.-L. CORREA, art préc., p. 139
[53] Fr. ROUVIERE, « L’avenir du droit civil », RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil, 2019, 02, pp.451 ; P. ANCEL, Le droit civil, modèle disciplinaire ? in F. AUDREN et S. BARBOU DES PLACES (dir.), Qu’est-ce qu’une discipline juridique ? Fondation et recomposition des disciplines dans les facultés de droit, LGDJ, 2018, p. 227 ; R. LIBCHABER, Le dépérissement du droit civil, in F. AUDREN et S. BARBOU DES PLACES (dir.), Qu’est-ce qu’une discipline juridique ? Fondation et recomposition des disciplines dans les facultés de droit, LGDJ, 2018, p. 243
[54] H. BATIFFOL, « Préface », in La responsabilité, Arch. Philo. du droit, t. 22, 1977. «… Les partisans les plus déclarés comme allant plus au fond des choses ne se résolvent pas en général à exclure définitivement toute idée de faute… ».
[55] R. SALEILLES, Les accidents du travail et la responsabilité civile : Essai d’une théorie objective de la responsabilité délictuelle, Paris, Librairie Nouvelle de Droit et de Jurisprudence, 1897.
[56] La recherche de la faute, du dommage et du lien de causalité hypothéquait les chances des victimes d’accidents industriels et des accidents de circulation d’obtenir réparation, malgré l’existence de postes de préjudices réparables, H. CONTE, « Mesure et démesure, la difficile application du principe de réparation intégrale », in S. HORTALA, S. RANC et R. SUTRA, Mesure(s) et droit, Presses universitaires Toulouse 1 Capitole, 2024, p.
[57] Sur la critique du principe de la réparation intégrale, V. G. VINEY, P. JOURDAIN, S. CARVAL, Traité de droit civil. Les effets de la responsabilité, 4ième éd. LGDJ, 2017, n° 57 et s. Les auteurs proposent de requalifier le principe de réparation intégrale comme celui de « l’équivalence entre dommage et réparation ».
[58] H. CROZE, « L’incidence des mécanismes processuels sur l’établissement du lien de causalité », in H.A. SCHWARZ-LIEBERMANN VON WAHLENDORF (dir.) Exigence sociale, jugement de valeur et responsabilité civile en droit français, allemand et anglais, , L.G.D.J., 1983, p. 55 et les références citées note 5 ; G.H. ROTH, H. FITZ, « Critères objectifs de la responsabilité civile en matière délictuelle », in Exigence sociale, jugement de valeur et responsabilité civile en droit français, allemand et anglais, op. cit., p. 181 et s. ; en droit anglais, R.W. H., « Les intérêts de la société et le juge- La délimitation des délits (tort) », in Exigence sociale, jugement de valeur et responsabilité civile en droit français, allemand et anglais, op.cit., p. 241.
[59] Au Sénégal, en matière d’accident de circulation, le barème institué par la Conférence Interministérielle des Marchés (CIMA) permet la prise en charge des postes de préjudices divers (corporels ou matériels). Mis en place en 1995 depuis 1995.
[60] V. https://cima-afrique.org/wp-content/code-cima/fr/BAREMEDERESPONSABILITE.html
[61] V. https://cima-afrique.org/wp-content/code-cima/fr/TABLESDECONVERSION.html
[62] V. https://cima-afrique.org/wp-content/code-cima/fr/BAREMEFONCTIONNELINDICATIFDESINC.html
[63] X. CHILOUD, « Le paradoxe de la barémisation », Gaz. du pal., 24 oct. 2017, n° 36. M. MEKKI, « Le projet de réforme du droit de la responsabilité civile du 13 mars 2017 : des retouches sans refonte », Gaz. Pal., 02 mai 2017, n°77 ; M. MEKKI, « Le projet de réforme du droit de la responsabilité civile : maintenir, renforcer, enrichir les fonctions du droit de la responsabilité civile », Gaz. Pal., 14 juin 2016, n°22 ; M. MEKKI, « Les fonctions de la responsabilité civile à l’épreuve des fonds d’indemnisation des dommages corporels », Petites affiches, 12/11/2005, n°8, p. 3 ;
[64] J. ISSA-SAYEGH, « Nature et régime juridiques des règles d’indemnisation des victimes d’accidents causés par des véhicules terrestres à moteur (articles 225 à 277 du Code CIMA) », Ohadata D-03-04, cité par J. J.-L. CORREA, art. préc., p. 139. « Il était devenu impérieux de « réagir contre les conséquences désastreuses qui étaient résultées, dans le passé, d’une application généreuse (aberrante diront certains) du droit commun de la responsabilité (liste des victimes indemnisables trop longue, chefs de préjudice réparables très nombreux, montant des indemnisations très élevé) et des assurances qui avaient entraîné la débâcle de ce secteur économique à la fin des années 1980 ».
[65] J. J.-L. CORREA, art. préc., p. 139.
[66] V. La nomenclature Dintilhac en droit français issu du rapport de M. Jean-Pierre Dintilhac a pour but d’élaborer une nomenclature commune des préjudices corporels, consulté le 26 août 2024 à 12h sur : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_groupe_de_travail_nomenclature_des_prejudices_corporels_de_Jean-Pierre_Dintilhac.pdf.
[67] A. PELICAND, R. VANNEUVILLE, « L’extension du recours aux barèmes dans la justice : quelques facteurs explicatifs » in Institut des Études et de la Recherche sur le Droit et la Justice, Barémisation de la justice. Actes du colloque du 17 décembre 2020, 2022, p. 42-49.
[68] V. l’article 8 de la loi 97- 20 du 12 décembre 1997 abrogeant et remplaçant les dispositions de la loi n° 74-33 du 18 juillet instituant l’obligation d’assurance en matière de circulation de tous véhicules terrestres à moteur et organisant le financement du Fonds de Garantie Automobile.
[69] M. LACROIX, « La notion d’intérêts protégés en droit québécois », op. cit.
[70] « Après le positivisme juridique et le jusnaturalisme, il faut désormais compter avec le numérisme juridique. » v. M. MEKKI, « Les fonctions de la responsabilité civile à l’épreuve du numérique : L’exemple des logiciels prédictifs », Dalloz IP/IT : droit de la propriété intellectuelle et du numérique, 2020, 12, pp.672. ; « Du numérisme juridique à l’humanisme numérique », in Mélanges en l’honneur du doyen Didier Guével, LGDJ, 2021 ; « les fonctions de la responsabilité civile à l’épreuve des fonds d’indemnisation des dommages corporels », LPA 12 janv. 2005, p. 3 ; C. BORDERE, La justice algorithmique. Analyse comparée (France/Québec) d’un phénomène doctrinal, thèse Université de Bordeaux, soutenue le 28 novembre 2023.
[71] R. COLSON, La fonction de juger. Étude historique et positive, op. cit., p. 26.
[72] J. A. NDIAYE, « Intelligence artificielle et systèmes judiciaires en Afrique », Rapport annuel de la Cour Suprême du Sénégal, 2021, pp. 57-78.
[73] A titre de rappel, l’UNESCO assure la mise en œuvre d’un programme intitulé Initiative de l’UNESCO pour la formation des juges dans le cadre duquel 24 000 opérateurs judiciaires issus de 150 Pays ont été formé dans divers domaines y compris en matière d’intelligence artificielle et de justice prédictive https://www.unesco.org/fr/articles/renforcement-des-capacites-des-operateurs-judiciaires-en-afrique
[74] Le Sénégal a lancé depuis 2016 un programme dénommé Sénégal Numérique 2025, avec un plan de modernisation et de numérisation du service public et plus spécifiquement de la Justice. Ce programme a été renouvelé et est désormais prévu pour l’horizon 2035, v. https://adie.sn/lancement-strategie-2025-2035
[75] J. A. NDIAYE, « Intelligence artificielle et systèmes judiciaires en Afrique », op. cit.
[76] M. LACROIX, « La notion d’intérêts protégés en droit québécois », op. cit.
[77] S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), Lexique des Termes Juridiques, Dalloz Lefebvre 2023-204, 31ième éd., 2024, p. 640.
[78] L’utilisation de ces outils technologiques peut par conséquent avoir lieu en dehors, en amont ou au cours d’une procédure judiciaire ou administrative. Les logiciels JusticeBot au Québec, Predictice en France ou encore COMPAS aux États-Unis témoignent en effet de la grande diversité des acteurs, des échelles, des objectifs et des valeurs enrôlés par ces technologies.
[79] S. LEBRETON-DERRIEN, « La justice prédictive », Archives de philosophie du droit, Tome 60, 1, 2018, pp.3-21.
[80] A. GARAPON, « Les enjeux de la justice prédictive », JCP 1-2, 9 janvier 2017, p. 30 ; B. DONDERO, « Justice prédictive : la fin de l’aléa judiciaire », D., 2017, p. 532.
[81] En France, Dalloz, les Éditions Francis Lefebvre avec « Jurisprudence chiffrée » et LexisNexis avec « Contentieux de l’indemnisation proposent une estimation du montant des dommages et intérêts,
[82] N. DIOUF, « Le nouveau visage du Code de procédure civile », in N. DIOUF, M. B. Niang, A. A. Diouf (dir.), Le droit africain à la quête de son identité, Mélanges offerts au Professeur Isaac Yankhoba NDIAYE, L’Harmattan-Sénégal, 2021, p. 442 : « … il faut commencer par encadrer la mise en « forme des procédures traditionnelles » afin d’éviter les dérives…
[83] M. A. FRISON-ROCHE, « Le juge et le sentiment de justice », Colloque Judicial power and the rule of law, Sitges, 8 juin 2001 ; J.-Fr. ROBERGE, « Le sentiment de justice. Un concept pertinent pour évaluer la qualité du règlement des différends en ligne ? », Revue juridique de la Sorbonne, n° 1, juin 2020, p. 5 – 21.
[84] B. BARRAUD, « Le droit en datas : comment l’intelligence artificielle redessine le monde juridique », Revue Lamy Droit de l’immatériel, n° 1, 2019, 164.
[85] A. ALEXIS, « Justice prédictive, injustices (pré)visibles : la Thémis 2.0 est-elle un être chimérique », RDUS, 53, 2024, pp. 169-186.
[86] N. DIOUF, « Le nouveau visage du Code de procédure civile », op. cit.
[87] N. FRICERO, « Plaidoyer pour un procès civil disruptif et une mutation anthropologique des acteurs judiciaires… A propos du rapport de l’institut Montaigne « Justice, faites entrer le numérique » », JCP G, n° 50, 11 déc. 2017, p. 1305.
[88] N. DIOUF, art. préc.
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