L’éthique des affaires et l’actionnaire des sociétés OHADA

Denis NGODOBO

Maître-assistant CAMES à l’université de Douala

 

Existe-t-il un Acte uniforme relatif à l’éthique des affaires en droit de l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires ? L’éthique des affaires mériterait un encadrement normatif en droit OHADA pour un développement a priori de l’entreprise du marché et a postériori de la sécurité juridique des investissements. Cet encadrement juridique visera à prescrire des devoirs qui assainiront les comportements des acteurs, et en particulier l’actionnaire des sociétés OHADA. En droit positif OHADA, les règles éthiques visant l’actionnaire sont éparses et d’application restrictive, d’où l’impasse. La nécessité d’explorer le droit des contrats et le droit des sociétés pour l’extraction d’un contenu normatif s’impose. Cet exercice heuristique vise à aider le législateur, seulement pour ce qui concerne l’actionnaire des sociétés, à l’élaboration d’une normativité de l’éthique des affaires.

Introduction

Le particularisme du droit des affaires ne peut exister sans fondements éthiques puisqu’il représente des systèmes de valeurs exprimées par des règles normatives s’adressant à la collectivité sociétale et aux professionnels. L’éthique des affaires semble prise dans une tension entre deux ambitions : d’une part, la recherche d’un cadre normatif sur-mesure, adapté aux spécificités de la vie des affaires et respectueux de principes éthiques fondamentaux ; d’autre part la formulation d’une nouvelle manière de penser le rôle de l’entreprise dans la société qui, tout en restant cohérente avec le libéralisme économique, dépasserait l’hypothèse sous-jacente d’individualisme et réconcilierait la morale des affaires et la morale ordinaire. Si elle se heurte à des résistances théoriques et pratiques, elle renforce tout au moins le poids des considérations politiques dans l’éthique des affaires et contribue à rapprocher cette branche de l’éthique appliquée de l’éthique économique et sociale.

L’éthique économique est un domaine de l’éthique appliquée qui se concentre sur les questions morales liées aux pratiques économiques et commerciales. Elle examine les valeurs et les normes qui guident les décisions économiques et les interactions commerciales, ainsi que leurs implications pour les individus, les organisations et la société dans son ensemble. L’éthique économique peut inclure des questions telles que la responsabilité[1] sociale des entreprises, la justice économique, la durabilité environnementale, la transparence et l’intégrité des entreprises, les droits des consommateurs et des travailleurs, et les impacts des pratiques commerciales sur les communautés locales et globales. Les philosophes et les économistes sont souvent impliqués dans l’étude de l’éthique économique, ainsi que les praticiens des affaires et les responsables politiques qui cherchent à développer des pratiques commerciales durables et responsables.

L’éthique économique et sociale est une approche qui relie l’éthique économique à l’éthique sociale, en reconnaissant que les pratiques économiques ont des implications sociales et que les problèmes sociaux ont des répercussions économiques. Elle vise à intégrer les valeurs sociales telles que la justice, l’équité, la dignité humaine et le respect de l’environnement dans les décisions économiques. L’éthique économique et sociale examine comment les pratiques économiques et les politiques publiques peuvent promouvoir des résultats socialement bénéfiques, tels que la réduction de la pauvreté, la promotion de l’égalité des chances, la protection de l’environnement, et la promotion de la diversité et de l’inclusion. Les entreprises[2] qui adoptent une approche d’éthique économique et sociale cherchent à intégrer des considérations sociales dans leurs activités commerciales, à travers des pratiques telles que la responsabilité sociale des entreprises, la durabilité environnementale, la diversité et l’inclusion, et l’équité des salaires. Les gouvernements peuvent également adopter des politiques publiques axées sur l’éthique économique et sociale, telles que des réglementations environnementales, des politiques fiscales équitables et des programmes sociaux pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. L’éthique économique et sociale est une approche holistique qui reconnaît que l’économie et la société sont interdépendantes et nécessitent une réflexion éthique commune pour atteindre des résultats bénéfiques pour tous.

L’éthique désigne, en somme, la science morale ou une discipline philosophique, pratique et normative, ayant pour but d’indiquer les comportements que les êtres humains doivent adopter. « L’éthique apparait dans le processus de la conscience réflexive ; il s’agit d’un niveau spécifique d’abstraction intellectuelle où se dégagent des valeurs humaines acceptées par l’ensemble d’une communauté. […] L’éthique est une conceptualisation particulière, à un moment donné de l’évolution historique des sociétés, des valeurs sur lesquelles s’opère un accord général des consciences »[3].  Cette définition correspondra plus au droit des affaires : il s’agit d’une matière pratique indiquant quels comportements sont légaux ou non, quels comportements seront suivis par les professionnels ou non. Pour certains philosophes, l’éthique est une notion permettant l’adaptation de la matière juridique pour favoriser certains concepts dont la protection est à un moment donné perçue comme fondamentale.

La nécessité de la prise en compte de la notion d’éthique des affaires s’est faite de plus en plus cruciale face aux crises et scandales (bancaires, financiers), aux problématiques telles que la lutte contre la fraude fiscale. Conscients de ces enjeux, à l’instar des Etats de l’Union européenne, les pays africains de la zone franc et bien plus, ont entrepris de rapprocher leurs législations des affaires afin de conforter leur développement économique. Cette entreprise s’inscrit dans le cadre d’un vaste mouvement « d’intégration générale du droit des affaires » qui est le fait de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Le traité créant cette organisation a été signé le 19 octobre 1993 à Port-Louis (Île Maurice). Son ambition étant de créer un espace juridique et judiciaire commun aux Etats membres, par l’élaboration et l’application de textes uniformes dans les principaux domaines du droit des affaires. A-t-il pensé à une normativité de l’éthique des affaires dans son ambition pour l’harmonisation des devoirs de nature comportementale des acteurs ?

Il a toutefois institué des devoirs éthiques arrimés à l’actionnaire, acteur majeur en société, non plus seulement à travers la figure d’un apporteur de capital, mais en saisissant plus finement le rôle qu’il peut effectivement jouer au sein de la société, dont il constitue le « pilier »[4]. Les contraintes pesant sur l’actionnaire sont ici d’ordre comportemental. À l’instar de ce qui est déjà affirmé et accepté à propos du contrat, la société est « un lieu où les intéressés ont le devoir de bien se comporter ». Les devoirs posent donc également des exigences comportementales. La simplicité consisterait à poser un devoir unique de l’actionnaire, de loyauté[5] ou de diligence[6]. Pourquoi ne pas rassembler toutes les exigences pesant sur l’actionnaire sous le modèle accueillant, mais flou, de loyauté ? Comme la notion d’éthique, la loyauté exprime une exigence de droiture. Le législateur, explicitement, aurait pu pour cela, déduire de l’éthique des affaires, le devoir de loyauté.

Si la solution est séduisante par son énoncé simple, elle présente un défaut majeur : un devoir aussi abstrait ne donne aucune indication sur ce qui est concrètement attendu de l’actionnaire et tourne à la pétition de principe. La loyauté est certes commode pour réunir, a posteriori, des règles disparates déjà consacrées, mais elle ne permet pas de connaître a priori le contenu des normes imposées à l’actionnaire. Une approche alternative est à l’œuvre concernant les devoirs de l’actionnaire : plutôt qu’un devoir unique et indéterminé, des devoirs spécifiques et adaptés se développent.

Les devoirs de nature comportementale qu’exige l’éthique des affaires présentent une véritable spécificité pour l’actionnaire. Contrairement à la société des personnes, il n’est pas possible d’imposer des exigences comportementales tirées d’un fort intuitus personae qui n’existe pas par principe dans les sociétés par actions où règne davantage un intuitus pecuniae. La responsabilité limitée est déterminante. En l’absence de risque d’exposer leur patrimoine personnel, les actionnaires ne se doivent pas de confiance particulière. La société se détache davantage de ses membres. L’actionnaire mérite donc une analyse spécifique s’agissant de l’éthique des affaires. Nous appréhendons l’actionnaire désormais sous le prisme de l’éthique des affaires en société[7].

Le législateur OHADA devrait se contenter de renvoyer à l’éthique personnelle de chaque actionnaire. Qu’est précisément l’éthique en droit OHADA ? Perçue encore récemment comme un « véritable angle mort de la pensée juridique », la notion d’éthique est controversée en droit OHADA. Lorsque l’éthique est utilisée dans son sens juridique, la similarité entre devoir et éthique ne manque pas d’être systématiquement soulignée. Les deux termes sont parfois considérés comme synonymes parce que les Actes Uniformes et le juge en font un usage indifférencié. L’appel à la notion d’éthique permet pourtant d’affiner le vocabulaire et de préciser les différents types d’exigences ou de contraintes auxquelles l’individu est assujetti, sans « devoir » se limiter à l’éthique stricto sensu. La notion juridique d’éthique est construite en se démarquant de devoir : au sein de l’éthique lato sensu, certaines ne sont pas des obligations à proprement parler. Le devoir est défini comme « certaines règles de conduite d’origine légale et de caractère permanent ». En somme, l’éthique des affaires sera présentée comme : « l’ensemble des comportements licites et harmonieux imposés aux acteurs du marché et de l’entreprise dans l’espace OHADA ».

L’éthique des affaires pour l’actionnaire est mobilisée pour responsabiliser l’actionnaire et plus largement la vie des affaires[8]. L’angle de l’éthique donne donc une perspective radicalement nouvelle sur l’actionnaire. Le juriste n’hésite plus à être critique. S’intéresser à l’éthique prescrite à l’actionnaire permet de mieux délimiter le standard qui lui est applicable. Désormais, la qualité d’actionnaire ne confère pas uniquement des avantages : des contreparties comportementales s’imposent pour la bonne marche des affaires, en l’occurrence la loyauté. Il s’agit alors de saisir le phénomène de loyauté en droit des sociétés et particulièrement en l’actionnaire afin d’en connaitre précisément les caractéristiques. L’évolution de la législation et de la jurisprudence révèle une exigence accrue à l’égard des actionnaires et remet en cause les analyses traditionnelles. L’évolution majeure sur ce sujet doit être expliquée.

La théorie juridique, en particulier sous l’influence d’Hans KELSEN[9], a dégagé une conception de la normativité composée de trois modalités : la prescription, l’interdiction, la permission. Sous cet angle : existe-t-il une normativité OHADA sur l’éthique des affaires ? Toute la difficulté n’est pas de se prononcer sur le principe même d’une exigence comportementale que prescrit l’éthique des affaires, mais de savoir précisément quelles sont les normes applicables à l’actionnaire déduites de l’éthique des affaires. Notion irriguant l’ensemble du droit privé, la loyauté peut s’appliquer à l’actionnaire comme fondement éthique. La loyauté de l’actionnaire est malheureusement déjà controversée[10]. À l’analyse pourtant, la normativité de l’éthique des affaires suscite un malaise : en droit positif OHADA, il est impossible de se lancer dans une extrapolation des questions particulières[11] (I) elle se décline au cas par cas, en imposant notamment l’authenticité des comportements. L’absence de comportement brusque et l’interdiction de trahir la confiance. L’éthique des affaires s’entend au sens large de droiture. Le devoir de loyauté est le plus séduisant des devoirs de l’actionnaire, car il porte en lui l’idée génétique d’éthique et a le pouvoir de tout imposer.

S’affranchissant alors du débat relatif à l’impasse de la normativité de l’éthique des affaires[12]  ou simplement de la loyauté en droit positif OHADA, l’on suppose qu’en application du droit actuellement en vigueur « De lege lata OHADA », l’éventuelle normativité de l’éthique des affaires (II) est indispensable. Nous établirons, par-là comment l’actionnaire passera d’obligations limitées à des normes substantielles d’éthiques[13].

I- L’impasse normative de l’éthique des affaires en droit positif OHADA

Le mutisme normatif du législateur de l’espace pour l’organisation et l’harmonisation en Afrique du droit des affaires sur la question de l’éthique des affaires n’est pas un atout pour le développement économique. Il suscite un grand malaise juridique, autrement une insécurité juridique pour les affaires en Afrique. L’éthique des affaires pour l’actionnaire en société se traduit par le devoir de loyauté. Le devoir de loyauté de l’actionnaire qui est abordée en droit positif OHADA seulement à propos de questions particulières, sans s’attaquer au principe même. Il est alors impossible d’extrapoler pour statuer de manière générale et définitive sur la loyauté de l’actionnaire, qu’il s’agisse en jurisprudence de l’obligation de non-concurrence (A) ou dans la loi (Actes Uniformes), des obligations circonscrites de loyauté de l’actionnaire (B).

A- Dans la jurisprudence : le rejet de l’obligation de non-concurrence

Les analyses relatives au devoir de loyauté de l’actionnaire se concentrent habituellement sur l’obligation de non-concurrence ou sur l’abus du droit de vote. L’abus est une notion distincte de l’éthique. A partir de l’absence d’obligation de non-concurrence de l’actionnaire (1), il est impossible de faire la déduction d’une absence de devoir de loyauté de l’actionnaire qui traduit son éthique en société (2).

1- L’absence d’obligation de non-concurrence de l’actionnaire

La concurrence de l’actionnaire peut prendre plusieurs formes, dont l’exercice d’une activité en son nom personnel ou au nom d’une autre société, dans le même domaine d’activité, la constitution ou l’investissement dans une société concurrente et l’investissement d’un concurrent dans la société. En tout état de cause, c’est la concurrence vis-à-vis de la société qui mérite discussion, et non la concurrence entre actionnaires, qui reste toujours libre. Il est désormais acquis que l’associé en général et l’actionnaire en particulier ne sont pas tenus par une obligation de non-concurrence. La jurisprudence est clairement fixée sur la question : « sauf stipulation contraire, l’associé d’une société à responsabilité limitée n’est, en cette qualité, tenu ni de s’abstenir d’exercer une activité concurrente de celle de la société ni d’informer celle-ci d’une telle activité et doit seulement s’abstenir d’actes de concurrence déloyaux ».

La solution n’est pas propre à la SARL et vaut également pour l’actionnaire. L’actionnaire peut donc concurrencer la société, exception faite d’une stipulation contraire ou d’une éventuelle obligation de non-concurrence tirée d’un autre rapport de droit, notamment si l’actionnaire cumule cette qualité avec celle de salarié ou de dirigeant, ou encore s’il est un apporteur en nature d’un fonds de commerce, d’un fonds artisanal ou d’un fonds rural, d’une activité ou d’une clientèle ou en cas d’apport en industrie, admis dans la SAS (article 853-1 et suivant AUDSCGIE). Faute pour l’actionnaire d’y être tenu tant que dure sa qualité d’actionnaire, il n’est pas non plus soumis à une obligation de non-concurrence de plein droit en cas de cession des droits sociaux. Néanmoins, la garantie légale d’éviction peut parvenir à un résultat équivalent si le « rétablissement est de nature à empêcher les acquéreurs de ces actions de poursuivre l’activité économique de la société et de réaliser l’objet social », en particulier en cas de cession de l’intégralité du capital social ou de la majorité.

2- L’impossible déduction d’une absence de devoir de loyauté de l’actionnaire

Classiquement, la doctrine n’est pas favorable à un devoir de loyauté tant pour l’actionnaire que pour l’associé. La question n’est pas envisagée par la doctrine plus ancienne. Plus récemment, des auteurs accordent un court développement au devoir de loyauté affirmant l’éthique de l’actionnaire pour simplement indiquer qu’il n’existe pas d’obligation de non-concurrence pesant sur l’associé. Le rejet est conforté par le mutisme de la loi (Actes Uniformes) et de la jurisprudence sur la loyauté de l’actionnaire.

Le rejet de la loyauté[14] n’est donc possible qu’à travers le prisme déformant de l’obligation de non-concurrence. L’obligation de non-concurrence découlant du devoir de loyauté, il est tentant d’inférer de la jurisprudence qu’à défaut d’obligation de non-concurrence, il ne peut exister de devoir de loyauté. Néanmoins, il s’agit d’une extrapolation de la jurisprudence rendue sur une question particulière. La loyauté de l’actionnaire peut exister sans aller jusqu’à imposer une obligation de non-concurrences. Il faut souligner que la jurisprudence n’a pas tranché la question sur le plan des principes. Lorsque la jurisprudence rejette l’obligation de non-concurrence, elle ne prend pas de position de principe à l’égard du devoir de loyauté. Le rejet du devoir de loyauté est fragile, car il repose sur une confusion entre l’existence et le contenu. Raisonnant sur un cas particulier, la doctrine en déduit le rejet en général de la loyauté. Le refus de telle ou telle obligation particulière de loyauté ne permet pas de conclure à l’absence de loyauté, parce qu’une autre justification est possible : l’actionnaire pourrait être tenu d’un devoir de loyauté qui n’inclut pas telle ou telle obligation particulière.

B- Dans la loi : les obligations circonscrites de loyauté de l’actionnaire

En consultant les obligations légales de l’actionnaire dans l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUDSCGIE), certaines d’entre elles répondent à l’idée de loyauté. Néanmoins, leur extrapolation est impossible : ces obligations servent autant d’arguments à l’existence du devoir de loyauté, dans la mesure où la loi impose une certaine loyauté, qu’à l’absence de ce devoir, car ces obligations s’imposent en vertu d’une loi. À la multiplication des obligations légales de loyauté de l’actionnaire (1), répond le refus du juge de les étendre (2).

1- La multiplication des obligations légales de loyauté de l’actionnaire

L’approche du législateur n’aide pas à résoudre la difficulté dans la mesure où la loi se contente de formuler des obligations ponctuelles, en évitant soigneusement de trancher explicitement la question de l’existence du devoir de loyauté de l’actionnaire.

À côté des débats théoriques, le législateur se garde bien de prendre position et se contente de poser ponctuellement des obligations qui imposent une certaine loyauté, mais tellement circonscrite que l’on ne peut pas affirmer que l’actionnaire[15] est tenu à une loyauté. Loin de pouvoir s’interpréter en défaveur du devoir de loyauté de l’actionnaire, le silence du législateur est équivoque. Plutôt que de poser une règle générale de loyauté ou un ensemble cohérent de règles formant une loyauté, le législateur choisit l’éparpillement d’obligations ponctuelles inspirées de l’idée de loyauté. L’éparpillement s’observe entre les différents codes, dans les champs d’application circonscrits et dans le contenu précis des obligations. Cet éparpillement traduit le désintérêt du législateur pour la loyauté de l’actionnaire. Invite-t-il au rejet d’un devoir général de loyauté de l’actionnaire ? La réponse est négative : le législateur ignore simplement le devoir de loyauté. Considérer qu’en dehors des obligations légales règne une simple liberté, sans contrainte, reviendrait à procéder à une interprétation a contrario. Le législateur ne permet pas de trancher dans un sens ou dans l’autre.

Le législateur s’est montré particulièrement attentif aux obligations légales d’information[16] de l’actionnaire. Les obligations d’information pesant sur l’actionnaire sont nombreuses et manifestent chacune la loyauté attendue de l’actionnaire. Il peut être demandé à l’actionnaire de se faire connaître de la société, des autres actionnaires, des autorités publiques et du marché. En faisant la transparence sur cet actionnaire, l’obligation d’information déjoue toute action occulte et interdit de tirer un bénéfice illégitime d’un secret. Tel est l’objet de la déclaration de franchissement de seuil (Règlement n°01/22/CEMAC/UMAC/CM/COSUMAF du 21 juillet 2022 portant organisation et fonctionnement du marché financier de l’Afrique centrale), de la déclaration d’intention (article 289 alinéa 2 Acte Uniforme relatif au droit des sociétés et du groupement d’intérêt économique), de la déclaration d’un projet d’opération (article 847 AUDSCGIE) ou de la déclaration des participations (article 177 AUDSCGIE).

Lorsqu’un actionnaire non-résident passe par un intermédiaire inscrit pour son compte, ce dernier doit informer le teneur de compte de sa qualité d’intermédiaire (articles 847 à 853 AUDSCGIE). De même, avant de transmettre des pouvoirs ou des votes en assemblée, l’intermédiaire est tenu, à la demande de l’émetteur, de fournir la liste des propriétaires non-résidents des actions auxquelles ces droits de vote sont attachés et la quantité d’actions détenues par chacun d’eux. Enfin, dans le cadre de l’identification des actionnaires, anciennement dénommée la procédure des titres au porteur identifiables (TPI), la société émettrice peut demander à tout moment que lui soient transmises les informations concernant les propriétaires de ses actions (article 847 AUDSCGIE).

Pour les sociétés cotées, toute clause d’une convention prévoyant des conditions préférentielles de cession ou d’acquisition d’actions d’une société cotée et portant sur au moins 0,5% du capital ou des droits de vote de l’émetteur doit être déclarée à la société[17] concernée et à la COSUMAF dans un délai de cinq jours de bourse à compter de la signature de la convention. Cette information est portée à la connaissance du public (articles 304 et s règlement COSUMAF). Sans être interdites, des opérations suspectes doivent être révélées par l’actionnaire[18]. L’obligation d’information joue alors une fonction préventive. Dans la SA et la SCA, il doit informer le conseil d’administration ou de surveillance dès qu’il a connaissance d’une convention réglementée (articles 525 et 289 alinéa 2 Acte Uniforme portant droit des sociétés).

Pour dissuader ou identifier les situations d’empty voting, les opérations de cession temporaire ou toute opération donnant le droit ou faisant obligation[19] de revendre ou de restituer des actions représentant plus de 0,5% des droits, doivent être déclarées, en précisant notamment l’échéance du contrat relatif à l’opération et, s’il y a lieu, la convention de vote (article 847 et s AUDSCGIE et Règlement n°01/22/CEMAC/UMAC/CM/COSUMAF du 21 juillet 2022 portant organisation et fonctionnement du marché financier de l’Afrique Centrale)  même, chaque détenteur d’une position courte nette égale ou supérieure à 0,2 % du capital doit en faire la déclaration à la COSUMAF dans un délai d’un jour de négociation, cette déclaration étant rendue publique par la COSUMAF pour les positions supérieures à 0,5% (articles 5 et 6 du Règlement sur la vente à découvert). A chaque nouveau palier de 0,1 % du capital franchi, il convient de déclarer tout changement de la position à la hausse ou à la baisse. Dans le cadre de la balance des paiements, doivent être déclarées, lorsque leur montant dépasse quatre millions, les opérations par lesquelles des non-résidents acquièrent au moins ou franchissent le seuil de 10% du capital ou des droits de vote d’une société (article 402 et s RCOSUMAF).

En cas de recours à des opérations de financement sur titres (prise et mise en pension, prêt-emprunt de titres, opération d’achat-vente à terme ou prêt avec appel de marge) ou à des contrats d’échange sur rendement global, le Règlement général de la commission des marchés financiers (RGCOSUMAF) fait obligation aux OPCVM et aux FIA gérés par des gestionnaires agréés d’indiquer les caractéristiques de ces opérations dans le prospectus du fonds ou dans les documents précontractuels (article 41 RGCOSUMAF).

2- Le refus du juge d’imposer des obligations de loyauté à l’actionnaire

L’actionnaire[20] peut-il être tenu d’une obligation d’information qui ne serait prévue ni par la loi ni par les statuts ? Il pourrait être demandé à l’actionnaire de réaliser ce qu’exige déjà le droit des contrats : avertir le cocontractant sur « tout élément susceptible d’entraîner chez le créancier une réaction, en ce sens que si ce dernier avait connu l’information, il aurait agi différemment ». La jurisprudence y est hostile puisqu’elle écarte l’obligation d’information du cessionnaire d’actions[21], sans distinguer selon que le cessionnaire est ou non actionnaire, restreignant ainsi la portée de l’arrêt Vilgrain. La Cour de cassation s’est prononcée en des termes généraux : (sauf circonstances particulières, le cédant de droits sociaux n’a pas l’obligation, pour informer le cessionnaire, de s’informer des circonstances de nature à affecter les droits et obligations de la société ». Selon un raisonnement traditionnel, un principe de liberté s’applique à la cession, les autres actionnaires ne bénéficiant d’aucun avantage, pas même une information sur les conditions de cette cession. MALAURIE Soutient ainsi qu’il « n’y a pas d’obligation générale d’information lorsqu’un associé cède ses droits sociaux à un autre associé » Posé par l’arrêt Vilgrain, le devoir de loyauté dans les cessions de droits sociaux se limite au dirigeant et ne concerne pas le simple actionnaire. Pourtant, la situation de certains actionnaires pourrait justifier qu’ils soient soumis à ce même devoir de loyauté.

À défaut de stipulation et en dehors du champ d’application des protections prévues par la loi, l’actionnaire qui cède le contrôle ne doit-il aucune protection à ses coactionnaires ? Par une interprétation audacieuse des arrêts Saupiquet-Cassegrain et Castillon du Perron, il a été suggéré que le rachat devrait se faire aux mêmes conditions pour tous les actionnaires. Sans aller jusqu’à un devoir si exigeant, il est possible de proposer que l’actionnaire, s’il détient le contrôle, doit informer les actionnaires à qui il achète des titres pour les céder à un tiers, car la position particulière de cet actionnaire justifie que les autres actionnaires lui fassent confiance.

Néanmoins, le devoir de loyauté a été imposé à plusieurs reprises spécifiquement pour un cédant, associé majoritaire, dans le cadre d’une cession à des tiers. La Cour de cassation a, par exemple, considéré que « l’inscription au bilan […] d’une dette à l’égard de l’URSSAF et d’une provision de 1 000 000 francs n’équivaut ni à l’information sur l’instance en redressement judiciaire ouverte sur assignation de l’URSSAF du 11 mars 1992, ni à la connaissance par les cessionnaires de la sentence arbitrale ». La nature de l’information est éclairante : ces informations relèvent de la compétence des dirigeants, mais le juge estime que l’associé majoritaire, par sa position, peut avoir les mêmes informations que les dirigeants. Si des arrêts ont condamné la réticence dolosive du cédant, il s’agissait du majoritaire et non du simple actionnaire, et cela visait ses relations contractuelles avec un tiers et non les relations sociales. Cette jurisprudence se prolonge désormais avec le nouvel article 1112-1 du Code civil en droit français, relatif à l’obligation précontractuelle d’information, qui vise la situation d’une personne qui « fait confiance à son cocontractant ».

S’agissant ensuite de la concurrence de l’actionnaire, et à défaut d’une obligation de non-concurrence, il aurait pu être imposé, à titre subsidiaire, d’informer la société et ses coactionnaires de l’exercice d’une activité concurrente, afin de préserver la sincérité des rapports sociaux. La Cour de cassation le refuse, bien qu’elle ne le rappelle pas systématiquement.

Ainsi, il existe en droit positif OHADA de nombreuses obligations inspirées d’une certaine idée de loyauté de l’actionnaire. Néanmoins, ces obligations ponctuelles sont créées par la loi là où le besoin s’en fait sentir et ne forment pas système. Elles s’appliquent strictement à ce qui est prévu et le juge refuse d’imposer une loyauté au-delà de la lettre de la loi, de sorte qu’il n’est pas possible de les généraliser.

II- L’éventuelle normativité de l’éthique des affaires De Lege Lata OHADA

La codification de l’éthique des affaires[22] dans un Acte Uniforme donc la substance éthique se déduira de tous les Actes Uniformes est indispensable. Seront ressortis pour notre démonstration d’éventuelle normativité, un contenu déduit du droit des sociétés OHADA et du droit des contrats en général. Cette limitation correspond à l’éthique des affaires et l’actionnaire des sociétés. En application du droit OHADA actuellement en vigueur, il n’existe pas d’Acte Uniforme propre à l’éthique des affaires. Ce vide juridique pour la législation, empêche évidemment le développement des affaires en Afrique dû au manque d’encadrement des devoirs de nature comportementale des acteurs. Les règles éthiques sont éparses et dépourvues d’une normativité spécifique. La loyauté (socle de l’éthique des affaires) de l’actionnaire est étendue dans ses virtualités, raison pour laquelle, défendant l’exercice d’un tel devoir, M. Hervé Le NABASQUE tempère immédiatement : « reste, bien sûr, à en sérier plus précisément les contours »[23]. La normativité de l’éthique des affaires en général et bien particulièrement des comportements de l’actionnaire en société est-elle insaisissable ? La difficulté s’observera tant pour l’élaboration d’un contenu normatif tiré du droit des contrats (A) que pour l’élaboration tirée du droit des sociétés (B).

A- L’élaboration d’un contenu normatif de l’éthique des affaires tiré du droit des contrats

L’on pourrait s’inspirer des devoirs de nature comportementale institués en droit des contrats pour normaliser dans un Acte Uniforme l’éthique des affaires. En droit des contrats, la loyauté peut être recherchée en se fondant sur la bonne foi et les suites du contrat (1) ou sur la loyauté conçue à certaines catégories de contrats (2).

1- La bonne foi et les suites du contrat

La loyauté de l’actionnaire peut s’imposer comme une application particulière de l’obligation de bonne foi prévue par le droit commun des contrats (article 1104 du Code civil) et, devrait concourir au développement économique en général et de la société en particulier. Dès le milieu du XXe siècle, il est affirmé que « la bonne foi se définit en matière de contrat de société comme l’obligation incombant à l’associé de rechercher la réalisation de l’intérêt social, avant la satisfaction de ses intérêts particuliers »[24]. MM. Paul Le CANNU et Bruno DONDERO recourent à cette origine pour évoquer les associés : « la loyauté s’impose à ceux (et pas seulement aux dirigeants) comme à tout contractant »[25]. M. Philippe MERLE adopte également ce fondement pour en déduire que l’associé est tenu à la loyauté dans ses relations avec les autres actionnaires, avec les sociétés et avec les dirigeants[26]. M. Yves PICOD présente quant à lui la bonne foi comme la seule origine possible de l’obligation de non-concurrence[27]. Renonçant à son étude exhaustive, M, Laurent GODON dégage le devoir de bonne foi de l’associé à partir de certaines illustrations : lors du vote en assemblée, lors des conventions passées avec la société, pour les sociétés cotées et avec l’obligation de non-concurrence[28]. Si Mme Karine GREVAIN-LEMERCIER exclut le devoir de loyauté de l’associé, en raison de l’absence d’un devoir d’agir dans l’intérêt de la société ou de l’associé, elle le soumet néanmoins à l’exigence[29] de bonne foi.

En outre, le droit commun des contrats offre une origine supplémentaire de la loyauté : « les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi » (article 1194 du Code civil). L’obligation de non-concurrence de l’associé a été défendue sur cette origine. La loyauté pourrait enfin s’imposer à l’actionnaire au nom de devoir général de cohérence. Cette origine repose sur une analyse contractuelle de la société et sa sollicitation reste toutefois hasardeuse. Il suffirait de rejeter sa nature contractuelle pour exclure toute loyauté. L’application de la bonne foi suppose ensuite d’identifier précisément les parties au contrat. Le contrat n’est-il pas conclu entre actionnaire ? Alors, il serait impossible de reconnaitre une loyauté au profit de la société. L’analyse contractuelle de la société, déjà à notre avantage, présente l’inconvénient de ne pas prendre en compte les organes sociaux. Or, la loyauté a été reconnue à propos des dirigeants et des assemblées, tandis que la bonne foi ne s’applique qu’aux parties au contrat.

2- La loyauté conçue pour certaines catégories de contrats

Plusieurs catégories de contrats ont été définies en doctrine et ont en commun de prendre la société pour modèle tout en y associant un régime consistant à « contrôler les conditions de la poursuite satisfaisante de la finalité de la structure ». La société occupe même une place de choix dans l’analyse, qu’il s’agisse du contrat-organisation, du contrat-coopération, du contrat-alliance ou du contrat d’intérêt commun.

Tel est le cas du contrat-organisation[30], la société est le contrat-organisation par excellence : c’est elle qui sert à M. Paul DIDIER pour construire[31] la notion. Qu’il aborde les conditions d’acceptabilité de la loi de la majorité ou les offres obligatoires dans le cadre des marchés financiers, M. Paul DIDIER se sert du droit positif pour illustrer la notion et non pour prescrire des règles de comportement en droit des sociétés.

Quant au contrat-coopération, il « opère une mise en relation d’actifs complémentaires dans le cadre d’un projet commun mettant ainsi en scène des intérêts économiques convergents, mais différents » et se distingue du contrat-permutation et du contrat-concentration. Mme Suzanne LEQUETTE qualifie la société de contrat-concentration, un contrat organisant une activité économique, et s’en sert même de modèle. Le terme de concentration est d’ailleurs choisi en raison de la synergie qui caractérise l’opération économique organisée par la société. Il ne peut pas s’agir d’un contrat-coopération, dans lequel les intérêts sont « convergents, mais différents » car dans la société, les intérêts sont identiques, ce qui caractérise le contrat-concentration. À partir de la bonne foi contractuelle et de l’affectio societatis, Mme Suzanne LEQUETTE dégage le devoir de l’associé de se comporter sainement dans l’intérêt de la société, ce dont elle déduit deux devoirs. Le premier devoir consiste à ne pas contrevenir à l’intérêt des autres associés et ne pas faire obstacle à la réalisation du but contractuel, sans entraver la poursuite de l’intérêt social ni compromettre « l’objet commun » en ce compris l’obligation de non-concurrence. Le second devoir exige de poursuivre l’intérêt de la société sur un pied d’égalité.

Dans le prolongement des travaux de M. Paul DIDIER sur le contrat-organisation et de M. François CHÉNEDÉ sur le contrat-partage, M. Jean-François HAMELIN dégage la notion de contrat-alliance pour désigner les contrats relevant de la justice distributive. Le contrat de société est le contrat-alliance par excellence. Or, l’auteur refuse catégoriquement d’attacher au contrat-alliance une loyauté renforcée : il affirme même l’absence totale d’influence de l’intérêt commun sur le devoir de bonne foi, en étudiant le droit des sociétés. Ce faisant, il reconnaît que l’actionnaire est soumis à l’exigence de bonne foi contractuelle, mais dans sa signification habituellement restreinte. L’auteur envisage d’admettre « l’existence d’une obligation de ne pas compromettre la réalisation de l’objet social »[32].

Les origines issues des contrats[33] spéciaux révèlent une incompréhension mutuelle entre le droit des sociétés et le droit des contrats. Ces contrats spéciaux imposant une loyauté renforcée prennent la société pour modèle, alors qu’en droit des sociétés, le devoir de loyauté[34] est contesté. Si ces catégories de contrats justifient une loyauté sous des formes diverses, c’est en s’inspirant des règles légales de fonctionnement de la société qui organisent une coopération entre ses membres, sans recourir au devoir de loyauté. Elles ne permettent donc pas de trancher la question de l’existence d’un devoir de loyauté de l’actionnaire. En outre, ces origines, cantonnées au droit des contrats, sont fragilisées par la contestation de la nature contractuelle de la société par actions[35].

Ainsi, les origines tirées du droit civil, en ce qu’ils relèvent du droit commun, devraient pouvoir s’appliquer à l’actionnaire et pourtant, rien n’est moins sûr. Avec des analyses prenant la société comme modèle, il apparait délicat de prescrire des règles pour le droit des sociétés. En outre, ces origines ne permettent pas toutes de déterminer précisément ce qui peut être requis de l’actionnaire. Une difficulté importante en droit des contrats tient à la géométrie variable du terme de loyauté, réunissant des obligations très disparates, qui ne s’appliquent pas de manière uniforme à tous les contractants. La loyauté du mandataire n’est pas la loyauté de l’acheteur qui n’est pas la loyauté de l’entrepreneur. La notion de loyauté est utile d’un point de vue didactique, mais non pas d’un point de vue analytique. Le devoir de loyauté permet de décrire et non de prescrire. Les origines tirées du droit civil présentent en outre un inconvénient de poids, tenant à leur nature contractuelle : leur pertinence repose sur une analyse contractuelle de la société, analyse qui est loin d’être acquise et rend ainsi la loyauté très fragile.

B- L’élaboration d’un contenu normatif de l’éthique des affaires extrait du droit des sociétés OHADA

La loyauté[36] de l’actionnaire, peut donc également être recherchée dans les notions propres au droit des sociétés[37] OHADA, dans le processus d’une élaboration d’un contenu normatif pour un Acte Uniforme l’éthique[38] des affaires : l’affectio societatis (1) et l’intérêt commun (2). Ces notions phares[39] du droit des sociétés sont énumérées de façon éparse par le législateur et mériteraient un encadrement normatif. Cette initiative va donc redorer le droit des affaires en Afrique, par l’innovation d’un encadrement des devoirs de nature comportementale des acteurs et de l’actionnaire en particulier. Bien plus, le développement social suivra puisque l’éthique économique à des répercussions sociologiques.

1- L’affectio societatis

À l’analyse, l’affectio societatis ne peut pas avoir la prétention de fonder un devoir de loyauté de l’actionnaire : elle ne peut rien imposer, encore moins à l’actionnaire. Les définitions[40] qui en sont proposées ne retiennent qu’une approche descriptive et non prescriptive. Cela s’explique d’autant mieux au regard des rôles attribués à l’affectio societatis : qualification, nullité, dissolution. Il s’agit de constater son existence ou son absence, pas de l’imposer. Elle peut donc au mieux jouer un rôle pédagogique, pour expliquer la finalité et la cohérence de règles posées par le droit des sociétés, mais ne peut pas servir de fondement suffisant à une loyauté de l’actionnaire, sauf à l’extrapoler en « régulateur de la vie sociale ». En outre, l’affectio societatis constitue un fondement hasardeux lorsqu’on se restreint à l’actionnaire. HAMEL, LAGARDE et JAUFFRET critiquent à ce titre l’inadéquation de la définition à l’actionnaire. De plus, l’actionnaire peut être dépourvu d’affectio societatis, sans aucune sanction. Si la loyauté découle de l’affectio societatis, il est alors aisé pour l’actionnaire d’échapper à ce devoir. Il faut enfin convenir que l’affectio societatis apparaît comme un argument bien faible quand on constate son déclin. Ce sont précisément les faiblesses de l’affectio societatis qui ont concentré l’attention de la doctrine et ainsi fait obstacle à l’idée de devoir comportemental.

En revanche, incontournable, l’affectio societatis se définit comme un désir de « collaboration volontaire et active, intéressée et égalitaire ». Il apparaît possible d’en déduire que la qualité d’actionnaire prescrit la collaboration et, plus largement, la loyauté. Maurice COZIAN, Alain VIANDIER et Mme Florence DEBOISSY déduisent de l’affectio societatis une obligation de collaboration[41] et précisent que son contenu peut varier en fonction du pacte social. Yves GUYON affirme que pendant toute la vie sociale, les associés doivent agir dans l’intérêt commun et, dans leurs relations bilatérales, se témoigner d’une confiance réciproque. Le plus explicite à cet égard est GRANGER : l’affectio societatis « présente également un caractère passif ». L’auteur ajoute que « l’associé qui a le droit de participer à la vie sociale […] a en même temps l’obligation de permettre et de faciliter cette collaboration ». Néanmoins, la traduction concrète s’avère immédiatement décevante, révélant une faible portée : « La soumission aux décisions de la majorité est donc une obligation que l’associé a contractée en consentant au contrat de société ». Pour les actionnaires, l’affectio societatis se traduit seulement par la réalisation des apports et le respect des délibérations communes qui assurent le fonctionnement de l’être moral.

Si la jurisprudence établit le lien entre la qualité[42] d’actionnaire et la « participation active » dans la société, il s’agit, dans ce cas, d’en faire un devoir éthique et de constater que le droit de vote est aussi une manifestation de l’affectio societatis.

De rares auteurs posent le devoir de loyauté de l’associé comme principe général éthique applicable également à l’actionnaire, à partir de quelques exemples. M. Yves CHARTIER affirme que l’associé « a au moins une obligation de loyauté » pour expliquer la sanction de l’abus du droit[43] de vote. De même, le devoir de loyauté de l’associé de SAS est reconnu pour justifier sa responsabilité dans la révocation abusive d’un dirigeant social. MM. Paul LE CANNU et Bruno DONDERO déploient une conception extensive de la loyauté de l’associé, tant dans ses rapports à l’intérieur de la société qu’à l’extérieur, en y voyant le devoir qui s’impose à lui dans la gestion de la société, à côté des devoirs[44] d’ordre financier : abus de droit de vote et obligation de non-concurrence. La loyauté serait due à l’égard des autres associés, tandis qu’à l’égard de la société, s’imposerait une obligation de respecter l’intérêt social. On observera toutefois que cette loyauté n’est ni définie ni systématisée.

2- L’intérêt commun

La notion d’intérêt commun apparaît des articles 4, al. 2 et article 20 de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUDSCGIE) selon lesquels : « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés ». Ce faisant, la loi indique que les intérêts des associés en général, et des actionnaires en particulier, sont nécessairement convergents et exprime l’idée d’égalité. Le respect de l’intérêt commun pourrait être posé comme une exigence comportementale éthique de l’actionnaire, d’autant qu’il a permis de fonder la jurisprudence relative à l’abus de majorité et à l’abus de minorité. M. Dominique SCHMIDT cherche à faire de l’intérêt commun le fondement d’obligations. L’intérêt commun souffre néanmoins de réelles faiblesses. La controverse se concentre principalement sur la description de l’intérêt commun, afin de savoir s’il se réfère aux seuls associés, ou à la société plus largement, ou même aux parties prenantes. Dans sa fonction ensuite, l’intérêt commun sert à la qualification de la société, mais il n’est pas prescriptif.

L’intérêt commun a néanmoins permis de faire émerger une notion devenue autonome : l’intérêt social[45]. C’est en effet sur le fondement de l’article 4 AUDSCGIE que la jurisprudence a pu élaborer de nombreuses règles des sociétés en prenant comme critère l’intérêt social[46]. Dans la théorie de l’abus du droit de vote en particulier, l’un des critères d’abus tient à la violation de l’intérêt social. La référence à cette notion consiste à identifier un intérêt propre à la personne morale, qui ne se confond pas nécessairement avec l’intérêt de tous les associés. L’intérêt social est devenu incontournable, à tel point qu’il s’agit désormais d’une notion cardinale du droit des sociétés. Il pourrait même être érigé en boussole. Il peut alors être envisagé d’en faire « un impératif de conduite ». Comme pour l’intérêt commun, la difficulté majeure est de savoir ce que recouvre l’intérêt social[47]. En outre, la nouvelle disposition a suscité un débat intéressant les devoirs éthiques de l’actionnaire : l’hésitation est en effet permise s’agissant de savoir si l’associé est soumis à cette disposition, d’autant que l’intérêt social représente la « limite des comportements sociétaires acceptables ». Cette disposition s’applique-t-elle aux actionnaires ? Rien[48] n’est moins sûr. La référence de l’Acte Uniforme relatif aux sociétés à la gestion pourrait renvoyer aux dirigeants sociaux, de sorte que les actionnaires ne sont pas concernés par cette disposition. Néanmoins, il est admis que la gestion est une notion à géométrie variable, qui ne coïncide pas toujours avec les fonctions de dirigeants et qui peut impliquer parfois les actionnaires. Au-delà de la lettre de l’Acte Uniforme, la ratio legis est de codifier à droit constant.

La prise en compte de l’intérêt social impose une norme comportementale à l’actionnaire. Si le contrôle de l’abus représente une contrainte pour l’actionnaire, il pose tout au moins un devoir éthique, si ce n’est le devoir général de ne pas abuser des droits subjectifs : l’abus de droit est une notion distincte de celle de devoir, qui pose seulement une limite à l’exercice d’un droit. Tout en étant une référence omniprésente dans la vie sociale, il est certain que l’intérêt social peut constituer à lui seul un fondement permettant d’imposer une éthique à tout actionnaire. Les contenus normatifs tirés du droit des sociétés sont donc plus probants que ceux tirés du droit civil : ils sont plus prescriptifs que descriptifs. Ils servent à normaliser l’éthique des affaires en général et particulièrement à l’harmonisation des devoirs de nature comportementale de l’actionnaire, puis, à expliciter les règles éthiques de fonctionnement de la société, tout en imposant des normes supplémentaires.

Si les juristes s’accordent sur l’idée que le droit est un système normatif, tous ne conçoivent pas la normativité juridique de la même manière. Dans l’acception le plus large possible du terme, la normativité caractérise le droit lui-même, en ce sens qu’il constitue un « devoir-être » ; c’est un système qui entend régir la réalité sociale, pour l’organiser au mieux. Mais les juristes s’attardent trop rarement sur ce qui fait que le droit est normatif. Certains présupposent cette normativité, en s’inspirant par exemple d’une « norme fondamentale » vulgarisée à partir de Kelsen. D’autres se désintéressent volontiers de la question, en considérant que la technique juridique se suffit à elle-même et que la normativité se constate, sans avoir besoin d’être expliquée. Pourtant, il s’agit bien d’une caractéristique essentielle du système juridique, ce que chacun admet aisément. Peut-on alors refuser d’y prêter attention ?

Il faut dire que la normativité juridique présente un paradoxe. Elle est une caractéristique essentielle du système de droit positif OHADA. Mais dans le même temps, le droit positif OHADA n’a pas les moyens de décréter sa propre normativité. En ce sens, la volonté des législateurs de l’OHADA n’y suffit pas. Analyser la normativité juridique suppose donc une prise de distance à l’égard du droit positif OHADA, pour mieux comprendre le fonctionnement quotidien de celui-ci. Contrairement aux apparences, la normativité du droit n’est en effet ni naturelle, ni spontanée. Ses ressorts pointent dans la direction de croyances sociales.  Nous avons par ce travail apporté une main peut être bien fragile à l’édifice d’une éventuelle normativité de l’éthique des affaires en droit OHADA, sous l’angle de l’actionnaire des sociétés exclusivement. Reste alors à élaborer un contenu normatif plus complet déduit des autres disciplines du droit positif OHADA, afin d’en ressortir la consistance d’un Acte Uniforme relatif à l’éthique des affaires en Afrique. Ce travail ardu comblera le vide juridique en la matière et rehaussera l’économie, le développement et l’entreprise en Afrique.

[1] En ce sens : M.-F. MAGNAN, Droit des obligations, t. 2, Responsabilité civile et quasi-contrats, PUF, 5e éd., 2021, nº 81. V. déjà, affirmant que l’associé est tenu de se comporter en bon père de famille : D. VEAUX, n° 238. V. En ce sens : G. VINEY, P. JOURDAIN, S. CARVAL, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 4eéd., 2013, n° 463 ; M. BACACHE-GIBEILI, Les obligations, La responsabilité civile extracontractuelle, Economica, 4eéd., 2021, n° 147. Ne considérant pas ces concepts comme équivalents : S. DARMAISIN, « À la recherche du bon père de famille », in Mél. Philippe. LE TOURNEAU, Dalloz, 2008, p. 297 ; J. HUET, « Adieu bon père de famille », D. 2014.505. V. également F. VINEY, Le bon père de famille et le plerumque fit, dir. G. LOISEAU, th. Paris I, 2013.

[2] Sur la responsabilité de l’associé : M.-P. LAMOUR, « La responsabilité personnelle des associés », D. 2003.51; S. VICENTE. Concernant la société mère : R. CONTIN, H. HOVASSE, « L’autonomie patrimoniale des sociétés », D. 1971, chron. 197 ; B. GRIMONPREZ, « Pour une responsabilité des sociétés mères du fait de leurs filiales », Rev. soc. 2009.715; J.-P. SORTAIS, « A propos de certaines questions de responsabilité suscitées par les groupes de sociétés », RJC 1977.85 et 121 ; D. SCHMIDT, « La responsabilité civile dans les relations de groupe de sociétés », Rev. soc. 1981.725 ; Ph. DELEBEQUE, « Groupes de sociétés et procédures collectives : confusion de patrimoines et responsabilité des membres du groupe », RPC 1998, n° 2, p. 129;

[3] J.-C ROCHER, Aux sources de l’Ethique Juridique, Les présocratiques, éd, Fac 2000, 2001, p. 10

[4] M. GERMAIN, V. MAGNIER, Traité de droit des affaires, t, 2, Les sociétés commerciales, LGDJ. 22 éd, 2017, n°2031.

[5] Suggérant un principe général de responsabilité rattaché à la loyauté : P. LE CANNU, B. DONDERO, n°158 ; S. VICENTE, « quelles responsabilités pour les dirigeants et les associés ? », Cah, dr, entr, 2013, dossier 12.

[6] Proposant d’étendre la responsabilité pour insuffisance d’actif à l’actionnaire prépondérant par la reconnaissance d’un devoir de diligence : N. PELLETIER, La responsabilité au sein des groupes de sociétés en cas de procédure collective, préf, F.-X. LUCAS, LGDJ, 2013, n°540 et s. Comp, sur l’hétérogénéité des obligations légales : L GODON n°9.

[7] N. CUZACQ, « La responsabilité des sociétés mères du fait de leurs filiales : éléments de droit positif et de droit prospectif », RRJ 2009.657; E. DAOUD, C. LE CORRE (dir.), Dossier « À la recherche d’une présomption de responsabilité des sociétés mères en droit français », RLDA 2012, n° 76, p. 63; N. PELLETIER, La responsabilité au sein des groupes de sociétés en cas de procédure collective, préf. F.-X. LUCAS, LGDJ, 2013 ; V. DESOUTTER, La responsabilité civile de la société mère vis-à-vis de sa filiale, Peter Lang, 2012. Sur le débat autour de la nécessité d’un régime spécial de responsabilité de la société mère à l’occasion de l’élaboration de la loi du 24 juillet 1966 : C. COUPET, « L’adjonction d’un patrimoine complémentaire par un mécanisme de responsabilité : la responsabilité des sociétés mères du groupe », in Groupes de sociétés et procédures collectives : de l’autonomie du patrimoniale des sociétés groupées à l’unité de groupe ? LexisNexis, 2018, p. 61. Présentant la responsabilité de l’associé comme un concept émergent : T. FAVARIO.

[8]Plusieurs recherches ont envisagé la responsabilité de l’associé ou de la société mère. Suggérant la responsabilité de la société mère prise en sa qualité d’associé : F.-X. LUCAS, « Les filiales en difficulté », LPA 2001, nº 89, p. 66.

[9] P. AMSELEK, « Les fonctions normatives ou catégories modales », L’architecture du droit-Mélanges en l’honneur du professeur Michel TROPER, Economica, 2006, p.31.

[10] Sur cette définition : J.-S. BORGHETTI, « La faute et le défaut », in D. FENOUILLET (dir.), Flexibles notions, éd. Panthéon-Assas, 2020, p. 333. Comp., sur la définition proposée par l’avant-projet TERRÉ : C. BLOCH, « Définition de la faute », in F. TERRÉ (dir.), Pour une réforme de la responsabilité civile, Dalloz, 2011, p.101.

[11] Défendant la « vitalité de la faute dans le droit des affaires » : F. POLLAUD-DULIAN

[12] V. P. JACQUES, Les rapports entre la faute civile et la faute disciplinaire, in Vers un droit commun disciplinaire ? (dir. P. ANCEL et J. MORET-BAILLY) : PU St-Etienne, 2007, p. 175 et s.

[13] F.G. TRÉBULLE, Rép. Dalloz sociétés, V Responsabilité sociale des entreprises (Entreprise et éthique environnementale), n° 9.V. B. OPPETIT, Ethique et vie des affaires, in Mél. A. COLOMER : Litec 1993, p. 327 ; P. LE TOURNEAU, L’éthique des affaires et du management au XXIe s. http://philippe-letourneau.pagespersoorange.fr/media/EthiqueAffaires.htm, V, également ; E. MOUIAL-BASSILANA, La responsabilité civile dans le contexte de la responsabilité sociale des entreprises : Act. Prat. & Ingénierie sociétaire, janv.-févr. 2013, p. 10. ; J. MESTRE, « Propos introductifs, colloque Loyauté et impartialité en droit des affaires » : Gaz. Pal. 24 mai 2012, p. 6. ; P. DIENER, Ethique et droit des affaires : D. 1993, p. 17, spéc. n° 9. ; B. OPPETIT, préc. ; T. REVET, L’éthique des contrats internes in Ethique des affaires : de l’éthique de l’entrepreneur au droit des affaires : Librairie de l’Université, 1997, p. 229.

[14] P. LE CANNU, B. DONDERO, Droit des sociétés, LGDJ, 8e éd., 2019, nº 158 et s. ; B. PETIT, « L’évolution du devoir de loyauté en droit des sociétés », RJDA 2015, 243. ; En ce sens : P. LE CANNU, B. DONDERO, op. cit., n° 167. Comp. D. COHEN, « Dirigeants ou associés et obligation de non-concurrence », in Mél. Alain. COURET, Dalloz, 2020, p. 353.

[15] J.-F. BARBIERI, « Sur la faute source de responsabilité civile pour les associés », in Mél. J.-P. et Michel. STORCK, Dalloz, 2021, p. 119 ; Plutôt qu’une obligation de non-concurrence, il a été proposé de proclamer la liberté de l’actionnaire de concurrencer la société et de poser comme limite l’interdiction de compromettre l’objet commun. J.-F. HAMELIN, Le contrat-alliance, préf. N. MOLFESSIS, Economica, 2012, n° 227

[16] F. ANOUKAHA, C. ABDOULAYE, S. MOUSSA et P.-G. POUGOUE : Droit des Sociétés commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique, Edition Bruylant, Bruxelles, 2002, p.589 ; F.J. ANOUKAHA, NGUEBOU TOUKAM et P.-G. POUGOUE : Le droit des sociétés commerciales et du Groupement d’intérêt économique OHADA, Presse Universitaire d’Afrique, 1998, n° 615, p.264 ; – F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU TOUKAM et P.-G. POUGOUE : Commentaire de l’Acte Uniforme relatif aux sociétés commerciales et des Groupement d’intérêt Economique, Juriscope, 3e éd., p.311 ;

[17] F. TAGOURLA : « Les pouvoirs des dirigeants sociaux dans l’espace OHADA à l’épreuve des principes de la bonne gouvernance », Penant, n° 883, Avril-Juin 2013, p.207

[18] H.-D. MODI KOKO BEBEY : « La réforme du droit des sociétés commerciales en Afrique », Revue société, avril-juin 2002, pp255-266 ;

[19] R. NEMEDEU : Le contrôle des dirigeants de la société anonyme. Thèse de doctorat, Université Robert Schuman de Strasbourg, 18 décembre 2000.

[20] M. FABRE-MAGNAN, De l’obligation d’information dans les contrats, Préf. J. GHESTIN. LGDJ, 1992, n°169.

[21] Futur actionnaire, « le cessionnaire n’est tenu d’informer le cédant ni des négociations tendant à l’acquisition par un tiers d’autres titres de la même société ni de celles qu’il conduit lui-même avec ce tiers en vue de lui céder ou de lui apporter les titres objet de la cession » : Com., 12 mai 2004, nº 00-15.618, Bull. civ. IV, n° 94 ; BJS 2004.1114, note D. SCHMIDT ; Rev. soc. 2005.140, note L. GODON. M. D. SCHMIDT fait néanmoins observer que l’arrêt n’ajoute pas la précision de l’arrêt BALDUS selon lequel « aucune obligation d’information ne pesait sur l’acheteur » (1ère civ., 3 mai 2000, n° 98-11.381, Bull. civ. I, n° 131). V. également : Paris, 12 mars 2009, n° 08/09471, BJS 2009.760, obs. T. MASSART.

[22] B.Y. MEUKE : « L’information des actionnaires minoritaires dans l’OHADA : Réflexion sur l’expertise de gestion », www.juriscope.org/ actu juridiques/ doctrine/ OHADA/ Ohada-20.pdf, pp1-13 ;

[23] H. LE NABASQUE, « Propos introductifs », in H. LE NABASQUE (dir.), Dossier « Les devoirs de l’actionnaire », GP 2016, HS n° 2, p. 6.

[24] R. GRANGER, La nature juridique des rapports entre actionnaires et commissaires, éd. Matot-Braine, 1951, n° 296.

[25] P. LE CANNU, B. DONDERO, op. cit., n° 157. V. également M. CAFFIN-MOI, « La responsabilité pour faute de l’associé : une évolution à front renversé », art. préc. Comp., hésitant à justifier la responsabilité de l’associé sur l’obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat : M. GERMAIN, V. MAGNIER, op. cit., n° 1534. V. également S. VICENTE, « Quelles responsabilités pour les dirigeants et les associés ? », Cah. dr. entr. 2013, dossier 12. Affirmant qu’il « existe à la charge des associés une obligation de bonne foi » tout en observant qu’elle « n’a fait que s’affaiblir » : Y. CHARTIER, « L’évolution de l’engagement des associés » Rev. soc. 1980.1.

[26] P. MERLE, Sociétés commerciales, Dalloz, 25° éd., 2021, n° 247. V. également K. LEMERCIER, op. cit., n° 204.

[27] Y. PICOD, « Contrat. – Force-obligatoire du contrat. – Bonne foi », in JCI. Civil Code, n°64. Défendant l’exigence de bonne foi appliquée à l’associé : S. LEQUETTE, n° 431. Expliquant que les manifestations du devoir de bonne foi sont peu nombreuses en droit des sociétés : J.-F. HAMELIN, n°225.

[28] En ce sens, L. GODON, op, cit, n°140 et s. Évoquant alternativement le devoir de bonne foi et le devoir de loyauté : ibid, n°116, n°129 et n°136 et s. Reconnaissant l’impression de la bonne foi : ibid, n°156.

[29] K. LEMERCIER, n°193. Rappr. MIGNON-COLOMBET, L’exécution forcée en droit des sociétés, préf. Y. GUYON, Économica, 2004, n°172.

[30] Selon la définition de M. Paul DIDIER, le contrat-organisation « crée entre les parties les conditions d’un jeu de coopération où les deux parties peuvent gagner ou perdre conjointement, et leurs intérêts sont donc structurellement convergents, même si cela n’exclut pas des situations de divergence » : P. DIDIER, « Brèves notes sur le contrat-organisation », in Mél. F. TERRE, Dalloz-PUF-Juris Classeur, 1999, p. 635. Il est caractérisé par une agrégation de biens et de services et une relation entre le tout et ses parties, appartenant à la sphère de la justice distributive : P. DIDIER, « Le consentement sans l’échange : contrat de société », RJC 1995, HS, p. 74. Le contrat-organisation définit l’activité qui est son objet et institue des organes chargés d’assurer et de garantir la réalisation de cette activité P. DIDIER, « Brèves notes sur le contrat-organisation », art. préc.

[31] P. DIDIER, « Le consentement sans l’échange : contrat de société », art. préc.; T. FAVARIO, « Regards civilistes sur le contrat de société », Rev. soc. 2008.53.

[32] D. SCHMIDT, « De l’intérêt commun des associés », JCP E 1994.1.404.

[33] D’autres catégories de contrats ont été dégagées en doctrine et peuvent intéresser la société, sans élucider pour autant la question du devoir de loyauté de l’actionnaire. La société entre par exemple dans la catégorie de contrat relationnel, imposant de permettre à son partenaire de tirer bénéfice de la relation, de respecter une durée minimale d’exécution du contrat, de motiver la rupture et d’assister le partenaire lors de la rupture : J. ROCHFELD, « Les modes temporels d’exécution du contrat », RDC 2004.47; J. ROCHFELD, Les grandes notions du droit privé, n° 7.23. Sur le contrat relationnel : J.-B. SEUBE, « La relativité de la distinction des “contrats organisation” et des “contrats échanges” », JS 2008.39; Corine. BOISMAIN, Les contrats relationnels, th. Nantes, 2004 ; H. MUIR WATT, « Du contrat “relationnel” », in Asso. Henri. CAPITANT, La relativité du contrat, LGDJ, 2000, n° 169 ; Y.-M. LAITHIER, À propos de la réception du contrat relationnel en droit français », D. 2006.1003 ; H. BOUTHINON-DUMAS, « Les contrats relationnels et la théorie de l’imprévision », Revue internationale de droit économique 2001.339. V. également D. MAINGUY, « Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des contrats », in Mél. M. CABRILLAC, Dalloz, 1999, p.

[34] P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK, Droit des obligations, LGDJ, 11° éd., 2020, n° 269.

[35] Rappr., critiquant une notion qui « tire trop vers la société et l’institution pour servir d’incarnation au renouvellement contemporain des contrats »: R. LIBCHABER, « Réflexions sur les effets du contrat ».

[36] V. L. AYNÈS, Synthèse, in Loyauté et impartialité en droit des affaires : Gaz. Pal. 24 mai 2012, p. 84.

[37] M. BOUTONNET, obs. RDC 2012, p. 908, à propos de l’annexe environnementale imposée par la loi Grenelle 2 ; adde L. NEYRET, obs. chron. Ethique de l’entreprise, LPA 3 juin 2013, p. 12 et s.

[38] V. notamment. J. Mestre, « Propos introductifs, in Loyauté et impartialité en droit des affaires », préc., p. 6.

[39] Présentant la collaboration comme un caractère de la société : E.-E THALLER, Traité élémentaire de droit commercial, A. Rousseau, 1898, n° 165.

[40] J. HAMEL, G. LAGARDE, A. JAUFFRET, Droit commercial, t. 1, vol. 2, Dailoz, 2e éd., 1980, 40% V. également S. LACROIX-DE SOUSA, « Le rayonnement de l’affectio societatis », Rev. soc. 2016.499. I. TCHOTOURIAN, Vers une définition de l’affectio societatis lors de la constitution d’une société, préf. Y. DEREU, LGDJ, 2011 ; J.-F. BARBIERI, « Retour sur l’affectio societatis, une intention mal aimée ». in Mél, P. SERLOOTEN, Dalloz, 2015, p. 285. Analysant l’affectio societatis comme la traduction de la bonne foi en droit des sociétés : A. VIANDIER, La notion d’associé, LGDJ, 1978, nº 78 ; Y. GUYON, Droit des affaires, op. cit., nº 124; J. CARBONNIER, Droit civil, t. 2, Les biens, Les obligations, PUF, 2004, n° 1030; J.-M. DE BERMOND DE VAULX, « Le spectre de l’affectio societatis », JCPE 1994.1.346; S. LEQUETTE, op. cit., n° 431; G. KEUTGEN, Y. DE CORDT, « La loyauté et la bonne foi dans le droit des sociétés », in Mél. E. CEREXHE, Larcier, 1997, p. 191. Faisant le lien entre l’affectio contractus et la coopération : J. MESTRE, « L’évolution du contrat en droit privé français », in L’évolution contemporaine du droit des contrats, 1986, PUF, p. 41. Contra, affirmant que l’abus de majorité traduit à la fois, en les distinguant, une disparition de l’affectio societatis et l’inexécution de l’obligation de bonne foi : P. LE CANNU, note ss Com., 18 mai 1982, Rev soc. 1982.804. V. également P. SERLOOTEN, « L’affectio societatis, une notion à revisiter », in Mél. Y. GUYON, Dalloz, 2003, p. 1007.

[41] M. COZIAN, A. VIANDIER, Fl. DEBOISSY, Droit des sociétés, LexisNexis, 34° éd., 2021, n° 274. Défendant le devoir de loyauté de l’actionnaire au titre de l’affectio societatis : F.G. TREBULLE, « La responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises », GP 2016, HS n° 2, p. 55.

[42] B. FAGES, P. FLEURY, Le Lamy Droit du Contrat, Wolters Kluwer, 2020, nº 1857.

[43] V. également F.-X. LUCAS, « Les actionnaires ont-ils tous la qualité d’associé ? Brefs propos discursifs autour du thème de l’associé et de l’investisseur », RDBF 2002.216 ; F.-X. LUCAS, « Du contrat de société au contrat d’investissement », RDBF 2005, étude 5. Comp. G. RIPERT, Aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ, 1946, n° 39 ; M. BERTREL, « La société, contrat d’investissement », RTD com. 2013.403; J.-J. DAIGRE, « La financiarisation du droit des sociétés », in LURBAIN-PARLEANI (dir.), Regards sur l’évolution du droit des sociétés depuis la loi du 24 juillet 1966, Dalloz 2018, p. 61. Comp., présentant les avatars de l’associé comme le signe du pluralisme du droit des sociétés : B. SAINTOURENS, « La flexibilité du droit des sociétés », RTD com. 1987.457.

[44] Constatant que l’immense majorité des titulaires de titres de capital se désintéresse des prérogatives politiques que ces titres leur confèrent, M. F.-X. LUCAS dénonce une imposture pour ce critère : F.-X. LUCAS, Les transferts temporaires de valeurs mobilières, préf. L. LORVELLEC, LGDJ, 1997, n°311

[45] « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité », article 1833 al 2 du Code civil. L’assise de l’ « intérêt social » est plus forte depuis la loi Pacte l’ayant consacré dans le Code civil en droit français : loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte.

[46] A. COURET, « Faut-il réécrire les articles 1832 et 1833 du Code civil ? », D, 2017,222 ; D. SCHMIDT, « La société et l’entreprise », D, 2017, 2380 ; I. URBAIN-PARLEANI (dir.), Dossier « La réécriture des articles 1833 et 1835 du Code civil : révolution ou constat ? », Rev. soc. 2018.551 et 623 ; A. COURET, « La réforme de l’entreprise passe-t-elle nécessairement par une réécriture du Code civil ?», Rev. soc.

2018.639; A. TADROS, « Regard critique sur l’intérêt social et la raison d’être de la société dans le projet de loi PACTE », D. 2018.1765; I. URBAIN-PARLEANI (dir.), Dossier « La loi Pacte : le nouveau visage du droit des sociétés », Rev. soc. 2019.565; H. FABRE, S. SCHILLER, « L’incidence de la loi Pacte sur l’ingénierie sociétaire », JCP N 2019.1318; D. PORACCHIA, « De l’intérêt social à la raison d’être des sociétés », BJS 2019, n°6, p. 40 ; M. TIREL, « La réforme de l’intérêt social et la “ponctuation signifiante” », D. 2019.2317; A. COURET, B. DONDERO, Loi Pacte et droit des affaires, éd. Francis Lefebvre, 2019.

[47] Sur les différentes conceptions de l’intérêt social et la justification de l’absence de définition légale à l’occasion de la loi Pacte : J. HEINICH, « Intérêt propre, intérêt supérieur, intérêt social », Rev. soc. 2010 568

[48] Limitant la portée aux gérants, à l’exclusion des assemblées d’associés : H. FABRE, S. SCHILLER, art. préc. Rappr. J. HEINICH, « Intérêt propre, intérêt supérieur, intérêt social », art. préc. Contra : D. PORACCHIA, « De l’intérêt social à la raison d’être des sociétés », art. préc.; A. TADROS, art. préc. V. également, considérant avant la loi Pacte que l’intérêt social ne pouvait fournir qu’un secours occasionnel : B. PETIT, « L’évolution du devoir de loyauté en droit des sociétés », art. préc

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