La protection du consommateur d’assurance dans la rupture du lien contractuel en droit CIMA : l’incidence du critère de l’utilité contractuelle
Paulin KAMDEM MEUYO
Docteur en droit des affaires de l’université de Yaoundé II
Le contrat d’assurance appartient à la catégorie des contrats de consommation et se caractérise par l’opposition entre les professionnels de l’assurance et les consommateurs des services d’assurance. La souscription d’un contrat d’assurance par un consommateur s’expliquerait en grande partie par la recherche du profit, de l’utilité que pourrait lui apporter ledit contrat. A ce titre, sur le fondement de l’utilité, le contrat d’assurance devrait pouvoir assurer au consommateur une certaine sécurité juridique même au stade de l’extinction du contrat. En principe, dans la rupture du lien contractuel, la bonne foi doit nécessairement guider le comportement des parties dans l’usage des facultés de résiliation. Aussi, dans l’intérêt du consommateur, l’utilité contractuelle peut être présentée comme critère de la résiliation du contrat de telle sorte que l’inutilité du contrat d’assurance serait considérée comme la cause et la condition de la résiliation. Ce critère d’utilité constituerait ainsi une donnée fondamentale d’appréciation de la résiliation du contrat d’assurance, laquelle serait abusive s’il est établi que dans l’exercice de son droit, le professionnel d’assurance avait pour objectif de se détourner de ses engagements contractuels ou de priver le consommateur du bénéfice qu’il pouvait tirer du contrat.
Introduction
La matière des assurances met généralement en présence un professionnel de l’assurance, partie économiquement et techniquement plus puissante parce que mieux organisée, et ceux que l’on peut qualifier de consommateurs d’assurance, partie présentée comme économiquement plus faible. Ce déséquilibre explique alors la nécessité de protéger les consommateurs afin de rétablir un certain équilibre entre les parties au contrat d’assurance et pour tenir compte de l’utilité du contrat d’assurance[1]. Le contrat d’assurance en tant que contrat de consommation repose sur la dichotomie professionnel[2] – consommateur[3]. Dans son mécanisme, l’assurance fait donc intervenir au moins deux acteurs indispensables. D’une part, nous avons « l’assureur professionnel »[4], qui est considéré comme la personne qui prend l’engagement de garantir l’assuré contre le risque prévu au contrat et à payer, en cas de sinistre, la prestation indemnitaire ou forfaitaire promise. Il faut souligner que la relation contractuelle est indéniablement marquée par la « double identité » de l’assureur qui est à la fois garant de l’intérêt collectif des assurés, donc de la mutualité et contractant individualiste à part entière à travers son lien particulier avec l’assuré. D’autre part, nous avons ceux que l’on peut regrouper sous le vocable de « consommateurs d’assurance ». Il s’agit d’abord de « l’assuré »[5], qui est celui dont la personne ou encore les biens sont exposés au risque couvert par l’assurance. Il s’agit ensuite du « souscripteur »[6] qui conclut avec l’assureur et signe le contrat, soit pour son compte, soit spécifiquement pour le compte d’autrui[7] et qui est alors tenu, selon les termes du contrat, au paiement de la prime. Il est question enfin du « bénéficiaire »[8], qui est la personne qui, sans avoir été partie contractante, est appelée à recevoir le profit de l’assurance. De manière concrète, ces consommateurs sont les personnes qui sont menacées par le risque couvert aussi bien dans leur personne que dans leur patrimoine.
A l’analyse du mécanisme de l’assurance, l’on peut constater que le profit, l’avantage, l’intérêt que peut tirer le consommateur du contrat d’assurance peut fonder certains mécanismes juridiques qui concourent plus ou moins efficacement à sa protection dans la relation contractuelle. Sur le fondement de l’utilité, le contrat d’assurance doit pouvoir assurer au consommateur une certaine sécurité juridique. On pourrait dès lors dire que jamais les consommateurs n’auraient recours aux services d’assurance, si le phénomène juridique de l’obligation ne leur garantissait en retour la réception de l’équivalent escompté et promis[9]. Dans la logique de l’utilité, plutôt qu’un échange de consentements, le contrat apparaît beaucoup plus comme un échange de prestations entre les parties.
Tout en rappelant qu’est utile ce qui présente un intérêt ou ce qui permet d’atteindre un certain objectif[10], nous devons convenir qu’en droit des assurances, l’utilité de l’opération d’assurance doit pouvoir permettre d’obtenir une garantie efficace du risque de la même manière qu’elle doit pouvoir commander, dans une certaine mesure, l’adaptation du contrat d’assurance aux mutations du risque. La liberté contractuelle, « qui garde toute son utilité, doit être envisagée dans une nouvelle optique, précisément en termes d’utilité sociale et de justice contractuelle, principes directeurs en droit des contrats (…) »[11].
L’utilité sociale du contrat se traduit par les principes subordonnés de sécurité juridique et de coopération. La sécurité juridique reposerait sur l’idée de confiance légitime, alors que la coopération supposerait concrètement que la poursuite de son intérêt propre soit toutefois compatible avec précisément la communauté contractuelle d’intérêts. Dans le contrat, GHESTIN recommande que l’utilité individuelle (l’affaire privée) soit distinguée de l’utilité sociale. Il fait précisément remarquer que « le contrat est tout d’abord l’instrument indispensable des prévisions individuelles ; il assure une emprise sur l’avenir. C’est là l’utilité économique du contrat qui est une sorte de prévision », « le contrat n’est qu’un instrument que le droit sanctionne parce qu’il permet des opérations socialement utiles » et que « le contrat est aussi l’instrument privilégié de la liberté et de la responsabilité des individus » [12].
Pour les utilitaristes, « ce qui doit être recherché de façon générale, c’est que chaque partie ait un intérêt effectif à contracter, cet intérêt, cette utilité particulière étant le moteur même de sa volonté. Il faut et il suffit, a priori, que chaque partie puisse rationnellement considérer qu’elle reçoit davantage, ou en tout cas quelque chose de plus utile pour elle, que ce dont elle se dessaisit. Le contrat permet alors de donner à chacune des prestations une valeur supérieure, enrichissant du même coup chaque partie. La doctrine connaît une nouvelle phase dans laquelle l’intérêt se concentre sur l’application des clauses générales et la protection du contractant le plus faible ».
L’utilité du contrat ici fait penser au « principe de satisfaction » mis en exergue par la loi de 2011 sur la protection des consommateurs au Cameroun qui précise entre autres que « les consommateurs ont droit à la satisfaction des besoins élémentaires ou essentiels dans les domaines de la santé, de l’habitat (…) » mais aussi que « le (…) fournisseur ou prestataire (…) doit fournir (…) au consommateur (…) un service qui satisfait les exigences minimales de durabilité, d’utilisation et de fiabilité et qui assure sa satisfaction légitime »[13].
Il n’est pas excessif de rappeler que l’opération d’assurance doit avoir un certain intérêt pour le preneur d’assurance depuis la conclusion du contrat jusqu’à son extinction en passant par sa mise en œuvre. Au regard des exigences d’utilité et de satisfaction attachées à cette opération, devrait-on maintenir un contrat d’assurance en vigueur lorsqu’il s’avère qu’il n’est plus d’aucune utilité pour les parties et pour les consommateurs notamment ? C’est cette question fondamentale qui va irriguer les développements relatifs à notre analyse et qui explique assurément pourquoi le législateur CIMA a tenu à encadrer les facultés de résiliation du contrat d’assurance. Cela étant, le consommateur est un être doué de désirs et de besoins. Suivant l’analyse économique[14] du contrat, la souscription d’un contrat d’assurance s’explique en grande partie par la recherche du nécessaire, par l’avantage ou la sécurité juridique que pourrait lui apporter ledit contrat. Dans cette optique, le contrat servirait principalement à réaliser des désirs ou à combler des besoins. La disparition ou l’inexistence d’un profit, d’un intérêt pour le consommateur pourrait expliquer le recours à certains mécanismes tendant à la résiliation du contrat qui ne répond plus aux besoins ou aux aspirations du consommateur[15].
En dehors de l’hypothèse classique de l’arrivée du terme, l’extinction des contrats d’assurance intervient généralement à la suite d’une résiliation qui a pour effet d’entrainer l’anéantissement du contrat sans effet rétroactif. Cela peut justement être le cas lorsque l’extinction du contrat a lieu juste après que son utilité a été épuisée, par exemple lorsqu’un risque temporaire aura été garanti jusqu’à sa disparition. Dans ce cas, l’épuisement plus ou moins progressif de l’utilité du contrat expliquera son extinction, notamment par l’exercice de la faculté annuelle de résiliation. L’utilité du contrat peut encore ne disparaître qu’à l’égard d’un seul des contractants, à l’exemple d’un souscripteur d’une assurance-vie qui désire investir dans un placement plus productif. L’intérêt du contrat est aussi susceptible de disparaître à la suite d’une circonstance particulière qui vient perturber ou chambouler les prévisions initiales des parties en altérant le risque couvert[16]. Cela étant, nous envisagerons la rupture du lien contractuel comme un terme générique susceptible de désigner notamment la résiliation ou l’anéantissement du contrat d’assurance.
En tout état de cause, l’utilité peut apparaître comme un facteur déterminant de résiliation du contrat d’assurance. En réalité, il apparaît que de nombreuses causes de résiliation pourraient s’expliquer entre autres par le souci de permettre aux parties de mettre un terme à un contrat devenu vraisemblablement inutile. Ce constat traduit une originalité du droit des assurances par rapport au droit commun des obligations où la disparition de la cause en cours d’exécution du contrat n’est pas, en principe, admise comme justifiant l’extinction du lien contractuel[17]. Tout cela nous amène à formuler l’interrogation suivante : quelle peut être l’incidence du critère de l’utilité dans la rupture du lien contractuel ?
Le cadre de l’analyse ainsi défini, et sans vouloir empiéter sur nos développements futurs, nous pouvons d’ores et déjà souligner que le preneur d’assurance doit être en droit de mettre un terme au contrat lorsqu’il est substantiellement privé de l’utilité qu’il était en droit d’attendre du contrat d’assurance. C’est dire que le critère de l’utilité qui peut justifier la résiliation du contrat (I) pourrait également, et nécessairement, l’invalider en ce sens que la résiliation serait abusive lorsqu’elle ne vise qu’à priver le consommateur du bénéfice qu’il pouvait tirer du contrat. Ce critère d’utilité constituerait ainsi une donnée fondamentale d’appréciation de la résiliation abusive à laquelle pourrait se livrer l’assureur (II).
I- L’extensibilité des hypothèses de résiliation du contratfavorables aux preneurs d’assurance
En matière assurantielle, l’on peut observer que l’interventionnisme législatif vise très souvent à assurer la protection du consommateur en lui conférant des prérogatives lui permettant de rompre unilatéralement un contrat ne présentant plus d’utilité pour lui[18].
De l’analyse des dispositions du Code CIMA, il s’infère que le contrat d’assurance peut prendre fin pour diverses causes[19]. Mais sur la question précise de la résiliation, si l’on peut observer que la faculté périodique de résiliation dont peut se prévaloir l’assuré (A) peut se justifier par l’idée d’utilité du contrat, il nous semble que cette justification vaut aussi pour les facultés exceptionnelles de résiliation (B) ouvertes à l’assuré.
A. Le recours à la faculté périodique de résiliation du contratpar le preneur
Dans le dessein de conforter la confiance et d’assurer la protection des consommateurs, le Code CIMA consacre diverses dispositions visant à faciliter la résiliation des polices renouvelables par tacite reconduction. Il faut pour cela se conformer à un certain nombre d’exigences de fond (1), de forme et de préavis (2).
1. Les modalités de fond
En principe, le contrat d’assurance prend fin au terme de la durée convenue dans le contrat. En règle générale, la durée du contrat, mais aussi les conditions de résiliation sont précisées par la police. Cependant, le principe qui veut que les parties soient libres de fixer la durée de leur contrat en optant pour la conclusion d’un contrat à durée déterminée ou indéterminée comporte une limite qui ressort de l’article 21[20], alinéa deuxième, du Code CIMA. Cet alinéa énonce que « toutefois, l’assuré a le droit de résilier le contrat à l’expiration d’un délai d’un an (en envoyant une lettre recommandée à l’assureur au moins deux (2) mois avant la date d’échéance) ». Cette règle constitue la base de la faculté de résiliation annuelle du contrat d’assurance, en vertu de laquelle l’assuré a le droit de résilier le contrat d’assurance à l’issue d’un délai d’un an.
A la réalité, en dépit de l’affirmation de principe de la force obligatoire des contrats, la faculté annuelle pour l’assuré de rompre un contrat d’assurance peut résulter d’une disposition législative ou d’une stipulation du contrat. Le législateur a prévu des exceptions au principe ci-dessus. Ainsi, « il peut être dérogé à cette règle pour les contrats individuels d’assurance maladie, pour la couverture des risques de construction et des risques autres que ceux des particuliers » qui sont ainsi exclus du domaine d’application du principe de la faculté de résiliation annuelle[21]. Quoi qu’il en soit, il est important d’indiquer que le Code CIMA précise fort opportunément que « le droit de résilier le contrat tous les ans doit être rappelé dans chaque police ». Cette règle est vraisemblablement exigée dans un souci de protection du contractant faible et se situe dans le prolongement de l’obligation d’information qui incombe aux professionnels.
Les dispositions de l’article 21 ci-dessus du Code CIMA renferment aussi bien des exigences de fond que de forme.
2. Les modalités de forme et de préavis
Les articles 21 et 22 du Code CIMA déterminent la forme de la résiliation. Rappelons que selon l’article 21, « (…) le droit de résilier le contrat tous les ans doit être rappelé dans chaque police ». Aussi, pour mettre en œuvre sa prérogative de résiliation annuelle du contrat, l’assuré doit observer certaines formalités, et notamment l’envoi d’une lettre recommandée à l’assureur, de même qu’il doit respecter le délai de préavis fixé à deux mois[22] avant l’échéance du contrat. Selon l’article 22 sur la forme de la résiliation (annuelle) « dans tous les cas où l’assuré a la faculté de demander la résiliation, il peut le faire à son choix, soit par une déclaration faite contre récépissé au siège social ou chez le représentant de l’assureur dans la localité, soit par acte extrajudiciaire, soit par lettre recommandée, soit par tout autre moyen indiqué dans la police »[23]. Prise à la lettre, cette prescription semble indiquer que lorsque la police d’assurance n’a pas prévu la forme de résiliation, l’assuré a la possibilité de solliciter la résiliation soit par une déclaration contre récépissé au siège social ou chez le représentant de l’assureur au niveau de la représentation locale, soit par acte extrajudiciaire ou encore par lettre recommandée.
Une chose est constante, c’est la diversité des moyens accordés à l’assuré pour porter à la connaissance de son assureur son intention de résilier le contrat d’assurance. Il a ainsi la latitude de recourir aux moyens indiqués dans la police ou, lorsque la police d’assurance n’a pas prévu la forme de résiliation, d’utiliser les moyens de droit commun qui donnent le choix à l’assuré de demander la résiliation « soit par une déclaration contre récépissé au siège social ou chez le représentant de l’assureur dans la localité, soit par acte extrajudiciaire, soit par lettre recommandée ».
Relativement aux règles de computation des délais en cas d’envoi postal, il est précisé que « le délai de résiliation court à partir de la date figurant sur le cachet de la poste » [24].
Dans l’esprit du législateur, la résiliation doit obéir à un certain formalisme qui permettra de faciliter la preuve de la résiliation par tout écrit porté à l’attention de l’assureur, voire de son représentant. Il faut alors admettre que le formalisme de l’article 22 est bénéfique pour l’assuré en ce sens qu’il facilite la preuve de la résiliation par tout moyen écrit adressé à l’assureur ou à son mandataire. Pour la jurisprudence, il est incontestable qu’une lettre de résiliation déposée chez le représentant de l’entreprise d’assurance est valable et précisément, une lettre recommandée de résiliation faite par l’assuré et déposée chez un agent général[25] est considérée comme valable[26]. Il faut encore signaler que la résiliation irrégulière peut être analysée comme une offre de résilier de la part de l’assuré, que l’assureur demeure libre d’accepter ou pas. En cas d’accord, il y a alors résiliation par consentement mutuel et le contrat arrête de produire ses effets[27].
Dans les contrats à exécution successive comme le contrat d’assurance, la clause de tacite reconduction est souvent de style[28]. Eu égard à leur nombre, le consommateur laisse très souvent passer le délai qui l’autorise à résilier en temps voulu. Cela étant, pour les contrats d’assurance, il pèse sur le professionnel l’obligation d’informer le consommateur par écrit et dans les délais légaux, non seulement de la date d’échéance, mais aussi de la possibilité de reconduire le contrat ou pas. Cette faculté de résiliation annuelle appartenant, dans des conditions identiques, à l’assureur[29], il a été décidé que « le non-respect du délai de préavis de deux mois avant la date d’échéance est sanctionnée par le paiement d’une indemnité de préavis et des intérêts sur l’indemnité de préavis »[30].
Lorsque l’assuré met en œuvre sa prérogative de résiliation annuelle, l’assureur ne saurait prétendre à une indemnité de résiliation. Si une clause du contrat prévoyait une telle indemnité, elle serait nulle, motif pris de ce que la faculté annuelle de résiliation est un droit légal dont l’exercice n’entraine aucun préjudice pour les parties. Cette indemnité ne saurait non plus être valable dans les hypothèses de résiliation du contrat d’assurance par l’assuré pour modification ou encore cessation du risque.
B. Les facultés exceptionnelles de résiliationouvertes à l’assuré
L’assuré peut requérir la résiliation du contrat dans les cas de modification ou de cessation du risque (1) ou pour des cas déterminés par le Code CIMA (2).
1. L’hypothèse de « résiliationpour modificationou cessation du risque »
Les exigences de fond, de forme (a) et de délais (b) relatives à la « résiliation pour modification ou cessation du risque » sont déterminées par les articles 25 à 27 du Code CIMA qui envisagent également les effets de ladite résiliation (c).
a. Le respect des conditions de fond et de forme
Comme pour le déploiement de la plupart des règles légales, la résiliation pour modification ou cessation du risque est subordonnée à l’observation préalable et rigoureuse de diverses conditions de fond (a-1), mais surtout de forme (a-2).
a-1. Le respect des exigences de fond
Le risque est un élément nécessaire et indispensable du contrat d’assurance. Ce risque peut souvent connaitre des modifications et peut même disparaître du fait de la survenance de certains événements. Aussi, la modification et la cessation du risque sont des circonstances qui peuvent occasionner la résiliation par l’assuré[31] du contrat d’assurance. En effet, parce que le risque garanti a évolué du fait de l’influence d’événements nouveaux, a disparu ou n’existe plus, il est logique que la résiliation du contrat soit sollicitée par l’assuré qui n’a plus d’intérêt au maintien du contrat.
Il ressort en ce sens des dispositions de l’article 25 du Code CIMA que la résiliation pour modification ou cessation du risque peut intervenir « en cas de survenance d’un des événements suivants : changement de domicile, changement de profession, retraite professionnelle ou cessation définitive d’activité professionnelle, changement de situation ou de régime matrimonial notamment »[32]. Comme le note le Professeur GROUTEL, le législateur aurait pu imposer l’extinction de plein droit du contrat dans les situations ci-dessus visées, mais a préféré que les parties demeurent les seuls juges de leur intérêt[33]. A l’égard de l’assuré, ces changements affectent directement sa situation matérielle et, plus largement, son intérêt même à être assuré pour la couverture de certaines activités[34].
Le Code CIMA ne détermine pas seulement les hypothèses de résiliation, selon l’alinéa 2 de son article 25, « le contrat d’assurance peut être résilié par chacune des parties lorsqu’il a pour objet la garantie de risques en relation directe avec la situation antérieure et qui ne se retrouvent pas dans la situation nouvelle ». Il est donc exigé qu’il y ait entre la police résiliée et l’événement envisagé un lien qui rende injustifié le maintien du contrat pour que la survenance d’une de ces hypothèses permette la résiliation du contrat d’assurance.
Pour être efficaces, les conditions de fond de « résiliation pour modification ou cessation du risque » doivent être complétées par certaines formalités.
a-2. Le respect des exigences de forme
La forme de la résiliation pour modification ou cessation du risque est encadrée par les dispositions de l’article 26 du Code CIMA. L’on peut relever, à la lecture de cet article, que l’assuré qui « entend résilier un contrat d’assurance en vertu des dispositions de l’article 25, doit adresser à l’assureur une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, indiquant la nature et la date de l’événement qu’il invoque et donnant toute précision de nature à établir que la résiliation est en relation directe avec ledit événement ». Il semble que la résiliation du contrat pour modification ou cessation du risque ne puisse se faire qu’au moyen « d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, indiquant la nature et la date de l’événement » et toute précision de nature à prouver que la résiliation est en relation directe avec ledit événement[35]. C’est dire que la forme de la résiliation prévue à l’article 26 concerne uniquement la résiliation pour modification ou cessation du risque (dans les autres cas de résiliation, il est permis à l’assuré d’utiliser la forme de résiliation prévue dans le contrat ou l’une des formes définies à l’article 22 du Code CIMA à défaut de forme prévue par le contrat). Il serait intéressant que le législateur CIMA soit plus flexible en admettant les autres formes de notification de la résiliation (par voie d’huissier, par voie électronique …) compte tenu des avancées technologiques[36]. La « résiliation pour modification ou cessation du risque » suppose qu’elle soit mise en œuvre dans les délais légaux.
b. L’observation des conditions de délais
Suivant l’alinéa 3 de l’article 25 du Code CIMA, la résiliation du contrat pour modification ou cessation du risque « ne peut intervenir que dans les trois mois suivant la date de l’événement » qui la permet. Ce texte énonce en effet que le délai de résiliation du contrat est de trois mois à dater de la survenance de la circonstance ayant entraîné la modification ou la cessation du risque.
L’article 27 du Code suscité apporte quelques précisions concernant le point de départ des délais de résiliation. Aussi, « la date à partir de laquelle le délai de résiliation est ouvert à l’assuré en raison de la survenance d’un des événements prévus à l’article 25 est celle à laquelle la situation nouvelle prend naissance ». Ce peut être la date du changement de domicile, celle du changement de profession ou de la retraite professionnelle, par exemple. En règle générale, donc, le délai d’action en résiliation pour modification ou cessation du risque par l’assuré court à partir du jour où le risque est modifié ou a cessé[37].
Il est toutefois prévu qu’« en cas de retraite professionnelle ou de cessation définitive d’activité professionnelle, le point de départ du délai pour agir en résiliation est le lendemain de la date à laquelle la situation antérieure prend fin ».
Par ailleurs, lorsque l’un quelconque des événements qui cause la modification ou la cessation du risque « est constitué ou constaté par une décision juridictionnelle ou lorsqu’il ne peut en être déduit d’effets juridiques qu’après une homologation ou un exequatur », le point de départ du délai, est le jour où « cet acte juridictionnel est passé en force de chose jugée ». Par exemple, si l’assuré est en cause, en cas de divorce, la date retenue sera celle à laquelle la décision prononçant le divorce sera passée en force de chose jugée. Lorsque la décision correspond à un jugement étranger, la date à partir de laquelle le délai de résiliation sera ouvert sera celle de l’exequatur, soit le jour où la juridiction nationale compétente aura déclaré la décision étrangère exécutoire sur son territoire.
La résiliation pour modification ou cessation du risque qui satisfait aux exigences légales de fond et de forme produit inéluctablement des effets.
c. La détermination des effets de la résiliation
C’est l’alinéa 4 de l’article 25 qui fixe le cap en la matière. Le principe est que la résiliation du contrat décidée par l’assuré pour modification ou cessation du risque ne prendra effet qu’un mois après que l’assureur en aura reçu notification[38]. Par interprétation de ce texte, l’on peut en déduire que si un sinistre survient avant l’expiration du délai d’un mois, l’assureur devra toujours sa garantie. C’est dire que sur la question des implications de la résiliation, jusqu’au jour de prise d’effet de ladite résiliation, la garantie existe et la survenance d’un sinistre engage pleinement l’assureur.
Il est de surcroit prévu que « l’assureur doit rembourser[39] à l’assuré la portion de prime ou de cotisation correspondant à la période pendant laquelle le risque n’a pas couru, période calculée à compter de la date d’effet de la résiliation ». Ce qui revient à dire qu’en cas de résiliation, la fraction de prime ou de cotisation correspondante à la période durant laquelle le risque n’aura pas couru doit être restituée par l’assureur à l’assuré.
Contrairement à ce qu’indiquait la Loi de 1930 sur le contrat d’assurance, avec le Code CIMA, selon l’alinéa 6 de l’article 25 précité, « il ne peut être prévu le paiement d’une indemnité à l’assureur dans les cas de résiliation mentionnés à l’alinéa 1 ». L’assureur ne saurait donc imposer le paiement d’une indemnité aux assurés qui sollicitent la résiliation du contrat du fait de certaines circonstances affectant le risque déclaré[40]. Comme cela a été précisé ci-dessus, le texte CIMA a uniquement prévu la restitution des primes ou cotisations à l’assuré pour la période pendant laquelle le risque ne courait plus.
Les assurances sur la vie échappent à l’application des alinéas 1 à 6 de l’article 25. La raison étant qu’en cette matière, le risque étant inhérent à la vie, la cessation du risque coïncide très souvent avec la fin de la vie humaine. Après cette précision, il faut relever qu’il existe de nombreuses autres situations qui peuvent fonder la résiliation par l’assuré.
2. Les circonstances particulières justifiant la résiliationpar l’assuré
L’une des causes principales et normales de cessation du contrat d’assurance, c’est l’arrivée du terme. Lorsque le contrat d’assurance est conclu pour une durée déterminée, sans clause de tacite reconduction stipulée, il est constant qu’il puisse prendre fin, sans autre avis, à l’expiration du délai prévu. Cette cause est commune aux différents contrats conclus pour une durée déterminée pour lesquels le terme extinctif est connu.
En dehors de cette hypothèse de l’arrivée du terme, divers événements sont susceptibles de se produire entrainant une modification dans la situation personnelle de l’assuré et, par conséquent, dans le risque garanti, de telle sorte que le contrat perd tout ou partie de l’utilité qui en était attendue. L’on observera alors que s’il y a perte totale de la chose assurée ou disparition des circonstances aggravant le risque (a), aliénation du bien assuré (b) ou encore en présence de procédures collectives (c), la loi CIMA accorde à l’assuré la faculté de solliciter la résiliation du contrat.
a. La perte totale de la chose assurée et la disparitiondes circonstances aggravant le risque
Lorsque l’on scrute la législation des assurances, l’on peut remarquer qu’il est permis à l’assuré de résilier la police d’assurance dans l’éventualité de perte totale du bien assuré (a-1) ou de disparition des circonstances aggravant le risque (a-2).
a-1. La perte totale de la chose assurée
Une autre cause susceptible d’entrainer la cessation du contrat d’assurance réside dans la constatation de la disparition totale du bien objet de la garantie. Sur ce point, l’article 39 du Code CIMA prévoit sans équivoque qu’« en cas de perte totale de la chose assurée résultant d’un événement non prévu par la police, l’assurance prend fin de plein droit et l’assureur doit restituer à l’assuré la portion de la prime payée d’avance et afférente au temps pour lequel le risque n’est plus couru ». Dans l’intérêt des consommateurs, le législateur a donc prévu le remboursement à l’assuré de la fraction de prime représentant le temps pendant lequel le risque ne serait plus garanti, c’est-à-dire la partie de prime perçue en trop. Il faut convenir sur ce point qu’une perte seulement partielle de la chose assurée, si elle n’est pas une cause de résiliation, entrainerait tout au plus une révision du contrat avec une réduction de la prime.
Lorsqu’il y a disparition des circonstances aggravant le risque, la résiliation du contrat sera souvent la conséquence du refus de diminution de la prime par l’assureur.
a-2. La disparition des circonstances aggravant le risque et le refus de diminution de la prime par l’assureur
L’article 15 alinéa 3 du Code CIMA précise les conséquences de la disparition des circonstances aggravant le risque sur la prime payable par l’assuré. Le texte prévoit que « si, pour la fixation de la prime, il a été tenu compte de circonstances spéciales, mentionnées dans la police, aggravant les risques, et si ces circonstances viennent à disparaître au cours de l’assurance, l’assuré a le droit de résilier le contrat, sans indemnité, si l’assureur ne consent pas la diminution de prime correspondante, d’après le tarif applicable lors de la souscription du contrat ».
Il se déduit aisément de ces dispositions que l’assuré peut légitimement solliciter de l’assureur la diminution de la prime, si pour sa fixation, il a été tenu compte de situations spéciales aggravant les risques et que celles-ci ont disparu en cours de contrat. Ainsi, l’assuré a conséquemment le droit d’exercer une action en résiliation du contrat si l’assureur refuse de réduire la valeur de la prime correspondante.
Le preneur d’assurance qui transfère la propriété du bien assuré dispose pareillement de la possibilité de résilier son contrat dans le respect des conditions prescrites.
b. L’aliénationdu bien assuré
Nous allons ici distinguer le cas de l’aliénation de la chose assurée de celui de l’aliénation des véhicules terrestres à moteur.
Concernant l’aliénation de la chose assurée, on sait que d’après l’alinéa 1 de l’article 40 du Code CIMA, la solution est qu’« en cas de décès de l’assuré ou d’aliénation de la chose assurée, l’assurance continue de plein droit au profit de l’héritier ou de l’acquéreur, à charge pour celui-ci d’exécuter toutes les obligations dont l’assuré était tenu vis-à-vis de l’assureur en vertu du contrat »[41]. L’alinéa 2 dudit article 40 envisage la possibilité de résiliation par l’héritier ou l’acquéreur en ces termes : « Il est loisible, toutefois, (…) à l’héritier ou à l’acquéreur de résilier le contrat ». S’il se trouve que « l’attributaire définitif des objets assurés a demandé le transfert de la police à son nom », l’assureur ne peut résilier le contrat qu’après un délai de trois mois à compter du jour de la demande d’attribution.
Concernant l’aliénation des véhicules terrestres à moteur, l’article 41 du Code CIMA rappelle tout d’abord qu’« en cas d’aliénation d’un véhicule terrestre à moteur ou de ses remorques ou semi-remorques, et seulement en ce qui concerne le véhicule aliéné, le contrat d’assurance est suspendu de plein droit à partir du cinquième jour de l’aliénation à vingt-quatre heures ». Cet article précise ensuite que le contrat d’assurance peut être résilié par l’assuré, si telle est sa volonté, moyennant un préavis de 10 jours[42].
Il est encore prévu qu’« à défaut de remise en vigueur du contrat par accord des parties ou de résiliation par l’une d’elles, la résiliation intervient de plein droit à l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’aliénation ». Quoi qu’il en soit, « l’assureur est tenu au remboursement du prorata de prime correspondant à la période allant de la date de cette résiliation à la date d’échéance ».
Dans tous les cas de résiliation à la suite de l’aliénation de la chose assurée et de l’aliénation des véhicules terrestres à moteur, la loi persiste et signe : « Il ne peut être prévu le paiement d’une indemnité à l’assureur ». Celui-ci peut souvent, en cas de difficultés, faire l’objet de procédures collectives.
c. Les cas de résiliationen présence de procédures collectives
La possibilité pour l’une des parties au contrat d’assurance de le résilier en cas de procédures collectives est envisagée par les prescriptions de l’article 17 du Code CIMA qui distinguent selon que le redressement judiciaire ou la liquidation des biens concerne l’assuré (c-1) ou l’assureur (c-2).
c-1. Le cas de redressement judiciaire ou de liquidation des biens de l’assuré
Même si « le syndic ou le débiteur autorisé par le juge ou le liquidateur selon le cas où encore l’assureur conservent le droit de résilier le contrat pendant un délai de trois mois à compter de la date du jugement de faillite ou de liquidation judiciaire »[43], le principe en la matière est que « l’assurance subsiste en cas de faillite ou de liquidation judiciaire de l’assuré ». Il y a donc continuation de plein droit du contrat d’assurance. Qui plus est, à titre de mesure protectrice de l’assuré, il est prévu que « la portion de prime afférente au temps pendant lequel l’assureur ne couvre plus le risque est restituée au débiteur ».
c-2. Le cas de redressement judiciaire ou de liquidation des biens de l’assureur
« En cas de faillite d’une entreprise d’assurance, les contrats qu’elle détient dans son portefeuille cessent de plein droit d’avoir effet le quarantième jour à midi, à compter de la publication dans un journal d’annonces légales de la décision du retrait de l’agrément ». Pour éviter un désavantage pour les consommateurs, le législateur prescrit que « les primes sont dues proportionnellement à la période de garantie »[44]. Cette mesure se justifie par le bon sens, étant donné que l’assuré ne saurait payer une prime pour une période pour laquelle le risque n’est plus garanti. Parallèlement, il faut comprendre que l’assureur, compte tenu de sa situation de faillite, sera tenu pendant la période de garantie au règlement des sinistres, sauf décision contraire du syndic.
Lorsque la situation financière d’une entreprise d’assurance soumise au contrôle de la Commission Régionale de Contrôle des Assurances (CRCA) « est telle que les intérêts des assurés et bénéficiaires de contrats sont compromis ou susceptibles de l’être, la CRCA ou le Ministre en charge du secteur des assurances dans l’État membre après avis conforme du Secrétaire Général de la CIMA, peut prendre l’une des mesures d’urgence suivantes : a) la mise de l’entreprise sous surveillance permanente, b) la restriction ou interdiction de la libre disposition de tout ou partie des actifs de l’entreprise, c) la désignation d’un administrateur provisoire à qui sont transférés les pouvoirs nécessaires à l’administration et à la direction de l’entreprise. Cette désignation est faite soit à la demande des dirigeants lorsqu’ils estiment ne plus être en mesure d’exercer normalement leurs fonctions, soit à l’initiative de la CRCA ou de son mandataire lorsque la gestion de l’établissement ne peut plus être assurée dans des conditions normales, ou lorsque la sanction de suspension ou de démission d’office des dirigeants responsables a été prise »[45].
Lorsque la situation de l’entreprise d’assurance ne s’améliore pas malgré les mesures de sauvegarde et de redressement, l’étape suivante est le retrait d’agrément. Cette mesure intervient après avis conforme de la CRCA et le président de la juridiction compétente va alors ouvrir une procédure de liquidation des biens en nommant un liquidateur et un juge contrôleur conformément aux exigences du droit des procédures collectives.
Dans ce cas de figure, la situation des contrats en cours varie selon le type de contrat d’assurance en présence. S’agissant des contrats d’assurance de dommages, et en droite ligne des règles impératives de l’article 17 du Code CIMA, ils cessent de plein droit d’avoir effet le quarantième jour à midi, à dater de l’insertion de la décision de la CRCA prononçant le retrait au Journal Officiel ou alors dans un Journal d’annonces légales. Cela étant, « les primes ou cotisations échues avant la date de cette décision, et non payées à cette date, sont dues en totalité à l’entreprise, mais elles ne sont définitivement acquises à celle-ci que proportionnellement à la période garantie jusqu’au jour de la résiliation ». Par ailleurs, « les primes ou cotisations venant à échéance entre la date de la décision et la date de résiliation de plein droit des contrats ne sont dues que proportionnellement à la période garantie »[46].
Relativement aux contrats d’assurance-vie, « après la publication au Journal Officiel et/ou dans un Journal d’annonces légales de la décision de la CRCA prononçant le retrait de l’agrément, (…) les contrats souscrits par l’entreprise demeurent régis par leurs conditions générales et particulières tant que la décision de la CRCA prévue par la loi n’a pas été publiée au Journal Officiel et/ou dans un Journal d’annonces légales, mais le liquidateur peut, avec l’approbation du juge contrôleur, surseoir au paiement des sinistres, des échéances et des valeurs de rachat. Les primes encaissées par le liquidateur sont versées sur un compte spécial qui fait l’objet d’une liquidation distincte ».
Pour une meilleure gestion des contrats en cours et dans l’intérêt des souscripteurs et bénéficiaires desdits contrats, la CRCA, « à la demande du liquidateur et sur le rapport du juge contrôleur, fixe la date à laquelle les contrats cessent d’avoir effet, autorise leur transfert en tout ou partie à une ou plusieurs entreprises, proroge leur échéance, décide la réduction des sommes payables en cas de vie ou de décès ainsi que des bénéfices attribués et des valeurs de rachat, de manière à ramener la valeur des engagements de l’entreprise au montant que la situation de la liquidation permet de couvrir »[47].
Ces différentes facultés de résiliation favorables à l’assuré seraient motivées par l’inutilité du contrat qu’elles permettraient de pallier. S’agissant de la possibilité de résiliation après sinistre, si elle est principalement à la disposition de l’assureur, elle doit satisfaire à de nombreuses exigences pour pouvoir être opposable au consommateur.
II- Les contraintes en cas de résiliationdu contrat d’assurance par les professionnels de l’assurance
En raison de son caractère potestatif, le droit de résiliation du contrat d’assurance par le professionnel risque souvent d’être exercé de façon arbitraire. La réalisation d’un risque ne doit pas en principe déboucher sur la résiliation du contrat d’assurance, dès lors que l’on admet que cet événement justifie la raison pour laquelle la garantie existe. Après la survenance d’un sinistre, l’article 23 du Code CIMA permet à titre exceptionnel à l’assureur, après règlement du sinistre, de mettre prématurément fin au contrat d’assurance en recourant à la résiliation. Seulement, pour limiter toute velléité d’abus et donc pour assurer une certaine protection du consommateur (A), le législateur a encerclé l’exercice de cette faculté de résiliation par l’assureur de nombreuses contraintes dont l’inobservation est en principe sanctionnée (B).
A. Le risqued’abusde droit des professionnels, justificatif de la protection des consommateurs
Le risque d’abus de droit en matière d’assurance pourrait justifier la protection des assurés contre les abus de résiliation (1) ainsi que la rigueur des modalités de mise en œuvre de la résiliation après sinistre par les professionnels de l’assurance (2).
1. Les fondements de la protection contre les abusde résiliation
Pour Georges RIPERT, « pour qu’il y ait abus, il faut (…) que l’exercice du droit ne présente aucune utilité pour celui qui l’exerce »[48]. Suivant cette conception, l’abus de droit est nécessairement conditionné par l’existence d’une intention de nuire. Pour JOSSERAND, l’abus de droit se présente comme une arme contre l’égoïsme des sujets de droit, auxquels des prérogatives individuelles ne sont attribuées qu’en vue et dans la limite du bien commun. Dès lors, l’abus existe dans tous les cas où le droit en cause a été détourné de l’utilité sociale ayant présidé à son attribution. C’est davantage dans ce second sens que l’abus de droit de l’assureur sera envisagé et assimilé au non-respect du devoir de bonne foi exigé par l’article 1134 alinéa 3 du Code civil. Pour une partie de la doctrine et dans l’intérêt des consommateurs, les obligations contractuelles pourraient désormais être encadrées de la manière suivante : « Les conventions légalement, loyalement et équitablement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles peuvent être révoquées ou révisées de leur consentement mutuel, pour les causes que la loi autorise et lorsqu’un déséquilibre excessif prive le contrat de toute cohérence ou de tout intérêt pour l’un des contractants. Elles doivent être négociées, conclues, exécutées et rompues de bonne foi[49]».
En droit commun, l’abus de droit a pour domaine de prédilection la rupture de rapports contractuels inscrits dans la durée. Un abus pourra de la sorte être relevé dans l’invocation de motifs fallacieux censés justifier la rupture. L’abus résulte bien plus fréquemment de circonstances accompagnant l’extinction volontaire du lien contractuel. Point n’est besoin que celles-ci révèlent une intention de nuire, car, même dénuées de tout « animus nocendi », la brutalité et la déloyauté de la rupture sont sanctionnées. La jurisprudence récente exige même du résiliant une « loyauté positive » : le fait pour l’une des parties de trouver un intérêt légitime à rompre le contrat ne suffit pas à exclure sa responsabilité lorsqu’un dommage est causé au cocontractant[50].
La faculté de résiliation la plus « polémogène » est sans aucun doute celle que l’assureur peut exercer après la survenance d’un sinistre lorsque le contrat le prévoit. Cela dit, quoique difficilement appréciable[51], la résiliation abusive du contrat d’assurance a pu être constatée dans certains cas. Il a ainsi été jugé que l’abus est constitué lorsque l’assureur résilie dès le premier sinistre, alors qu’il ne peut établir qu’une fausse déclaration du risque lui a été faite[52]. Le but de la résiliation est encore déterminant de l’abus lorsque, le sinistre étant constitué de deux événements distincts, l’assureur résilie à la survenance du premier d’entre eux, se déchargeant ainsi d’un sinistre incomplètement réalisé[53]. Plus largement, l’abus sera relevé dans l’hypothèse où le contrat résilié n’a pas épuisé son objet. La résiliation n’est pas davantage légitime lorsque son seul but est de sanctionner l’assuré, celui-ci refusant de souscrire certaines garanties[54], alors que le contrat est en lui-même opérationnel et équilibré.
Bien que la faculté de résiliation après sinistre existe en principe au profit de l’assureur, sa mise en œuvre révèle de nombreuses contraintes pour celui-ci. En fin de compte, ces contraintes peuvent être considérées comme des mesures protectrices de l’assuré.
2. L’existence de formules protectrices contre les abusde résiliation: la rigueur des conditions de mise en œuvre de la résiliation après sinistre par les professionnels
En principe, l’assureur ne peut mettre en branle la faculté de résiliation après sinistre que si cette possibilité a été prévue par une clause contractuelle. Suivant les dispositions de l’article 23 du Code CIMA, lorsqu’une clause du contrat le prévoit, l’assureur pourrait résilier le contrat d’assurance après la survenance d’un sinistre[55], même si la règle en pratique et en principe demeure, faut-il le souligner, celle de la continuation du contrat. L’article 8 du Code CIMA rappelle sur ce point que « les clauses des polices édictant (…) des résiliations de plein droit (…) ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ».
Le droit de résiliation du contrat d’assurance reconnu à l’assureur après toute survenance d’un sinistre ne saurait s’expliquer par la rupture de l’équilibre du contrat. La garantie d’un risque étant l’objet du contrat d’assurance, l’intervention d’un sinistre ne saurait aucunement être considérée comme une rupture de l’équilibre des prestations.
La condition impérative pour l’assureur de prévoir la faculté de résiliation après sinistre dans une clause du contrat pour pouvoir en faire usage s’expliquerait par « la volonté des rédacteurs du Code d’assurer la protection de l’assuré. Cette clause étant le résultat d’un accord de volontés des parties, elle ne saurait provoquer d’effet surprise à l’encontre de l’assuré »[56]. Il faut préciser que même en cas d’insertion de cette faculté de résiliation après sinistre dans une clause du contrat, l’assureur n’est pas automatiquement tenu d’en faire usage. Il lui est loisible de s’abstenir, à sa guise, de l’exercice de ce droit.
A la lecture de l’article 23 du Code CIMA, l’on peut détecter diverses sujétions pour l’assureur, dont l’une renvoie notamment au délai et aux formalités de préavis (a). Ce texte permet aussi la neutralisation du pouvoir de résiliation après sinistre (b) de même qu’il contribue à la préservation des droits de l’assuré (c) en encadrant les implications de la résiliation après sinistre (d).
a. Les contraintes liées au délai et aux formalités de préavis à observer par l’assureur pour la résiliation
A défaut d’existence dans le contrat d’assurance d’une clause permettant à l’assureur de le résilier postérieurement à la survenance du sinistre, il ne saurait invoquer l’article 23 alinéa 1 du Code CIMA qui fixe les conditions pour mettre fin au contrat à l’occasion d’un sinistre.
Suivant les prescriptions de l’article 23 alinéa 1 : « dans le cas où une police prévoit pour l’assureur la faculté de résilier le contrat après sinistre, la résiliation ne peut être faite que dans un délai de trois mois après qu’il en ait eu connaissance et moyennant un préavis d’un mois à dater de la notification à l’assuré par lettre recommandée, par acte extrajudiciaire ou par tout autre moyen (…)». C’est dire que lorsque la faculté de résiliation après sinistre a été prévue, des contraintes existent pour l’assureur qui, pour sa mise en œuvre, doit observer un délai de trois mois courant à partir du jour où il a eu connaissance du sinistre s’il veut résilier le contrat d’assurance.
L’article 23 alinéa 1 du Code CIMA exige encore à l’assureur de respecter la période de préavis qui est d’une durée d’un mois à compter de la notification de l’acte de résiliation. Ce préavis a pour finalité de permettre à l’assuré de rechercher et de trouver un nouvel assureur avec qui il pourra conclure une autre police d’assurance.
Concernant sa forme, la résiliation peut s’effectuer par la notification à l’assuré d’une lettre recommandée, d’un acte extrajudiciaire, voire par tout autre moyen. Cependant, en cas d’encaissement d’une prime ou cotisation après le sinistre pouvant donner lieu à résiliation, l’assureur ne pourra plus se prévaloir dudit sinistre pour résilier le contrat.
b. La neutralisation de la possibilité de résiliation après sinistre
Au profit de l’assuré, la législation CIMA des assurances a prévu que « l’assureur qui, passé le délai d’un mois après qu’il a eu connaissance du sinistre, a accepté le paiement d’une prime ou cotisation ou d’une fraction de prime ou cotisation correspondant à une période d’assurance ayant débuté postérieurement au sinistre ne peut plus se prévaloir de ce sinistre pour résilier le contrat ». Cette mesure protectrice des consommateurs d’assurances ressort de l’in fine de l’article 23 alinéa 1 précité.
L’une des spécificités du régime de la résiliation après sinistre réside justement en ce que s’il arrive qu’un mois après que l’assureur ait été informé du sinistre, l’assuré paie la prime ou la cotisation qui correspond à une période d’assurance[57] devant prendre effet après le sinistre, force sera de constater, à la suite du législateur, que l’assureur qui a accepté le versement de la prime ou cotisation dans ces conditions ne peut plus résilier le contrat pour cause de ce sinistre. Cette règle spécifique participe, comme d’autres points de l’article 23, à la préservation des intérêts de l’assuré après le sinistre à propos duquel la résiliation pouvait être sollicitée par l’assureur.
c. La préservation des droits de l’assuré en cas de résiliation après sinistre
Selon l’article 23 alinéa 2 du Code CIMA, dans le cas de la résiliation après sinistre, « les polices doivent reconnaître à l’assuré le droit, dans le délai d’un mois, de la notification de la résiliation de la police sinistrée, de résilier les autres contrats d’assurance qu’il peut avoir souscrits auprès de l’assureur, la résiliation prenant effet un mois à dater de la notification à l’assureur ».
Lorsque la police d’assurance prévoit pour l’assureur la faculté de résilier le contrat après sinistre, elle doit pareillement spécifier que l’assuré est en droit de résilier toutes les autres polices souscrites auprès de cet assureur dans le délai d’un mois courant à compter de la notification à ce dernier de la résiliation de la police sinistrée. Ainsi, l’assuré peut faire résilier toutes les polices, même non sinistrées, lorsque son assureur lui a notifié une lettre de résiliation de la ou des polices frappées par le ou les sinistres. Il s’agit là d’une espèce de « droit de réponse de l’assuré ». De la résiliation du contrat d’assurance consécutivement à un sinistre, il y a des effets de droit qui en résultent.
d. La prise en compte des implications de la résiliation après sinistre par l’assureur
Il ressort de l’article 23 alinéa 3 du Code CIMA que la faculté de résiliation après sinistre, ouverte à l’assureur, comporte restitution par celui-ci des fractions de primes ou cotisations correspondantes à la période durant laquelle les risques ne seraient plus garantis.
Le droit commun des contrats nous enseigne que la résiliation permet à l’un des contractants de sortir du contrat qui prend ainsi fin pour l’avenir, étant donné que, par principe, la résiliation ne produit pas d’effet rétroactif. Il doit alors exister des conséquences de droit qui découleraient de la résiliation d’une police d’assurance à la suite d’un sinistre. Le principal effet concernant les consommateurs est l’obligation pour l’assureur de rembourser les portions de primes ou de cotisations correspondantes à la période pour laquelle les risques ne sont plus garantis. Qui plus est, l’assureur reste tenu du règlement du sinistre survenu avant la résiliation s’il est dû.
Au regard du contrôle par le juge du respect des exigences de l’article 23 du Code CIMA, l’on pourrait inférer que l’inobservation des contraintes prévues pour la mise en branle de la résiliation après sinistre serait assimilable à un abus de résiliation. Force est alors de constater qu’à l’image de la rupture abusive des pourparlers, la résiliation abusive du contrat d’assurance par l’assureur doit être sanctionnée.
B. Le contrôle des abus de résiliation par les professionnels de l’assurance
La sanction (2) du professionnel de l’assurance qui se rend coupable d’exercice abusif du droit de rompre (1) le contrat contribue énormément, à notre sens, à restreindre le risque d’arbitraire des professionnels de l’assurance en général.
1. La caractérisation de l’abus du droit de résiliation par les professionnels
Pour qu’un abus de droit soit relevé dans la rupture du lien contractuel, il faut en principe pouvoir constater certains faits dans les agissements du professionnel. Ceci étant, il faut rappeler que la notion d’abus de droit est mobilisée, depuis le début du XXème siècle, autour de deux conceptions antagonistes. D’une part, SALEILLES[58] puis RIPERT[59] ont soutenu une définition individualiste de l’abus de droit entendu comme « un acte dont l’effet ne peut être que de nuire à autrui, sans intérêt appréciable et légitime pour celui qui l’accomplit[60]». L’abus de droit se trouve alors « restreint à son minimum d’extension, étant conditionné par une preuve unique, qui ne porte que sur un seul objet, l’intention exclusive de nuire[61]». De nombreux arrêts de la Cour de cassation française relèvent en effet comme critère de l’abus de droit l’intention de nuire[62].
D’autre part, pour JOSSERAND qui se situe dans une perspective jugée plus socialisante, l’abus de droit du professionnel serait « constitué par le détournement de la fonction sociale et de la finalité du droit »[63]. Pour cet auteur, il y aurait abus « dans tous les cas où le droit en cause a été détourné de l’utilité sociale ayant présidé à son attribution ».
De nombreuses conceptions intermédiaires de l’abus de droit ont également été proposées ; l’une d’elles vise notamment à voir dans l’abus une faute dans l’exercice du droit[64].
Comme le pense une partie de la doctrine, la sanction de l’abus de droit ne résulterait pas « d’une comparaison abstraite entre la finalité supposée du droit et la manière dont en a usé le contractant, mais d’un jugement de valeur porté, au cas par cas, sur le comportement de ce contractant[65]». Au regard de ce qui précède, l’on pourrait tirer la conclusion suivant laquelle l’abus de droit, en matière contractuelle, se rapproche fortement de l’inobservation de l’obligation de bonne foi prescrite par les dispositions de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil. Toute chose qui conforte l’idée développée par une partie de la doctrine selon laquelle les conventions ne doivent pas seulement être exécutées de bonne foi, mais qu’elles doivent également être négociées, conclues et surtout rompues de bonne foi.
2. Les sanctions de l’abus du droit de résiliation par les professionnels
La déloyauté des professionnels, même si l’on se situe au stade de l’extinction du contrat, doit être sanctionnée. La sanction consistera souvent dans l’allocation de dommages-intérêts (a) sans préjudice du prononcé éventuel de la déchéance du droit (b).
a. La condamnation aux dommages-intérêts
En règle générale, le contractant qui ne remplit pas une obligation que le contrat mettait à sa charge peut être condamné par le juge au paiement des dommages-intérêts au titre du dommage causé à l’autre partie par l’inexécution de l’engagement contractuel. La mise en œuvre de cette responsabilité nécessite tout d’abord l’inexécution du contrat ou son exécution tardive, incomplète ou défectueuse[66]. Une fois les conditions de la responsabilité réunies, il revient au juge de condamner l’auteur de l’exercice abusif de son droit de rompre à indemniser la partie victime en considération du préjudice réellement subi[67].
En matière assurantielle, l’exercice abusif du droit de rompre le contrat engage la responsabilité de son auteur et le contraint au versement de dommages-intérêts. En effet, parce que fondé sur la responsabilité[68] de l’assureur, l’abus de résiliation, lorsqu’il est constaté, est susceptible de condamnation à dommages-intérêts en ce sens que l’assuré est privé de la sécurité que le contrat lui aurait procurée nonobstant sa rupture[69]. Deux situations peuvent alors se produire. Dans le premier cas, l’assuré souscrit, peu de temps après la résiliation litigieuse, un nouveau contrat. Le juge est alors tenté de considérer que le préjudice correspond à l’augmentation éventuelle du coût de l’assurance[70]. Dans le second cas, un sinistre survient peu après la résiliation du contrat, et les dommages-intérêts ont toutes les chances de correspondre à la somme que l’assuré aurait perçue si la garantie de l’assureur lui avait été accordée[71].
Les sanctions envisageables de la résiliation abusive du contrat d’assurance ne se limiteraient pas à l’allocation de dommages-intérêts. En dehors de la possibilité d’ordonner l’indemnisation du cocontractant, le juge pourrait également envisager une réparation en nature[72] dans la mesure où celle-ci est possible. Pour certains auteurs, l’on pourrait même envisager la déchéance du droit.
b. La déchéance du droit et le maintien forcé du contrat
D’entrée de jeu, il faut préciser que la déchéance ici renvoie au sens que lui donne le droit commun, et non au sens que lui attribue le Code CIMA. La déchéance en droit des assurances s’identifie essentiellement à la privation de garantie que peut encourir l’assuré ayant commis une faute après toute survenance de sinistre. Cela étant, une certaine doctrine[73] propose, à titre de sanction de l’abus de droit, la déchéance du droit dont il a été fait abusivement usage, en particulier lorsqu’une obligation de loyauté a été bafouée[74]. Une fois que cette déchéance est prononcée, tout se passera comme si le droit n’avait jamais été exercé. Cette sanction aurait pour effet principal d’annihiler l’acte de résiliation et, partant, de maintenir en vigueur le contrat. Le résultat atteint serait dès lors comparable à celui obtenu par le maintien ou la prolongation judiciaire du lien contractuel, au titre d’une réparation en nature[75].
Pour sanctionner le professionnel de l’assurance qui serait coupable d’abus dans la rupture du contrat, le juge pourrait en toute âme et conscience envisager le maintien forcé du contrat au titre d’une exécution en nature résultant de l’annulation de la décision de rupture. Sur ce point et pour une certaine doctrine avisée, « alors que dans certaines hypothèses, le maintien forcé du contrat est une mesure d’exécution en nature résultant de l’annulation de la décision de rupture par le juge, dans d’autres cas, il est une mesure de réparation en nature du préjudice par laquelle le juge, sans remettre en cause la validité de la décision de rupture, sanctionne la responsabilité de son auteur » [76]. Dans cette logique, le juge qui prescrit le maintien du contrat après avoir annulé la décision de rupture devrait pouvoir ordonner une mesure d’exécution forcée du contrat. La poursuite du contrat apparaît dans ce cas comme une espèce de mesure de remise en état en présence d’un abus dans l’exercice du droit de rompre.
Pour justifier la position suivant laquelle le maintien forcé du contrat pourrait être ordonné au titre de la réparation en nature du préjudice subi par le consommateur, l’on peut avancer que bien que la responsabilité civile sanctionne en règle générale une rupture abusive, « celle-ci ne se solde pas nécessairement par l’allocation de dommages-intérêts[77]». Cela étant, la réparation en nature, plutôt que la réparation par équivalent, pourrait dès lors être prononcée par le juge. Ainsi, lorsque le juge prononce le maintien forcé du contrat en raison de l’abus du droit de rompre, il ne fait que compenser le dommage en suspendant les effets de la décision abusive[78].
Conclusion
Le contrat d’assurance ne saurait être étudié sans que soient prises en compte les contraintes inhérentes à l’opération d’assurance. La préservation permanente de l’équilibre de la mutualité, composée de l’ensemble des personnes assurées contre un même risque, déteint grandement, à cet égard, sur le comportement contractuel de l’assureur. Dans la rupture du lien contractuel, l’inutilité du contrat se présente bel et bien comme étant la cause et la condition de la résiliation.
Sur les hypothèses de résiliation ouvertes à l’assuré, l’on peut retenir que la finalité du droit de résiliation du contrat est presque toujours fonction des cas envisagés. Ceux-ci, qu’il s’agisse du cas des facultés annuelles de résiliation ou de l’hypothèse de résiliation pour des cas déterminés, étant liés à la diminution ou à la disparition de l’utilité du contrat pour l’assuré qui peut alors sortir d’un contrat devenu sans intérêt pour lui. Au rang des règles relevant des mécanismes protecteurs du consommateur et en l’état actuel du droit positif, la résiliation du contrat sollicitée entre la survenue du dommage et la demande d’indemnisation ne libérerait en rien l’assureur de son obligation de garantie. Le droit CIMA lui faisant par ailleurs obligation de prévoir dans le contrat d’assurance, au titre des mentions obligatoires de l’article 8 du Code CIMA, les cas et les modalités de résiliation du contrat ou de cessation de ses effets.
S’agissant du régime de l’abus de résiliation par les professionnels, il nous a été donné de constater que la recherche du motif de résiliation renvoie très souvent au critère téléologique de l’abus de droit, consistant à rechercher si le titulaire du droit en fait un usage conforme à sa finalité originelle. C’est souvent le cas lorsque l’assureur entend recourir à la liberté de résiliation après sinistre qui lui est offerte par la loi. Il est, dès lors, important de marteler que dans la rupture du lien contractuel, la bonne foi doit nécessairement guider le comportement des parties dans l’usage des facultés de résiliation. L’assureur, particulièrement, ne doit pas utiliser son droit de rupture dans le but de se détourner de ses engagements contractuels.
Notre analyse reposait principalement sur les exigences d’utilité et de satisfaction de l’opération d’assurance, laquelle doit avoir un certain intérêt pour le preneur d’assurance depuis la conclusion du contrat jusqu’à son extinction en passant par sa mise en œuvre. Le contrat d’assurance, fut-il équilibré, doit être capable de satisfaire les attentes des parties contractantes et principalement de l’assuré. C’est là qu’intervient le critère de l’utilité du contrat pouvant justifier la résiliation du contrat qui serait abusive lorsqu’elle ne vise qu’à priver l’assuré du bénéfice qu’il pouvait tirer du contrat. Ce critère d’utilité constituerait ainsi une donnée fondamentale d’appréciation de la résiliation abusive à laquelle pourrait se livrer l’assureur dans l’exercice de son droit. C’est le lieu de réitérer, avec insistance, que la protection du consommateur dans le contexte du contrat d’assurance doit conjuguer avec un autre critère que le seul équilibre formel. Cet autre critère est bien entendu celui de l’utilité du contrat[79].
A l’observation de nombreux instruments juridiques consacrant divers mécanismes de protection des consommateurs dans le domaine assurantiel, il faut se rendre à l’évidence que l’accent est davantage mis sur les phases de formation et d’exécution du contrat. Faut-il en conclure à un désintérêt pour la préservation des intérêts des consommateurs dans la phase d’extinction du contrat d’assurance ? Une réponse négative s’impose, la législation CIMA ayant prévu des mécanismes qui concourent, tant bien que mal, à la protection des consommateurs, lorsque pour une raison ou pour une autre, il faut mettre un terme au contrat. Il y a donc un réel intérêt à protéger les consommateurs d’assurance au-delà de la formation et de l’exécution du contrat.
[1] S’il est vrai que le contrat en général constitue « un instrument d’anticipation sur le futur », il faut dire que cela est encore plus vrai pour le contrat d’assurance (J. CARBONNIER, De la contribution que la sociologie juridique peut apporter au droit du contrat, in Flexible droit, 8e éd., 1995, p. 309).
[2] L’article 4 de la Loi N° 2015/018 du 21 décembre 2015 régissant l’activité commerciale au Cameroun définit le professionnel comme « toute personne physique ou morale qui agit, y compris par l’intermédiaire d’une autre personne agissant en son nom ou pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle artisanale ou libérale ».
[3] La Loi-cadre N° 2011/012 du 06 mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun définit le consommateur en son article 2 comme « toute personne qui utilise des produits pour satisfaire ses propres besoins et ceux des personnes à sa charge et non pour les revendre, transformer ou les utiliser dans le cadre de sa profession, ou toute personne qui bénéficie des prestations de service ». Cette définition est reprise par l’article 4 de la Loi N° 2015/018 du 21 décembre 2015 régissant l’activité commerciale au Cameroun.
[4] Il s’agira souvent d’une société d’assurance en principe et donc d’une personne morale.
[5] Il peut s’agir d’une personne physique ou morale. Il peut encore s’agir du souscripteur lui-même ou d’un tiers.
[6] Comme l’assuré, le souscripteur peut être une personne physique ou morale.
[7] Le souscripteur peut conclure le contrat d’assurance en personne ou avoir recours à un mandataire qui ne sera pas personnellement tenu au paiement de la prime en vertu de la théorie générale du mandat. Sur le mandat général ou spécial, V. article 5 alinéa 1 du Code CIMA.
[8] Il s’agit ici en réalité du « tiers-bénéficiaire » qui existe à côté du « tiers-victime » que l’on rencontre notamment dans les assurances de responsabilité et qui est une personne inconnue au moment de la souscription du contrat d’assurance mais qui interviendra par la suite.
[9] Pour l’utilitariste J. STUART MILL, tout « acte capable d’influer sur la confiance réciproque que les hommes doivent accorder à leur parole » est un mal en soi (J. S. MILL, « L’utilitarisme », Champs Flammarion, 1988, pp. 11-16).
[10] Selon la jurisprudence, « un contrat ne peut légalement exister s’il ne renferme les obligations qui sont de son essence, et s’il n’en résulte un lien de droit pour contraindre les contractants à les exécuter » (Req. 19 janv. 1863 : Cohen c/ Roubieu, D. 1863, I, p. 248.
[11] J. GHESTIN, Traité de droit civil, La formation du contrat, 3ème édition, L.G.D.J., 1993, n° 59.
[12] A. GUIDO, « L’avenir du contrat : aperçu d’une recherche bibliographique » in Revue internationale de droit comparé, Vol. 37, n° 1, Janvier-mars 1985, pp. 10-11. On trouve le fondement de cette idée chez KELSEN, dans un essai sur la notion de « convention » publié dans les « Archives de philosophie du droit » de 1940. Ce qui est curieux (mais peut-être que non…) est que dans ces mots de GHESTIN – et dans les considérations qu’il a souvent consacrées à la source du principe « pacta sunt servanda », qu’il place dans le « devoir de conscience » du débiteur – reviennent les mêmes préoccupations et donc les mêmes sollicitations que l’on a déjà rencontrées en discutant les positions d’autres auteurs.
[13] Article 10 de la Loi-cadre N° 2011/012 du 06 Mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun.
[14] Selon l’analyse économique, le contrat pourrait être défini comme « une opération économique fondée sur l’équilibre objectif ou subjectif des valeurs échangées ». J. M. POUGHON, L’histoire doctrinale de l’échange et du contrat, thèse LGDJ, 1985, n° 238.
[15] Il faut néanmoins préciser que la résiliation, dans certains cas, émanera de la volonté de l’une des parties et l’autre partie devra s’incliner devant cette décision. Cependant, dans d’autres cas, les deux parties se mettront d’accord pour résilier le contrat. On dira que la résiliation est bilatérale.
[16] V. en ce sens O. TAFANELLI, Le temps et le contrat d’assurance, thèse, Université de Nice-Sophia Antipolis, 2002, no 169, pp. 101-102.
[17] Civ. 3e, 17 juil. 1996, n° 93-19.432, Bulletin 1996 III N° 193 p. 124.
[18] Pour la doctrine, le contrat « baigne dans ce monde extrêmement vivant, fluctuant, de l’ensemble de l’économie. Celle-ci représente le milieu dont il subit l’action, le contexte dont il reçoit un sens ». J. LARTIGOLLE, Justice commutative et droit positif, Thèse Bordeaux 1957, p. 109.
[19] L’on peut aussi penser à l’hypothèse particulière de la nullité du contrat d’assurance. Ainsi, les cas de nullité spécifiques au droit des assurances tout comme les causes de nullité de droit commun ont également pour conséquence la cessation du contrat d’assurance.
[20] V. Article 21 du Code CIMA modifié et complété par Décision du Conseil des Ministres du 05 avril 2012 (Règlement n° 0005/CIMA/PCMA/PCE/2012 modifiant et complétant les dispositions de l’article 21 du Code des assurances relatives aux conditions de résiliation des contrats d’assurance).
[21] Les dispositions sur la faculté de résiliation annuelle ne sont pas applicables aux assurances sur la vie.
[22] La jurisprudence a admis que l’accusé de réception de la résiliation de l’assuré par l’assureur, sans émission des réserves, est opposable à l’assureur (Cass. civ. 1re, 13 novembre 1990, n° 88-17.826, Caisse Mutuelle de Réassurance Agricole du Berry c/ Boirrat, Bulletin 1990 I N° 239 p. 171).
[23] V. sur la forme de la résiliation, J. M. MBOCK BIUMLA (sous la coordination scientifique), Code des assurances des Etats membres de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances (Edition commentée), Juriafrica, 2012. Cf. commentaire sous l’article 22.
[24] Cette solution est également consacrée par la jurisprudence (Cass. civ. 1re, 7 octobre 1998, n° 96-18.115, Inédit).
[25] Pour la jurisprudence, la production d’une lettre par laquelle l’agent général se déclare certain que l’assuré a résilié le contrat litigieux suffit à établir la résiliation (Cass. civ. 1re, 14 janv. 1992, n° 89-12.675, Le Viavant c/ Groupe Drouot : RGAT 1992, note R. Maurice).
[26] S’agissant des représentants de l’assureur, il a été jugé que toute lettre de résiliation adressée au courtier ne vaut résiliation entre les mains de l’assureur que dans la mesure où il est prouvé que le courtier était mandataire apparent de l’assureur (Cass. civ. 1re, 29 avril 2003, n° 00-20.173, Inédit, Sté SEHGCM c/ AXA Courtage).
[27] Il est en effet admis que le contrat peut être résilié par le consentement mutuel des parties (Civ. 1re, 23 sept. 2003, n° 00-12.781, Bulletin 2003 I N° 184 p. 143, RGDA 2003).
[28] Clause que l’on retrouve dans les contrats de même genre.
[29] En cas de non-transmission par l’assuré d’une lettre de résiliation dans le délai prévu, la résiliation de plein droit pour non-paiement de la prime visée à l’article 13, peut donner droit à l’assureur au paiement par l’assuré, de dommages-intérêts. Ces dommages-intérêts sont fixés à 25% de la prime nette de renouvellement. V. Article 21 du Code CIMA modifié par Décision du Conseil des Ministres du 05 avril 2012 (Règlement n° 0005/CIMA/PCMA/PCE/2012 modifiant et complétant les dispositions de l’article 21 du Code des assurances relatives aux conditions de résiliation des contrats d’assurance).
[30] C.C.J.A, Arrêt n° 031/2006 du 28 décembre 2006, Affaire COLINA S.A C/ UTB de Bouaké et autres, Recueil de Jurisprudence n° 8/2006, p. 46.
[31] Cette faculté de résiliation est aussi ouverte, dans les mêmes conditions, à l’assureur.
[32] V. sur ces questions, A-M. H. ASSI-ESSO, J. ISSA-SAYEGH et J. LOHOUES-OBLE, CIMA, Droit des assurances, Bruylant, coll. Droit uniforme, 1re éd., 2002, n° 703 à 704, pp. 234-235.
[33] H. GROUTEL, Le contrat d’assurance, p. 70, cité par O. TAFANELLI, Le temps et le contrat d’assurance, op. cit., n° 171, p. 103.
[34] Du point de vue de l’assureur, ces événements, comme la cessation définitive d’activité professionnelle de l’assuré, peuvent receler des motifs d’inquiétude quant au recouvrement des primes (O. TAFANELLI, Le temps et le contrat d’assurance, op. cit., n° 171, p. 103, Ibid.).
[35] A la question de savoir si la forme de résiliation, notamment la lettre recommandée avec demande d’avis de réception prévue en cas de modification ou de cessation de risque était obligatoire, la jurisprudence a décidé que la lettre recommandée a valeur probatoire. Ainsi, une simple lettre n’a pas été considérée comme valable (Cass. civ. 1re, 21 avril 1976, n° 74-14.212, RGAT 1977, p. 59). De même, la production d’un accusé de réception, non accompagné de la copie de la lettre recommandée, a été jugé non valable (Cass. civ. 1re, 22 février 1984, n°82-15.916, RGAT 1985, p. 60). Elle décide encore qu’en cas de non-respect de la forme, seule l’acceptation de la lettre par l’assureur ou son mandataire valide la résiliation. C’est le cas de l’acceptation de la demande de résiliation formulée sous forme verbale (Cass. civ. 1re, 8 février 1984, n° 83-10.906, Bulletin 1984 I N° 53, RGAT 1985, p. 59).
[36] J. M. MBOCK BIUMLA (sous la coordination scientifique), Code des assurances des Etats membres de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances, op. cit., V. commentaire sous l’article 26.
[37] Les questions relatives à la résiliation tardive ou au renouvellement de résiliation tardive s’appliqueraient également dans cet alinéa.
[38] Il semble que ladite notification puisse se faire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, par acte extrajudiciaire ou par tout autre moyen prévu par le contrat.
[39] Le verbe « rembourser » utilisé par le législateur est trivial, car à la suite d’une résiliation, l’assureur est tenu d’une obligation de « restituer », terme paraissant plus adéquat (J. M. MBOCK BIUMLA (sous la coordination scientifique), Code des assurances des Etats membres de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances, op. cit., commentaire sous l’article 25).
[40] Le législateur utilise dans l’alinéa 6 de l’article 25, le verbe « pouvoir ». Cette formulation, à notre sens, pourrait prêter à équivoque car, de l’avis de certains, elle pourrait induire une faculté de paiement d’une indemnité à l’assureur même si elle ne saurait s’imposer aux consommateurs. Ceux-ci auront donc tout intérêt à parcourir profondément le contrat d’assurance afin d’y déceler toute clause y relative. Ils pourront ainsi demander éventuellement leur suppression ou simplement leur modification.
[41] En cas d’aliénation de la chose assurée, celui qui aliène reste tenu vis-à-vis de l’assureur au paiement des primes échues, mais il est libéré, même comme garant des primes à échoir, à partir du moment où il a informé l’assureur de l’aliénation par lettre recommandée.
Lorsqu’il y a plusieurs héritiers ou plusieurs acquéreurs, si l’assurance continue, ils sont tenus solidairement du paiement des primes.
[42] L’assuré est alors tenu d’informer l’assureur, par lettre recommandée ou par tout autre moyen prévu dans la police, de la date d’aliénation.
[43] Article 17 alinéa 1 du Code CIMA. Les expressions « faillite et liquidation judiciaire » utilisées par le législateur CIMA ne correspondent plus à la réalité des procédures réglementées par l’Acte Uniforme du 10 septembre 2015 portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (AUPCAP).
[44] Article 17 alinéa 2 du Code CIMA. Le syndic peut aussi, selon les circonstances, surseoir au paiement des sinistres.
[45] Article 321 du Code CIMA sur les « mesures de sauvegarde » des entreprises d’assurance connaissant des difficultés.
[46] Article 325-11 du Code CIMA : « Retrait d’agrément, cessation des contrats – Assurances de dommages ».
[47] Article 325-12 du Code CIMA : « Retrait d’agrément, cessation des contrats – Assurances vie ». Les dispositions des articles 325-3, 325-4 et 325-8 ne sont pas applicables tant que la Commission de Contrôle des Assurances n’a pas fixé la date à laquelle les contrats cessent d’avoir effet, et le délai de dix jours, prévu au deuxième alinéa de l’article 325-3, ne court qu’à compter de la publication de cette décision au Journal Officiel et/ou dans un Journal d’annonces légales.
[48] G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 4ème éd., 1949, n° 101, p. 117.
[49] D. MAZEAUD, La réduction des obligations précontractuelles, in colloque « Que reste-t-il de l’intangibilité du contrat ? », Dr. & Patr. n° 58, mars 1998, p. 68. Cité par Michaël BARBERIS, La liberté de rompre unilatéralement le contrat, mémoire de DEA de droit des contrats civils et commerciaux, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, 2002-2003, p. 1.
[50] Sur la question des fondements de l’abus de résiliation en droit commun et en droit des assurances, V. O. TAFANELLI, Le temps et le contrat d’assurance, op. cit., n° 174-175, pp. 105-106.
[51] Ibid., l’intention de nuire, déterminant le plus net de l’abus, est rarissime en matière d’assurance. La faute, quant à elle, peut jouer un rôle particulier lorsque la résiliation est opérée sans motif sérieux, « à la suite d’un sinistre de faible importance et isolé au sein d’une longue période d’assurance ». Sur le droit de résiliation stipulé au profit de chacune des parties, Civ. 1re, 7 juill. 1992, n° 90-21.188, RGAT 1992, p. 892 et s.
[52] V. en ce sens, Civ. 1re, 3 mai 1995, n° 92-20.082, RGAT 1995, p. 587, note A. Favre Rochex.
[53] CA Lyon, 28 mars 1991, D. 1991, jur. 449, note J. GHESTIN, RGAT 1991, p. 897, note J. Kullmann. En l’espèce, ce n’était pas la résiliation qui fut jugée abusive, mais la clause de définition du sinistre. La rupture du contrat annihile ainsi intégralement son utilité lorsque l’assureur profite de la définition complexe du sinistre pour mettre fin au contrat avant que le risque soit intégralement réalisé.
[54] Civ. 1re, 17 mai 1982, n° 81-10.335.
[55] Sur la question, J. M. MBOCK BIUMLA (sous la coordination scientifique), Code des assurances des Etats membres de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances, op. cit., commentaire sous l’article 23.
[56] A-M. H. ASSI-ESSO, J. ISSA-SAYEGH et J. LOHOUES-OBLE, CIMA, Droit des assurances, op cit, n° 709, p. 237.
[57] Par hypothèse, il s’agira généralement du renouvellement du contrat, étant donné que l’article 13 du Code CIMA ne permet plus en principe les émissions sans paiement de la prime.
[58] R. SALEILLES, Rapport présenté à la première sous-commission de la commission de révision du Code civil, bulletin de la société d’études législatives 1905, Tome IV, p. 322 et s., cité par P. ANCEL, « Critères et sanctions de l’abus de droit en matière contractuelle », JCP éd. E. 1998, n° 6, cahiers droit de l’entreprise, p. 30 et s.
[59] G. RIPERT, « Abus ou relativité des droits », in Revue critique de législation et de jurisprudence 1929, pp. 33 et s.
[60] R. SALEILLES, Rapport présenté à la première sous-commission de la commission de révision du Code civil, op. cit., p. 322.
[61] Ibid., p. 349.
[62] Mais ces arrêts n’en concluent pas tous que l’intention malicieuse du titulaire du droit est une condition nécessaire de l’abus de droit. En ce sens, Cass. com., 3 juin 1997, n° 95-12.402 et n° 95-13.756, Bull. civ. IV, n° 172, p. 153 ; JCP éd. G. 1998, I, 4056, obs. C. JAMIN ; D. 1998, somm. p. 113, obs. D. MAZEAUD.
[63] L. JOSSERAND, De l’abus des droits, Thèse Paris, 1905.
[64] H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, tome 2, 1er vol., op. cit., n° 458, p. 479.
[65] P. ANCEL, « Critères et sanctions de l’abus de droit en matière contractuelle », op. cit., p. 33.
[66] En ce sens, Cass. com., 14 janv. 1997, n° 95-12.769, Bull. civ. IV, n° 17, p. 15 ; JCP éd. E. 1997, pan. p. 207 ; JCP éd. N. 1998, p. 708.
[67] Il a été jugé que, dans un contrat portant sur une prestation unique, la partie qui rompt la convention, de façon unilatérale et anticipée, se prive du droit d’exercer la faculté de résiliation telle qu’elle était aménagée par cette convention et s’expose au risque d’une condamnation à indemniser son cocontractant (Cass. com., 20 mai 1997, n° 96-22.406, Bull. civ. IV, n° 140, p. 125). S’expose nécessairement au paiement d’indemnités la partie qui rompt avant son terme un contrat à durée déterminée car cette attitude est constitutive d’une faute (Cass. com., 9 juillet 1996, n° 94-15.875, RJDA 1996, n° 1438). La partie qui rompt, même de manière légitime, un contrat à durée indéterminée peut se voir attribuer l’imputabilité de la rupture et être ainsi obligée de dédommager l’autre partie, laquelle n’est pas toujours en faute (Cass. civ. 1ère, 21 mai 1997, n° 95-13.286, RTD civ. 1997, p. 934, obs. J. MESTRE).
[68] Cette responsabilité peut être contractuelle ou délictuelle. L’abus de droit, qu’il ait été commis dans le domaine contractuel ou extra contractuel, engendre, dans tous les cas, la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle de son auteur, qui est tenu à la réparation intégrale du préjudice qu’il a causé par sa faute. Bien que la jurisprudence semble consacrer la nature délictuelle de cette responsabilité, la doctrine, elle, est partagée. Une partie de la doctrine s’interroge en ces termes : comment admettre que la responsabilité contractuelle du contractant qui se refuse à exécuter son engagement devienne délictuelle lorsqu’il exécute ledit contrat de manière abusive ? Comment l’exercice abusif du droit de rompre peut-il encore engager la responsabilité délictuelle de son auteur lorsque cet abus est jugé comme intimement lié à l’alinéa 3 de l’article 1134 du Code civil ?
[69] Le problème pour le juge réside souvent dans l’évaluation correcte de l’étendue du dommage.
[70] Civ. 1re, 3 mai 1995, n° 92-20.082, RGAT 1995, p. 587, note A. Favre Rochex.
[71] O. TAFANELLI, Le temps et le contrat d’assurance, op. cit., n° 183, pp. 110-111.
[72] M. BARBERIS, La liberté de rompre unilatéralement le contrat, mémoire op. cit., n° 92 et 188.
[73] L. CADIET, Rép. civ. Dalloz, V. abus de droit, 1992, n° 31.
[74] L. AYNES, L’obligation de loyauté, Archives de philosophie du droit, Tome XXXXIV, Dalloz, 2000, p. 195 et s., spéc. p. 204.
[75] O. TAFANELLI, Le temps et le contrat d’assurance, op. cit., n° 184, p. 111. L’auteur y fait des développements intéressants sur la question de la déchéance du droit comme sanction de l’abus de droit. V. aussi, M.-E. PANCRAZI-TIAN, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM 1996, préface J. MESTRE, n° 271, p. 229. Cet auteur estime que « la résiliation abusive d’un contrat à durée indéterminée serait sanctionnée par une prolongation du contrat pour un temps indéterminé, quant à la brusquerie dans la rupture, elle serait sanctionnée par une prolongation du contrat pour un temps correspondant au préavis que l’auteur de la rupture aurait dû respecter ».
[76] V. sur la question, A. MARAIS, « Le maintien forcé du contrat par le juge », P. A. 2 octobre 2002, pp. 8-9. Toutefois, cette doctrine estime que le maintien forcé du contrat à titre de sanction ne devrait être prononcée que lorsque « la partie qui a mis fin aux relations contractuelles ne disposait pas du droit de rompre le contrat soit parce qu’un tel droit n’existait pas ab initio, soit parce que son titulaire en a été déchu en raison de l’illicéité des motifs ayant inspiré la cessation des relations contractuelles ». Certains auteurs ont par ailleurs proposé d’étendre le prononcé de la nullité et le maintien du contrat à tous les actes de rupture dont la motivation heurterait les droits fondamentaux de la personne.
[77] D. MAZEAUD, « Le maintien judiciaire des effets du contrat, sanction de sa rupture unilatérale abusive », Recueil Dalloz, 2001, n° 14, p. 1137.
[78] Une partie de la doctrine estime cependant que le maintien forcé du contrat, ordonné au titre d’une réparation en nature du préjudice, ne doit être prononcé que dans la mesure où il ne supprime pas le droit de rompre ultérieurement le contrat.
[79] La notion d’utilité joue un grand rôle dans le contrôle de l’équilibre des conventions, auquel correspond « soit une atteinte effective à l’intégrité du consentement, soit l’absence d’utilité concrète du contrat » (X. LAGARDE, « Office du juge et ordre public de protection », JCP 2001, I, 312, n° 12.
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