Quelques interrogations sur le droit OHADA révisé du recouvrement de créance et des voies d’exécution de 2023
Hervé Magloire MONEBOULOU MINKADA
Maître de conférences agrégé à l’Université de Douala
Résumé
L’AUPSRVE a été adopté le 1ᵉʳ juillet 1998 et révisé le 17 octobre 2023. Cette révision a permis à la présente analyse d’effectuer quelques interrogations sous forme de morceaux choisis. La démarche a consisté à visiter le droit objectif et les droits subjectifs pour poser des questions et apporter des réponses. En évitant la prétention à l’exhaustivité, il importe de préciser le domaine de ces interrogations. En prenant en compte le droit objectif, le droit matériel et jurisprudentiel sont visés. Et concernant les droits subjectifs, la personne morale de droit public et l’entreprise publique sont les sujets de droit intéressés.
Introduction
Une révision législative est toujours une aubaine pour le juriste, qui a la possibilité de lire : de comprendre, de critiquer et de repenser l’œuvre révisée[1]. C’est dans ce sens qu’il convient de cerner le sujet intitulé : « Quelques interrogations sur le droit OHADA révisé du recouvrement de créance et des voies d’exécution de 2023 ». Pour éviter un Babel juridique[2], une définition des concepts clés structurant le thème s’impose. Il s’agit du droit OHADA, du recouvrement des créances et des voies d’exécution.
Le droit OHADA comprend deux mots : le « droit » et l’« OHADA ». Le Droit, en général, peut faire l’objet de plusieurs lectures. Pour certains, le Droit est un instrument qui permet aux gouvernants de dominer les gouvernés[3].
Pour d’autres, le droit est une technique de lecture du monde, car le juriste donne les noms aux entités et les classes en catégories[4]. Dans la tendance anglo-saxonne, le droit est entendu comme la prédiction de ce que feront les tribunaux. En clair, le droit est le produit de l’activité du juge. Pour reprendre O. Holmes : « le droit est la prédiction de ce que feront les tribunaux[5] ». La source du Droit est ainsi le juge. Pour la tendance romano-germanique, le droit est un ensemble de règles codifiées, qui régissent la vie en société[6]. Ici, la source du Droit n’est pas le juge, mais le législateur par les textes qu’il pose. Dans le cadre de la présente analyse, le Droit va prendre en compte non seulement les textes, mais aussi les décisions de justice.
L’OHADA désigne l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires[7]. Cette organisation regroupe des États sur la base d’un Traité[8]. À ce titre, l’OHADA doit être considérée comme une institution internationale[9]. Et la finalité[10] recherchée est la réalisation de l’intégration économique au moyen de l’uniformisation[11] du droit applicable aux activités économiques[12] . L’intégration juridique est un levier indispensable de l’intégration économique[13]. En synthèse, les objectifs de l’OHADA se résument en trois : intégration juridique[14], intégration judiciaire et la promotion de l’arbitrage dans le règlement des litiges contractuels. Outre ces objectifs affichés, il existe d’autres objectifs non moins négligeables dans l’appréhension de l’OHADA : rapprocher les économies au moyen du droit ; faire des économies des États membres de l’OHADA un nouveau pôle de développement ; doter les États membres de l’OHADA d’un même droit des affaires simples, moderne et adapté à la situation et à la réalité de leurs économies ; promouvoir la mise en œuvre des procédures judiciaires appropriées ; concourir à la formation et assurer la spécialisation des magistrats et des auxiliaires de justice ; développer un secteur privé performant, développer des entreprises compétitives et promouvoir le commerce intra-africain, restaurer la confiance des investisseurs[15]. La présente analyse va entendre le Droit OHADA comme l’ensemble des règles posées par une organisation : OHADA, et les décisions de justice produites par les juridictions qui tranchent les litiges en application du Droit OHADA.
Quant au recouvrement de créances, certains rappels s’imposent. La créance désigne le droit que possède une personne auprès d’un débiteur. Synonyme de droit personnel, la créance est généralement utilisée pour désigner le droit d’exiger la remise d’une somme d’argent[16]. On parle alors d’une dette dont le débiteur doit s’acquitter, en versant une somme d’argent qui correspond à une prestation de service ou à l’achat d’un matériel précédemment réalisé. Lorsqu’une créance est impayée, il faut alors avoir recours au recouvrement. Ainsi, le recouvrement de créances est une activité, clairement encadrée par la loi, qui consiste à utiliser des moyens variés afin d’obtenir d’un débiteur le paiement de la créance due. Le recouvrement peut être amiable ou judiciaire. Le dictionnaire du Droit OHADA propose une définition des procédures simplifiées de recouvrement des créances. Elles s’entendent des voies par lesquelles un créancier peut rapidement obtenir un titre exécutoire, c’est-à -dire une décision judiciaire de condamnation de son débiteur au paiement de la créance. Ces procédures sont désormais au nombre de deux : L’injonction de payer et l’injonction de délivrer ou de restituer. En dépit de l’appellation “procédure de recouvrement” qui paraît trompeuse, les procédures simplifiées se distinguent des voies d’exécution dont elles ne constituent que le prélude ; elles ne sont pas véritablement des procédures de recouvrement[17].
Et une “voie d’exécution” s’entend d’un ensemble de procédures permettant à un particulier d’obtenir, par la force, l’exécution des actes et des jugements qui lui reconnaissent des prérogatives ou des droits[18]. C’est aussi une procédure légale par laquelle sont mis en Å“uvre les moyens propres à obtenir de la partie condamnée, les prestations prononcées par un jugement ou par une sentence arbitrale devenus exécutoires. Selon le dictionnaire de Droit OHADA, les voies d’exécution sont des véritables procédures par lesquelles un créancier impayé, saisit les biens de son débiteur afin de les faire vendre et se payer sur le prix de vente ou se faire attribuer lesdits biens. Les voies d’exécution constituent, par conséquent, des procédés d’exécution forcée portant sur les biens du débiteur saisi. Elles sont réglementées par l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Cet Acte Uniforme prévoit l’exécution forcée à travers plusieurs sortes de saisies : saisie conservatoire, saisie des rémunérations, saisie appréhension, saisie revendication, saisie immobilière. Mais les voies d’exécution ne sont pas les seules modalités de l’exécution forcée sur les biens du débiteur : la condamnation du débiteur au versement des dommages et intérêts au profit du créancier et l’astreinte sont les deux autres modalités[19]. Il en résulte que les procédures simplifiées de recouvrement de créances permettent de faire payer au débiteur ce qu’il doit. Il est question de réaliser une créance ; alors que les voies d’exécution permettent de faire payer à un débiteur ce qu’il doit, après une décision du juge ou celle d’un arbitre. Il est question de réaliser un jugement ou une sentence.
Historiquement, dans l’empire romain (451et 449 av. J.-C.), il y a eu adoption de la première loi écrite : la Loi des XII Tables[20]. Cette loi avait fait de la personne même du débiteur le gage du recouvrement des créances pour le créancier. Ainsi, cette loi qui autorisait : « le créancier à se faire justice lui-même sur la personne de son débiteur, en le saisissant et en le détenant pendant plusieurs jours après lesquels si la dette n’était pas payée par les parents ou amis du prisonnier, celui-ci était réduit en esclavage et adjugé à son créancier pour être vendu au marché des esclaves, lui et sa famille, jusqu’au paiement intégral de sa dette[21] ». Cette loi fut supprimée en matière civile et commerciale par la loi du 22 juillet 1867 relative à la contrainte par corps[22]. Même si le Portugal a été le premier pays à fréquenter le Cameroun, c’est l’Allemagne qui va conclure avec le Cameroun le Traité Germano-Douala[23] le 12 juillet 1984 plaçant le Cameroun sous le protectorat de l’Allemagne. Ce dernier mit sur pied deux textes : un droit allemand applicable aux Européens et un droit indigène réservé aux Camerounais. Ce droit indigène appliquait le droit coutumier, sous le contrôle et la supervision des Allemands[24]. La protection du créancier était accrue lorsque le créancier était européen, car appliquant la contrainte par corps. Pour les indigènes, il n’existait pas de contrainte par corps. Après l’abrogation de la loi des XII Tables relative à la contrainte par corps, les Européens n’étaient plus contraints par corps. En revanche, la pratique de la contrainte par corps a continué à régir les contentieux opposant les indigènes par une loi du 10 aout 1915[25]. À la suite de vives critiques, elle fut abandonnée au profit d’un régime limité aux matières pénales et fiscales[26]. Dès lors, « seul le patrimoine du débiteur devrait répondre de ses dettes civiles et commerciales. Les biens du débiteur peuvent donc être saisis à l’issue d’une procédure judiciaire de recouvrement [27]». Après le départ de l’Allemagne, le Cameroun va passer du statut de mandat franco-britannique à celui de la tutelle de l’ONU. La conséquence a été la transposition du droit anglais dans la partie occidentale et du droit français dans la partie orientale. Après l’accès à l’indépendance, le Cameroun[28] comme d’autres pays colonisés, à l’instar du Niger[29] et de son décret d’application[30], puis du Mali[31], vont jouir du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes[32]. C’est pourquoi ils vont adopter des textes propres[33]. Chaque pays allant en son sens, il en est résulté une insécurité juridique et judiciaire marquée par l’ineffectivité des décisions de justice[34]. C’est dans ce contexte qu’intervient l’OHADA qui vise comme matière à harmoniser : les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution.
Les États membres de l’OHADA sont au nombre de 17 (dix-sept). Avant la création de cette organisation, chaque pays avait son propre texte pour régir le recouvrement de créances et les voies d’exécution. Avec la création de l’OHADA par le Traité de Port-Louis en 1993, les 17 États ont validé l’application d’un seul et même texte sous la formule de l’AUPSRVE[35]. L’acte uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution vient de faire l’objet d’une révision importante. Cette révision de l’AUPRVE a été faite à Kinshasa le 17 octobre 2023, soit 25 ans après l’adoption du texte initial (soit le 1ᵉʳ juillet 1998). Une précision mérite d’être apportée lors de l’adoption de l’AUPSRVE de 2023. En effet, tous les 17 États membres de l’OHADA ne l’ont pas signé. Il convient de regarder à la fin du texte pour compter le nombre de signatures. Il apparaît treize (13) signatures pour treize (13) États. Il y a quatre (04) États qui n’ont pas signé. L’adoption d’un acte uniforme est assujettie à la condition de l’unanimité. Le texte lui-même précise : « l’unanimité des États présents et votants[36] », tout comme le traité OHADA[37]. Cela revient à dire que soit les quatre États non-signataires n’étaient pas présents, soit ils étaient présents, mais n’ont pas voté. Peu importe la figure, une fois l’acte uniforme adopté, il s’impose à tous les dix-sept (17) États membres de l’OHADA[38].
Le sujet intitulé : « Quelques interrogations sur le droit OHADA révisé du recouvrement de créance et des voies d’exécution de 2023 » pourrait, pour des facilités de langage, se comprendre comme : « Quelques interrogations sur l’AUPSRVE de 2023 ». Dans la substance, il s’agit de la même chose. À la lumière des développements précédents, une question peut être posée pour conduire l’analyse : en quoi consistent les quelques interrogations sur l’AUPSRVE de 2023 ?
Parmi les possibles réponses à cette question, la présente analyse opte pour l’idée suivante : les quelques interrogations sur l’AUPSRVE de 2023 visent deux visages du droit.
La présente analyse est porteuse d’intérêts théoriques et pratiques. Sur le plan théorique, il peut sembler curieux, voire aride, d’avoir de la matière sur les débats derrière l’AUPSRVE. Pourtant, la matière parait fertile. Outre certains concepts qui peuvent interroger, l’intérêt théorique se cristallise sur la posture doctrinale qui porte la réforme. Il apparaît une alternative entre volontarisme et dirigisme international, que l’analyse va trancher. Par ailleurs, l’AUPSRVE illustre l’éclosion d’un Droit hermaphrodite ou d’un Droit mixte[39], car son application à la personne privée et à la personne publique interpelle. C’est aussi un domaine qui en droit camerounais a fait naitre un sujet de droit hermaphrodite : l’entreprise publique. Et la révision de l’AUPSRVE de 2023 vient une fois de plus amplifier la confusion par la technique de l’ellipse et du renvoi législatif. De la sorte, on ne sait plus si l’entreprise publique est vivante ou morte, ou si elle est morte-vivante. La présente étude est aussi une occasion de revenir sur les résultats d’une publication précédente[40].
En pratique, la question du juge du contentieux de l’exécution[41] continue de diviser le législateur OHADA et les textes nationaux. Si en droit la solution est connue, en application des solutions juridiques prévues dans la théorie de la hiérarchie des normes[42], il demeure un écueil. C’est celui de l’inertie du législateur national qui refuse de se conformer au législateur international. Par ailleurs, l’intérêt du créancier, supposé être renforcé par une réforme législative sur le recouvrement de créance, se trouve encore fragilisé. En effet, la rhétorique du législateur ne conforte pas le créancier. Bien plus, les velléités de minimiser l’immunité d’exécution des biens de la personne publique demeurent une épine au pied du créancier. S’il faut saluer le succès de la renonciation à l’immunité d’exécution dans les arbitrages internationaux[43], la pratique de l’arbitrage dans l’espace OHADA n’a pas encore atteint ce stade. La raison est que, ce sont toujours les États qui garantissent l’exécution d’une sentence arbitrale. Il devient difficile à l’État de se contraindre lui-même, s’il ne veut pas s’exécuter. La difficulté est amplifiée par la nature « internationale » trompeuse du droit OHADA. Si le législateur OHADA est international par le nombre des membres votants du Conseil des ministres, il reste que les Actes uniformes, dans la hiérarchie des normes, sont infra-constitutionnels[44]. Ce qui fait du droit OHADA une composante du droit national de chacun des dix-sept (17) États membres de l’OHADA[45]. Ce schéma ne permet pas à la sentence de la CCJA d’avoir l’impérium de celle de la Chambre du commerce international au niveau de l’exéquatur.
L’idée qui retient l’attention dans cette analyse est la suivante : « Les quelques interrogations sur l’AUPSRVE de 2023 visent deux visages du Droit ». Pour l’illustrer, il semble opportun de constater que, si certaines interrogations visent le droit objectif (I) d’autres s’appesantissent sur les droits subjectifs (II)
I. Interrogations sur l’AUPSRVE de 2023 visant le droit objectif
Le droit objectif désigne l’ensemble des règles de conduite socialement édictées et sanctionnées qui s’imposent aux membres de la société[46]. Ce droit objectif est assimilé au droit positif. L’AUPSRVE appartient au droit positif camerounais en précisant que le droit OHADA est partie intégrante de ce droit positif. Les interrogations de cette articulation viseront le droit matériel (A) et le droit jurisprudentiel (B).
A. Interrogations concernant le droit matériel
Le droit matériel désigne l’ensemble des règles juridiques qui définissent les droits et les obligations dans un système juridique donné[47]. Les interrogations sur le droit matériel de l’AUPSRVE de 2023 visent spécifiquement la notion de créances publiques (1) et la théorie explicative de cet acte uniforme (2).
1. La notion de créances publiques est-elle source d’ambiguïté ?
L’ambiguïté sur la notion de créances publiques signifie que cette expression est à l’origine de confusion ou d’incompréhension. À la lecture du chapitre préliminaire sur les dispositions communes, le législateur OHADA prend la peine de distinguer les domaines d’application de l’AUPSRVE, et les domaines dans lesquels ce texte ne s’applique pas. Seulement, une question émerge au regard des domaines où le présent texte ne s’applique pas. Elle vise la notion de « créances publiques ». En substance, « le présent acte uniforme ne régit pas les saisies et les procédures particulières prévues par la loi de chaque État partie pour le recouvrement de créances publiques[48] ». Que faut-il entendre par créances publiques ? Peut-on qualifier la créance sur l’entreprise publique de créances publiques ? Le présent acte uniforme ne s’appliquerait-il pas aux entreprises publiques ayant des procédures particulières ?
Que faut-il entendre par créances publiques ? Deux définitions perturbent l’intelligence. La première définition vient des termes de l’article premier de la loi n° 15-97 formant code de recouvrement des créances publiques, « le recouvrement s’entend de l’ensemble des actions et opérations entreprises pour obtenir des redevables envers l’état, les collectivités locales et leurs groupements et les établissements publics, le règlement des créances mises à leur charge par les lois et règlements en vigueur ou résultant de jugements et arrêts ou de convention »[49]. Et la seconde définition a été extraite en ligne. Selon elle, une « créance publique » désigne un droit que détient une personne, dite le « créancier » à l’encontre d’une autre personne, qui lui est obligée, dite le « débiteur », personne publique : l’État, les collectivités territoriales, ou entreprises publiques[50]. La première définition fait de la personne publique le créancier dans la définition de la créance publique. Et la seconde définition fait de la personne publique le débiteur dans la définition de la créance publique. Au regard de cette controverse, la présente étude analyse que la définition qui cadre avec la disposition de l’article 1er de l’AUPSRVE de 2023 est celle qui fait de la personne publique le créancier de la dette. Une créance serait publique parce qu’une personne doit à l’État ou à ses démembrements. Et le recouvrement de cette dette va justifier d’une procédure dérogatoire de droit commun.
Seulement, la question de l’entreprise publique demeure entière. Elle est certes une personne morale de droit privé, mais dans le capital, l’État détient la totalité ou la majorité du capital[51]. Au Cameroun, l’entreprise publique est régie par un texte. Il aménage une procédure collective particulière ou de liquidation[52]. Sur cette base, il semble que l’AUPSRVE ne s’appliquerait pas aux entreprises publiques ayant une créance publique et une procédure particulière en matière de saisie et de vente de leurs biens.
Pourtant, le juge de la CCJA continue d’être interpellé pour se prononcer sur la saisie et l’exécution des biens de l’entreprise publique. Il existe d’ailleurs une abondante jurisprudence, où le juge de la CCJA s’est prononcé sur l’exécution de l’entreprise publique. Dans certaines décisions, il reconnaissait à l’entreprise publique une immunité d’exécution[53]. Et dans d’autres décisions, il ne lui reconnait plus cette immunité d’exécution[54], comme la décision de la CCJA, Arrêt N° 076/2021 du 29 avril 2021[55].
Pour mettre un terme à cette ambigüité, il paraît opportun de distinguer les créances publiques excluant l’application de l’AUPSRVE et les créances publiques validant l’application de l’AUPSRVE. Dès lors que l’État met en place une procédure particulière pour saisir et vendre les biens de l’entreprise publique, l’AUPSRVE ne devrait plus s’appliquer[56]. Il suffira à la prochaine réforme de l’AUPSRVE, d’inclure cette distinction et les conflits entre l’OHADA et les textes nationaux disparaitront. Par ailleurs, le créancier qui veut accorder un service à une entreprise publique gagnerait à connaitre le régime des biens de l’entreprise publique pour éviter d’avoir une créance publique difficile à réaliser. Outre la notion de créances publiques, une interrogation demeure sur la théorie explicative de l’AUPSRVE.
2. Quelle est la théorie explicative de l’AUPSRVE ?
La théorie est une construction intellectuelle, hypothétique et synthétique, organisée en système et vérifiée par un protocole expérimental ; ensemble de lois formant un système cohérent et servant de base à une science ou rendant compte de certains faits. Exemples : théories mathématiques, physiques, théorie de la chaleur, de l’électricité, des ensembles, des nombres, des quanta, de la relativité, théorie de l’évolution, théorie atomique, quantique, principes, lois d’une théorie. Les théories sont fausses d’une manière absolue ; pour qu’elles fussent vraies, il faudrait admettre qu’elles comprennent tous les faits passés, présents et futurs : la science serait terminée[57]. Outre cette définition, la théorie du droit se pose comme une notion voisine[58]. Le débat sur la théorie explicative du droit OHADA ne saurait laisser indifférent les actes uniformes, qui sont des normes dérivées du traité OHADA. L’AUPSRVE est-il une norme fille du volontarisme international ou du dirigisme international ? En d’autres termes, l’OHADA a-t-elle qualité pour imposer des obligations à un État ? Ou l’État demeure souverain sur la suite à donner aux normes OHADA en général et à l’acte uniforme en particulier ?
Le volontarisme, au sens du droit international, est une doctrine juridique selon laquelle le droit international est fondé sur la volonté des États[59]. En substance, les règles de droit liant les États procèdent de la volonté de ceux-ci, volonté manifestée dans les conventions ou dans les usages acceptés généralement comme consacrant des principes de droit et établis en vue de régler la coexistence de ces communautés indépendantes en vue de la poursuite des buts communs[60]. Dans le cadre de la présente étude, le volontarisme international s’entend de l’engagement des États appartenant à une organisation internationale de mettre en avant la bonne volonté pour exécuter les engagements pris. En revanche, le dirigisme international est certes une expression non utilisée dans le dictionnaire du droit international public, mais qui a un concept au contenu identique. Il s’agit de la supranationalité. C’est le caractère de ce qui est supranational, qui est situé au-dessus de l’État ; qui a une autorité supérieure à celle des États. C’est un terme parfois utilisé pour qualifier certaines organisations internationales, notamment les communautés européennes[61]. La présente analyse mobilise le concept « dirigisme international », lorsqu’une organisation internationale dispose du pouvoir de sanctionner un État fautif, à l’instar du juge communautaire dont les recours permettent de sanctionner l’État contrevenant.
Une lecture de l’article 29 de l’AUPSRVE fonde les présentes interrogations. En substance : « L’État est tenu de prêter son concours à l’exécution des décisions et autres titres exécutoires ». « La carence ou le refus de l’État de prêter son concours engage sa responsabilité ». Le législateur OHADA peut-il imposer à l’État l’obligation de prêter son concours à l’exécution des décisions et autres titres exécutoires ? Devant quelle instance va-t-on exercer le recours en carence, si l’État refuse de prêter son concours à l’exécution des décisions de justice et autres titres exécutoires ? En effet, le législateur OHADA ne peut rien exiger aux États. Le législateur utilise des formules trompeuses, persuadant d’une logique fille du dirigisme international. La preuve est que la CCJA n’a pas la compétence pour juger les États sur le fondement d’un recours en carence[62]. Ce qui est la suite logique du fait que le droit OHADA ne soit pas un droit communautaire[63] ; car c’est de ce droit que le juge supranational peut être saisi sur la base du recours en carence sans exclure d’autres formes de recours[64].
Le législateur OHADA semble créer une responsabilité morale à la charge des États. Elle prend corps avec la formule : « L’État engage sa responsabilité ». Il est illusoire de penser qu’un État peut se sanctionner lui-même. À la vérité, il convient de comprendre par cette formule l’évocation de la bonne foi de l’État pour une mise en Å“uvre effective des dispositions de l’AUPSRVE. Toute chose valorisant le principe « Pacta sunt servanda[65] ». Ce qui valide l’idéologie du volontarisme international. Et si l’État prête son concours volontairement, le style de rédaction de l’article 29 doit être revu. La formule suivante serait opportune : « L’État s’engage à prêter son concours à l’exécution des décisions et autres titres exécutoires ». Il convient de supprimer la disposition : « La carence ou le refus de l’État de prêter son concours engage sa responsabilité ». Ces maladresses législatives sont sources de confusion et de faux espoirs sur le respect de la règle de droit.
En résumé, les interrogations sur le droit matériel de l’AUPSRVE ont visé la notion de créances publiques et la théorie explicative de cet acte uniforme. L’analyse a soulevé ces controverses et contribué à la solution par des prises de position. Seulement, les interrogations se poursuivent avec le droit jurisprudentiel.
B. Interrogations sur le droit jurisprudentiel
La jurisprudence renvoie à l’ensemble des arrêts et des jugements qu’ont rendus les cours et tribunaux pour la solution d’une situation juridique donnée[66]. Le droit jurisprudentiel serait le volet du droit qui met en exergue la figure du juge. Les interrogations dans cette rubrique concernent le juge du contentieux de l’exécution (1) et le juge de la CCJA (2).
1. Qui est le juge du contentieux de l’exécution ?
Le juge du contentieux de l’exécution, encore appelé juge de l’exécution, est une juridiction spécialisée chargée de traiter le contentieux spécifique de l’exécution forcée. Il est chargé des difficultés concernant les titres exécutoires et des contestations de saisies[67]. En s’intéressant au microcosme juridique camerounais en rapport avec le droit OHADA, la question suivante persiste : qui est le juge du contentieux de l’exécution ?
La présente question a pour texte d’appui l’article 49 AUPSRVE. Il ressort de ce texte des expressions qui renseignent sur le juge du contentieux de l’exécution. Sont visées : « En matière mobilière, le président de la juridiction compétente dans chaque État partie, ou le juge délégué par lui, connait de tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire » ; telle est la substance de l’alinéa 1ᵉʳ : « La décision rendue peut faire l’objet d’un recours », ainsi dispose l’alinéa 3. Il ressort de ce texte deux informations. La première est que le juge de l’exécution forcée ou de la saisie conservatoire est le président de la juridiction compétente. La seconde information est que sa décision peut faire l’objet d’un recours forcément devant un autre juge. En s’inspirant de l’organisation judiciaire, le président de la juridiction compétente renvoie au juge de l’instance, et le recours peut être formé devant la cour d’appel, et la cassation devant la Cour suprême ou la CCJA selon la nature du litige. La rédaction de l’article 49 de l’Acte uniforme de 1998 s’inscrivait dans la même logique. Seulement, elle visait le « président de la juridiction statuant en matière d’urgence » en instance et le recours devant la Cour d’appel. Telle est la position du législateur OHADA.
Or, en scrutant la position du législateur camerounais, il apparait une logique contraire. L’article 2 de la loi du 19 avril 2007 institue un juge du contentieux de l’exécution. Seulement, ce juge renvoie au président de la juridiction qui a rendu la décision. Il convient de reprendre les termes de l’article 3 de la loi de 2007 pour s’en persuader : « (1) Le juge du contentieux de l’exécution des décisions judiciaires nationales est le président de la juridiction dont émane la décision contestée, statuant en matière d’urgence ou le magistrat de sa juridiction qu’il délègue à cet effet ». Dans les termes de l’article 3 de la loi de 2007, il apparait quatre juges du contentieux de l’exécution : le président du TPI ou TGI, le président de la Cour d’appel et le président de la Cour suprême. La loi de 2007 sur le juge du contentieux de l’exécution se pose en opposition avec l’AUPSRVE.
Cette opposition ne se limite pas sur les textes, car le droit jurisprudentiel illustre ce conflit. Il s’agit de l’affaire SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE BANQUE CAMEROUN EN ABRÉGÉ SCB SA (Conseil : Maître Bertrand ABEGA, Avocat à la Cour) C/ MONSIEUR SIAKA DANY CLOVIS (Conseil : Maître Pascal JOGO, Avocat à la Cour), ARRÊT N° 043/2023 DU 09 MARS 2023 de la troisième chambre de la CCJA. Dans cette affaire, le Président de la Cour d’appel de Yaoundé en application de la loi de 2007 s’est érigé en juge du contentieux de l’exécution. À l’inverse, la CCJA en application de l’article 49 de l’AUPSRVE et l’article 10 du Traité OHADA, a annulé l’arrêt rendu par la Cour d’appel du Centre. Dans la hiérarchie juridictionnelle, la CCJA est dessus de la Cour d’appel. Seulement, la Cour d’appel est sur le territoire camerounais et la CCJA a son siège à Abidjan. Ce qui fonde la question suivante : de quel moyen dispose la CCJA pour garantir le respect de son arrêt en cas de contradiction avec le juge national inférieur ?
2. Quelle garantie est prévue pour le respect de l’arrêt de la CCJA ?
L’article 20 du traité OHADA comprend des dispositions illustratives de la force ou de la valeur juridique de l’arrêt de la CCJA. Il dispose : « Les arrêts de la Cour commune de justice et d’arbitrage ont l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun des États parties une exécution forcée dans les mêmes conditions que les décisions des juridictions nationales. Dans une même affaire, aucune décision contraire à un arrêt de la Cour commune de justice et d’arbitrage ne peut faire l’objet d’une exécution forcée sur le territoire d’un État partie.
L’autorité de la chose jugée s’applique dans tous les États parties sans qu’il soit besoin de recourir à une convention d’entraide judiciaire ; et les arrêts de la CCJA ne doivent en principe faire l’objet d’aucune contestation susceptible d’empêcher leur exécution dans les états parties. D’autre part, les arrêts de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, peuvent donner lieu à exécution forcée sur le territoire de chacun des états parties dans les mêmes conditions que les décisions des juridictions nationales. Cette disposition est complétée par l’article 46 du Règlement, qui prévoit que la formule exécutoire est apposée sans autre contrôle que celui de la vérification de l’authenticité du titre par l’autorité nationale que chaque État partie désignera à cet effet.
Les arrêts de la Cour commune de justice et d’arbitrage sont exécutés sur le territoire des États-parties et sont affranchis de toute procédure d’exequatur dans les États-parties[68].
Pour le Cameroun, Greffier en chef de la Cour Suprême est chargé, sous le contrôle du Président de ladite Cour, d’apposer la formule exécutoire sur les arrêts rendus par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA, ainsi que sur les sentences arbitrales rendues en application du Règlement d’Arbitrage de celle-ci. En dernière analyse, le garant du respect de l’arrêt rendu par la CCJA dans un État partie est le greffier en chef de la Cour suprême.
En synthèse, les interrogations sur l’AUPSRVE de 2023 visant le droit objectif ont permis de scruter spécifiquement certaines questions touchant le droit matériel et le droit jurisprudentiel. Si le droit matériel a visé la notion de créances publiques et la théorie explicative de l’acte uniforme, le droit jurisprudentiel s’est appesanti sur le juge du contentieux de l’exécution et le juge de la CCJA. Après les interrogations sur l’AUPSRVE de 2023 visant le droit objectif, il convient de poursuivre avec les interrogations visant les droits subjectifs.
II. Interrogations sur l’AUPSRVE de 2023 visant les droits subjectifs
Les droits subjectifs sont les prérogatives reconnues aux sujets de droit par le droit objectif (c’est-à -dire par les règles de droit) et sanctionnées par lui. Ils peuvent être classés entre droits patrimoniaux et droits extrapatrimoniaux[69]. De cette définition, il faut prendre en compte la place d’honneur réservée aux sujets de droit. Il peut s’agir en général des personnes physiques ou des personnes morales. Celles qui intéressent la présente analyse en raison des interrogations à examiner sont : la personne morale de droit public (A) et l’entreprise publique (B).
A. Interrogations relatives à la personne morale de droit public
La personne morale de droit public est une personne morale qui relève du droit public. Cela veut dire qu’on lui applique des règles de droit différentes de celles qui s’appliquent à la personne physique ou morale privée. La personne morale de droit public en droit interne renvoie à l’État, aux collectivités territoriales décentralisées et aux établissements publics. Et les personnes morales de droit public en droit international sont les États et les organisations internationales[70]. La possibilité de renoncer à l’immunité d’exécution de la personne morale de droit public[71] (1) a des conséquences sur le créancier (2).
1. Une personne morale de droit public peut-elle renoncer à l’immunité d’exécution ?
La personne morale de droit public désigne une personne morale qui, poursuivant un but d’intérêt général, est régie, sur des points essentiels de son fonctionnement, notamment sa composition, ses pouvoirs et les contrôles auxquels elle est soumise, par des règles de droit public. Ainsi, la personne morale de droit public se distingue de la personne morale de droit privé par le but poursuivi. En effet, la personne morale de droit privé poursuit un intérêt privé ou personnel. L’AUPSRVE évoque la personne morale de droit public dans certaines dispositions. L’article 30 identifie ces personnes : l’État, une collectivité territoriale ou un établissement public.
La possibilité de renoncer à l’immunité d’exécution est clairement stipulée dans les termes des articles 30 et 30-3 de l’AUPSRVE. L’expression utilisée est : « sauf renonciation expresse ». Si l’on accorde à une personne morale de droit public le privilège de l’immunité d’exécution, c’est en raison du but qu’elle poursuit. Il s’agit de réaliser les missions de service public ou de l’intérêt général. Cela s’accompagne au niveau des moyens des prérogatives de puissance publique pour concilier l’école de Bordeaux[72] et l’école de Toulouse[73]. L’immunité d’exécution devient une donnée consubstantielle à l’ADN de la personne morale de droit public. En effet, si l’on exécute les biens de la personne morale de droit public, elle ne pourra plus remplir sa mission. Or, l’intérêt général prime sur l’intérêt personnel.
Le rejet de la renonciation à l’immunité d’exécution a été confirmé dans une décision du juge français[74]. Il est vrai, les décisions de la Cour de cassation française ne sont pas les sources du droit OHADA, mais il est possible d’apprécier et même d’épouser le raisonnement qui y est articulé. Dans les faits, la société Commissions Import Export (Commisimpex), a bénéficié de 2 sentences arbitrales rendues les 3 décembre 2000 et 21 janvier 2013 ayant condamné la République du Congo à lui payer diverses sommes pour non-respect de divers engagements contractuels. Le juge de l’exécution a confirmé cette saisie[75] mais, la cour d’appel de Paris, saisie par la République du Congo, opposant son immunité d’exécution, a ordonné la mainlevée de ces saisies-attribution[76]. La société Commisimpex s’est alors pourvue en cassation. La Cour de cassation a décidé que : « Selon le droit international coutumier, les missions diplomatiques des États étrangers bénéficient, pour le fonctionnement de la représentation de l’État accréditaire, d’une immunité d’exécution à laquelle il ne peut être renoncé que de façon expresse et spéciale[77]». Elle confirme que l’immunité peut porter sur des comptes bancaires des missions diplomatiques « présumés être affectés aux besoins de la mission de souveraineté de l’État accréditaire » ; dont il appartient au créancier de renverser la présomption, estimant toutefois que « la preuve contraire qui, pouvant être rapportée par tous moyens, n’est pas rendue impossible aux créanciers ». Commisimpex n’ayant pas apporté de preuves contraires renversant la présomption d’affectation des fonds aux missions diplomatiques et la République du Congo n’ayant pas renoncé expressément et spécialement à son immunité d’exécution, elle confirme alors les mainlevées des saisies.
En clair, la renonciation à l’immunité d’exécution est une clause sans véritable contrainte pour l’État ; car à tout moment, il peut arguer d’une mission de souveraineté. C’est pourquoi, il est préférable de retenir une clause qui stipule que : « la renonciation par un État à son immunité de juridiction devait être à la fois expresse, mais aussi spéciale, c’est-à -dire désignant spécifiquement les biens diplomatiques pouvant faire l’objet d’une exécution ». Et cette solution est logique, car avant de rendre service à la personne morale de droit public, le créancier est en position de force. Elle lui permet d’exiger à cette personne publique le bien, qui plus tard pourrait être exécuté en cas d’insolvabilité. La réalisation de ce bien n’empêcherait pas la personne morale de droit public d’accomplir ses missions de service public. En résumé, la possibilité de renoncer à l’immunité d’exécution de la personne morale de droit public est une faible garantie dans un système juridique, où l’État reste le seul garant de l’exécution d’un titre exécutoire. Il semble plus indiqué que la personne morale de droit public renonce à un bien spécifique. Ce bien sortira facilement du patrimoine de la personne publique, et son exécution sera aisée comme les biens de la personne privée. La renonciation à l’immunité d’exécution apparaît comme un piège pour le créancier de la personne morale de droit public. Il en est de même des autres garanties que la personne morale de droit public peut offrir pour le règlement de sa dette.
2. Le droit budgétaire du créancier de l’État est-il consolidé dans l’AU révisé ?
Le créancier de l’État renvoie à la personne qui peut lui réclamer le paiement d’une dette. Il se trouve que l’État comme personne morale de droit public ne peut pas être saisi et subir le recouvrement forcé. Cela affaiblit la confiance du créancier de l’État. Pour rassurer ce dernier, l’AUPSRVE a aménagé une disposition forte intéressante. Il s’agit de l’article 30-1. Il en ressort que toute créance reconnue par la personne morale de droit public peut, après mise en demeure restée infructueuse, « faire l’objet » d’une inscription d’office dans le budget au titre de dettes obligatoires.
La confiance du créancier peut se fonder sur le fait que le patrimoine de l’État ne peut pas disparaître comme celui de la personne privée. Même si l’État, pour un exercice budgétaire, est en cessation de paiement, il est certain qu’à l’exercice de l’année suivante, les caisses de l’État seront renflouées. Seulement, cette confiance du créancier peut être éprouvée par une réalité. Le budget est une prévision et non une réalité. Cette prévision peut se réaliser en plus ou en moins. Mais cette difficulté ne suscite pas trop de crainte. L’écueil le plus redoutable est dans l’écriture juridique. En effet, il convient de dénoncer la rédaction sibylline de l’article 30-1. Dire qu’une dette de l’État puisse faire l’objet d’une inscription peut aussi avoir un revers. C’est celui de la possibilité reconnue aux autorités en charge de l’élaboration du budget de ne pas inscrire cette dette. Pour éviter cette ambiguïté, il faut valider la formule : « doit faire l’objet » au lieu de « peut faire l’objet ». Par ailleurs, inscrire une dette de l’État dans le budget, comme dette obligatoire, ne suffit pas. En effet, l’État peut encore arguer d’autres priorités souveraines pour différer le paiement de la dette. Il peut être conseillé au législateur d’indiquer dans le budget la ligne et le délai de paiement de la dette. Ce qui confortera le créancier dans ses projections et son attente.
Les interrogations sur la personne morale de droit public visent la possibilité de renoncer à l’immunité et au droit budgétaire du créancier de l’État. Les écueils et les solutions ont été précisés. Seulement, à côté de l’État, l’entreprise publique est une autre source d’interrogations.
B. Interrogations relatives à l’entreprise publique
L’évocation de la notion d’entreprise publique commande d’indiquer le système juridique qui l’opérationnalise[78]. En droit camerounais, l’entreprise publique s’entend de l’unité économique dotée d’une autonomie juridique et financière, exerçant une activité industrielle et commerciale et dont le capital social est détenu entièrement ou majoritairement par une personne morale de droit public[79]. À l’observation de l’AUPSRVE de 2023, il convient de se demander si la notion d’entreprise publique existe toujours (1). Par ailleurs, une interrogation persiste sur la perte de l’immunité d’exécution de l’entreprise publique (2).
1. La notion d’entreprise publique a-t-elle disparu de l’AUPSRVE ?
La notion d’entreprise publique a été clairement citée dans l’AUPSRVE de 1998. Il n’est que de lire l’article 30 alinéa 2. Il dispose : « Toutefois, les dettes certaines liquides et exigibles des personnes morales de droit public ou des entreprises publiques (…) ». Le nouveau texte de l’article 30, dans ses trois alinéas, ne vise que la personne morale de droit public, notamment l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics. En se limitant à ces deux articles, il serait possible de conclure que l’entreprise publique a disparu. Bien plus, aucune disposition de l’AUPSRVE de 2023 n’évoque cette notion.
Cependant, une lecture prudente de l’article 30-2 du nouvel AUPSRVE fonde une autre conclusion. Il semble que le législateur OHADA ait prévu une formule subtile pour continuer de régir les entreprises publiques. Elle se décline dans les termes suivants : « Lorsque l’exécution forcée et les mesures conservatoires sont entreprise à l’égard de personnes morales autres que celles visées à l’article 30 du présent acte uniforme et sont de nature à porter gravement atteinte à la continuité du service public (…) ». Cette disposition crée une nouvelle catégorie de personnes remarquables par certains critères. Le premier critère est de ne pas appartenir à la liste de l’article 30. Sont visés par cet article : l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics. L’article 30 les cite comme illustration de la personne morale de droit public. Cela veut dire que l’article 30-2 traite des autres personnes, qui ne sont pas expressément des personnes morales de droit public par la forme. Le second critère est que ces personnes doivent remplir les missions de service public. Or, il se trouve que la personne privée puisse remplir une mission de service public. Mais elle ne bénéficie pas de l’immunité d’exécution. D’ailleurs, elle n’entre pas dans l’esprit de l’article 30-2. Ce texte vise une personne morale dans la même lignée que la personne morale de droit public et qui remplit une mission de service public. Or seule l’entreprise publique cadre avec cette exigence. Même si elle prend la forme d’une personne morale de droit privé[80][3], le capital est détenu en totalité ou en majorité par la personne morale de droit public et la finalité est l’accomplissement du service public. Implicitement, l’article 30-2 de l’AUPSRVE vise clairement les entreprises publiques. Si l’entreprise publique n’a pas disparu, une autre interrogation demeure sur la perte ou non de son immunité d’exécution.
2. L’entreprise publique a-t-elle réellement perdu l’immunité d’exécution ?
Il convient de rappeler que la perte de l’immunité d’exécution permettrait de traiter l’entreprise publique comme une personne privée. Un tel objectif a été partagé par une certaine jurisprudence, jusqu’à la dernière décision de justice de la CCJA sur l’arrêt de la CCJA n° 076/2021 du 20 avril 2021. La Cour, par cet arrêt, relève que le bénéfice d’immunité d’exécution ne peut nullement s’appliquer à une entreprise publique, qui a pris la forme d’une des sociétés commerciales.
Le législateur de 1998 dans l’AUPSRVE a reconnu aux entreprises le privilège de bénéficier de l’immunité d’exécution. Et le législateur de 2023 dans l’AUPSRVE a esquivé la question en ne citant pas l’entreprise publique dans le texte. Par une démarche implicite de l’article 30-2 de l’AUPSRVE de 2023, il vise implicitement les entreprises publiques. Si le législateur de 2023 a réussi à tuer le vocable « entreprise publique », il reste que les traces de l’immunité d’exécution n’ont pas totalement disparu. Ainsi, l’entreprise publique ne jouit plus expressément de l’immunité d’exécution ; mais implicitement, la difficulté à exécuter ses biens demeure. Pour éviter cet écueil, le législateur suggère la prise des garanties de paiement ou des actes de nature à faciliter le paiement de la dette par le débiteur.
Il est opportun de lire ces phrases pour s’en persuader : « à la demande de la personne morale intéressée, le juge peut prendre toutes les mesures appropriées, en subordonnant de telles mesures à l’accomplissement, par le débiteur, d’actes propres à faciliter ou garantir le paiement de la dette ». On peut se demander pourquoi le débiteur (Entreprise publique) a le pouvoir de demander au juge comment il peut faciliter ou garantir le paiement de la dette ? Et même, si le débiteur (une entreprise publique) ne demande pas au juge de prendre les mesures appropriées pour le paiement de la dette, le législateur ne permet pas au juge de les prendre de son propre chef. Ainsi, l’entreprise publique ne jouit plus de l’immunité d’exécution ; mais elle continue à ne plus être traitée comme une personne morale de droit privé ordinaire. Et les garanties pour faciliter le paiement de la dette rappelle la désignation d’un bien spécial que le créancier va faire réaliser dans le patrimoine de l’entreprise publique. Ce qui est curieux, c’est le pouvoir unilatéral qui est reconnu au débiteur (Entreprise publique), d’elle-même décider de la facilitation du paiement. Un tel pouvoir serait reconnu au créancier en amont de choisir dans le patrimoine du débiteur (Entreprise publique) un bien à réaliser, que sa confiance et sa sécurité serait accrue. Ainsi, l’entreprise publique a-t-elle réellement perdu l’immunité d’exécution ? La réponse est que l’entreprise publique a perdu l’immunité d’exécution par les textes, mais elle a gagné le privilège de fixer les faciliter ou garanties de paiement de la dette.
Ce privilège doit être repensé dans l’intérêt du créancier de l’entreprise publique. C’est lui qui court le risque de ne pas être payé par le débiteur (entreprise publique). Pour se prémunir contre le risque de ne pas être payé par l’entreprise publique, le créancier doit lui exiger un bien exprès et spécial, isolé dans son patrimoine. Ce bien ne doit pas empêcher le fonctionnement de l’entreprise publique. S’il s’agit de l’argent, il doit être une quotité disponible dans les comptes de l’entreprise publique. De la sorte, ce bien disponible dans le patrimoine de l’entreprise publique ne bénéficiera pas de l’immunité d’exécution. Il s’agit de s’inspirer de la logique du droit des suretés, qui met en avant le droit au créancier d’imposer au débiteur une personne ou un bien permettant de payer la dette, en cas d’insolvabilité du débiteur. En raison du statut spécial de l’entreprise publique, la nature du bien réservé devrait faire l’objet d’une étude future pour asseoir son authenticité.
Conclusion
En dernière analyse, le thème à examiner a pour titre : « Quelques interrogations sur le droit OHADA révisé du recouvrement de créance et des voies d’exécution de 2023 ». Une question a permis d’animer les développements de la présente analyse. Elle s’est déclinée sous la formule suivante : « En quoi consistent les quelques interrogations sur l’AUPSRVE de 2023 ? ». La réponse retenue a été : les quelques interrogations sur l’AUPSRVE de 2023 visent deux visages du droit. Il s’agit du droit objectif et des droits subjectifs. Le droit objectif met en exergue le droit applicable et les droits subjectifs mettent l’accent sur les personnes à qui ce droit s’applique. Les interrogations sur l’AUPSRVE de 2023 visant le droit objectif ont visé le droit matériel et le droit jurisprudentiel. Dans le droit matériel, la notion de « créances publiques » et la théorie explicative de l’AUPSRVE ont retenu l’attention. Et le droit jurisprudentiel a permis de scruter la question du juge du contentieux de l’exécution et celle du respect de l’arrêt du juge de la CCJA. En seconde amorce, les interrogations sur l’AUPSRVE de 2023 visant les droits subjectifs touchent à la personne morale de droit public et à l’entreprise publique. Pour ce qui est de la personne morale de droit public, la possibilité de renoncer à l’immunité d’exécution d’une part et la consolidation du droit budgétaire du créancier de l’État d’autre part ont été étudiées. Quant à l’entreprise publique, la question de l’existence de la notion et celle de la perte de l’immunité d’exécution ont été analysées. En dernier propos, il convient de dire : « L’AUPSRVE a certes été révisé, mais il peut encore être amélioré ».
[1] Lire sur la question : A. D OLINGA, Qu’est-ce qu’être juriste ? : éléments pour une dogmatique, Yaoundé, Éditions Clé, 2013, 132 pages ; S. P KOUAM, « La définition du juriste et la redéfinition de la dogmatique juridique (à propos du syncrétisme méthodologique) », Les Cahiers de droit, volume 55, N° 4, décembre 2014, pp. 877-922.
[2] Dans la Bible, le récit sur la tour de Babel rappelle que tous les peuples de la terre parlaient une seule langue. Et ils prirent la décision de construire une tour pour arriver chez Dieu. Au regard de l’avancement des travaux, Dieu les dispersa en leur faisant parler des langues différentes. Lire : Genèse 11 : 1-9.
[3] L’État et le droit ne sont que des instruments de contrainte, de pression aux mains de la classe dominante afin de maintenir son exploitation de la classe dominée. Cf. P. DUBOUCHET, La pensée juridique avant et après le Code civil, Lyon, 3ᵉ édition, L’Hermès, 1994, p. 307.
[4] H. M MONEBOULOU MINKADA, « Justice idéale et justice juridique : Plaidoyer pour une justice juridique légitime », Annales Africaines Nouvelle Série, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université Cheik Antai Diop, vol 2, N°5, décembre 2016, p. 232.
[5] B. OPPETIT, Philosophie du droit, Paris, 1ʳᵉ édition, Dalloz, 1999, p. 68.
[6] F. TERRE, Introduction générale au droit, Paris, 9ᵉ édition, Dalloz, 2012, p. 3.
[7] P.G. POUGOUÉ et Y. R KALIEU ELONGO, Introduction critique à l’OHADA, Yaoundé, PUA, 2008, p. 21.
[8] Le traité créant l’OHADA est signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis. Il est entré en vigueur le 18 septembre 1995. Une révision du Traité de Port-Louis est intervenue le 17 octobre 2008 au Québec. Son entrée en vigueur a été prévue le 21 mars 2010.
[9] P. G POUGOUÉ, Présentation générale et procédure en OHADA, Yaoundé, PUA, collection droit uniforme, 1998 ; C. SIETCHOUA, « Les sources du droit de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) », Penant, n° 843, 2003, p. 140 et s.
[10] L’article 1er du Traité assigne une seule mission à l’OHADA, à savoir l’élaboration des règles simples, modernes et adaptées à la situation des économies des États-parties.
[11] Le seul procédé retenu par l’OHADA pour prendre ses normes est l’uniformisation, voire l’unification. Voir P. DIÉDHOU, L’unification du droit des affaires de l’OHADA-Étude de droit uniforme et de droit international privé, thèse, droit, Université de Genève, 2009.
[12] P. G POUGOUÉ, « Doctrine OHADA et théorie juridique », Revue de l’ERSUMA, numéro spécial, novembre/ décembre, 2011, p. 11.
[13] P. G POUGOUÉ, « OHADA et intégration économique », in Dynamiques de développement, Débats et enjeux politiques à l’aube du 21ᵉ siècle, édition Montchrestien, Collection Grands Colloques, Paris, 2003, p. 575 et s. ; Y GUYON, « L’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires », Petites Affiches, n° spécial 205, 13 octobre 2004, p. 60. ; R. GRANGER, « Pour un droit du développement dans les pays sous-développés », Études offertes à J. Hamel, Paris, Dalloz 1961, p. 47 et s.
[14] Les moyens de cette intégration juridique demeurent discutés. Le sigle OHADA prévoit « l’harmonisation ». La doctrine comprend « uniformisation », parfois « unification ». Pourtant, une différence existe entre ces trois moyens d’intégration juridique. L’harmonisation est un moyen qui sert à établir les grandes lignes d’un cadre juridique (unité législative de premier degré) en laissant aux différentes parties prenantes à l’intégration le soin de compléter l’ossature commune par des dispositions qui correspondent mieux à leurs valeurs, à leurs préférences ou à leur niveau de développement. En tant qu’entreprise, l’harmonisation est donc un processus. Et l’unification consiste à instaurer, dans une matière juridique donnée, une réglementation détaillée et identique en tous points pour tous les États membres, tout en leur laissant le choix de la modalité de mise en œuvre des normes communes. Quant à l’uniformisation, elle suppose par exemple que les États impliqués dans une intégration se dotent d’un corps de normes uniformes et détaillé contenu dans un instrument unique. Les mêmes normes sont contenues dans un instrument identique pour tous les Etats. Cf. I. F. KAMDEM, « Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les moyens d’intégration juridique », Revue de droit uniforme, 2008, pp. 617-619.
[15] H. M MONEBOULOU MINKADA, « Les composantes de l’OHADA à l’épreuve de la systématicité en droit », Revue de l’ERSUMA, N° 07, Décembre 2017, pp. 11-12.
[16] H. A BITSAMANA, Dictionnaire de droit OHADA, Pointe Noire, 2003, p. 61, in Ohadata-D-05-33.
[17] H. A BITSAMANA, Dictionnaire de droit OHADA, op.cit., p. 166.
[18] Th. LEBARD et S. GUINCHARD (dir.), Lexiques des termes juridiques, Paris, Dalloz, 25e, 2017-2018, p. 1959.
[19]H. A BITSAMANA, Dictionnaire de droit OHADA, op.cit., p. 220.
[20] La loi des XII Tables (en latin : LEX DVODECIM TABVLARVM ou plus simplement DVODECIM TABVLAE) constitue le premier corpus de lois romaines écrites. Leur rédaction est l’acte fondateur du jus scriptum, le droit écrit. Le corpus est rédigé par un collège de décemvirs entre 451 et 449 av. J.-C. L’apparition de ces lois écrites marque une certaine laïcisation du droit romain, par rapport au ius oral pratiqué auparavant.
[21] J. FOMETEU, « Théorie générale des voies d’exécution OHADA » in P-G POUGOUE (Dir.), Encyclopédie du droit OHADA, éd. Lamy, Paris 2011, pp. 2057.
[22] F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil : les obligations, 11ᵉ éd. Dalloz, Paris 2013, n° 1093.
[23] C. NGON, « Histoire et légendes : Le traité Germano-Douala tel que signé le 12 juillet 1884 au Cameroun », 04/07/2017.;https://www.auletch.com/voici-traite-germano-duala-tel-signe-12-juillet-1884/, (consultée le 30/01/2020)
[24] M. ONDOA, Introduction historique au droit camerounais : la formation initiale. Éléments pour une théorie de l’autonomie des droits africains, préf. P. G POUGOUE, avant-propos J. OWONA, Yaoundé, Les éditions le Kilimandjaro (EDKL), 2013, 319 p.
[25] A. DE SABA, La protection du créancier dans le droit uniforme de recouvrement des créances de l’OHADA, Thèse Doctorat, Université de Paris-1 Panthéon Sorbonne, 2016, p.24.
[26] Ibid., p.25.
[27] Ibid., p. 16.
[28] Le Code de procédure civile et commerciale du 16 décembre 1954 ; et la Loi N° 97/018 du 07 aout 1997 modifiant les articles 3 et 4 de la loi N° 92/008 du 14 aout 1992 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice.
[29] Loi n°69-40 instituant la contrainte par corps pour le recouvrement de certaines dettes civiles et commerciales, 30 septembre 1969.
[30] Art. 1ᵉʳ du Décret N° 70-194/PRN du 10 août 1970 fixant les conditions d’application de la loi n° 69-40 du 30 septembre 1969.
[31] Décret N°1999-254 du 15 septembre 1999 portant Code de procédure malienne, Titre XV, Chapitre III, pp. 78 et ss.
[32] P.-Ch LABEAU, « Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : son application aux peuples autochtones, Les cahiers de droit », vol. 37, n°2, 1996, publié par la faculté de droit de Laval. Pour lui, Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ou droit à l’autodétermination, est le principe issu du Droit International selon lequel chaque peuple dispose ou devrait disposer du choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique, indépendamment de toute influence étrangère.
[33] J. G EMA’A MOFA, L’intérêt du créancier dans les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en Droit OHADA, Thèse, Université de Douala, 2023, pp. 09-13.
[34] F. ONANA ETOUNDI, « La réforme des procédures de recouvrement et voies d’exécution en droit OHADA : Étude pratique de la législation et de la jurisprudence », Ohadata D-11-12. P. 1.
[35] Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution.
[36] La formule de l’exposé des visas de l’AUPSRVE de 2023 se décline dans les termes suivants : « Apres en avoir délibéré, adopte, à l’unanimité des États présents et votants, l’Acte uniforme dont la teneur suit : ».
[37] Article 8 du Traité OHADA modifié par le Traité du Québec : « L’adoption des actes uniformes par le Conseil des ministres requiert l’unanimité des représentants des États parties présents et votants ».
[38] Article 10 du Traité OHADA modifié par le Traité du Québec : « Les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les États parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ».
[39] M. MORIN, « Dualisme, mixité et métissage juridique : Québec, Hong Kong, Macao, Afrique du Sud et Israël. », McGill Law Journal / Revue de droit de McGill, 57(4), june 2012, pp. 645–664.
[40] A. MINKO MINKO, Les voies d’exécution en droit OHADA : le cas du Cameroun, Paris, L’Harmattan, Coll. Emergences africaines, 2022, 224 pages.
[41] J. FOMETEU, « Le juge de l’exécution au pluriel ou la parturition au Cameroun de l’article 49 de l’Acte uniforme OHADA sur les voies d’exécution », Revue Internationale de Droit Comparé, Vol 60, N° 1, 2008, pp. 19-44.
[42] Lire sur la question : H. KELSEN, Théorie pure du droit, 1ʳᵉ éd., trad. Henri Thévenaz, La Baconnière, 1953 ; B. BARRAUD, Repenser la pyramide des normes à l’ère des réseaux, Paris, L’Harmattan, 2012 ; P. AMSELEK, « Une fausse idée claire : la hiérarchie des normes juridiques », RRJDP, avril 2007, n° 5, p. 3 et s ; H. M MONEBOULOU MINKADA, « Au-delà d’un ordre juridique ou des ordres juridiques : plaidoyer d’une théorie en « t » des normes juridiques », Annales de l’Université de Parakou, Série « Droit et Science Politique », Vol 6, N° 03, 2023, pp. 779-782.
[43] Lire sur la question : B. POULAIN, « L’arbitrage investisseur-État et le droit français des immunités de l’État étranger », Avril 2013 ; M. TAVASSOLI NAINI, « L’arbitrage commercial international et l’immunité juridictionnelle des États », CIFILE Journal of International Law, Vol. 2, Nº 3, 2021, pp. 60-75. ; A. K BOKODJIN, « Exécution des sentences arbitrales et souveraineté des États de la zone OHADA », https://cabinetbokodjin.com/storage/articles/pdf/PDF_031023181343.pdf
[44] Lire sur la question : P. G POUGOUE, « Doctrine et théorie juridique », OHADATA D-12-35.
[45] H. M MONEBOULOU MINKADA, « Les composantes de l’OHADA à l’épreuve de la systématicité en Droit », Revue de l’ERSUMA, N° 07 décembre 2017, p. 29 et s.
[46] G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 12ᵉ édition, Quadrige, 2018, p. 817.
[47] Th. LEBARD et S. GUINCHARD, (dir.), Lexiques des termes juridiques, op. cit, p. 757.
[48] Article 1er AUPSRVE de 2023.
[49] RASDI (Z.), Le recouvrement des créances publiques, Écoles des hautes études professionnelles – Technicien spécialisé, 2011, p. 12.
[50]https://www.google.com/search?q=cr%C3%A9ances+publiques+definition&oq=creances+publiques+d&gs_lcrp=EgZjaHJvbWUqCAgBEAAYFhgeMgYIABBFGDkyCAgBEAAYFhgeMggIAhAAGBYYHjIICAMQABgWGB4yCggEEAAYDxgWGB4yCggFEAAYDxgWGB4yCggGEAAYgAQYogQyCggHEAAYogQYiQXSAQoxMDc0NWowajE1qAIIsAIB&sourceid=chrome&ie=UTF-8
[51] Article 3 de la loi N° 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général de l’entreprise publique.
[52] Article 85 et 95 de la loi N° 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général de l’entreprise publique.
[53] Affaire Société Togo Télécom, CCJA. La CCJA avait réaffirmé l’immunité d’exécution en faveur de la société Togo Télécom.
[54] Dans l’affaire Mbulu Museso contre la Société des Grands Hôtels du Congo, la CCJA considère que les voies d’exécution de droit commun s’appliquent désormais au désormais aux entreprises publiques constituées en la forme d’une personne morale de droit privé, note W. D KABRE, « L’immunité d’exécution des entreprises publiques en droit OHADA : la CCJA apporte une pierre à l’édifice de son régime », L’Essentiel des Droits africains des affaires, n° 01, 2018, p. 2.
[55] Il a été décidé que les entreprises donc l’actionnariat est constitué, des personnes morales de droit public, constituées sous une forme sociétale de droit OHADA, ne sont plus admises à invoquer le bénéfice des dispositions de l’article 30 de l’AUPSRVE. Cet article prévoit le bénéfice de l’immunité d’exécution pour les personnes morales de droit public et les entreprises publiques. Lire sur la question : MUYA (Ch.), « L’immunité d’exécution : Arrêt N° 076/2021 du 29 avril 2021 face aux entreprises publiques congolaises »,https://www.village-justice.com/articles/immunites-executions-incidence-evolution-jurisprudentielle-ccja-face-loi-sur,43390.html
[56] Il est vrai que l’AUPSRVE est supérieure dans la hiérarchie des normes à la loi parlementaire nationale. Seulement, l’État qui, au Conseil des ministres, adopte l’Acte uniforme, ne peut pas se contredire en adoptant une loi nationale postérieure contraire ou en laissant survivre une loi nationale antérieure sans l’abroger. Si l’affaire est portée à la CCJA, l’État garde le pouvoir de refuser implicitement d’appliquer l’arrêt de la CCJA. Cette dernière n’a aucun moyen de contrainte pour obliger l’État.
[57] Cl. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 214.
[58] La théorie du droit a pour objet de saisir le phénomène juridique par l’étude de sa raison d’être, de ses finalités, de ses concepts fondamentaux, de sa mise en œuvre, de ses instruments, de sa méthode (…). Cf : J. L BERGEL, Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 2012, p. 7.
[59] J. SALMON (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 1140.
[60] C.P.J.I., Lotus, arrêt du 7 septembre 1927, série A, n° 10, p. 18.
[61] J. SALMON (dir.), Dictionnaire de droit international public, op.cit., p. 1064.
[62] Le recours en carence qui lui permet de faire sanctionner une abstention contraire au droit communautaire. JACQUÉ (J. P.), Droit institutionnel de l’Union européenne, Paris, Dalloz, 9ᵉ édition, 2018, p. 624.
[63] Lire sur la question : H. M MONEBOULOU MINKADA, « Les composantes de l’OHADA à l’épreuve de la systématicité en droit », Revue de l’ERSUMA, N° 07, décembre 2017, pp. 29 et s.
[64] Le recours en annulation, l’exception d’illégalité, le recours en responsabilité, le recours en manquement d’État, le recours préjudiciel, etc.
[65] J. BARMANN, « Pacta sunt servanda. Considérations sur l’histoire du contrat consensuel », Revue internationale de droit comparé, vol. 13, N°01, 1961, pp. 18-53.
[66] Th. LEBARD et S. GUINCHARD (dir.), Lexiques des termes juridiques, op. cit., p. 1120.
[67] Th. LEBARD et S. GUINCHARD (dir.), Lexiques des termes juridiques, op. cit., p. 1099.
[68] V. C. NGONO, « Réflexion sur l’espace judiciaire OHADA », OHADA, D-15-14.
[69] Th. LEBARD et S. GUINCHARD, (dir.), Lexiques des termes juridiques, op. cit, p. 762.
[70] Th. LEBARD et S. GUINCHARD, (dir.), Lexiques des termes juridiques, op. cit, p. 1411.
[71] Lire sur la question : O. LAMBIE-FILLE, « Immunités d’exécution des personnes publiques : une clarification attendue du nouvel article 30 de l’AUPSRVE », L’Essentiel droits africains des affaires, N° 4, avril 2024, p.3.
[72] L’École du service public (aussi appelée École de Bordeaux) s’oppose à cette conception qu’elle entend rénover afin de fournir une nouvelle légitimité au pouvoir étatique, désormais défini par les fins poursuivies. Si les auteurs de ce mouvement s’accordent sur l’importance du service public pour envisager l’État et son droit, ils n’en font toutefois pas toute la même utilisation. Considérant que l’État est une « coopération de services publics organisés et contrôlés par les gouvernants » (Duguit, p. 59), Léon Duguit (1859-1928) bâtit une théorie générale de l’État au sein de laquelle les services publics constituent à la fois le fondement (expression de l’interdépendance sociale) et la limite du pouvoir étatique. Véritable obligation s’imposant aux gouvernants, le service public fournit alors une limite objective au pouvoir, transformant la puissance publique en « un devoir, une fonction et non point un droit » (id. p. 62). De son côté, Gaston Jèze (1869-1953) développe une conception plus « empirique » (Gonod & Melleray, p. V) du service public. Selon lui, « le service public est un procédé juridique qui peut être appliqué pour la satisfaction d’un besoin d’intérêt général, quel qu’il soit. C’est au législateur de choisir ; les motifs de son choix dépendent du milieu politique, social, économique. C’est la jurisprudence qui décide souverainement si l’intention du législateur a été de vouloir, dans tel cas, le procédé du service public » (Jèze, RDP 1923.561). S’appuyant sur une « idéologie de l’intérêt général », la construction jéziste, comme la théorie duguiste, affirme la responsabilité sociale de l’État. Cette entreprise de redéfinition de la légitimité de l’État se heurte toutefois à la plasticité du service public, l’empirisme admis par G. Jèze conduisant à faire du service public la « caution de la puissance publique » (J. Chevallier) sans accroitre vraiment les garanties des administrés face à l’État. Lire sur la question : F. BURDEAU, Histoire du droit administratif, Paris, PUF, coll. « Thémis », 1995 ; M. HAURIOU, « La puissance publique et le service public », préface à la 11ᵉédition du Précis de droit administratif et de droit public général, rééd. Dalloz, coll. « Bibliothèque Dalloz », 2002, p. IX. ; F. RIVERO, « Existe-t-il un critère du droit administratif ? », RDP, 1953, p. 279.
[73] L’École de la puissance publique (aussi appelée École de Toulouse) conçoit l’action administrative à l’aune de ses moyens (la puissance publique). S’inscrivant dans la continuité de la doctrine classique, ce courant, incarné par Maurice Hauriou (1856-1929), fonde sa position sur une double considération : la conception révolutionnaire de la séparation des pouvoirs et la conception traditionnelle du droit. En favorisant la constitution d’un bloc exécutif homogène (regroupant l’exécutif et l’appareil administratif), la conception révolutionnaire de la séparation des pouvoirs a impliqué de redéfinir les fondements du pouvoir étatique. La notion de puissance publique a alors permis de rompre avec l’ordre antérieur, consacrant le principe selon lequel le souverain est l’alpha et l’oméga du pouvoir mis en œuvre. L’administration œuvrant pour le bien commun peut en conséquence jouir de moyens exorbitants (les prérogatives de puissance publique). L’analogie avec le droit privé finit par convaincre du primat des moyens. « Le droit privé ne se préoccupe que médiocrement des buts poursuivis par les individus, […] ; il en est de même pour le droit public, les buts de l’État lui paraissent secondaires, ce sont ces moyens d’action […] qui l’intéressent » (Hauriou, p. IX). Le service public n’est toutefois pas rejeté ; admettant qu’il a sans doute été trop négligé par la doctrine classique, il est envisagé comme un moyen de limiter le pouvoir de domination de l’État. « Ce qui fait l’originalité du régime administratif français, c’est que l’idée du service public se soit colletée avec le pouvoir exécutif à l’intérieur d’une vaste organisation instituée, maintenue close par le principe de séparation des pouvoirs. L’idée du service public existe dans tous les pays ; le propre du système français est d’avoir amené le pouvoir exécutif, grâce à cette organisation ingénieuse, à se limiter objectivement pour mieux la réaliser » (Hauriou, p. XVI). Les prérogatives de puissance publique sont le critère fondamental du droit administratif, le critère du service public fournissant quant à lui les limites objectives à l’expression de ces moyens. Lire sur la question : F. BURDEAU, Histoire du droit administratif, Paris, PUF, coll. « Thémis », 1995 ; M. HAURIOU, « La puissance publique et le service public », préface à la 11ᵉ édition du Précis de droit administratif et de droit public général, rééd. Dalloz, coll. « Bibliothèque Dalloz », 2002, p. IX. ; J. RIVERO, « Existe-t-il un critère du droit administratif ? », RDP, 1953, p. 279.
[74] Voir Cass. 1ʳᵉ civ., 3 févr. 2021, n° 19-10.669, FP-P+I.
[75] TGI Paris, 26 juin 2017, n° 17/80254, JEX
[76] CA Paris, pôle 4, ch. 8, 6 sept. 2018, n° 17/15690
[77] (Cass. 1ʳᵉ civ., 28 sept. 2011, n° 09-72.057 ; Cass. 1ʳᵉ civ., 28 mars 2013, n° 10-25.938, n° 11-10.450 et n° 11-13.323 ; Cass. 1ʳᵉ civ., 10 janv. 2018, n° 16-22.494
[78] H.M, MONEBOULOU MINKADA, « Entreprises publiques et sécurité des créanciers dans l’espace OHADA : Cas du Cameroun », Revue de l’Ersuma, vol 1, N° 12, 2020, pp. 288-320.
[79] Article 3 de la loi N° 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques.
[80] Article 10 de la loi N° 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques ; H.M, MONEBOULOU MINKADA, « Entreprises publiques et sécurité des créanciers dans l’espace OHADA : Cas du Cameroun », op.cit., p. 300.
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