La place de l’aéronef et du navire en droit des biens et en droit des sûretés
Hamadi Gatta WAGUÉ
Maître-assistant CAMES à l’université Gaston Berger
Mon-espoir MFINI
Membre du laboratoire Thémis-UM
Rédacteur en chef de la Revue africaine de droit des affaires
Résumé
L’aéronef et le navire sont deux biens hybrides ; ils sont à la fois meubles et immeubles. Le droit des biens a tenu compte de la nature spéciale de ces biens. En conséquence, ces biens d’une importante valeur ne se confondent pas avec tous les autres biens, dont la nature juridique est aisée à déterminer. Appartenant au sous-continent du droit maritime et aérien, le navire et l’aéronef ont une particularité par rapport aux biens classiques. Aussi, lorsqu’il faut les envisager comme éléments de garanties du crédit, les questions sont nombreuses. En effet, si le navire et l’aéronef peuvent être mobilisés pour garantir une dette, ceux-ci ne peuvent obéir au régime de toutes les sûretés réelles. C’est dire que certaines sûretés réelles ne leur sont pas applicables. Cette assertion est vraie aussi bien pour le droit français que pour le droit de l’OHADA. Toutes ces considérations sont mises en lumière dans cette étude. L’analyse de la nature juridique de l’aéronef et du navire précède l’étude de ces biens au regard du droit des sûretés.
Introduction
Le ciel et la mer ont toujours eu une certaine connexion, même si le premier surplombe la seconde. Le désir des Hommes de pénétrer les mystères de l’air et de la mer n’a jamais tari tout au long de l’histoire de l’humanité. Les imaginations de l’Homme ont abouti à la création des moyens appropriés et adaptés dans le dessein de répondre à cette immense attente. L’aéronef et le navire ont ainsi été Inventés par l’Homme, pour paraphraser Descartes, afin de devenir maître et possesseur de l’air et de la mer.
L’aéronef[1] et le navire sont deux biens de haute valeur destinés à plusieurs activités économiques dans des endroits peu accessibles au commun des mortels et qui sont nécessaires à la survie de l’humanité. L’exploitation de la mer et de l’air ne peut s’accomplir sans ces deux engins, eu égard à leur adaptabilité au milieu hostile dans lequel ils sont destinés.
En mer, seul le navire, par la double coque utilisée pour sa construction, a la capacité physique, selon les normes techniques imposées par le droit maritime, à affronter les périls de cet environnement difficile. Ainsi, pour le transport de marchandises, de personnes et d’autres activités maritimes, le navire est un engin incontournable. D’un continent à un autre ou d’un pays à un autre via la voie maritime, le navire est quotidiennement utilisé pour faire face aux multiples dangers de la mer. Cette navigation ne peut être assurée par le bateau qui est uniquement construit pour les navigations intérieures.
Dans l’exploitation de l’air, l’aéronef est l’engin le mieux indiqué pour acheminer les passagers et les marchandises d’un endroit à un autre par la voie aérienne. Il est aujourd’hui considéré comme le moyen de transport le plus sûr, même si les accidents aériens se produisent de temps en temps. La nouvelle génération d’aéronefs est équipée d’une technologie de pointe qui empêche plus ou moins les catastrophes aériennes.
Le droit commun n’a pas laissé à la périphérie ces moyens efficaces, singuliers et utiles à l’humanité. Chaque branche juridique participe à sa manière à la réglementation de ces biens[2]. Il est connu que le droit commercial, dont fait partie le droit maritime et aérien régissant le navire et l’aéronef, ne donne pas un statut particulier aux biens mobiliers. Ainsi, la place du navire et de l’aéronef en droit des biens et en droit des sûretés mérite une attention particulière. Ces deux biens ont les points communs : ils ont une nature hybride, leur conférant un statut spécial. Le droit commun des biens et des sûretés les a ainsi catalogués[3]. La plupart des législations, y compris celles africaines, ont longtemps intégré à travers les différents instruments juridiques cette catégorisation duale. En effet, le navire et l’aéronef sont à la fois meubles et immeubles, ce qui dénote leur singularité par rapport à la conception classique selon laquelle « les biens sont meubles ou immeubles ». L’aéronef et le navire n’obéissent pas à cette summa divisio[4]. Bien au contraire, ils combinent les deux à la fois, ce qui peut être considéré comme une hérésie juridique. Le droit des biens, étant un droit qui s’intéresse à la classification des biens en mettant en place plusieurs critères, n’a pas ignoré les biens de nature particulière comme l’aéronef et le navire. Il a ainsi intégré cette qualification hybride.
Le droit des sûretés[5] a aussi joué sa partition. Selon la logique de ce droit, les sûretés mobilières sont classiquement affectées aux biens meubles[6]. Mais en tenant compte de la particularité du navire et de l’aéronef, un régime spécial des sûretés est élaboré répondant mieux à la nature de ces biens. Il relève de ce droit que toutes les sûretés ne sont pas applicables à ces biens et, plus précisément, les sûretés mobilières, quand bien même le navire et l’aéronef seraient des meubles. La seule sûreté mobilière qui peut être compatible avec ces biens est le gage sans dépossession reconnu par le droit de l’OHADA. De façon générale, l’hypothèque et les privilèges répondent plus logiquement à leur nature particulière. Le droit commun actuel est plus ou moins dans cette dynamique dérogatoire.
Bien que le droit des biens et le droit des sûretés prennent en partie en charge le navire et l’aéronef, il n’en demeure pas moins que ces deux biens appartiennent aussi au sous-continent du droit maritime[7] et du droit aérien qui restent autonomes et originaux sur un certain nombre de points. Le droit maritime et aérien, en dépit de son originalité, n’est pas totalement en contradiction avec le droit commun des sûretés et des biens. En droit maritime, le navire n’a pas une définition attitrée[8]. Néanmoins, le lexique des termes juridiques définit le navire comme « un bâtiment destiné à la navigation maritime, apte à naviguer et soumis à une immatriculation »[9]. Quant à l’aéronef, il a d’abord été défini par la Convention de Paris de 1919[10]. Ensuite, la Convention de Chicago de 1944, dans son Annexe 7, désigne l’aéronef comme « tout appareil qui peut se soutenir dans l’atmosphère grâce à des réactions de l’air autres que les réactions de l’air sur la surface de la terre ». La définition de ces deux biens est un baromètre permettant d’identifier leurs particularités. En droit maritime et aérien, le navire et l’aéronef sont individualisés à l’image d’une personne physique, caractéristique qui défie le droit commun. Ils sont assortis de plusieurs éléments les personnalisant et ils constituent un mélange indissoluble de biens et de personnes[11]. La jurisprudence et la doctrine autorisées ont théorisé le concept de la notion « d’ensemble organisé » qui correspond au penchant de ces deux biens, à mi-chemin entre la personne morale et la chose[12].
Le navire et l’aéronef sont aussi rattachés à un Etat. Le rattachement du navire à un Etat par la procédure d’immatriculation date de la fin du XVIIIesiècle. Avant, le navire n’était attaché qu’à son propriétaire et régi par les lois et coutumes locales[13]. Ce critère de rattachement, devenu désormais la règle en droit international, vise non seulement à distinguer le navire des autres biens, mais aussi à « faciliter la navigation des navires marchands, grâce à la reconnaissance mutuelle du droit de chaque Etat partie à un traité de commerce et de navigation de protéger en mer le navire lui étant rattaché »[14]. L’aéronef a aussi emprunté le même trajet que le navire. Le premier congrès international aéronautique, tenu en 1889 à Paris à l’occasion de l’exposition universelle, a plaidé pour « la matriculation des aéronefs qui serait la meilleure et peut-être la seule manière d’assurer l’efficacité d’une règlementation libérale »[15]. Cette recommandation a davantage pris corps en 1901. Il a été défendu par Faucchille, une voix autorisée d’alors de la doctrine aérienne, qui était favorable à la nationalité des aérostats comme le navire[16]. Les Etats ayant une culture aéronautique ont fini par intégrer le « caractère national des aéronefs ». La Convention de Chicago de 1944 a finalisé cette procédure d’immatriculation et en fait désormais une condition sine qua non pour la circulation d’un aéronef.
En droit maritime et aérien, la singularité hybride de l’aéronef et le navire a aussi poussé ces matières à se départir un tant soit peu de la conception classique du droit des sûretés. Un droit spécial des sûretés dérogeant le droit commun des sûretés est élaboré par le droit international aérien et maritime pour bien répondre au caractère de ces deux biens. Il serait difficile en conséquence d’appliquer les sûretés mobilières à ces biens. L’hypothèque et les privilèges sont les sûretés les mieux indiquées pour le navire et l’aéronef.
En droit maritime, l’hypothèque sur le navire[17] a déjà été consacrée par le droit international à travers la Convention de Bruxelles du 10 avril 1926[18]. La Convention de Genève de 1958 a fini à son tour par opter pour l’hypothèque qui demeure une sûreté efficace par sa double exigence, à savoir le droit de suite et d’immobilisation. Les mêmes sûretés sont adoptées par le droit aérien. Celui-ci, s’inspirant toujours du droit maritime, est favorable à l’hypothèque conventionnelle. Le droit aérien international est à l’origine de plusieurs conventions traitant de la question de sûreté[19]. La Convention de 1933 sur la saisie conservatoire des aéronefs, la Convention relative à la reconnaissance internationale des droits sur l’aéronef signé à Genève le 19 juin 1948, la Convention du Cap et son protocole de 2001 sont des instruments juridiques relatifs à la sûreté des aéronefs. Les articles 203 à 208 de l’Acte uniforme de l’OHADA portant droit des sûretés appuient la tendance du droit aérien et maritime par la prise en compte des hypothèques conventionnelles qui sont compatibles avec la nature du navire et de l’aéronef. Par ailleurs, le droit de l’OHADA apporte sa touche d’originalité en déclarant que les hypothèques mobilières relatives au navire et à l’aéronef peuvent ne pas être notariées.
L’ensemble de ces éléments ont mis en lumière que le navire et l’aéronef ont un statut juridique particulier à cheval entre plusieurs matières. Chacune des matières régit ces deux biens. Mais elles convergent toutes vers la reconnaissance de la singularité de ces biens. En conséquence, elles ont fini par s’adapter à leur nature respective. Ainsi, le navire et l’aéronef ne sont-ils pas des biens hybrides par leur nature ? Cette singularité ne nécessite-t-elle pas en conséquence un régime spécial des sûretés affecté à ces deux biens ?
En rependant à ces questions, nous aborderons dans un premier temps le caractère hybride de ces deux biens (I), avant d’étudier le régime spécial de sûreté sur le navire et sur l’aéronef (II)
I. Le caractère hybride de l’aéronef et du navire
L’aéronef et le navire ont toujours posé un cas de conscience en droit des biens et en droit des sûretés. Le gigantisme et la mobilité de ces deux biens sont révélateurs de leur identité singulière. En effet, ces deux biens ont la possibilité de se déplacer en défiant la nature comme la mer et l’air. En même temps, et compte tenu de leur gigantisme, ils sont proches des immeubles, même s’ils ne sont pas fixes, ce qui démontre leur caractère hybride. Le navire et l’aéronef sont meubles par nature parce qu’ils peuvent se déplacer si on reste fidèle au critère classique du droit des biens (A). Ils peuvent aussi être assimilés à un immeuble par l’obligation d’immatriculation qui leur est imposée (B). Le caractère hybride de ces deux biens est avéré. Il suffit de sonder leur nature exceptionnelle pour s’en rendre compte.
A. Des biens meubles spéciaux par nature
En droit des biens classiques, la caractéristique principale d’un bien meuble est sa capacité à être déplacé ou à se déplacer. Le navire et l’aéronef répondent parfaitement à ce critère classique[20]. Le droit maritime (1) et le droit aérien (2) sont en conséquence dans la même dynamique ou se sont inspirés du droit des biens classiques en apportant cependant quelques touches originales relevant de la particularité de chaque matière. L’adhésion de ces deux matières aux critères du droit commun n’est pas pour autant synonyme d’une dilution totale. Chaque matière continue de garder sa particularité par rapport à l’Alma mater qui est le droit des biens.
1. L’approche maritimiste du navire au titre de bien
La possibilité de déplacement du navire d’un endroit à un autre est un critère déterminant pris en compte par le droit maritime pour le classer dans la catégorie des biens meubles[21]. La mobilité qui caractérise le navire est un indice pertinent pour justifier cette catégorisation. Cette conception du navire trouve son soubassement historique dans le commerce maritime. La société bourgeoise commerçante a été à l’origine de la qualification du navire en bien meuble. Les raisons de ce choix reposent « sur une mobilité très marquée de ces biens, un risque de perte élevé qui remet finalement la pérennité de ces biens en cause et l’indifférence du droit maritime au droit coutumier »[22]. L’environnement périlleux dans lequel évolue le navire n’est pas de nature à garantir sa pérennité[23]. En affrontant quotidiennement les périls de la mer, le navire devient un bien fragile et exposé à tous les risques réduisant sa valeur. Les nombreux accidents maritimes contribuent davantage à diminuer la haute qualité de cette créance très prisée dans le monde des affaires. Pour autant, l’assimilation du navire à un bien meuble ne donne pas forcément crédit au principe « res mobilis res vilis » qui réduit naturellement la valeur d’un bien meuble par rapport à un bien immeuble. Le navire fait exception à ce principe en restant un bien meuble d’une certaine classe sociale[24] dépassant la valeur vénale de certains immeubles au point d’être qualifié de « fortunes flottantes »[25]. En dehors du risque de la mer, le navire continue de garder jalousement sa valeur économique dans le monde des affaires.
La classification du navire en tant que bien meuble est presque partagée par toutes les législations du monde, à l’exception de l’État du Pérou qui l’assimile ipso facto à un immeuble[26]. En Afrique, les codes nationaux de la marine marchande qualifient le navire d’un bien meuble[27]. Le droit communautaire maritime africain ne fait pas exception à la règle à travers certaines dispositions du code de la marine marchande de la CEMAC[28] et de l’UEMOA pour ne citer que ces exemples parmi tant d’autres. Le droit français a longtemps épousé cette catégorisation. Le législateur français a suivi les civilistes de la fin du XVIIIe siècle[29]. En ce sens, l’article 531 Code civil dispose : « Les bateaux, bacs, navires, moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usines non fixées par des piliers, et ne faisant point partie de la maison, sont meubles : la saisie de quelques-uns de ces objets peut cependant, à cause de leur importance, être soumises à des formes particulières, ainsi qu’il sera expliqué dans le code de la procédure civile ». En conséquence, les règles classiques du droit civil sont a priori applicables au navire. Celui-ci peut faire l’objet d’un legs. Il tombe en communauté dans un régime de la communauté des acquêts[30]. Mais la nature atypique de ce bien reste en partie rebelle à la réglementation classique relative à un meuble ordinaire. L’identité singulière, voire hybride de ce bien, est souvent incompatible avec la nomenclature classique du droit des biens.
En droit maritime, le navire est considéré par ailleurs comme un meuble d’un genre particulier parce qu’il est un engin flottant de nature mobilière et affecté à une navigation qui l’expose aux risques de la mer[31]. « Pour les meubles, en effet, la mobilité n’est qu’une propriété physique, tandis que la mobilité du navire est non seulement l’une de ses propriétés, mais aussi, comme pour les instruments de transport, sa finalité. Cette singularité du navire rend difficile sa localisation lorsque celle-ci est nécessaire pour déterminer le droit applicable à une situation juridique impliquant le navire »[32]. Le droit maritime encadre bien d’ailleurs le caractère meuble du navire en tenant compte de la spécificité de ce bien lié à la navigation. Ainsi, le navire échappe au statut général de la propriété mobilière[33] en devenant un îlot dans le vaste continent du droit des biens. Antoine Vialard a rappelé à juste titre que « le navire, incontestablement meuble, ne se trouve cependant pas soumis au statut mobilier ordinaire tel qu’élaboré par le droit civil, voire commercial »[34].
L’aéronef et le navire ne sont pas pour autant de simples biens[35]. À l’opposé des meubles classiques, le navire est personnifié[36]. Les éléments de cette personnification sont théorisés par certains juristes de renom comme Ripert[37] et repris plus tard en compte par les législateurs contemporains. Ces éléments d’individualisation du navire « sont le nom, le port d’attache, la nationalité, le tonnage, le patrimoine ». L’attribution de cette dimension anthropomorphique au navire est un obstacle dirimant à sa soumission à la théorie générale du droit commun des meubles. L’individualisation de ce bien à travers un port d’attache obligatoire, c’est-à-dire un domicile, n’est pas compatible avec le régime de publicité des biens meubles classiques. Ainsi, le navire a un régime de publicité plus efficace encore que celui des droits réels immobiliers. Or, pour les meubles classiques, il n’y a pas en principe de publicité. Le navire fait exception à ce principe parce qu’il est susceptible d’être identifié et localisé[38].
Le navire n’est pas non plus un meuble sur lequel il est commode de parler du principal et de l’accessoire. Il existe certes certains objets détachables et accessoires au navire, mais qui sont indispensables pour la navigation, qu’on appelle « meubles affectés à un meuble »[39]. Le droit civil classique ignore ce type d’affectation. Ces objets matériellement attachés au navire sont le gouvernail, ancres, chaînes, palans, compas, appareils de radio. Le navire ne peut naviguer sans ces objets[40]. Par ailleurs, d’autres meubles ne sont pas intégrés[41], mais « imposés par les nécessités de la navigation, à l’exemple des chaloupes et des canots »[42]. Ces accessoires indispensables pour le bon fonctionnement du navire montrent que celui-ci est une « entité juridique » qui comprend la coque et la machine, mais tous les accessoires nécessaires à la navigation maritime[43]. Il est difficile dans ce cas d’appliquer au navire la théorie du principal et de l’accessoire. Le navire reste un ensemble. Le navire en lui-même, sans ces biens accessoires, n’aurait aucune utilité économique. Les accessoires sont vitaux pour le bon fonctionnement, même s’ils y sont détachables après la navigation.
L’acquisition de la propriété[44] du navire ne peut se faire comme un bien meuble classique. Le principe classique de l’article 2276 du Code Civil « En fait de meubles, la possession vaut titre » est antinomique avec la nature particulière du navire[45]. En droit maritime, le droit de propriété d’un navire n’est pas automatiquement acquis. La possession, qui est une situation de fait en droit, ne vaut pas forcément titre pour le navire, car celui-ci existe légalement[46]. En effet, le navire n’est que rarement dans la possession immédiate de son propriétaire ou du créancier gagiste. Sa mobilité à travers le monde est inconciliable avec la propriété par la possession qui « n’est ni un indice, ni un critère de nationalité, ni un critère d’identité, et ni un critère de gage »[47]. La propriété d’un navire est prouvée par l’immatriculation, ce qui démontre la particularité de ce bien meuble en comparaison aux autres. Selon la Cour de cassation française, « Quoique meuble par nature, il est soumis, quant aux saisies, adjudications ou ventes dont il peut être l’objet, à des règles spéciales qui excluent en cette matière l’application du principe suivant lequel, en fait de meuble, possession vaut titre »[48]. Cette jurisprudence française qui continue d’inspirer, a toujours son pesant d’or en droit. Elle est révélatrice de la spécificité du navire. La même singularité est perceptible en droit aérien. La mer et l’air se rejoignent sur plusieurs points relatifs à la règlementation de ces deux biens, à savoir le navire et l’aéronef.
2. L’approche aérienne de l’aéronef au titre de bien
Emboitant les pas au droit maritime, compte tenu de la longue expérience de cette branche juridique en matière de réglementation et de contribution au rayonnement du droit civil en général et le droit des biens en particulier, le droit aérien n’est pas sorti des sentiers battus par son homologue maritime en considérant l’aéronef comme un bien meuble par référence au critère classique de déplacement qui est encore déterminant pour cette qualification. Les différentes sources du droit aérien ne sont pas en contradiction avec la nature mobilière de l’aéronef. La doctrine aérienne classique reprise par les juristes modernes a toujours défendu cette approche[49]. Pascal Dupont, dans son ouvrage récent sur le droit aérien, est dans la continuité des premiers auteurs ayant vulgarisé cette matière. « Au regard du droit, l’aéronef est incontestablement un meuble en raison de sa faculté de déplacement. Mais c’est aussi un bien mobilier dont le statut dépend étroitement de la puissance publique »[50]. L’aéronef, à l’instar du navire, reste un bien meuble. C’est par ailleurs un bien meuble qui a une particularité le rendant moins soumis au statut des biens meubles classiques. Il partage ce destin iconoclaste avec le navire.
Le droit aérien international a implicitement consacré le caractère meuble de l’aéronef. Selon la Convention de Chicago de 1944, texte fondateur de l’aviation civile internationale, l’aéronef est « tout appareil pouvant se soutenir dans l’atmosphère grâce aux réactions de l’air ». Cette définition, à elle seule, est porteuse d’un message clair mettant le critère de déplacement en avant à travers l’expression « se soutenir dans l’atmosphère grâce aux réactions de l’air ». Le droit aérien international est en phase avec le droit maritime et le droit classique des biens. Le critère de déplacement est en conséquence repris par le droit aérien. Ce critère caractérisant tout meuble n’a pas pris une ride. Il est redéployé par le droit aérien, même si celui-ci garde en partie son autonomie. Le critère de déplacement est presque perceptible dans plusieurs législations. L’article L. 612-2 du code des transports français qualifie l’aéronef d’un bien meuble. Le Code de l’aviation civile du Sénégal est dans la même veine, à savoir le classement de l’aéronef dans la catégorie des biens meubles[51]. Son article 38 dispose : « L’aéronef constitue un bien meuble. Toutefois, la cession de propriété doit être constatée par écrit et ne produit d’effet à l’égard des tiers que par l’inscription au registre d’immatriculation. ». En revanche, la cession de la propriété d’un aéronef ne s’effectue pas comme celle d’un meuble classique. Le droit aérien rejoint sur ce point le droit maritime. La possession directe appliquée au meuble est inappropriée, car l’aéronef est appelé à voyager. Cette mobilité fait échapper l’aéronef à la possession directe de son propriétaire ou des créanciers-gagistes[52]. En un mot, les effets juridiques de la propriété de l’aéronef se rapprochent plus de la propriété immobilière.
Le droit aérien communautaire africain, à travers la CEMAC et l’UEMOA, ne déroge pas à la qualification qui prévaut dans le monde maritime. Le Code de l’aviation de la CEMAC, en son article 7.1, reconnaît que « les aéronefs sont des biens meubles soumis aux règles de droit commun, sous réserve des dispositions spéciales décrites dans le présent chapitre ». Cet instrument communautaire n’exclut pas l’application du droit commun aux aéronefs. Néanmoins, la CEMAC reconnaît la particularité de ce bien. Le Code de l’UEMOA[53] n’est pas sorti de la bien-pensance juridique dans ce domaine. En son article 18, il dispose que « les aéronefs constituent des biens meubles. Toutefois, la cession de propriété doit être constatée par écrit et ne produit d’effet à l’égard des tiers que par l’inscription au registre d’immatriculation ». Le droit aérien étant un droit récent qui peut difficilement se départir de la réglementation classique émanant aussi bien du droit des biens qu’en droit maritime, lesquels sont les deux sources d’inspiration pour cette matière. L’aéronef garde cependant son originalité et sa particularité comme le navire. À ce titre, il est difficile de le confondre avec les biens mobiliers ordinaires, d’autant plus que son immatriculation relève d’une obligation, une autre expression de sa spécificité.
B. Des biens immeubles par immatriculation
Le droit spécial des meubles immatriculés est récent[54]. Parmi les meubles par nature, il en est qui sont soumis à une immatriculation administrative. Ces meubles immatriculés dont font partie l’aéronef et le navire ont un régime juridique qui les rapproche des immeubles quant au transfert de la propriété et de l’hypothèque[55]. De plus, l’immatriculation du navire et de l’aéronef fait coexister sur un même bien le droit privé et le droit public[56]. Même si l’aéronef ou le navire peut être une propriété privée, il n’en demeure pas moins que l’immatriculation est obligatoire et, par ricochet, l’intervention de la puissance publique. L’assimilation du navire à un immeuble[57] fait que ce bien doit d’être immatriculé compte tenu de sa valeur vénale et de son gigantisme. Il en est de même pour l’aéronef. Examiner l’obligation d’immatriculation du navire (1) et celle de l’aéronef (2) permet davantage de confirmer que ces deux biens ont une autre singularité nécessitant l’adoption d’une règlementation adaptée à leur situation.
1. L’obligation d’immatriculation du navire
L’immatriculation du navire est d’abord une consécration du droit international. Le navire fait partie des biens meubles particuliers nécessitant une immatriculation pour la sécurité maritime et la confirmation de son rattachement à un État, afin d’éviter les fraudes qui sont légion dans ce domaine. Les navires sous pavillon de complaisance sont les exemples illustratifs de cette anomalie. Le navire est désigné de nos jours sous le vocable « meuble immatriculé », critère de distinction avec les autres meubles comme la voiture dont l’immatriculation n’est qu’administrative. Pour autant, cette immatriculation, pour les besoins de la navigation, de l’identification et de la publicité, ne « change rien au fait que le navire demeure un bien meuble »[58]. Un meuble ordinaire, pour être opposable à un tiers, est soumis à une autre procédure moins compliquée. Il est de notoriété publique que les conditions de la vente d’un navire sont même plus exigeantes que celles d’un immeuble, a fortiori un meuble classique[59].
Le droit international de la mer a fait sienne cette procédure d’immatriculation. La Convention de Montego Bay, qui constitue le Code civil du droit international de la mer, dispose en son article 91 que « Chaque État fixe les conditions auxquelles il soumet l’attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d’immatriculation des navires sur son territoire et les conditions requises pour qu’ils aient le droit de battre son pavillon. Les navires possèdent la nationalité de l’État dont ils sont autorisés à battre le pavillon. Il doit exister un lien substantiel entre l’État et le navire. Chaque État délivre aux navires auxquels il a accordé le droit de battre son pavillon des documents à cet effet ». Cette convention a davantage précisé qu’il « doit exister un lien substantiel entre l’État et le navire. Mieux, il est du devoir de l’État pavillon de tenir un registre maritime et d’exercer effectivement sa juridiction et son contrôle dans les domaines administratifs, techniques et sociaux sur tous les navires et de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité en mer »[60].
La Convention des Nations unies sur les conditions d’immatriculation des navires élaborée en 1986 ne déroge pas à la règle classique établie par le droit international précédent. Selon cet instrument juridique international, l’immatriculation est une procédure permettant à un État d’attribuer sa nationalité à un navire et le droit de battre son pavillon[61]. Cette immatriculation est prouvée par les documents délivrés par l’État de pavillon définissant le lien avec l’État et, par conséquent, la nationalité. Le droit international fait de l’immatriculation du navire une soupape de sûreté profitable à tous les acteurs qui exploitent de près ou de loin cet engin incontournable pour affronter les périls de la mer. L’immatriculation va au-delà de l’administratif. Le droit maritime international en fait même une condition sine qua non pour la circulation du navire. Pour François Terré et Philippe Simler, « L’immatriculation tend en effet à protéger non seulement les tiers ayant acquis des droits concurrents sur le bien comme le navire, mais aussi d’autres tiers, notamment des créanciers chirographaires »[62].
En Afrique, la quasi-totalité des législations nationales considère le navire comme étant un bien meuble immatriculé[63]. En droit de l’OHADA, cette immatriculation est souvent évoquée dans les textes, du moins en filigrane, puisqu’il n’existe pas un acte uniforme ayant trait au droit maritime. Même si tous les codes de la marine marchande des États de l’OHADA sont favorables à l’immatriculation du navire, il est important de noter qu’il y a une divergence entre les différentes législations. L’immatriculation est tantôt considérée comme un critère d’identification du navire. Tantôt, elle est considérée comme une conséquence de la qualification[64]. Les codes sénégalais et béninois ont fait montre d’une originalité auprès des autres codes. Pour le Code sénégalais de la marine marchande, le navire est appréhendé comme « tout bâtiment ou engin flottant ou submersible quel que soit son tonnage ou sa forme avec ou sans propulsion mécanique immatriculé par les soins de l’Autorité compétente et qui effectue à titre principal une navigation maritime »[65]. Le Code béninois de la marine marchandise est presque dans la même dynamique conceptuelle en disposant en son article 70 alinéa 1 que « la qualité de navire résulte de son immatriculation par les soins de l’autorité maritime (…) ».
En dehors de cette exception, l’unanimité de l’immatriculation du navire dans l’espace OHADA reste la règle. L’immatriculation est une procédure administrative observée dans tous les États de l’OHADA, même si elle est souvent étendue à d’autres moyens de transport maritime comme la pirogue. Le Bénin immatricule les pirogues[66]. Or, selon la conception classique du droit maritime, la pirogue est loin d’être un navire tant du point de vue de la construction que de la capacité à affronter les périls de la mer. En droit maritime, seul le navire a cette possibilité, car sa construction obéit à un cahier des charges très exigeant. Aucun navire ne peut prendre service sans un contrôle préalable effectué par les sociétés de classification et les autorités dont le rôle est d’inspecter la qualité de la matière utilisée pour la construction du navire. À défaut du respect des conditions imposées, le certificat de navigabilité ne peut être délivré par les autorités compétentes. L’aéronef ne déroge pas non plus à cette immatriculation.
2. L’obligation d’immatriculation de l’aéronef
L’immatriculation de l’aéronef[67] est une obligation imposée par le droit aérien international[68]. Le titre immeuble attribué à l’aéronef trouve sa plus belle consécration dans l’immatriculation, ce qui dénote qu’il n’est pas réduit qu’à sa dimension mobilière. Cette procédure d’immatriculation de l’aéronef est indispensable pour faire ressortir un ensemble de règles spécifiques au droit aérien qui sont inconnues du droit civil classique des meubles[69]. Une telle consécration ne fait que confirmer la double identité de l’aéronef.
La Convention de Chicago du 7 décembre 1944, ayant porté sur les fonts baptismaux le droit public aérien international, a, dans ses premières dispositions, retenu cette procédure en l’imposant aux aéronefs. L’application de cet instrument juridique international à un aéronef dépend de son immatriculation. Le défaut de cette condition met l’aéronef à la périphérie du droit. Les articles 17[70] et 18[71] de la Convention de Chicago de 1944 sont les sièges de cette obligation procédurale. Dans la procédure d’immatriculation, le droit aérien international laisse cependant une parcelle de souveraineté aux États contractants. Ces derniers ont la liberté d’immatriculer l’aéronef selon leurs propres règles. Les articles 21[72] et 37[73] de la Convention de Chicago du 7 décembre 1944 sont précis sur ce point. Par ailleurs, l’aéronef ne peut être immatriculé que dans un seul État, mais son immatriculation peut être transférée d’un États à un autre. En réalité, l’immatriculation « est un acte formellement interne, mais matériellement international »[74]. Le droit aérien international exige que l’immatriculation figure parmi les documents de bord de tout aéronef immatriculé et employé pour une navigation internationale[75]. De même, les marques de cette immatriculation doivent être transparentes pour déterminer la véritable identité de l’aéronef[76].
L’immatriculation de l’aéronef au titre d’un immeuble n’est pas sans effets sur le plan juridique. Elle permet de décliner la nationalité et l’identité de l’aéronef. Un bien comme l’aéronef ayant par nature une vocation internationale à travers le transport ou toute autre activité a besoin d’être identifié pour engager ou exonérer la responsabilité du propriétaire en cas d’éventuels problèmes. La raison de l’attachement d’un aéronef à un Étatsen droit international vise à protéger les intérêts de celui-ci, à faire respecter le bon ordre international et à protéger les victimes des incidents impliquant les engins en cause[77]. L’immatriculation soumet l’aéronef à une législation nationale et à un régime juridique dérogatoire au régime classique et adapté à la propriété mobilière[78]. L’immatriculation de l’aéronef n’est pas qu’administrative, comme pour les véhicules automobiles. Elle est constitutive d’une formalité de publicité instituée dans l’intérêt du tiers[79]. Il est à souligner que l’exercice de certains droits ayant trait à l’aéronef comme la vente, la location ou l’hypothèque ne peuvent avoir lieu sans immatriculation. Le défaut d’immatriculation convoque le droit pénal. En effet, un aéronef sans immatriculation expose son propriétaire à des sanctions pénales.
L’immatriculation de l’aéronef est devenue une obligation internationale incombant à tous les États. En conséquence, les législations internes et communautaires africaines et ailleurs s’y attèlent. Le Code de l’aviation civile du Sénégal[80] a intégré cette obligation du droit international à travers son article 24 : « Un aéronef ne peut circuler que s’il est immatriculé. Le régime de l’immatriculation est déterminé par les règles ci-dessous, sauf dispositions contraires édictées par l’Union Économique et Monétaire ouest africaine, notamment celles relatives à la licence de transporteur aérien ». La circulation d’un aéronef est impérativement conditionnée par son immatriculation. Ce préalable est une sûreté pour tous ceux qui opèrent dans l’environnement complexe de l’aviation.
À l’échelon des législations nationales africaines, le Code de l’aviation civile du Sénégal peut servir d’échantillon au niveau continental. La majorité des codes de l’aviation civile des autres États africains passés en revue confirment l’immatriculation de l’aéronef comme un impératif pour sa prise de service[81]. Les autorités de l’aviation civile des États africains sont garantes de cette procédure au niveau national en vertu des pouvoirs qui leur sont conférés par la Convention de Chicago de 1944. Les procédures internes d’immatriculation peuvent légèrement se différer, mais le principe d’immatriculation reste la règle. En France, l’article 6111-1 du Code des transports est le siège de l’immatriculation de l’aéronef. Il en ressort qu’« un aéronef ne peut circuler sans être immatriculé ». En droit communautaire, le principe d’immatriculation ne souffre d’aucune contradiction. L’article 8[82] et 9[83] du Code de l’aviation civile de l’UEMOA ont retenu cette obligation et les conséquences juridiques qui en découlent. Quid du régime spécial de sûreté de l’aéronef et du navire ?
II. Le régime spécial de sûreté sur le navire et sur l’aéronef
Parce que le navire et l’aéronef sont des biens[84], ceux-ci peuvent être donnés en garantie. Ainsi, ils doivent être compris comme de véritables instruments de crédit[85], c’est dire qu’un armateur, dans le cas d’un navire, peut tirer crédit de son navire, tant celui-ci est à même de financer son exploitation. De même, l’aéronef peut jouer ce rôle. Le droit maritime et le droit aérien offrent ainsi aux créanciers des garanties spécifiques sur le navire et l’aéronef, notamment l’hypothèque et les privilèges (B), ce qui n’empêche pas pour autant de s’interroger sur l’application des sûretés mobilières pouvant grever ces deux biens (A).
A. Une difficile application des sûretés mobilières sur le navire et sur l’aéronef
Il y a quatre ans, Philippe Delebecque écrivait, à propos du gage des créanciers, qu’« en tant que composante principale, sinon exclusive du patrimoine de l’armateur, le navire peut être pour celui-ci un bon moyen de crédit »[86]. C’est dire que l’armateur peut garantir sa créance en affectant en garantie son navire. De même, cette option est possible pour l’aéronef. En droit français, le Code des transports permet de grever un aéronef, mieux, de le donner en garantie. On retrouve aussi cette option en droits africains, notamment dans le Code de l’aviation civile de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale. Est-il possible d’appliquer une sûreté mobilière sur le navire et l’aéronef ? Une doctrine quasi-unanime considère qu’il est impossible d’appliquer un gage et un nantissement sur le navire et l’aéronef (1). Cependant, il n’est pas inconcevable d’appliquer une fiducie-sûreté[87] sur un navire, ce qui est discutable à propos de l’aéronef (2).
1. Une impossible application du gage et du nantissement sur un navire et sur un aéronef
Prima facie, il est à préciser qu’à l’origine, les rédacteurs du Code civil avaient classé les sûretés réelles en fonction de l’exigence ou non de dépossession du constituant de la sûreté : d’un côté, les sûretés réelles avec dépossession, donc les sûretés dans lesquelles le constituant devait se déposséder du bien grevé de sûreté entre les mains du créancier[88], elles étaient appelées de manière générale « nantissement » ; le nantissement était un « gage » lorsqu’il portait sur un bien meuble[89], une « antichrèse » lorsqu’il portait sur un bien immeuble[90]. D’autre côté, les sûretés réelles sans dépossession, celles dans lesquelles le constituant ne devait pas se déposséder du bien grevé de sûreté entre les mains du créancier. En 1804, cette catégorie comprenait principalement l’hypothèque, qui porte sur les immeubles, dans la mesure où il existait alors très peu de sûretés sans dépossession portant sur les meubles[91]. Par la suite, cette clarté initiale a disparu : les meubles incorporels se sont multipliés : fonds de commerce, parts sociales, valeurs mobilières, droits de propriété intellectuelle, etc. Le législateur a créé plusieurs sûretés sans dépossession sur ces meubles incorporels, qu’il a généralement baptisées « nantissement », nantissement du fonds de commerce, nantissement de parts sociales, nantissement de compte-titres, etc. de telle sorte que, en pratique, le terme de nantissement avait perdu sa signification initiale et était devenue synonyme de gage sans dépossession sur meubles incorporels
À l’occasion de la réforme de 2010, le législateur de l’OHADA a considéré, qu’en pratique, le terme de « nantissement » désignait généralement des sûretés sans dépossession sur meubles incorporels. En conséquence, il a décidé : que le terme de « gage » désignerait les sûretés réelles sur meubles corporels, que le terme de « nantissement » désignerait les sûretés réelles sur meubles incorporels. Et ce, indépendamment de l’exigence de dépossession du constituant ou non. À présent, les choses sont donc plus claires. Les sûretés réelles conférant un droit de préférence sur un bien meuble sont classées en fonction de leur assiette : lorsque la sûreté porte sur un meuble corporel, il s’agit d’un gage, lorsque la sûreté porte sur un meuble incorporel, il s’agit d’un nantissement, lorsque la sûreté peut porter indifféremment sur un meuble corporel ou un meuble incorporel, il s’agit d’un privilège mobilier.
Dans l’étude des sûretés réelles conférant un droit de préférence sur un bien meuble, il faut donc examiner successivement le gage et le nantissement avant de répondre à la question de savoir s’il est possible d’appliquer un gage et un nantissement sur un navire et un aéronef. D’abord faudrait-il appréhender les notions de sûreté et de sûreté mobilière.
Si la sûreté est, selon l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés « l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant », la sûreté mobilière est de façon laconique une garantie prise sur un bien mobilier, tel un gage ou un nantissement. Ainsi, une personne peut se porter garant de sa propre dette ou de la dette d’autrui[92] en donnant en garantie un bien mobilier, tant corporel qu’incorporel.
Cela dit, il est à noter que l’idée qui transparaît derrière ces développements est celle de savoir s’il est possible de gager ou de nantir un navire ou un aéronef. Il est tentant de raccourcir cette analyse en soulignant que la plupart des manuels consultés, traitant du droit maritime et du droit aérien, lorsqu’ils abordent le navire et l’aéronef en tant que gage des créanciers, se limitent à évoquer l’hypothèque sur ces biens et les privilèges, voire aussi la fiducie[93]. Rares sont les auteurs qui ont pris l’option de se poser la question de savoir s’il est possible de gager ou de nantir un navire ou un aéronef. Ce mutisme délibéré de la doctrine s’explique parce qu’il est admis, depuis des temps anciens, qu’il est impossible d’appliquer un nantissement ou un gage sur un navire et sur un aéronef. Il n’est pas utile pour la doctrine d’y consacrer des pages entières. Ne dit-on pas que les biens meubles sont des res mobilis res vilis ?
Les biens meubles sont d’une valeur bien inférieure aux immeubles. L’aéronef et le navire, bien qu’étant des biens meubles[94], ne peuvent totalement revêtir cette nature juridique, en raison de l’importance de ces biens et de leur particularité. D’ailleurs, Ripert[95] avait souligné que le navire a, comme les personnes vivantes, un nom, qui le désigne, il est d’une certaine classe sociale, car les navires de plaisance se distinguent de ceux qui sont affectés à la pêche, au commerce ou à la défense du pays. En ce sens, comme l’aéronef, le navire est parfois considéré comme un immeuble. Ainsi, à la lecture de certains textes, tant nationaux qu’internationaux, il se déduit que le navire et l’aéronef ne peuvent faire l’objet de gage ni de nantissement. Le Code de l’aviation civile de la CEMAC et l’Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés ne démentent pas cette assertion.
S’il est possible de gager des stocks contenus dans un navire[96], il est en revanche impossible de gager le navire et l’aéronef en tant que bien. Ce refus de permettre un gage ou un nantissement sur un navire et sur un aéronef s’explique peut-être par la nature de ces sûretés mobilières et par la particularité du navire et de l’aéronef. Il est donc impératif de porter un regard, sur le gage et le nantissement, afin de justifier ce refus.
En droit de l’OHADA, le gage est défini à l’article 92 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, comme « le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels, présents ou futurs ». Il ressort de cette définition plusieurs observations[97]. D’abord, le gage n’est possible que sur un bien meuble corporel. Ensuite, le gage peut porter sur un meuble corporel isolé ou sur un ensemble de meubles corporels. Enfin, le gage peut porter sur des biens meubles corporels, présents ou futurs.
Aussi, faut-il préciser qu’avant l’avènement du droit de l’OHADA, le Code civil français faisait du gage un véritable contrat réel. Ainsi, l’ancien article 2076 du Code civil précisait que « le privilège du créancier ne subsiste sur le gage qu’autant que ce gage a été mis et est resté en possession du créancier, ou d’un tiers convenu entre les parties ». A propos de cette disposition, certains auteurs ont considéré qu’il était « de l’essence même du gage »[98] que le bien donné en garantie fût mis en possession du créancier ou d’un tiers convenu. La conséquence était la nullité du gage sans dépossession. De même, la jurisprudence a-t-elle admis que la dépossession était de l’essence du gage. S’il est vrai que la Cour de cassation française avait laissé entendre que le bien donné en garantie pouvait être remis au créancier après la conclusion du contrat[99], elle avait aussi décidé, à l’occasion d’un arrêt de date très ancienne, que le contrat de gage n’était pas opposable au créancier, dès lors que le débiteur ne s’était pas dessaisi des biens donnés en garantie[100]. Mais la Cour de cassation, à maintes reprises, a consolidé sa position selon laquelle l’absence de dépossession faisait de la convention entre les parties une simple promesse de gage[101]. Cette solution traditionnelle, qui était aussi admise dans les pays membres de l’OHADA, faisait de la dépossession l’acte fondateur du gage. Avec le nouveau droit français et OHADA des sûretés, la dépossession n’est plus conçue comme l’acte fondateur du gage. En effet, la dépossession n’est plus qu’une simple condition d’opposabilité du gage aux tiers.
De toutes ces considérations issues de la définition du gage, seule la première devrait vraisemblablement l’emporter, car elle permettra de justifier le refus d’un gage sur navire et sur aéronef.
Le navire et l’aéronef sont des biens meubles. Toutefois, sont-ils des biens meubles corporels ? A Cette question, les articles 456 et s., 627 et s du Code civil répondent à l’affirmative. En effet, le navire et l’aéronef sont des biens meubles corporels. Ainsi, appliquer à la définition du gage, telle que prévue à l’article 92 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, il est possible de déduire que le navire et l’aéronef puissent faire l’objet d’un gage, tant le gage peut porter sur un bien meuble corporel. Mais, il est admis, depuis des temps anciens, que le navire ne peut faire l’objet d’un gage. L’une des raisons qui explique ce refus réside dans la nature même du gage.
S’il est vrai que le gage porte sur un bien meuble corporel, il est tout aussi vrai que celui-ci est une sûreté avec dépossession[102], même si la dépossession n’est plus qu’une simple condition d’opposabilité du gage aux tiers[103]. Cependant, le gage n’est pas praticable sur un navire puisqu’il aurait dessaisi le débiteur et ruiné l’armateur. Autrement dit, le gage est une sûreté réelle mobilière avec « dépossession », celui-ci ne peut être pratiqué, ni sur le navire, moins encore sur l’aéronef, car, déposséder le débiteur de son navire ou de son aéronef, reviendrait à impacter son activité et à lui empêcher de l’exercer. Quel est l’intérêt de déposséder l’armateur de son navire, lorsqu’on sait que c’est du fait du bon fonctionnement de son activité que celui-ci pourra respecter ses engagements à l’endroit de ses créanciers ?
Le créancier gagiste, dans un gage avec dépossession, détient la chose de son débiteur, en l’occurrence le navire ou l’aéronef, non pas pour l’utiliser à son profit comme pourrait le faire un propriétaire ou un usufruitier, mais pour en empêcher le détournement et ainsi assurer son paiement par préférence le jour où la chose sera vendue. Il peut ainsi mettre en péril l’activité économique de l’armateur ou de la compagnie d’aviation, car le bien qui lui sera donné devrait être exploité afin de restituer la créance. Le créancier gagiste est investi d’un droit sur la valeur de la chose du fait de la possession – qu’il est inconcevable d’appliquer sur des biens d’un genre particulier, notamment le navire et l’aéronef, un gage. Le créancier gagiste peut invoquer toutes les prérogatives qui sont attachées à ce que l’on pourrait appeler le droit commun de la rétention[104]. Ainsi, il n’est pas possible de lui permettre de dessaisir l’armateur de son navire, tant le navire est aussi considéré comme un bien « immeuble ».
En dépit de cette considération, faut-il préciser que le gage peut aussi être constitué sans dépossession. Le gage sans dépossession peut aussi être pratiqué sur un aéronef. Seulement, en raison de l’existence tant en droit français qu’en droits africains de l’hypothèque sur l’aéronef, il semble incongru de pratiquer un gage sur l’aéronef, quand bien même celui-ci serait un gage sans dépossession. En effet, comme le souligne un auteur, « les deux sûretés feraient double emploi »[105]. Pourtant, il ne fait l’ombre d’aucun doute que le gage sans dépossession pourrait être plus avantageux pour le créancier. D’ailleurs, ce type de sûreté est pratiqué en droit anglais.
En outre, le nantissement est défini comme l’affectation, en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel[106] ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs. Or, ni le navire, ni l’aéronef ne constituent un bien meuble incorporel. Sont des biens meubles incorporels, les créances, les brevets, les obligations émises par les sociétés, les clientèles, le droit au bail. Par conséquent, le navire et l’aéronef ne peuvent faire l’objet d’un nantissement. Mais, il est permis de se demander si la fiducie ne pourrait pas être ou redevenir[107] un mécanisme utile de crédit en matière maritime et aérienne.
2. Une possibilité relative de l’application de la fiducie sur un navire et sur un aéronef
On sait que le législateur de l’OHADA, qui règlemente le droit des sûretés dans les 17 États membres, a consacré pareille institution[108] (art. 87 à 91 de l’AUS), à la suite du législateur français, « aussi bien dans sa vocation d’instrument de gestion que de technique de garantie »[109]. Le recours à la fiducie-sûreté sur un navire et sur un « aéronef » est concevable. Il est possible d’imaginer le transfert, en pleine propriété du navire ou de « l’aéronef », à un fiduciaire, un établissement de crédit créancier de l’armateur ou de la compagnie aérienne. Le temps du financement du prêt consenti à l’armateur ou à la compagnie aérienne peut être garanti par l’opération de fiducie-sûreté grâce à l’exclusivité « résultant » de la propriété-sûreté[110]. Mais, au juste, qu’est-ce que la fiducie ? A cette question, il nous paraît intéressant de faire intervenir certaines doctrines autorisées du droit des sûretés.
Ainsi, selon les propos de Philippe Simler et Philippe Delebecque, la fiducie ou la cession fiduciaire est le fait pour le débiteur « de transférer la propriété d’un ou plusieurs de ses biens (ou droits) en garantie des avances ou des crédits qui lui sont consentis, le créancier prenant l’engagement de rétrocéder, dans la mesure de son remboursement, le ou les biens formant l’objet de la sûreté »[111]. Par la cession fiduciaire, le créancier obtient un droit de propriété sur le bien donné en garantie. Ainsi, il se met à l’abri de toute concurrence avec d’autres créanciers[112].
La fiducie n’est pas une institution récente. Elle existait déjà en droit romain sous l’appellation de fiducia cum creditore[113]. Toutefois, la fiducie-sûreté a connu un déclin imputable au développement d’autres sûretés réelles. La raison de ce déclin se trouve certainement dans la protection que cette sûreté accorde aux tiers. En effet, lorsque la cession fiduciaire porte sur un bien corporel, à l’instar du navire ou de « l’aéronef », il est extrêmement difficile d’assurer la protection des tiers, « faute de publicité organisée », ainsi que la protection du débiteur, qui est exposé « aux aléas inhérents à toute restitution ou confronté à d’éventuels conflits avec des sous-acquéreurs ». Ces précisions sont à même d’expliquer les réserves de la jurisprudence à l’égard de l’aliénation fiduciaire du navire[114] et de « l’aéronef ». En effet, la technique de gage sans dépossession est beaucoup plus appropriée pour le débiteur, qui détient le bien donné en garantie.
En droit de l’OHADA, il est permis de céder sa propriété à titre de garantie. Cette technique de garantie du crédit n’avait pas été consacrée par l’ancien Acte uniforme portant organisation des sûretés[115]. Seules quelques dispositions soulevaient la réserve de propriété. C’est le cas de l’article 284 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général de 1997 sur les effets de la vente commerciale et de l’article 103, al. 2 et 3 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif de 1998 sur les revendications. L’article 71 du nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés envisage la clause de réserve de propriété et la propriété cédée à titre de garantie. Plus concrètement, l’article 79 consacre la cession de propriété à titre de garantie qui consiste à céder, c’est-à-dire transférer la propriété d’un bien, actuel ou futur, ou d’un ensemble de biens en vue de garantir le paiement d’une dette, actuelle ou future, ou d’un ensemble de dettes. L’Acte uniforme organise uniquement deux modalités de propriété cédée à titre de garantie : la cession de créance à titre de garantie et le transfert fiduciaire d’une somme d’argent[116]. Le législateur introduit donc des mécanismes connus dans la pratique bancaire[117] des pays industrialisés, mais jusque-là non règlementés en droit de l’OHADA. Il s’agit des garanties fondées sur le transfert de propriété. Ainsi, en lien avec cette étude, il est permis de se demander si l’armateur ou la compagnie aérienne peut transférer en pleine propriété son navire ou son aéronef à un fiduciaire (…).
Il n’est pas inconcevable de recourir à une fiducie-sûreté sur un navire ni sur un « aéronef ». Seulement, si l’un de ces biens est exploité en copropriété, il faudrait recueillir une majorité pour assurer le transfert de propriété. Ensuite, les formalités relatives à la validité d’une telle sûreté peuvent paraître lourdes pour le créancier[118]. En outre, quel est l’intérêt de céder la propriété du navire ou de l’aéronef au créancier si le remboursement de la créance devrait résulter de l’exploitation de ce bien ? Autrement dit, c’est en exploitant le bien[119] que le débiteur sera à même de faire face à ses obligations à l’égard de ses créanciers. Céder la propriété du navire ou de l’aéronef serait dans ce cas inconcevable, puisque le débiteur serait dépossédé du seul bien qui lui aurait permis, après exploitation, de faire face à ses obligations. De même, si au moment de la réalisation de la sûreté, la valeur du navire ou de l’aéronef dépasse le montant de la créance garantie, le créancier bénéficiaire de la sûreté peut se retrouver dans une position délicate, tant celui-ci peut avoir l’obligation de verser une soulte au constituant de la sûreté, cette soulte pouvant fonder une saisie du bien donné en garantie. Enfin, si le débiteur paie sa créance, le créancier devra restituer la propriété du bien. Or, on le sait, la règle du parallélisme des formes imposera dans pareil cas, de refaire, en sens inverse, les formalités initiales, « ce qui ne va pas de soi », surtout si dans le temps écoulé, la nationalité du bien a changé, car, comme une personne, la nationalité du navire et de l’aéronef peut changer.
Nonobstant ce qui précède, il ne faut pas rejeter l’idée selon laquelle il est possible de pratiquer la fiducie maritime[120]. D’ailleurs, avant la création de l’hypothèque maritime en France, par la loi du 10 décembre 1874, « l’aliénation fiduciaire des navires était utilisée comme sûreté réelle »[121]. Aussi, plusieurs sociétés de conseil financier ou de gestion de patrimoine proposent des trusts offshores[122] sur des navires, en « arguant notamment de divers avantages fiscaux »[123]. Dans le même sens, la fiducie-sûreté maritime pourrait concurrencer les sûretés que le droit commun des sûretés admet déjà sur le navire, c’est-à-dire les privilèges et les hypothèques. Mais, qu’il s’agisse du droit de l’OHADA ou du droit international, force est de constater qu’aucune disposition ne prohibe l’admission de nouvelles sûretés maritimes. Philippe Delebecque a déjà attiré l’attention en 2007 sur la nécessité de pratiquer une fiducie sur le navire[124]. En revanche, en droit aérien, il en est autrement. En effet, la Convention de Genève du 19 juin 1948 sur la reconnaissance des droits sur aéronefs, en son article I-2, interdit aux États contractants d’admettre ou reconnaître des sûretés préférables à l’hypothèque, au « mort-gage » et à tout droit similaire. Or, la fiducie ne peut être assimilée à ces droits[125]. Ainsi, il est inconcevable de repousser de façon systématique la fiducie maritime en se limitant aux mécanismes d’une similarité lointaine, mécanismes que nous avons déjà cités. Partant, il est permis d’affirmer avec Gaël Piette que « la fiducie semble pouvoir trouver sa place en matière maritime, elle est un mécanisme qui a vocation à être utilisé pour des opérations dont les enjeux financiers sont importants, ce qui est fréquemment le cas lorsqu’un navire est concerné »[126]. A ces considérations, faut-il ajouter qu’en matière de fiducie, les législations ont laissé une importante liberté aux parties au contrat de fiducie. Or, cette idée de laisser aux parties une importante liberté est en adéquation avec le droit maritime, car celui-ci est empreint de liberté contractuelle. Toutes ces raisons permettent de se demander si la fiducie maritime mérite de se voir reconnaître une place aussi bien en droits africains qu’en droit français. La question est posée par Philippe Delebecque dans la 14ème édition de son Précis de droit maritime, ce qui engendre un engouement pour cette institution : la fiducie ne pourrait pas être ou redevenir un mécanisme utile de crédit en matière maritime ? Une réponse affirmative est envisageable.
En dépit de ces considérations, force est de constater que la fiducie comme le gage sur le navire et sur l’aéronef est supplantée par l’hypothèque et les privilèges. Il est alors permis de relever que la fiducie-sûreté n’est pas à même de balayer l’hypothèque sur le navire et sur l’aéronef, voire, de la supplanter, d’autant que cette sûreté reste, comme il va être démontré, une bonne sûreté. De même, est-il possible d’envisager sur ces deux biens des privilèges.
B. Des garanties spécifiques sur le navire et sur l’aéronef
S’il est admis qu’ils sont des biens meubles par nature, le navire et l’aéronef peuvent faire l’objet d’une hypothèque (1) ou des privilèges (2).
1. Une hypothèque sur le navire et sur l’aéronef
« Il n’y en a qu’une ». C’est ainsi que les Professeurs Simler et Delebecque entament le titre consacré aux sûretés réelles immobilières dans leur ouvrage[127] afin de marquer la précellence de l’hypothèque en la matière[128]. Ces auteurs considèrent en effet que « tout compte fait, ces sûretés se réduisent à une seule garantie : l’hypothèque »[129]. La réforme intervenue en 2010 en droit de l’OHADA ne dément pas cette considération, tant il est vrai que l’Acte uniforme portant organisation des sûretés institue une seule catégorie de sûreté immobilière, à savoir l’hypothèque[130]. Elle est définie à l’article 190 comme « l’affectation d’un immeuble déterminé ou déterminable appartenant au constituant en garantie d’une ou de plusieurs créances, présentes ou futures, à condition qu’elles soient déterminées ou déterminables ». C’est une sûreté immobilière qui porte sur un immeuble ou généralement sur un droit immobilier et qui confère à son titulaire un droit de suite et un droit de préférence. Elle n’emporte pas la dépossession immédiate du propriétaire contrairement à l’antichrèse qui est une autre sûreté réelle immobilière emportant dépossession du débiteur. L’hypothèque est possible sur un navire et sur un aéronef. En effet, plusieurs instruments juridiques confirment cette thèse[131].
En vertu de l’article II.7.7 du Code de l’aviation civile de la CEMAC, « les aéronefs ne peuvent être hypothéqués que par une convention intervenue entre les parties intéressées (…) ». De ce dispositif, il convient de relever que l’aéronef peut faire l’objet d’une hypothèque. Les progrès technologiques en matière de navire ont rendu le navire moins vulnérable et plus résistant aux risques de la mer. Rien n’interdit ainsi de pratiquer une hypothèque maritime. Il fut un temps, l’hypothèque maritime n’existait pas encore en droit français et par conséquent dans les législations membres de l’OHADA. Or, celle-ci était déjà pratiquée dans plusieurs pays. En effet, le Portugal connaissait l’hypothèque maritime depuis 1833 et la Prusse depuis 1861. En Angleterre, depuis longtemps, le mort-gage jouait le rôle de l’hypothèque maritime[132]. Ces législations ont fortement influencé le droit français et par conséquent les droits africains. Ainsi, l’hypothèque maritime a-t-elle été admise en France, après la crise qui a suivi la défaite de 1870. Mais, cette hypothèque a vraiment été créée en 1967 en sonnant le glas du prêt à la grosse. En outre, l’hypothèque des aéronefs a été rendue possible par la loi du 31 mai 1924 organisant l’immatriculation des aéronefs et la publicité des actes les concernant.
A l’instar de l’hypothèque des aéronefs, celle maritime est conventionnelle et suppose un écrit, à peine de nullité. L’article 241 du Code français des douanes le proclame. De même, à propos de l’aéronef, l’article II.7.7 précédemment cité est dans la même dynamique. Suffit-il seulement que l’aéronef soit inscrit dans un registre d’immatriculation conçu à cet effet, pour qu’il puisse faire l’objet d’une hypothèque. Lorsque l’aéronef fait l’objet d’une hypothèque, celle-ci grève cet appareil et l’hypothèque doit être inscrite au registre d’immatriculation des aéronefs civils[133].
Certes, l’hypothèque porte sur un aéronef déjà existant, mais, il est admis que l’hypothèque puisse être constituée sur un aéronef en construction, « à condition que celui-ci ait été préalablement déclaré à l’autorité administrative en charge de la tenue du registre d’immatriculation »[134]. En droit français, cette option est prévue par l’article L. 6122-5 du Code des transports. Cette hypothèque est susceptible de grever par un seul acte tout ou partie de la flotte aérienne appartenant à un même propriétaire à condition que les différents éléments de la flotte soient individualisés dans l’acte. Aussi, peut-on étendre l’hypothèque aux pièces de rechanges définies par voie de règlement, à condition que ces pièces soient individualisées.
Comme toute autre hypothèque, l’hypothèque aérienne connait une extinction. En effet, si l’inscription de l’hypothèque n’a pas été renouvelée avant l’expiration d’un délai légal, l’hypothèque cesse de produire ses effets. Le Code de l’aviation civile de la CEMAC prévoit un délai de dix ans. Ainsi, aux termes de l’article II.7.13 du Code de l’aviation civile de la CEMAC, « l’inscription conserve l’hypothèque pendant dix ans, à compter de sa date. Son effet cesse si l’inscription n’est pas renouvelée avant l’expiration de ce délai ». Cependant, faut-il préciser que le créancier hypothécaire est en droit de suivre le bien en quelques mains qu’il passe[135]. Ce droit de suite lui permet d’être colloqué et d’être payé suivant l’ordre des inscriptions[136]. Si l’aéronef connaît une perte ou une avarie, le créancier hypothécaire va se subroger contre l’assureur[137]. Mais, ce dernier est en droit, avant tout paiement, de requérir un état des inscriptions hypothécaires. « Aucun paiement d’indemnité n’est libératoire s’il est fait au mépris des droits des créanciers hypothécaires figurant sur ledit état »[138]. En cas de plusieurs hypothèques sur le même bien, un rang est déterminé par l’ordre des dates d’inscription[139]. Une question peut cependant se poser pour les hypothèques inscrites le même jour. Là aussi, le Code de l’aviation civile de la CEMAC, à l’instar du Code français de l’aviation, apporte une réponse qu’il tire du droit des sûretés. En effet, ces deux instruments juridiques prévoient qu’en cas de plusieurs inscriptions hypothécaires le même jour, ces hypothèques viennent en concurrence, nonobstant la différence des heures de l’inscription.
Pour ce qu’est du navire, le principe est le même. En droit français par exemple, pour être hypothéqué, le navire[140] doit être francisé[141], mais, aucune condition de tonnage n’est aujourd’hui requise. Aussi, au même titre qu’un aéronef, un navire en construction est susceptible d’hypothèque. D’ailleurs, un auteur rapporte que c’est « même sur de pareils navires que l’hypothèque est surtout usitée »[142]. L’hypothèque est constituée par le propriétaire du navire, celui-ci doit avoir la capacité d’hypothéquer[143]. A propos de la capacité d’hypothéquer, l’article 203 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés dispose que « l’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par celui qui est titulaire du droit réel immobilier régulièrement inscrit et capable d’en disposer ». Ainsi, le propriétaire du navire doit apporter la preuve de la propriété. Et l’hypothèque constituée sur la chose d’autrui est nulle[144], sauf si le tiers est détenteur d’un mandat donné par acte notarié, lorsque cette forme est exigée pour la constitution de l’hypothèque[145].
L’Acte uniforme ne détermine pas ce qu’il entend par titulaire du droit réel[146], mais en laisse le soin aux droits nationaux. On pourrait pourtant retenir, avec une doctrine autorisée, qu’un titulaire d’un droit réel est une personne qui a « un pouvoir direct sur un bien »[147]. Au sein de ces droits, il est une distinction essentielle à faire entre le droit de propriété d’une part et les droits réels[148] sur la chose d’autrui d’autre part[149]. Mais, « seule la propriété confère à son titulaire le droit de profiter par principe de toutes les utilités disponibles de celle-ci et d’en profiter pour une durée illimitée »[150].
A propos des conditions de forme de l’hypothèque conventionnelle, l’Acte uniforme portant organisation des sûretés n’exige pas un acte notarié pour la validité du contrat d’hypothèque. Ainsi, aux termes de l’article 205 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, « l’hypothèque conventionnelle est consentie, selon la loi nationale du lieu de situation de l’immeuble : par acte authentique établi par le notaire territorialement compétent ou l’autorité administrative ou judiciaire habilitée à faire de tels actes, ou par acte sous seing-privé dressé suivant un modèle agrée par la conservation de la propriété foncière ». Cet article définit les formes dans lesquelles l’acte constitutif d’hypothèque doit être constaté et renvoie à la loi nationale pour la détermination de l’autorité habilitée à faire cet acte et de la forme authentique ou sous signature privée dans laquelle il doit être fait.
Par ailleurs, il ressort de l’article 8 de l’ordonnance 74/01 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier au Cameroun et de l’article 1er de la loi 61/20 du 27 juin 1960 relative aux actes notariés au Cameroun que, dans ce pays, les actes constitutifs, translatifs, extinctifs ou déclaratifs d’hypothèque conventionnelle doivent, à peine de nullité être établis en la forme notariée. En droit maritime, en revanche, l’hypothèque peut être constituée soit par acte public, soit par acte sous seing privé, mais, celle-ci doit obligatoirement être constituée par écrit, à peine de nullité. Aussi, est-il possible de constituer une hypothèque par un acte à ordre.
A l’instar de l’hypothèque terrestre, l’hypothèque maritime est soumise à une publicité. En effet, afin d’être opposable aux tiers, l’hypothèque maritime doit être publiée. Cette inscription hypothécaire se fait sur un registre spécial détenu par le conservateur des hypothèques. Une fois l’hypothèque maritime réalisée, celle-ci va avoir des effets à l’égard du créancier, qui pourra jouir des prérogatives que permet l’hypothèque maritime et des effets envers le débiteur.
A l’égard du créancier hypothécaire, l’hypothèque valablement constituée donne à celui-ci des droits généraux qui appartiennent à tout créancier hypothécaire. Il s’agit du droit de veiller à la conservation du bien, droit de préférence, droit de suite. Mais, faut-il préciser qu’en matière d’hypothèque, une complication vient de ce que le navire peut être saisi et vendu à l’étranger, de telle sorte que le tribunal chargé d’établir le classement des créanciers ne se souciera peut-être pas de cette hypothèque constituée à l’étranger et « qui ne serait pas conforme à la loi du pays où le navire est vendu ». Un exemple peut être donné. En effet, en 1872, la loi française ne connaissait pas l’hypothèque sur les navires. Ainsi, il a été décidé que si un navire anglais était vendu en France, la loi du tribunal saisi n’admettrait pas la validité du mort-gage anglais[151]. Afin d’éviter un tel inconvénient, la Convention de Bruxelles de 1926 (art. 1er) décide que tous les Etats contractants s’obligent à reconnaître la validité des hypothèques, mort-gages et gages valablement constitués en pays étrangers.
Dans le même ordre d’idée, convient-il de relever que le créancier pourra vendre le bien grevé d’une hypothèque. Cette prérogative, offerte au créancier, n’est pas l’apanage de l’hypothèque maritime. En effet, le créancier bénéficiaire d’une hypothèque sur un aéronef peut aussi procéder à la vente de l’aéronef grevé d’hypothèque. A propos de l’aéronef vendu par un créancier, bien que n’étant pas grevé d’hypothèque, il est possible de citer la saga COMMISIMPEX[152] entre l’Etat congolais et Monsieur Mohsen Hojeji. Plusieurs arrêts ont été rendus sur cette affaire, le dernier ayant autorisé la vente du Falcon de la présidence de la République du Congo, afin de permettre au créancier de se faire payer sur le prix de la vente.
Décidemment, il est possible d’hypothéquer un navire ou un aéronef. En est-il aussi le cas pour les privilèges ? En d’autres termes, est-il possible d’appliquer des privilèges sur un navire et sur un aéronef ?
2. Des privilèges sur le navire et sur l’aéronef
Le privilège est, au sens du vocabulaire juridique Gérard Cornu, « le droit appartenant à un créancier d’être payé sur le prix de vente d’un ou plusieurs biens du débiteur, par préférence à d’autres créanciers »[153]. En ce sens, le privilège est donc un droit que la loi donne au créancier, en fonction de la qualité de la créance. Celui-ci a une origine légale, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de privilège sans texte. Mais, le privilège peut aussi résulter de l’attribution en fonction de la qualité de la créance. Il bénéficie soit aux créanciers privés dont les créances sont modiques, mais dignes d’intérêt pour des raisons de dignité humaine ou de justice sociale, soit aux créanciers publics : trésor, sécurité sociale, et ce, pour des raisons d’intérêt général.
Le privilège est, selon Simler et Delebecque, « une sûreté légale sans dépossession qui confère à son titulaire le droit d’être payé par préférence aux autres créanciers du même débiteur »[154]. Cette définition rejoint celle du vocabulaire juridique de l’association Henri Capitant. L’Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés[155] distingue les privilèges généraux et les privilèges spéciaux. En effet, les privilèges généraux portent sur l’ensemble de l’actif mobilier et immobilier du débiteur et les privilèges spéciaux sont essentiellement mobiliers et portent sur un meuble déterminé de l’actif du débiteur. Autrement dit, les privilèges généraux, comme les autres privilèges d’ailleurs présentent trois caractères communs. D’abord, ils sont conférés par la loi, ici, les privilèges généraux sont accordés par la loi au créancier d’une créance, en raison d’une qualité particulière de sa créance, ce sont donc des sûretés[156] réelles légales, et non conventionnelles ou judiciaires. Le privilège est l’accessoire de la créance garantie. Il en résulte que son sort est lié à cette créance. Si celle-ci disparaît, le privilège devient caduc. Si elle est cédée, le privilège sera transmis au cessionnaire. Une limite réside toutefois dans la saisie-attribution[157] : si la créance privilégiée est saisie, le créancier saisissant ne devient pas pour autant privilégié[158]. Ensuite, ils peuvent porter sur tous les biens, meubles ou immeubles du débiteur, ce sont donc des sûretés réelles générales, par opposition aux sûretés réelles spéciales, qui ne portent que sur un ou plusieurs types de biens déterminés.
Les privilèges confèrent un droit de préférence qui permet au bénéficiaire d’être payé suivant un ordre prévu par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés pour le classement des différents créanciers[159]. En outre, les privilèges ne confèrent pas un droit de suite. Mais, qu’ils soient généraux ou spéciaux, les privilèges sont en principe d’origine légale et ne sont pas soumis à l’exigence de publicité pour leur opposabilité aux tiers. Toutefois, l’article 180 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés impose la publicité de certains privilèges, il en est ainsi des privilèges pour les créances fiscales, douanières et des organismes de sécurité sociale lorsque ces créances sont au-delà d’un certain montant prévu par la loi.
Après avoir posé ce postulat, il est intéressant de prononcer sur l’objet de nos développements, c’est-à-dire le privilège sur le navire et sur l’aéronef. A cet effet, il s’agit de noter que, comme en droit commun des sûretés, les privilèges maritimes sont de droit étroit, c’est dire qu’il est impossible de créer un privilège maritime sans texte. Aussi, est-il qu’il est impossible de créer un privilège aérien praeter legem. En droit maritime, il faut distinguer les privilèges de premier rang et les privilèges de second rang. En effet, à propos des privilèges de premier rang, convient-il de relever que ceux-ci passent avant les hypothèques[160]. C’est pourquoi, la Convention internationale de 1926[161] les a limitativement énumérés.
A l’instar l’hypothèque maritime, les privilèges maritimes portent aussi bien sur le navire que sur ses accessoires, le fret ainsi que toutes les sommes gagnées au cours des voyages, mais, la marchandise n’est pas considérée comme ressortant du régime des privilèges. Les créanciers qui bénéficient d’un privilège, mieux, d’un droit de préférence peuvent ainsi se faire payer sur le prix du navire. Lorsque le navire fait l’objet d’une adjudication, une opposition doit être faite par les créanciers, dans un délai légal, à compter de l’adjudication. Aussi, au même titre que les hypothèques, les privilèges sur le navire disparaissent avec l’extinction de la créance[162]. Pour autant, il est possible que la disparition du privilège intervienne au cours du temps. C’est dire combien est court le délai de prescription des privilèges, ce qui suppose que le créancier soit très diligent.
Les privilèges maritimes sont classés suivant un rang, la conséquence étant que les créanciers sont aussi classés. En droit français, l’article L. 5114-8 du Code des transports apporte des précisions sur les créances qui sont considérées comme privilégiées, c’est-à-dire, celles qui seront payées avant toutes les autres créances. D’ailleurs, à ce propos, l’article 225 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés est très révélateur. Celui-ci prévoit de façon substantielle que les créanciers des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution du prix sont placés au premier rang, avant tous les autres créanciers. Or, au nombre des privilèges existant en droit commun des sûretés, se trouvent en bonne place les privilèges des frais de justice. Dans le même sens, sont privilégiés sur le navire, sur le fret du voyage pendant lequel est née la créance privilégiée et sur les accessoires du navire et du fret acquis depuis le début du voyage, les frais de justice, les droits de tonnage, les frais de pilotage, les frais de garde et de conservation depuis l’entrée du navire dans le dernier port, les créances nées du contrat d’engagement du capitaine, de l’équipage et du contrat de travail des autres personnes employées à bord. Aussi est-il que, les rémunérations dues pour sauvetage et assistance et la contribution du navire aux avaries communes sont aussi privilégiées. A cette liste non exhaustive, peut-on aussi ajouter les indemnités pour abordage ou autre accident de navigation. Les privilèges maritimes peuvent s’éteindre.
En outre, à propos des privilèges aériens, il convient avant tout de préciser qu’ils sont admis, au même titre que les privilèges maritimes. Qu’il s’agisse de la France ou de l’Afrique, les frais de justice exposés pour parvenir à la vente de l’aéronef et la distribution de son prix, dans l’intérêt commun des créanciers, sont privilégiés sur les aéronefs immatriculés, par préférence aux hypothèques aériennes. Aussi est-il que les rémunérations dues pour le sauvetage de l’aéronef sont privilégiées par préférence aux hypothèques aériennes. Tous ces privilèges, et bien d’autres, ne sont opposables qu’au propriétaire de l’aéronef, c’est dire que celui qui a procédé aux travaux d’entretien pour le compte du locataire de l’aéronef ne peut pas s’en prévaloir, en cas de procédure de redressement judiciaire[163].
Les privilèges ne confèrent pas au créancier un droit de suite. Mais, ne serait-il pas judicieux de relever que les privilèges puissent conférer au créancier un droit de suite ? Une réponse affirmative n’est pas impossible, tant qu’en droit aérien, cela est concevable. En effet, le créancier peut suivre l’aéronef en quelques mains qu’il passe, à condition d’avoir été inscrit. En réalité, il s’agit tout simplement ici d’un droit de suite.
Aussi, à propos du classement des privilèges, il convient de relever que les créanciers de même rang viennent en concurrence et au marc le franc en cas d’insuffisance. Toutefois, et en application de la Convention de Genève de 1948, notamment pour les pays européens, « les rémunérations dues pour sauvetage et les frais indispensables engagés pour la conservation de l’aéronef sont payés dans l’ordre inverse de celui des événements qui leur ont donné naissance »[164].
Dans le même ordre d’idée, au même titre que les privilèges maritimes, les privilèges aériens peuvent s’éteindre. Après l’événement qui leur a donné naissance, et suivant un délai légal, les privilèges peuvent s’éteindre, à moins qu’auparavant, le créancier n’ait fait inscrire sa créance au registre d’immatriculation de l’aéronef, après avoir fait reconnaître amiablement son montant ou, à défaut, avoir introduit une action en justice[165] à son sujet. Aussi est-il que, les privilèges sont à même de s’éteindre indépendamment des modes classiques d’extinction des privilèges.
Tous ces développements démontrent que le navire et l’aéronef, en tant que biens, peuvent être grevés d’hypothèque et se voir être appliqués des privilèges. Cependant, il reste à savoir, si dans un avenir lointain, la fiducie maritime ne va-t-elle pas, tel un Phoenix, renaître de ses cendres. Une étude offerte au Professeur Philippe Delebecque fait le plaidoyer de la fiducie maritime[166].
Conclusion
L’étude envisagée a consisté à apprécier la place qu’occupent le navire et l’aéronef dans le droit des biens et dans le droit des sûretés. En ce sens, l’étude a été envisagée sous le prisme d’abord du droit des biens et ensuite du droit des sûretés, sans toutefois déconnecter les deux parties, qui se joignent incontestablement en raison du beau couple que forment le droit des biens et le droit des sûretés. Prima facie, convoquant les législations de tradition romano-germanique et la doctrine la plus autorisée, il a été démontré que le navire et l’aéronef sont de véritables biens, qui obéissent au droit des biens, mais, qu’ils sont au demeurant des biens d’un type particulier, en raison de leur importance et de leur valeur hautement significative. Ils peuvent aisément prendre part dans la catégorie des biens immeubles, comme dans celle des biens meubles. Une telle spécificité a été élucidée dans les développements de cet article. L’identification du navire et de l’aéronef en tant que biens a ensuite permis de les envisager sous l’angle du droit des sûretés. De cette analyse, il en est ressorti que le navire et l’aéronef, biens d’une valeur hautement importante, peuvent être grevés de sûretés, afin de garantir une dette. Pourtant, il a aussi été démontré dans cette étude que le navire et l’aéronef n’obéissent pas au régime de toutes les sûretés conférant un droit réel. En ce sens, le navire et l’aéronef peuvent aisément faire l’objet de fiducie, d’hypothèque et de privilèges. En revanche, il est assez difficile de les donner en gage, pour des raisons que nous avons développées dans cette étude d’ensemble. Aussi, il a été démontré qu’il est impossible de nantir le navire et l’aéronef, parce que le nantissement ne porte que sur des biens meubles incorporels.
In fine, l’étude a tenté de croiser deux matières qui entretiennent un rapport fort étroit, sur deux biens qui se ressemblent à plusieurs égards. Néanmoins, quelques interrogations demeurent et transparaissent en filigrane dans les développements de cet article. Elles intéressent aussi bien le droit des biens que le droit des sûretés. Peut-on par exemple citer la détermination d’une nature unitaire du navire et de l’aéronef et l’ouverture à la fiducie maritime, même si cette technique existe déjà dans la plupart des législations citées.
[1] « La notion d’aéronef est plus large que celle d’avion. Celle-ci couvre les hélicoptères, l’aérodyne ou l’aérostat, le planeur, le dirigeable, le ballon livre ou captif, l’ULM, les autogyres, les ailes volantes et les avions sans pilote, dont les drones. En revanche, les fusées et les missiles, les navettes spatiales ou encore les aéroglisseurs n’en font pas partie » Annexe 1 Règles de l’air ; Doc OACI, 1973. Les aéronefs sont catégorisés en fonction de leur conception. Selon Pascal. M. DUPONT, « il existe des avions commerciaux, qui peuvent être repartis en avions de ligne dits turboréacteurs opérant sur des distances supérieures au millier de kilomètres, par opposition aux avions de transport régional employés sur des distances inférieures ou au plus égale au millier de kilomètre. Les avions légers, les hydravions, les hélicoptères et les drones constituent d’autres familles d’aéronefs ». Enfin, il y a lieu de faire la distinction entre les aéronefs civils et les aéronefs d’Etat. La Convention de Chicago de 1994 qui est à l’origine du droit aérien public ne s’applique qu’aux aéronefs civils (article 3). Les aéronefs d’Etat sont soumis au droit interne.
[2] Sur la notion de bien : P. BERLIOZ, La notion de bien, thèse, Paris 1, 2006.
[3] Fr. TERRÉ et Ph. SIMLER, Droit civil, Les biens, 9ème éd., Précis Dalloz, 2018, p. 317.
[4] « Une summa divisio entend catégoriser différentes notions à un degré au-dessus duquel n’existerait plus aucune autre classification. Une summa divisio classe, mais aussi englobe tous les éléments de l’ensemble ainsi ordonné. La vocation de la summa divisio consiste à trier, regrouper et, parfois hiérarchiser les divers éléments d’un ensemble, afin d’appliquer à chacun un régime propre » T. LAKSSIMI, La summa divisio des droits réels et des droits personnels : étude critique, thèse, Université Paris Est, 2014, n° 1.
[5] Voir : M.-E. MFINI, Droit OHADA des sûretés et des garanties du crédit, 1er éd., CREDIJ, préf. S.D. NDIR, 2024.
[6] Voir. not. M. BOURASSIN, Droit des sûretés, 8ème éd., Sirey, 2024 ; Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE, Droit des sûretés et de la publicité foncière, 8ème éd., Précis Dalloz, 2023.
[7] E. DU PONTAVICE, Le Statut des navires, lois de 3 janvier 1967 et 29 avril 1976, Litec,1976.
[8] L. BERGEL, « Le navire, bien meuble à coloration immobilière », Mélanges en l’honneur SCAPEL, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2013, p 76.
[9] Lexique des termes Juridiques, Dalloz 2022-2023, p 715. Selon le Littré, le navire est « un bâtiment qui sert à naviguer sur mer ».
[10] Cette Convention est devenue caduque.
[11] N. ALOUPI, « La nationalité des véhicules : une transposition de l’institution à des choses », in dans l’univers des Normes, Editions Presses Universitaires de Rennes, 2019, p 224.
[12] D. GAURIER et P-J. HESSE, « l’incertain statut mobilier du navire : faut-il réinventer les catteux ? », Annuaire de droit maritime et aérospatial, t.X, 1989, p151.
[13] M. MORIN, « La prévention et la lutte contre la pollution par les navires de commerce », ADMO, t.14, 1996, 169.
[14] N. ALOUPI, op.cit., p 225.
[15] M. MATTE NICOLAS, Traité de droit aérien aéronautique, 3ème éd., Pédone, 1980, p. 81.
[16] P. FAUCHILLE, « Le domaine aérien et le régime juridique des aérostats », RGDIP, vol. 1901, p. 471.
[17] Ph. DELEBECQUE, Hypothèque maritime, J.-C., fasc. 1095, 21 juillet 2009.
[18] Voir article 2 de la Convention de Bruxelles de 1926.
[19] H.G. WAGUÉ, Droit aérien africain, Pédone, 2019, p 112.
[20] P. DELEBECQUE, op.cit, p 75.
[21] J. L-BERGEL, op.cit., p 76.
[22] R. JAMBU-MERLIN, « Le navire, hybride de meuble et d’immeuble », Études offertes à Jacques FLOUR, Defrénois, Répertoire du Notariat, 1979, p. 307.
[23] Selon Roger JAMBU-MERLIN, « les raisons de la qualification d’un navire à un meuble sont multiples : une mobilité particulièrement marquée, le coefficient de perte des navires marchands dont la pérennité est ainsi toute relative, l’indifférence du milieu maritime à l’égard des principes du droit coutumier classique et peut-être, pour une large part l’évolution des idées juridiques… ».
[24] Le navire a un rang social. « Un navire de pêche n’est pas un minéralier, un minéralier n’est pas un paquebot et un paquebot n’a pas le prestige d’un croiseur ni a fortiorid’un porte-avions ». Le Doyen RIPERT avait assimilé le navire à une personne.
[25] A. MONNET, La mise en œuvre des sûretés réelles en droit international privé, thèse, Université de Paris Est, 2017, p 31.
[26] P. FORGET, Le financement des navires et aéronefs, thèse, Université Paris I, 1999, p. 10.
[27] Le code de la marine marchande du Sénégal, le code de la marine marchande de la Mauritanie, le code de la marine marchande du Gabon. La liste est loin d’être exhaustive.
[28] D. BILLONG BILLONG, « La notion de navire en droit camerounais et CEMAC », Neptunus Revue, Université de Nantes, vol. 26, 2020/ 1 www.cdmo.univ-nantes.fr.
[29] Ph. DELEBECQUE, op.cit., p 129
[30] Ibid. p 129.
[31] Ph. DELEBECQUE, op.cit., p 77.
[32] https://www.editions-ellipses.fr/PDF/9782729835873_extrait.pdf consulté le 16/12/2023 à 17h14.
[33] Fr. TERRÉ et Ph. SIMLER, ibid., p317.
[34] A. VIARD, Droit maritime, PUF 1997, p. 257.
[35] N. ALOUPI, « la nationalité des véhicules : une transposition de l’institution à des choses », Editions Presses Universitaires de Rennes, 2019, p 223.
[36] J-L. BERGEL, op.cit., p 77.
[37] Le Doyen RIPERT écrivait : « le navire est une personne…sa naissance lui ouvre la vie…le navire a un nom…le navire a un rang social… il est vaisseau de guerre ou navire de commerce…il est marchand ou pécheur…Enfin, le navire meurt, il est englouti dans les flots ou réduit à l’état d’épave et déclaré innavigable ». Traité de droit maritime, t, 1, 4ème éd., 1950, n° 303.
[38] Fr. TERRÉ, Ph. SIMLER, op.cit., p 41.
[39] Les palans, les apparts de manutention, les ancres, les canots de sauvetage.
[40] Ph. DELEBECQUE, op.cit., p 83
[41] Les canots de sauvetage, le sondeur et le radiogoniomètre.
[42] C. THELCIDE, L’avitaillement du navire, thèse, Aix-Marseille 2008.
[43] Ibid., p 83
[44] « Les navires sont des biens meubles, objets de propriété ». P. DELEBECQUE, C. civ., art.531. n° 20.
[45] Civ. 18 janv. 1870. D. 1870. 1. 127; S. 1870.1.145, note LABBE.
[46] Ph. DELEBECQUE, op.cit., p 131
[47] R. H. MANKIEWICZ, « Les aéronefs internationaux », Annuaire français de droit international, V.8, 1962, p 685.
[48] Civ. 18 janv. 1870, D.P. 70.1.127, Colorado.
[49] H. G. WAGUÉ, le Droit aérien africain, Pédone, 2019.
[50] P. DUPONT, Manuel de droit aérien Souveraineté et libertés, Pédone, 2015, p 191.
[51] Code de l’aviation civile Loi n° 2015-10 du 04 mai 2015 portant Code de l’Aviation civile. L’Assemblée nationale a adopté en sa séance du mardi 21 avril 2015.
[52] R.H. MANKIEWICZ, op.cit., p 688.
[53] Règlement n°01/2007/cm/uemoa portant adoption du code communautaire de l’aviation civile des états membres de l’uemoa.
[54] A. MONNET, op.cit., p 39.
[55] Fr. TERRÉ, Ph. SIMLER, op.cit., p 50.
[56] « La particularité de ces biens tient d’une part au fait que ces déplacements de personnes et de marchandises ont un fort rattachement au droit public. Ce rattachement est dû, d’une part, aux enjeux politiques, économiques, environnementaux et de défense que présentent les transports et l’organisation qu’ils nécessitent. D’autre part, le droit privé joue un rôle aussi essentiel dans la matière, puisque les relations entre les parties sont soumises à la matière ».
[57] Certains expliquent cette qualification par fiction juridique en raison de la taille du navire.
[58] Ibid., p 50.
[59] J.L- BERGEL, op.cit., p 83. Voir l’article L. 5114-1 du Code des transports qui dispose « tout acte constitutif, translatif ou extinctif de la propriété ou de tout autre droit réel sur un navire francisé est, à peine de nullité, constaté par écrit ».
[60] Voir l’article 94 de la Convention de Montego Bay de 1982.
[61] Article 4.2 de ladite convention.
[62] Fr. TERRÉ, Ph. SIMLER, op.cit., p 318.
[63] B. CHRISTIAN GNOHON, La nécessité d’uniformiser le droit maritime dans l’espace OHADA, thèse, Université Bretagne occidentale, 2020.
[64] B. CHRISTIAN GNOHON, op.cit., p 102
[65] Voir l’article 1 du Code de la marine marchande du Sénégal.
[66] B. CHRISTIAN GNOHON, ibid., p 102.
[67] R. H. MANKIEWICZ, op.cit., p 685.
[68] L’obligation d’immatriculation de l’aéronef découle de l’article 20 de la Convention de Chicago de 1944.
[69]. H. MANKIEWICZ, Ibid. p 685.
[70] « Nationalité des aéronefs Les aéronefs ont la nationalité de l’État dans lequel ils sont immatriculés. »
[71] « Un aéronef ne peut être valablement immatriculé dans plus d’un État, mais son immatriculation peut être transférée d’un État à un autre. »
[72] « Chaque État contractant s’engage à fournir, sur demande, à tout autre État contractant ou à l’Organisation de l’aviation civile internationale, des renseignements sur l’immatriculation et la propriété de tout aéronef immatriculé dans ledit État. De plus, chaque État contractant fournit à l’Organisation de l’aviation civile internationale, selon les règlements que cette dernière peut édicter, des rapports donnant les renseignements pertinents qui peuvent être rendus disponibles sur la propriété et le contrôle des aéronefs immatriculés dans cet État et habituellement employés à la navigation aérienne internationale. Sur demande, l’Organisation de l’aviation civile internationale met les renseignements ainsi obtenus à la disposition des autres États contractants. »
[73] Voir l’alinéa 2 de l’article sur le point 6 qui met l’accent sur « l’immatriculation et identification des aéronefs et l’Annexe 7 de la Convention de Chicago
[74] H. THIERRY, J. COMBACAU, S. SUR et Ch. VALLÉE, Droit international public, 3ème éd., Montchrestien, 1981, p. 172.
[75] Voir article 29 de la Convention de Chicago de 1944.
[76] Voir article 20 de la Convention de Chicago de 1944.
[77] N. AKOUPI, op.cit., p228
[78] P. REMAUVILLE-NICOLLE, Fl. VIGNY et T. BERTRAND, « Propriété des aéronefs », Fasci 945, LexisNexis, 2007, p 4.
[79] P. REMAUVILLE-NICOLLE, Fl. VIGNY et T. BERTRAND, ibid., p 4.
[80] Loi n° 2015-10 du 04 mai 2015 portant Code de l’aviation civile. L’Assemblée nationale a adopté en sa séance du mardi 21 avril 2015.
[81] La Mauritanie, la Côte d’Ivoire, la Tunisie, le Maroc etc.
[82] « Un aéronef ne peut circuler que s’il est immatriculé ».
[83] « Il est institué, dans chaque Etat membre, un registre d’immatriculation tenu, sous la responsabilité de l’Autorité aéronautique civile. Tout aéronef civil doit être immatriculé sur ce registre dans des conditions fixées, en l’absence de textes communautaires, par la législation nationale en vigueur. Un aéronef immatriculé dans un Etat membre perd la nationalité de cet Etat si les conditions telles que prévues dans le présent article ne sont pas remplies ou si son propriétaire le fait immatriculer dans un autre Etat. Toute personne physique ou morale de la nationalité d’un Etat membre est autorisée à faire immatriculer son aéronef dans un autre Etat membre. »
[84] E. PUTMAN et P. BERLIOZ, « La notion de bien », RTD civ. 2008, 02, pp. 373 ; P. BERLIOZ, La notion de bien, thèse Paris 1, (dir) L. AYNÈSE, 2006.
[85] D. LEGEAIS, Droit des sûretés et garanties du crédit, 14ème éd., LGDJ, 2022.
[86] Ph. DELEBECQUE, Droit maritime, 14ème éd., Précis Dalloz, 2020, p. 155.
[87] Voir aussi et surtout, S. Toé et M.-E. MFINI, « Des perles de fête et des habits blancs pour la fiducie-maritime : étude offerte au Professeur P. DELEBECQUE », à paraître en mars 2025 dans la revue de droit international et de droit comparé.
[88] Voir : M.-E. MFINI, Droit OHADA des sûretés et des garanties du crédit, op. cit., p ; 173.
[89] Ibid.
[90] Ibid.
[91] Ibid.
[92] J. ANSAULT, « Des difficultés nouvelles à appréhender le cautionnement réel en droit OHADA », in L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : l’OHADA à l’orée de sa quatrième décennie, (dir), Ph. DELEBECQUE et R.Y. KALIEU ELONGO et M.-E. MFINI, éditions du CREDIJ, 2025 ; M.-E. MFINI, « Le cautionnement réel OHADA : cette sûreté atypique », Revue congolaise de droit et des affaires, n° 51, 2023 ; « Le cautionnement réel en droit de l’OHADA : innomé par alliage », Lex base Afrique-OHADA, n° 60, 2022.
[93] Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 161.
[94] Voir. à propos de l’aéronef, l’article II.7.1 du Code de l’aviation civile de la CEMAC.
[95] Traité de droit maritime, T. 1, 4ème éd., n° 303.
[96] Voir. M.-E. MFINI, « Le gage de stocks en droit de l’OHADA », Ohadata D-23-08, 2023 ; Ph. DELEBECQUE, « Le gage des stocks », RLDA, n° 175, 2021.
[97] Voir. not. J.-B. SEUBE, Droit des sûretés, 10ème éd., Dalloz, 2020.
[98] Civ., 18 mai 1898, DP 1900. 1. 481, note SARRUT, visant, il est vrai, l’ancien article 2071 du Code civil.
[99] Civ., 21 mars 1938, DH 1938. 257.
[100] Com. 12 nov. 1958, Bull. civ. III, n° 387, 2e arrêt.
[101] Voir. Civ. 1re, 6 janv. 1994, Bull. civ. I, n° 4, JCP 1994. I. 3765, n° 18.
[102] Vous devez fortement nuancer ici : en effet, même l’opposabilité du gage ne requiert pas toujours la dépossession. Du coup, le gage peut être par la publicité et sans aucune dépossession.
[103] Pour que les tiers soient informés de l’existence du gage, la remise de la chose doit être apparente, réelle et permanente. Voir en ce sens, Com. 3 nov., 1980, Bull. civ. IV, n° 359 ; égal. Com. 8 avr. 2015, D. 2015. 1813, note CROCQ, JCP 2015. 1222, n° 20. Voir aussi et surtout, Quiévy, « De la dépossession entre les mains du créancier gagiste », Mélanges MARTIN, 2015. Par ailleurs, convient-il de préciser que rien n’oblige le débiteur à remettre les biens en la possession même de son créancier. En effet, les biens peuvent être confiés à un tiers qui les possèdera pour le compte du créancier. Le procédé, connu sous le nom d’entièrement, est très répandu dans la vie des affaires.
[104] M.-E. MFINI, « Libres propos sur la mise en œuvre du droit de rétention », Revue africaine de droit des affaires, n° 4, juin 2024.
[105] Ph. DELEBECQUE, op. cit., 2023.
[106] G. PIETTE, « Le nantissement de meubles incorporels », RLDA mars 2007, p. 90.
[107] Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 194.
[108] Voir. P. TSHIAYIMA TSHIONDO, « La fiducie-sûreté et la protection du débiteur en droit OHADA », OHADATA D-22-24, 2022.
[109] Ph. DELEBECQUE, Droit maritime, op. cit. p. 195.
[110] Voir. Fr. BARRIÈRE, « La fiducie-sûreté en droit français », Revue de droit McGill, vol. 58, n° 4, 2013.
[111] Ph. DELEBECQUE, Droit maritime, op. cit. p. 195.
[112] Voir. C. WITZ, La fiducie en droit privé français, Economica, 1981, préf. D. SCHIDT, « La fiducie, sûreté en droit français », in « l’évolution du droit des sûretés », RJ com. 1982. 67, s. ; égal. J. DERRUPPÉ, « De la fiducie au crédit-bail », Mélange ELLUL, 1983, 449 ; P. CROCQ, Propriété et garantie, LGDJ, 1995, préf. M. GOBERT.
[113] Ch. ALBIGES et M.-P. DUMONT, Droit des sûretés, 8ème éd., Dalloz-HyperCours, 2022, p. 525.
[114] Req., 24 mai, 1933, DH 1933. 378, s. 1933. 1. 257, note BATIFFOL ; Civ. 1re, 8 juill. 1969, JCP 1970. II. 16182, note GAUDEMET-TALLON, JDI 1970. 916, note DERRUPPÉ. Voir. sur cette jurisprudence, M. CABRILLAC, « La reconnaissance en France des sûretés réelles sans dépossession constituées à l’étranger », Rev. crit. DIP 1979. 487.
[115] Idem.
[116] En ce sens : M.-E. MFINI, Droit OHADA des sûretés et des garanties du crédit, op. cit., p. 227.
[117] Idem.
[118] Comment, notamment, apprécier la valeur du navire ? Quant à la publicité, la loi maritime française ne prévoit rien. Il n’est donc pas sûr que le conservateur français des hypothèques maritimes accepte d’enregistrer une fiducie sur navire.
[119] La créance était liée à la propriété du navire (Conv. Bruxelles, art. 1er).
[120] Voir. G. PIETTE, « La fiducie maritime : réflexion sur l’opportunité de la fiducie sur navires », DMF 2013, n°743.
[121] M. CABRILLAC, La protection du créancier dans les sûretés mobilières conventionnelles sans dépossession, Sirey 1954, p. 36, no 13 ; P. CROCQ, Propriété et garantie, LGDJ 1995, t.248, no 31 ; R. RODIERE, Droit maritime – Le navire, Dalloz 1980, no 108, p. 137.
[122] Par exemple aux Iles Marshall ou aux Iles Cook.
[123] G. PIETTE, « La fiducie maritime : réflexion sur l’opportunité de la fiducie sur navires », DMF 2013, n°743.
[124] Ph. DELEBECQUE, « Questions d’actualité », DMF 2007, n°684.
[125] Pour une réflexion comparable au sujet du droit de rétention : Ph. DELEBECQUE, obs. sous Cass. com., 6 juill. 2010, Rev. Dr. Transp., déc. 2010, comm. 252.
[126] G. PIETTE, « La fiducie maritime : réflexion sur l’opportunité de la fiducie sur navires », DMF 2013, n°743.
[127] Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE, Droit civil, Les sûretés, la publicité foncière, 8ème éd., Dalloz, 2023, n° 447.
[128] M.-E. MFINI, Droit OHADA des sûretés et des garanties du crédit, op. cit., p. 153.
[129] Ibidem. Par J.-D. PELLIER, in « Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : les sûretés réelles immobilières », Lexbase hebdo édition affairesn°691 du 7 octobre 2021.
[130] M.-E. MFINI, Droit OHADA des sûretés et des garanties du crédit, op. cit., p. 153.
[131] Voir. le Code de l’aviation civile de la CEMAC, UEMOA, OHADA. En droit international, la convention de cap sur la garantie des aéronefs, la convention sur la saisie conservatoire du navire, la Convention de Chicago de 1944.
[132] G. BOWTLE et K. MC. GUINNES, The law of ship mortgages, Lloyd’s Shipping Law Library 2002.
[133] Voir. Article II.7.12 du code de l’aviation civile de la CEMAC.
[134] Voir. Article II.7.9 du code de l’aviation civile de la CEMAC.
[135] Voir. Article II.7.10 du Code de l’aviation civile de la CEMAC.
[136] Idem.
[137] Voir. Article II.7.11 du Code de l’aviation civile de la CEMAC.
[138] Idem.
[139] Voir. Article II.7.15 du Code de l’aviation civile de la CEMAC.
[140] L’hypothèque peut grever le navire, mais aussi, « tout bâtiment de mer francisé ». Les plateformes et autres engins d’exploitation sont susceptibles d’hypothèques.
[141] Les hypothèques consenties par l’acheteur du navire avant la francisation sur un navire acheté ou construit à l’étranger sont valables et produisent effet en France à condition d’être publiées en France.
[142] Ph. DELEBECQUE, op. cit. n° 164.
[143] Est valable, sauf fraude, l’hypothèque consentie par une société fictive antérieurement à la déclaration de fictivité : Com. 22 juin 1999, Bull. civ. IV, n° 136, ADM 2000. 535, rapp. RÉMERY, obs. BONASSIES, Rev. sociétés 1999. 824, note CONSTANTIN.
[144] E. DIBAS-FRANCK et M.-E. MFINI, « Les sûretés sur le bien d’autrui », Revue Afrilex, 2024 (republication dans la revue de droit international et de droit comparé, décembre 2024).
[145] En ce sens : Cour d’Appel de Bobo – Dioulasso, Chambre civile et commerciale, arrêt n°81 du 05 mai 2003, BIB C/ O. K. et O.D., www. ohada.com, ohadata J-04-193)
[146] Voir aussi, CCJA, 1e ch., n° 054, 13 juin 2013 : Fédération des Caisses du Crédit Mutuel du Sénégal c/ 1 Sté Sénégal Construction International S.A., 2, Serigne Gaye, Ohadata J-15-54.
[147] C. GRIMALDI, Droit des biens, 3ème éd., LGDJ, 2021
[148] Pour une étude complète des droits réels, voir la thèse de Tarik LAKSSIMI, (T. LAKSSIMI, « La summa divisio des droits réels et des droits personnels : étude critique », thèse, Université Paris Est, (dir) N. PETERKA et Ph. JACQUES, 2014.
[149] Idem.
[150] Idem.
[151] Req. 19 mars 1872, DP 1874. 1. 465. Le mort-gage anglais permet au créancier de prendre possession du navire en cas de défaillance de l’armateur, voir. J.-Y. THOMAS, « Faut-il réformer l’exercice de l’hypothèque maritime ? », Gazette CAMP, n° 4. En ce cas, le créancier n’est pas tenu des dettes contractées par l’armateur antérieurement à son entrée en possession : Aix-en-Provence 8 janv. 1998, DMF 1998. 899, obs. B. COSTE.
[152] Voir entre autres, Civ. 1re, 2 oct. 2019, n° 19-10.669 QPC, D. 2019. 1891.
[153] G. CORNU, Vocabulaire juridique, 13ème éd., Quadrige-PUF, 2021, v° Privilège.
[154] Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE, Droit des sûretés et de la publicité foncière, op. cit., p. 787 ; voir aussi, M. DAGOT, « La notion de privilège », Mélanges MOULY, Litec, 1998, t. 2, 335 ; VEAUX, « Privilèges, définition et caractéristiques généraux », J.-CI. Civil, art. 2095, fasc. 15, 1986, n° 2 s. ; STEMMER et M.F. BOST, Des privilèges et sûretés en droit français, t. 1, Recherches sur les principaux privilèges et sûretés autres que les hypothèques, Lyon, 1975 ; POPLAWSKI, La notion de privilège en droit romain et en droit français, thèse Bordeaux, 1913 ; N. SEMPÉ, Essai de contribution à une théorie générale des privilèges, thèse Toulouse, 1996 ; M. ROULAND, La qualité de la créance, thèse Paris X, 2007.
[155] Voir dans ce sens, J.-J. ANSAULT, A. BEBE EPALE, M. BRIZOUA-BI, O. FILLE-LAMBIE, L.-J. LAISNEY, A. MARCEAU-COTTE et A. SALEM, L’Acte Uniforme portant organisation des sûretés, sous la direction scientifique de J.-J. ANSAULT et P. CROCQ, Avant-Propos, S. E. DARANKOUM, préf. Y. R. KALIEU ELONGO, LexisNexis, 2022.
[156] Même si le principe de spécialité qui caractérise les sûretés réelles n’est pas respecté par tous les privilèges : P. CROCQ, « Le principe de spécialité des sûretés réelles », Dr. & patr. avr. 2001, p. 58.
[157] Voir. J. WAMBO, « Le tiers saisi dans la saisie-attribution de créance en droit OHADA », Lexbase droit privé, n° 715, 2017 ; J. WAMBO, La mise en œuvre de la saisie-attribution de créance du droit OHADA, Jerberas, préf. Fr. KOMOIN, 2016. Voir aussi, G.S. TSETSA, pratique des saisies mobilières en droit OHADA, L’Harmattan, 2021.
[158] Cas. 2e civ., 7 avr. 2011, n° 10-15969 : Defrénois 2012, n° 5, p. 235, obs. S. CABRILLAC, RD bancaire et fin. juil. 2011, p. 46, obs. S. PIEDELIEVRE.
[159] Art. 225 et 226, AUS.
[160] De GRANDCOURT DE MUSSET, « Situation des créanciers hypothécaires vis-à-vis des créanciers privilégiés », DMF 1975, 515 et 1976.67.
[161] Insérés en France depuis 1949 dans la loi interne française, les textes sur les privilèges ne donnent pas lieu à l’interprétation diplomatique des traités : Rennes, 20 mars 1963, DMF, 1964, 26 ; D. 1964. 596, note Chauveau ; JCP 1964. 13820, note de MM. JUGLART et du PONTAVICE.
[162] Pour une étude plus poussée sur l’extinction de la créance, voir. A.-M. GALLIOU-SCANVION, L’essentiel du régime général des obligations, Gualino-Lextenso, 7èmeéd., 2023 ; A. BÉNABENT, Droit des obligations, 20ème éd., LGDJ-Domat, 2023.
[163] CA Paris, 10 nov. 1993.
[164] Code français de l’aviation, article L. 122-16.
[165] Sur la notion d’action en justice, voir : G. WIEDERKEHR, « Une notion controversée : la notion d’action en justice », In Mélanges Ph. SIMLER, D. 2006, p. 903. ; Friedrich Carl von SAVIGNY considérait ainsi que « l’action n’était qu’une métamorphose du droit subjectif (…) le droit subjectif substantiel lui-même mis en mouvement » (cité par H. MOTULSKY dans Le droit subjectif et l’action en justice, Archives de Philosophie du droit, 1964, p. 217). ; S. UNG, Essai sur la transmission de l’action en justice, thèse, Paris-Saclay, 2023. ; « L’action enfin, c’est le droit lui-même mis en mouvement ; c’est le droit à l’état d’action, au lieu d’être à l’état de repos ; le droit à l’état de guerre au lieu d’être à l’état de paix » (Ch. DEMOLOMBE, Cours de Code Napoléon, IX, traité de la distinction des biens, de la propriété, de l’usufruit, de l’usage et de l’habitation, tome 1er, volume 1er, 4ème éd., Durand & Pedone Lauriel/Hachette & Cie/Cosse, Marchal et Billard, Paris, 1870, no 338, p. 191). ; E.D. GLASSON et A. TISSIER, Traité théorique et pratique d’organisation judiciaire, de compétence et de procédure civile, 3ème éd., t. I, Sirey, Paris, 1925, n° 172, p. 423. ; V. G. WIEDERKEHR, « La notion d’action en justice selon l’article 30 du Nouveau Code de procédure civile », In Mélange Hébraud, Toulouse, 1981, p. 949 et s. et les auteurs cités. ; H. BERTHÉLÉMY, Traité élémentaire de droit administratif, 13ème éd., Rousseau et Cie, Paris, 1933, p. 1125 ; en ce sens : L. ROLLAND, Précis de droit administratif, 11ème éd., Dalloz, Paris, 1957, n° 373 ; J. APPLETON, Traité élémentaire de contentieux administratif, Dalloz, Paris, 1927, p. 35 et 554. ; M. HAURIOU, Précis de droit constitutionnel, présentation par J. HUMMEL, 2ème éd., Dalloz, 2015, ré-éd. de la seconde édition parue 1929 à la Librairie du Recueil Sirey, p. 382, note 1.
[166] Elle est à lire en mars 2025 dans les colonnes de la Revue de droit international et de droit comparé, sous la plume du Professeur Souleymane TOÉ et de Mon-espoir MFINI : S. TOE et M.-E. MFINI, « Des perles de fête et des habits blancs pour la fiducie maritime : étude offerte au professeur Philippe DELEBECQUE », Revue de droit international et de droit comparé, mars 2025.
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