Le devoir de vigilance de l’entreprise sociétaire

Issiaka CISSE

Maître-assistant CAMES à l’université de Bamako

Doyen de la faculté de droit de l’université de Bamako

 

L’environnement de l’entreprise sociétaire connaît de nouvelles mutations juridiques. Celles-ci sont le témoin de la juridicité des actions moralisatrices des sociétés commerciales. De toute évidence, la nécessité d’élaborer un plan de vigilance se révèle comme un moyen de protection contre les atteintes éventuelles de l’activité sociétaire. Un tel élan juridique connait au passage tout un processus avant de révéler toute sa portée en droit africain OHADA.

Introduction

L’entreprise sociétaire fait face à une nouvelle obligation[1]. Une telle situation invite les juristes sociétaires à investir à nouveau le champ de la théorie générale du droit des sociétés[2]. Le devoir de vigilance doit avoir voix au chapitre, d’autant plus qu’il paraît urgent de discuter sur la pertinence d’une nouvelle règle sociétaire. Parce qu’il faut aller à une réalisation plus complète et plus achevée, comme le soulignait David DEROUSSIN[3]. C’est d’ailleurs une question qui renvoie aux valeurs sociétales en vue de rétablir une justice sociale. A propos de la justice, ROUBIER[4] la définit comme le produit d’un progrès constant, d’un raffinement du droit opéré par les juristes œuvrant d’un ordre supérieur chargé d’assurer le triomphe des intérêts les plus respectables. Sera considéré comme juste ce qui est conforme à un ordre supérieur des intérêts humains. En voilà une approche qui renait à travers de nouvelles mutations juridiques qui frappent les sociétés commerciales. C’est à la recherche de la quête du juste que l’on assiste à un élargissement des obligations de l’entreprise sociétaire, en l’occurrence le devoir de vigilance[5].

Exiger le devoir de vigilance[6] pour une entreprise sociétaire s’inscrit dans une vision globale de moralisation des activités en adéquation avec le respect des droits humains[7]. Une telle approche met le droit OHADA face à un nouvel défi juridique. Ainsi, il urge d’appréhender la présente construction juridique. En effet, deux terminologies groupées sont à retenir. En premier lieu, l’entreprise sociétaire appréhendée comme une entreprise exerçant son activité sous une forme juridique de société, c’est-à-dire de personne morale indépendante[8]. C’est pourquoi l’article 4 de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (ci-après AUDSC-GIE) l’appréhende comme une société, laquelle se rattache à un contrat. L’alinéa 1e de cet article dispose que « la société commerciale est créée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d’affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature, ou de l’industrie, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui peut en résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes dans les conditions prévues par le présent Acte uniforme ». En second lieu, le devoir de vigilance, ignoré pour le moment du vocabulaire juridique de l’association Capitant, et par le droit malien, même si celui-ci reconnait la terminologie, il faut se référer à certaines lois statutaires pour l’appréhender(en anglais : « duty of care »). Il est perçu comme l’obligation de respecter une norme de diligence raisonnable lors de l’accomplissement d’actes susceptibles de porter préjudice à autrui de manière prévisible. Il est néanmoins connu du droit bancaire, du droit pénal des affaires, voire du droit social.

De longue date, en droit bancaire, il se concilie traditionnellement avec le principe de non-immixtion du banquier dans les affaires et la gestion de son client[9]. Il implique pour les établissements de crédit de veiller à ce que des opérations affectées d’anomalies apparentes ne soient pas exécutées. Mais il n’impose pas aux banquiers de procéder à des investigations, d’aller au-delà des apparences. Récemment en droit pénal des affaires, la loi uniforme malienne relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme emploie la notion de devoir de vigilance[10]. Aussi, le devoir de vigilance est apparu en droit français du travail avec la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale[11]. Cette loi impose, en effet, aux entreprises donneuses d’ordre d’enjoindre leurs sous-traitants à régulariser leurs situations, dès lors que ces derniers hébergent leurs salariés dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine ou violent la législation du travail[12]. Mieux, lorsque le sous-traitant ne régularise pas sa situation quant aux conditions d’hébergement de ses salariés, le donneur d’ordre est tenu de prendre à sa charge la fourniture d’un logement décent[13]. Toutefois, la vigilance attendue du donneur d’ordres est assez limitée, puisque ces nouvelles obligations ne pèsent sur lui qu’à partir du moment où il a été dûment informé par un agent de l’État des irrégularités dont ses sous-traitants se sont rendus coupables.

Dans un article paru à Toulouse, un auteur rappelle que le devoir de vigilance se caractérisait donc, jusqu’à il y a peu, par un côté relativement attentiste[14]. Cependant, un tournant a été pris avec la loi dite Sapin II[15] du 9 décembre 2016, car celle-ci impose aux dirigeants de sociétés et d’entreprises publiques d’une certaine taille « de prendre les mesures destinées à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence »[16]. Ces mesures sont détaillées par la loi et confèrent au devoir de vigilance un caractère plus proactif[17]. C’est cette conception du devoir de vigilance qui a servi de modèle à la loi française du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre[18]. Cette loi française, qui a introduit le devoir de vigilance en droit des sociétés, est le fruit de la réaction de parlementaires français à un fait tragique, l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en avril 2013[19]. Dans les ruines de cet immeuble, périrent 1129 personnes qui étaient pour la plupart des salariés de sous-traitants travaillant pour des entreprises occidentales de prêt-à-porter, dont des entreprises françaises. Au terme d’une longue discussion parlementaire, la loi a été adoptée[20].

Dans cette configuration, le devoir de vigilance est une règle qui vient de naître pour introduire une vision parfois perçue comme solidariste. Il s’agit bien au-delà d’une règle obligatoire, même si on peut redouter de son exclusivité à travers l’identification des entreprises assujetties. Parce que les préoccupations soulevées lors des activités menées par les sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre ou en d’autres contextes par les sociétés minières n’épargnent aucune activité sociétaire ciblée. C’est donc l’occasion d’apprécier l’étendue et par ricochet la pertinence d’un tel instrument juridique en droit des sociétés à la lumière du droit français susceptible d’intéresser le droit OHADA. Ce qui indique en retour que le choix de cibler certaines entreprises sociétaires donne l’occasion de redouter de son efficacité[21]. La prise en compte effective des préoccupations pour la protection des droits humains dans l’entreprise sociétaire se pose. Sachant que l’activité sociétaire, quelle que soit sa taille, peut porter atteinte aux droits sociétaux.

A la lecture d’une telle perception de l’obligation de vigilance, une question se pose. On s’interroge sur quoi retenir du devoir de vigilance en droit des sociétés ? Par, de manière, plus précise peut-on affirmer l’efficacité du devoir de vigilance au regard du mécanisme juridique qui l’encadre ?

Pour répondre à cette question, il faut indiquer que le nouveau contexte de l’AUDSC-GIE par lequel on souhaite voir l’entreprise sociétaire évoluer est dans une phase d’évaluation. Même si le devoir de vigilance est consacré juridiquement à travers le droit français, sa reconnaissance est à construire à l’échelle OHADA. Il crée un nouveau rôle qui se justifie par l’évolution des mœurs ou techniquement par la théorie du risque[22]. Ce qui est d’ailleurs évident au regard du fondement juridique ayant contribué à sa consécration. Sans occulter qu’il s’inscrit dans une approche de découverte juridique par les acteurs de l’entreprise sociétaire. Un nouveau sujet du prétoire qui nécessite une perception de la part de l’ensemble des parties prenantes.

Loin de l’innovation juridique annoncée, un regard croisé sur la venue et sur les effets tempère considérablement la place du devoir de vigilance en droit des sociétés. Selon une doctrine, « le flou règne à tous les étages du devoir de vigilance, qu’il s’agisse de son champ d’application ou de sa mise en œuvre »[23]. À ce jour, bien que la juridicité, voire le contentieux de l’obligation de vigilance qui cherche sa validité tant sur le plan interne que sur le plan externe, soit principalement composé de décisions peu soutenues, il constitue tout de même un indicateur de tendance. Ainsi, à l’analyse du corpus textuel et jurisprudentiel, il apparaît, d’une part, que cette obligation taillée sur mesure, posée en droit des sociétés, s’inscrit dans un paysage où l’heure est à l’observation. Ainsi, le devoir de vigilance n’a pas achevé sa naissance (I), ce qui indique que sa vie reste précoce (II).

I- Le devoir de vigilance, la naissance inachevée d’une réalité juridique

L’écosystème de l’entreprise sociétaire exprimait la nécessité de renouvellement juridique. Une orientation que se justifie par la découverte d’un principe (A) qui a conduit à la consécration l’obligation de vigilance (B).

A- La découverte d’un nouveau principe

L’obligation de vigilance n’est pas fortuite. Elle a été repérée à la suite de la précarité des moyens de protection contre les atteintes (A) et surtout la nécessaire implantation de la RSE (B).

1- La précarité des moyens de protection contre les atteintes

La protection contre les atteintes liées à l’activité sociétaire s’est révélée précaire. L’AUDSC-GIE définit un régime juridique applicable aux entreprises sociétaires. Celle-ci dispose d’une large liberté qui ne permet pas de prendre en compte toute la portée liée aux atteintes. C’est parce que l’exercice de l’activité commerciale est protégé au titre de la liberté d’entreprendre depuis 1791 par le Décret d’Allarde. Ce grand principe fut réaffirmé tour à tour par la loi Royer du 27 décembre 1973[24] aussi par la constitution malienne du 22 juillet 2023. L’article 1 de la loi Royer déclare que, « la liberté et la volonté d’entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales ». L’article 21 de la constitution malienne du 22 juillet 2023 dispose que « La liberté d’entreprise est garantie dans le cadre des lois et règlements en vigueur ».  L’exercice de l’activité commerciale révèle donc de la liberté du commerce et de l’industrie. La jurisprudence garantit l’exercice du commerce en faisant référence au principe de 1791[25].

Dans cette approche, une société commerciale dispose d’une certaine marge qui lui donne la possibilité de ne pas mettre en place des moyens de nature à prévenir les risques sociétaux. Il est clair que la liberté d’entreprise offre un avantage qui ne permet pas de prendre correctement en charge l’élaboration d’un plan de nature à protéger les parties prenantes contre les risques liés aux activités sociétaires. Ce qui n’est pas étonnant au regard de l’approche mercantiliste soutenue par la doctrine[26]. Selon une doctrine, la société commerciale recherche le bénéfice et le distribue entre sociétaires[27]. Il n’est pas surprenant de constater la volonté mercantiliste des multinationales, écartant au passage toute volonté de protéger les droits humains. Dans un rapport d’Amnesty International, la question se pose sur la compatibilité entre exploitation pétrolière et droits humains[28]. C’est pourquoi la multinationale Shell a été traduite devant la justice pour atteinte aux droits humains. A la suite d’un accord négocié, Shell décide de verser 15 millions d’euros d’indemnisation à des fermiers nigérians pour des fuites de pétrole ayant gravement pollué trois villages dans le delta du Niger[29].

Auparavant, un tribunal néerlandais avait jugé en 2021 que la filiale de Shell au Nigeria était responsable des dommages résultant des déversements et avait condamné Shell à verser des indemnisations dans ce procès de longue date intenté par quatre fermiers nigérians. Sur la même affaire, le tribunal de grande instance de La Haye a rejeté toutes les plaintes, à l’exception d’une seule, qui avaient été portées contre Royal Dutch Shell, une compagnie pétrolière et gazière anglo-néerlandaise, par un groupe d’agriculteurs réclamant une indemnisation pour les dommages causés à l’environnement. Cette décision de justice étonnante et spectaculaire a retenti depuis les Pays-Bas jusqu’au cœur du Delta du Niger au Nigéria. La plainte avait été déposée en 2008 par quatre pêcheurs et agriculteurs qui accusaient Shell de détruire leurs moyens de subsistance en polluant l’environnement. Ces plaintes concernaient des déversements de pétrole ayant eu lieu entre 2004 et 2007 au puits de pétrole d’Ibibio-I dans le village d’Ikot Ada Udo, dans l’Etat d’Akwa-Ibom[30].  Aussi, dans l’affaire du Probo Koala, un arrêt a été rendu le 5 septembre 2023, par lequel la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a déclaré l’Etat ivoirien responsable de violations des droits humains dans l’affaire de déversement de déchets toxiques commis par Trafigura.

Le choix de prévenir les atteintes n’est pas une option de l’AUSC-GIE. Le législateur OHADA se contente de définir un régime de responsabilité[31]qui n’a pas vocation à anticiper les risques liés aux activités sociétaires. Contrairement au droit français[32], le droit OHADA ne s’inscrit pas dans une vision préventionniste des risques. Malgré la multiplication des dégâts révélés, les entreprises ne sont obligées de définir un plan de vigilance de nature à prévenir les risques[33]. Face à une de telle préoccupation contre les droits humains, le déploiement de la RSE devient encore plus visible.

2- La nécessité d’implanter une démarche RSE

Les atteintes aux droits humains constituent une préoccupation pour les défenseurs de la RSE. L’effondrement de Rana Plaza, un bâtiment au Bangladesh qui abritait des usines textiles de sous-traitants et de fournisseurs de grandes marques européennes, a révélé la vulnérabilité des conditions de travail souvent dangereuses et déplorables[34]. Ce qui consolide la marche vers la RSE. Ce concept a émergé à la suite des débats autour du contenu de l’intérêt social. Il est clair que celui-ci reste une notion clé en droit des sociétés. C’est pourquoi on remarque son hostilité à toute tentative de systématisation. Nous pouvons retenir deux choses. En premier lieu, l’histoire du droit des sociétés nous révèle que les associés sont les propriétaires de l’intérêt social. Une partie de la doctrine considère que la société est constituée dans l’intérêt des associés : « elle n’est pas constituée en vue de satisfaire un autre que celui des associés »[35]. Pour les tenants de cette approche, la société n’a donc pas d’intérêt propre. Plus tard, il est devenu aussi celui des dirigeants, car il permet de régler les rapports entre les dirigeants (sanctions, interdictions, etc.) En second lieu, d’autres protagonistes réclament son élargissement. Il ne s’agit pas de la notion en tant que telle, mais plutôt de son contenu qui milite en faveur d’un droit sociétal.

Cette approche est contestée par la doctrine de Rennes. Le professeur Jean PAILLUSSEAU, l’un des acteurs principaux de cette doctrine, a, lui, présenté l’entreprise comme un nœud d’intérêt[36]. La société qui organise l’entreprise est un des véhicules par lesquels elle accède à la vie juridique et n’échappe pas à cette diversité des intérêts[37]. Selon le professeur MBISSANE, il est donc normal qu’elle puisse avoir un intérêt différent de celui de ses acteurs[38]. La doctrine de Rennes, à travers l’introduction de la dimension sociétale, politique et philosophique des activités économiques affirmées, réconforte la présentation d’un courant de pensée au service de l’homme. La doctrine de l’entreprise démontre sa permanence dans le temps en s’alimentant de la sève juridique que les incessantes réformes législatives viennent fluidifier. Mais, plus encore que sa permanence, ce sont les sources de la doctrine de l’entreprise qui semblent plus réconfortées en exigeant des mesures de vigilance. La théorie de l’intérêt social a provoqué une substitution de la gouvernance actionnariale à une autre gouvernance, qui gérerait la grande entreprise comme une institution au service de la société[39].

Les propos contradictoires autour de l’intérêt social cèdent progressivement au profit de l’approche partenariale de l’entreprise[40]. Cette approche estime que l’entreprise actionnariale, dirigée par les détenteurs de capitaux, sera remplacée par l’entreprise partenariale, avec une gouvernance collégiale incluant des représentants de toutes les parties prenantes. Une orientation renouvelée qui insiste sur la responsabilité de l’entreprise sociétaire à créer un cadre permettant de protéger les intérêts en présence. En voilà toute l’importance de la doctrine de l’entreprise qui exige de revoir la définition classique orientée vers une solution de recherche stricte de profit. En réalité, l’article 4 de l’AUDSC-GIE tout comme celui de l’article 1832 du Code civil français, la société commerciale a pour seule finalité, dans sa définition juridique actuelle, le profit des actionnaires. Dès lors, les entreprises ne se contentent pas de produire des biens et services de manière rentables : elles recherchent le profit maximum, quitte à sous-payer ses salariés, fournisseurs et sous-traitants, à polluer massivement, à mettre en danger la santé des travailleurs, des consommateurs ou des riverains, à compromettre la qualité des produits (parfois jusqu’à l’obsolescence programmée), à frauder le fisc, à délocaliser dans des pays pratiquant du dumping social, fiscal, écologique ou sanitaire.

Pourtant, l’entreprise n’est pas une chose pouvant appartenir aux actionnaires, c’est un collectif de travail. On présente souvent les actionnaires comme les « propriétaires » de l’entreprise[41], et ils se comportent en effet comme tels, mais juridiquement, la société commerciale est une personnemorale et non un bien : dotée d’une liberté contractuelle, d’un patrimoine propre, d’une responsabilité civile, etc. Elle est donc un sujet de droit et non un objet de droit. Nul ne devrait donc pouvoir en faire sa chose. Une telle vision objecte des critères de nomination de la direction de l’entreprise à travers une gouvernance collégiale incluant toutes les parties prenantes dans la prise de décision : salariés, clients (association de consommateur, ou syndicat professionnel en cas de vente à des entreprises) fournisseurs et sous-traitants, pouvoirs publics (locaux ou nationaux selon l’échelle géographique de l’entreprise), associations de défense de l’environnement, associations de riverains, Chambre de Commerce et de l’Industrie, etc. Les modalités de désignation de leurs représentants au sein du Conseil d’Administration de l’entreprise seront fixées par décrets, selon la taille et le secteur d’activité de chaque firme. Le soutien vis-à-vis d’une telle réforme a consolidé la RSE dans la perspective de mettre fin aux scandales sociaux, écologiques, sanitaires et fiscaux[42] : plus de salaires de misère et de dividendes mirobolants, plus de cadences infernales et de burn out en série, plus de produits mauvais pour la santé et de pollution illégale, plus d’évasion fiscale ni de délocalisations, etc. Un élan qui a facilité la consécration de la vigilance.

B- La consécration du devoir de vigilance

La reconnaissance d’une réalité juridique se traduit par sa consécration. Si le législateur français a eu l’opportunité d’adopter la loi sur le devoir de vigilance (A), le législateur malien l’intègre dans la loi minière (B).

1- La loi française sur le devoir de vigilance

La recherche de l’équitéisme[43] a donné naissance à un nouveau régime économique pour équilibrer la justice sociale. Cette approche française se présente à un moment où le système capitalistique est vigoureusement contesté. Cela a conduit dans le contexte français à élaborer une loi de nature protectrice contre les conséquences néfastes de l’activité de l’entreprise sociétaire. Le législateur français consacre une loi sur le devoir de vigilance qui concerne les sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre[44]. Une loi qui se préoccupe des atteintes que subissent les communautés, des activités menées par les entreprises. L’obligation de vigilance, ou devoir de vigilance des entreprises, vise à prévenir les atteintes graves, par les grandes entreprises, aux droits humains et aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité des personnes, et à l’environnement[45]. La loi sur le devoir de vigilance permet d’agir contre les entreprises qui manqueraient à leurs obligations de vigilance, à la fois en présence d’un dommage (responsabilité civile) mais aussi en l’absence de tout dommage, pour les forcer à établir et à publier un plan de vigilance.

Conformément à l’article L. 225-102-4.-I.-[46], la mise en place d’un plan de vigilance est une obligation pour les sociétés qui remplissent le seuil défini. La principale obligation mise à la charge des entreprises concernées consiste à établir et à mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance. Pour que cette obligation ne reste pas lettre morte, la loi prévoit notamment que lorsqu’une entreprise n’a pas respecté son obligation liée à l’établissement et à la publication d’un plan de vigilance, sa responsabilité peut être engagée et elle peut être condamnée à réparer le préjudice que l’exécution de ses obligations liées au plan de vigilance aurait permis d’éviter.

L’un des points remarquables à noter concernant la loi sur le devoir de vigilance est son périmètre d’application particulièrement large. En effet, le plan de vigilance couvre à la fois :

  • les activités de la société mère ou de l’entreprise donneuse d’ordre en tant que telle ;
  • les activités de ses filiales ou des sociétés qu’elle contrôle directement ou indirectement ;
  • les activités de ses sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels elle entretient une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

Dès lors qu’une société mère ou une entreprise donneuse d’ordre est concernée par la loi sur le devoir de vigilance, cette dernière s’applique à l’ensemble de la chaine de production et pas simplement au premier échelon (la société mère ou l’entreprise donneuse d’ordre). Les sociétés auxquelles la loi sur le devoir de vigilance s’applique doivent donc réaliser un véritable audit interne, mais aussi de l’ensemble de leurs partenaires commerciaux, en France comme à l’étranger, pour élaborer un plan de vigilance prenant en compte tous les acteurs. Autrement dit, une société mère ou une entreprise donneuse d’ordre devient garante et donc responsable en cas de manquement de ses filiales, fournisseurs ou sous-traitants. Enfin, l’objet même de la loi est très large, puisqu’elle vise à prévenir les atteintes graves (aux droits humains et aux libertés fondamentales ; à la santé et à la sécurité des personnes ; à l’environnement).

Le constat autour de cette loi indique qu’elle a largement contribué aux mutations que connaît le droit des sociétés. Contrairement à l’AUDSC-GIE, la configuration de l’objet social a évolué à travers aussi la loi PACTE qui suscite une certaine mutation dans les sociétés commerciales en France[47].Cette Loi a été adoptée le 11 avril 2019 par le parlement et promulguée le 22 mai 2019. Elle donne la possibilité de réaménager l’objet social avec la possibilité d’introduire des actions de nature sociétale[48]. Dans la même logique, le code civil français introduit un nouvel alinéa à l’article 1833 qui dispose que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Il convient de constater que si l’intérêt social est énoncé dans la disposition légale, il n’en demeure pas moins dénué de définition juridique précise. Ainsi, les juges gardent toute latitude concernant l’interprétation et l’application de la notion. La prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux à propos de la gestion de la société demandera également à être précisée par les tribunaux. C’est dans la même perspective que le législateur malien pense à définir une ligne de conduite.

2- La loi minière malienne favorable au devoir de vigilance

En attendant la réaction du législateur OHADA, le droit malien tente de s’exprimer sur des questions nouvelles en droit des sociétés. Il n’hésite pas de faire du devoir de vigilance une priorité, surtout dans le secteur minier. La réforme de 2019 sur le code minier avait déjà initié des actions en faveur de l’obligation de vigilance pour les sociétés minières. Après une courte vie de l’ordonnance n°2019-022/P-RM du 27 septembre 2019 portant code minier en République du Mali, une réforme a été réalisée en 2023 donnant naissance à la loi n°2023-040 du 29 août 2023 portant code minier en République du Mali et notamment la loi sur le contenu local[49]. Le nouveau cadre juridique des activités minières se caractérise par un renforcement général du contrôle de l’Etat sur le secteur minier et par la priorité accordée aux entreprises et travailleurs maliens dans les projets miniers conformément aux textes internationaux[50].

Le nouveau Code minier, largement favorable à l’obligation de vigilance sous une perspective de stratégie financière, institue de nouveaux organismes administratifs de gestion et de financement du secteur minier. Il opère une refonte des différents fonds préexistants et en complète notamment la liste par la création d’un fonds nouveau dénommé « Fonds de réalisation des infrastructures énergétiques, hydrauliques et de transport ». Ayant pour objectif de financer les infrastructures précitées, ce Fonds est alimenté par les titulaires de titres miniers d’exploitation à hauteur de 1% de leur chiffre d’affaires trimestriel et de 10% de la redevance Taxe Ad-valorem. Conformément aux articles 94 et 98 du nouveau Code minier, le taux de 1% du chiffre d’affaires est ensuite élevé à 2,5% après les 5 premières années de production. Autre changement notable sur les fonds préexistants, le « Fonds minier de développement local » n’est plus alimenté par une contribution conjointe de l’Etat et des titulaires de titres miniers d’exploitation, mais uniquement par ces derniers à hauteur de 0,75% de leur chiffre d’affaires trimestriel.

La réforme de 2023 a créé la notion de contenu local. Son article 1 le définit comme un « ensemble des dispositions et mesures qui exigent des entreprises minières qu’elles donnent la priorité aux nationaux, aux communautés locales, aux entreprises nationales et aux matériaux produits localement dans l’exécution de leurs activités ». Toute chose qui confirme la prise en compte de l’intérêt des communautés dans l’exploitation minière. Contrairement à la loi française sur le devoir de vigilance, le législateur malien innove en intégrant, au-delà de la protection contre les atteintes, un volet de développement. Ce qui répondrait à la préoccupation de la justice distributive[51] soutenue par la doctrine de l’équité. C’est pourquoi la nouvelle loi sur le contenu local crée l’obligation pour tout opérateur minier d’établir un plan du contenu local qui décrit les activités de l’entreprise et les actions menées au titre du contenu local. Ce qui exige aux opérateurs de soumettre un plan d’approvisionnement des biens et services comprenant leurs objectifs et perspectives d’approvisionnement local pour approbation, ainsi que des rapports semestriels sur la mise en œuvre de ce plan, auprès du « Secrétariat Permanent du Contenu Local »[52].

Au titre de la vigilance environnementale, le paragraphe d) de l’article 47 du code minier exige aux titulaires de permis de recherche de « de déposer, avant le commencement des travaux de recherche, au soutien de la réalisation des mesures relatives à la réhabilitation du site prévues dans la Notice d’Impacts environnemental et social, une caution ou garantie auprès d’une banque commerciale de droit malien, appelable à première demande, destinée à garantir la remise en état et la sécurisation du site après la fin des travaux de recherche ». A travers cette disposition, le législateur oblige les sociétés minières à créer des conditions pour garantir la fermeture d’une exploitation minière. D’ailleurs, l’exploitant doit organiser une communication dans le cadre de la fermeture ou de la réhabilitation[53]. Si l’on découvre la pertinence de la réalité juridique constructive de l’obligation de vigilance, il est tout aussi nécessaire de jeter un regard sur sa mise en œuvre qui n’est pas sans conséquence.

II- Le devoir de vigilance, la précocité d’une nouvelle réalité juridique

L’obligation d’intégrer un plan de vigilance est une nouvelle boussole juridique pour l’entreprise. Il n’est pas étonnant de constater un intérêt pour la judiciarisation de l’obligation de vigilance (A). Mais à retenir qu’il y a lieu d’avoir une approche critique sur l’obligation de vigilance (B).

A- La judiciarisation de l’obligation de vigilance

La consécration du devoir de vigilance ouvre la voie du prétoire. Toute personne ayant la qualité peut déclencher une poursuite pour non-respect de l’obligation de vigilance (A). Cette perspective n’a pas beaucoup contribué à sanctionner les entreprises pour violation du plan de vigilance (B).

1- La possible poursuite pour violation du devoir de vigilance

Les entreprises multinationales assujetties à la loi française sur le devoir de vigilance qui évoluent dans l’espace OHADA peuvent faire l’objet de poursuite en cas de violation. La consécration d’une obligation de vigilance pour une entreprise sociétaire ouvre la voie à une juridisation au prétoire. Si l’on considère qu’une société commerciale, en principe assujettie à cette règle de vigilance, doit mettre en place un plan de vigilance dans le but de prévenir d’éventuelles atteintes, toute personne peut s’investir d’une action en justice. Cette possibilité peut faire l’objet de plusieurs interprétations. Ce qui peut être considéré comme une source d’insécurité juridique dans l’exercice des moyens de contrôle en vue de respecter le devoir de vigilance. Une telle attitude peut contribuer à l’affaiblissement de l’exécution correcte par les entreprises sociétaires de leur plan de vigilance.

A priori, les actions ont été introduites contre des entreprises pour violation de l’obligation de vigilance. La loi française sur le devoir de vigilance est une situation juridique qui a une compétence étendue puisqu’elle s’applique aux entreprises françaises évoluant à l’étranger. Ce qui donne la possibilité d’introduire des poursuites contre les multinationales françaises. Pour citer entre autres l’affaire Totale et l’État Ougandais. Cette multinationale française a été poursuivie pour avoir violé son devoir de vigilance[54]. Cette loi a marqué un tournant majeur en redéfinissant le périmètre des responsabilités des sociétés. Désormais, les sociétés de plus de 5 000 salariés en France et plus de 10 000 salariés à l’étranger doivent mettre en place un plan de vigilance pour identifier et prévenir les risques et atteintes graves en matière de droits  humains,  santé  et  sécurité  des  personnes,  et environnement, et ce, pour leurs activités comme pour celles des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie.

Dans cette jurisprudence initiale, il faut retenir que le 29 octobre 2019, le groupe Total fait l’objet de deux assignations en référé déposées par deux groupes d’associations non gouvernementales[55]. Il s’agit de la première application de la loi sur le devoir de vigilance. L’assignation sera suivie de 4 autres (dont une deuxième contre Total) et de deux mises en demeure. Les décisions rendues par le tribunal judiciaire de Nanterre le 30 janvier 2020 ont fait l’objet d’un appel. La décision de la cour d’appel de Versailles ayant confirmé celle de première instance, les associations se sont pourvues en cassation en avril 2021[56]. Ce processus de judiciarisation marque un tournant en faveur de l’application du plan de vigilance. Ce qui réconforte la position d’une doctrine qui caractérise cette loi d’improbable[57] dans la mesure où l’on considère que le seuil défini pour les multinationales évoluant à l’étranger donne la latitude de faire recours à des techniques contractuelles[58]. Cela pour être exclu de cette obligation par le biais de la largesse de la loi qui aurait dû assujettir toutes les multinationales françaises quelle que soit sa taille.

Dans le contexte français, la doctrine tente de maitriser le débat sur le contentieux du devoir de vigilance. En effet, Jean-François HAMELIN fait une analyse pertinente à propos du paiement d’une amende civile, en admettant que le devoir de vigilance n’encoure plus, en cas de violation, que trois sanctions à l’effectivité bien plus incertaine[59]. D’abord, « lorsqu’une société mise en demeure de respecter les obligations (…) impliquées par le devoir de vigilance n’y satisfait pas dans un délai de trois mois (…), la juridiction compétente peut, à la demande de toute personne justifiant d’un intérêt à agir, lui enjoindre, le cas échéant sous-astreinte, de les respecter ». L’existence d’une telle injonction sous-astreinte donne, de prime abord, une impression de fermeté. Cependant, tout dépend en réalité de ce à quoi il s’agit d’enjoindre. Or, sur ce point, il ne faut pas oublier qu’il s’agit juste d’enjoindre une société à établir un plan comportant des « mesures de vigilance raisonnable » et « des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ». Ensuite, l’article L. 225-102-5 du code de commerce français, alinéa 1er, prévoit que le manquement aux obligations définies à l’article L. 225-102-4 engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice que l’exécution de ces obligations aurait permis d’éviter. On retient trois remarques sur ce texte[60]. Premièrement, à quoi bon rappeler que violer la loi constitue une faute délictuelle[61] ? Deuxièmement, quel est le préjudice qu’il s’agit de réparer ? Pour les personnes physiques, ne se limite-t-il pas à une perte de chance de ne pas subir l’atteinte grave que le plan de vigilance a vocation à prévenir, voire à une perte de chance d’éviter la réalisation du risque que ce même plan doit seulement atténuer[62] ? Sachant que les personnes physiques victimes du manque de vigilance d’une société seront vraisemblablement des étrangers ayant une situation financière précaire, ou leurs héritiers dans le pire des cas, il est peu probable que ceux-ci saisissent les juridictions françaises. Peut-être qu’en matière de droits humains, de santé et d’environnement, ce sont les associations qui ont vocation à agir[63]. Mais quel préjudice invoqueront ces personnes morales ? Un préjudice moral ? Troisièmement, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel français lui-même, « le législateur a seulement entendu rappeler que la responsabilité de la société à raison des manquements aux obligations fixées par le plan de vigilance est engagée dans les conditions du droit commun français, c’est-à-dire si un lien de causalité direct est établi entre ces manquements et le dommage »[64]. En l’absence a priori d’une présomption de causalité, la victime, quelle qu’elle soit, éprouvera sans doute bien des difficultés à rapporter la preuve de ce lien causal.

Enfin, l’article L. 225-102-5, alinéa 3, dispose que « la juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci ». Une telle sanction, parce qu’elle affecte la réputation de la société mère, peut sembler dissuasive[65]. Toutefois, encore faut-il qu’il y ait une décision retenant la responsabilité civile de cette société à publier… En outre, si le risque « réputationnel » est pris très au sérieux par les grandes entreprises, a-t-il réellement besoin de la hard law pour prendre corps ? Il est permis d’en douter. Dès lors que des prescriptions floues font l’objet de sanctions molles, il y a tout lieu de penser que ce qui était soft law aurait dû probablement le rester. Mais aussi décevant soit le droit positif, il est le reflet d’une tendance bien réelle en droit des sociétés. C’est pourquoi le droit prospectif s’avère inquiétant même pour le droit OHADA.

La crainte existe a posteriori lorsqu’on s’accorde à reconnaitre la vulnérabilité des acteurs qui dénoncent. S’agissant des salariés, plusieurs législations ne disposent pas encore de loi consacrant un statut juridique pour les lanceurs d’alerte. C’est le cas au Mali où un avant-projet de loi vient d’être soumis en vue de reconnaitre le statut juridique des lanceurs d’alerte[66]. Le salarié d’une multinationale française évoluant au Mali se trouve dans une situation encore fragile qui freine les objectifs de la loi sur le devoir de vigilance. Cela dénote d’ailleurs la quasi-absence de poursuite contre les multinationales françaises installées au Mali ou dans le reste de l’espace OHADA.

Pour les ONG, il y a un double risque dans la poursuite d’une entreprise pour violation du devoir de vigilance. En premier lieu, la délocalisation[67]du litige devant les juridictions françaises constitue un obstacle majeur et même si la justice locale a été saisie, on dénote une certaine carence vis-à-vis de la règlementation en cause. En second lieu, les ONG cherchant à asseoir leur réputation peuvent se servir d’une telle opportunité de remettre en cause les efforts fournis par une entreprise. La Haute Cour de Londres, par sa vigilance, a évité une ambition de ce genre de contrat de la multinationale Shell. En l’espèce, il s’agissait de démontrer que les administrateurs de Shell avaient pris des décisions attentatoires aux intérêts de l’entreprise et à l’environnement, car pour l’ONG requérante, la stratégie climatique de Shell équivalait bien à une telle faute de gestion. La Haute Cour de Londres n’a pas suivi la demanderesse qui a été déboutée pour absence de commencement de preuves de la faute alléguée, aux termes d’une motivation précise et particulièrement étayée. In fine, la Haute Cour semble vouloir lancer une manière d’avertissement. Face à une action qu’elle constate être inspirée par le souci non pas de défendre l’intérêt social de l’entreprise, mais de promouvoir un agenda politique, le juge indique : « Il me semble que dès lors que l’action en justice de ClientEarth est fondée sur une arrière-pensée qui est celle de la promotion de son agenda politique, on peut affirmer qu’à défaut d’un tel but, la demande n’aurait pas été introduite et qu’elle n’aura pas été introduite de bonne foi »[68].

Cette nouvelle vague de judiciarisation de la RSE est relativement présente au Mali[69] malgré l’adoption d’un code minier favorable à l’interdiction de toute atteinte de nature à violer les droits fondamentaux. Quelques mois après l’adoption du code malien, une mine a fait l’objet d’un effondrement faisant des victimes[70]. En Europe, les poursuites se multiplient notamment contre la pollution plastique.  La multinationale agroalimentaire Danone est assignée en justice pour non-respect de la loi sur le devoir de vigilance. Les ONG à l’origine de cette action inédite reprochent au géant de l’agroalimentaire, parmi les plus gros utilisateurs de plastique au monde, de ne pas avoir de trajectoire de sortie du plastique. Une telle démarche peut être envisagée dans le contexte africain. En effet, certaines législations[71] africaines ont consacré l’interdiction des plastiques. Malgré de telle volonté législative, très peu de poursuite judiciaire sont déclenchées contre les entreprises. Ce qui explique que les contentieux tranchés autour de l’obligation de vigilance sont assez rares.

2- La rareté des décisions pour violation du plan de vigilance

La condamnation[72] de la poste de France sur son devoir de vigilance est un début d’espoir. Le groupe a été condamné par le tribunal de Paris à améliorer son devoir de vigilance dans un dossier concernant des travailleurs sans-papiers chez ses filiales Chronopost et DPD. Une première décision judiciaire qui pourrait faire jurisprudence alors que de nombreuses entreprises, censées identifier et prévenir les risques humains et environnementaux sur l’ensemble de leur chaîne de valeur, sont aujourd’hui en non-conformité. Le tribunal demande ainsi au groupe La Poste d’identifier plus précisément les risques qui sont aujourd’hui « à un très haut niveau de généralité » ne permettant pas de faire suffisamment émerger des domaines de vigilances prioritaires. En conséquence, le tribunal enjoint à la société La Poste d’établir des procédures d’évaluation des sous-traitants en fonction des risques précis identifiés par la cartographie des risques. Finalement, les juges tranchent sur le fond d’un litige fondé sur la loi sur le devoir de vigilance, après une série de décisions de procédure décevantes. C’est la première décision au fond rendue par une juridiction au visa de la loi de 2017 qui oblige les grandes entreprises à publier un plan de vigilance sur les risques pour l’homme et l’environnement générés par leurs activités.

Pour une multinationale, un exemple récent de jugement[73] sur le fondement du devoir de vigilance illustre les résultats de l’application de la loi française de 2017 et les conséquences du non-respect des obligations qu’elle prévoit. Le 29 septembre 2023, le Groupe Bolloré est condamné au versement de 140 000 euros de dommages et intérêts à une centaine de plaignants camerounais, riverains des terrains appartenant à la multinationale, s’étalant sur plus de 58 000 hectares et destinés à la production d’huile de palme. Dans cette affaire, les demandeurs dénonçaient les activités agricoles de la multinationale pratiquées au Cameroun au mépris de la vigilance et du respect des droits humains. Ce revers judiciaire est quelque peu annonciateur des suites de l’application rigoureuse du devoir de vigilance et constitue probablement un nouveau bond en termes de justice humaine et climatique.

Cependant, le principe de vigilance prévu par le code minier du Mali n’a pas fait l’objet de contentieux qui permettrait au juge de prononcer une décision. Le code malien traverse une phase d’observation en termes de conformité de la part des entreprises concernées. Puisqu’il faut du temps pour voir la première décision relative aux exigences de vigilance prévues par le code minier de 2023. Sachant que le non-respect parfois dénoncé n’a pas suffi aux juridictions maliennes[74] de prononcer des sanctions contre les sociétés minières conformément aux dispositions interdisant les atteintes aux droits fondamentaux. D’ailleurs, l’article 8 de la Convention n°176 exige à tout exploitant minier de mettre les travailleurs à l’abri des dangers d’ordre physique, chimique ou biologique. Cela n’empêche pas les sociétés minières d’avoir des attitudes qui portent atteinte aux droits fondamentaux sans être inquiétées d’éventuelle sanction. La cour suprême du Mali tarde à réagir vis-à-vis de telle violation, laissant croire que le devoir de vigilance est relativement voué à l’échec. Même si en droit comparé africain, on peut s’apercevoir qu’il existe des jurisprudences[75] plus ou moins rassurantes. Dans l’affaire du Probo Koala, la Cour ivoirienne a estimé que les victimes justifient d’un intérêt direct et personnel pour agir et jugé leurs actions recevables dès lors qu’elles ont subi des dommages présentant les mêmes caractéristiques que ceux occasionnés par l’exposition aux déchets toxiques[76]. Le juge communautaire de la CEDEAO a aussi saisi l’occasion d’accorder la protection d’un droit fondamental[77].

Puisque le devoir de vigilance est une notion reconnue par le droit français, la jurisprudence a tranché quelques contentieux. En effet, le 28 février 2023, à la suite de la contestation de ces projets, le Tribunal judiciaire de Paris s’est prononcé pour la première fois, en référé, sur l’application du devoir de vigilance. La décision du Tribunal intervient après plus de trois ans de procédure, un délai particulièrement long au regard de l’urgence de cette affaire, en particulier lorsque l’on sait que le référé est un dispositif censé permettre l’examen rapide d’un litige[78]. La décision, rendue tardivement, a été considérablement ralentie par la contestation par TotalEnergies de la compétence de la juridiction initialement saisie de l’affaire. Les tergiversations procédurales ont finalement été réglées par la création par le législateur d’une nouvelle compétence exclusive au profit du Tribunal judiciaire de Paris pour connaître des actions relatives au devoir de vigilance. La juridiction déclare en définitive les demandes des associations irrecevables, renvoyant encore à plus tard les débats sur les projets pétroliers de TotalEnergies. En conséquence, si cette décision ne résout rien sur le fond de l’affaire et n’aura pas pour effet de bloquer le mégaprojet du géant pétrolier, ou du moins de confronter ce dernier à ses responsabilités, elle aura tout de même abouti à l’adoption d’un nouvel article permettant d’éviter à l’avenir que toute exception d’incompétence ne soit invoquée pour des cas similaires. Sur le terrain procédural, les recours sur le fondement du devoir de vigilance seront désormais examinés rapidement et pourront remplir leur finalité préventive.

Il faut admettre que la rareté des sanctions est fondamentalement liée à la partialité qu’on reproche à la loi de 2017. L’absence de jurisprudence relative au fond du droit, s’agissant du nouvel article L.225-102-4 du code de commerce français, n’aide pas à préciser les obligations découlant de la loi sur le devoir de vigilance ou sur le contenu des plans devant être établis par les sociétés concernées. Au contraire, la décision du conseil Constitutionnel français relative à la loi ne fait que renforcer le sentiment d’imprécision émanant de celle-ci, le conseil indiquant que tous les risques, et non simplement les risques relatifs aux atteintes graves, doivent être identifiés dans le plan de vigilance : à trop élargir le champ d’application de la loi, on finit par ne plus savoir comment l’appliquer.

Aussi, l’on considère que le jugement de la loi sur le devoir de vigilance fait l’objet de critique. Au-delà des considérations procédurales précédemment évoquées, le Tribunal judiciaire de Paris s’est adonné, dans sa décision du 28 février 2023[79], à une analyse critique de la loi de 2017 qu’il considère comme lacunaire. De nombreux éléments manquent effectivement à cette loi, jugée insuffisamment précise pour permettre une application efficace du devoir de vigilance[80]. On constate que les notions clés déterminant le champ d’application de ce devoir manquent de précision et que les normes de référence permettant d’appréhender l’étendue des obligations de vigilance font défaut. Le contenu des mesures de vigilance demeure « général et imprécis » dès lors qu’aucun décret d’application, qui pourrait permettre d’apporter des précisions sur la teneur de ces mesures, n’est intervenu, même six ans après l’adoption de la loi[81]. Enfin, aucune autorité de contrôle veillant à la bonne application des mesures de vigilance n’a été constituée. Cette inaction laisse légitimement planer certains doutes quant à la mise en œuvre effective du devoir de vigilance.

Ces critiques rejoignent celles de nombreux experts qui s’interrogent sur l’objectif de cette loi ainsi que sur la portée du devoir de vigilance. La superposition de cette loi avec d’autres obligations voisines, telles que les obligations de déclarations extra-financières introduites par la loi Grenelle, renforce le scepticisme quant à l’utilité de cette loi et la faisabilité de sa mise en œuvre[82]. En France, la multiplication de ces obligations ainsi que le manque de précision des textes complexifient et fragmentent le cadre règlementaire[83]. Une harmonisation européenne[84] s’est rapidement présentée comme l’une des solutions à privilégier afin de simplifier l’application du devoir de vigilance par les multinationales, mais aussi de conserver une concurrence loyale entre les grandes entreprises. Ce regard critique s’amplifie davantage lorsqu’il s’agit d’élargir la réflexion.

B- La critique de l’obligation de vigilance

Le devoir de vigilance n’est pas à l’abri de débats parfois critiques.  Ainsi, les parties prenantes lui réservent un accueil douté (A) surtout que le droit OHADA lui réserve un accueil attentif (B).

1- L’accueil douté pour les parties prenantes

Le devoir de vigilance ne semble pas rassurer les parties prenantes. En effet, l’étendue de mise en œuvre de la loi sur la vigilance ne s’inscrit pas dans une perspective inclusive. La loi en question concerne les sociétés d’une certaine dimension. Bien que les multinationales soient visées par cette obligation, le seuil défini exclut beaucoup d’entre elles. Les risques d’atteintes persistent dans l’exécution des activités menées par les entreprises. Ce qui justifie toutes les critiques sur la mise en œuvre de la loi sur le devoir de vigilance. Comme souvent avec les lois aux objectifs vastes et ambitieux, l’effectivité pose des difficultés s’agissant de la mise en pratique. La loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre n’y fait pas exception. Il suffit de lire la définition du plan de vigilance et des cinq mesures qu’il doit contenir pour mesurer à quel point celles-ci sont vagues et imprécises. Irrémédiablement, elles offrent une marge d’appréciations importantes aux sociétés concernées par l’obligation d’établir un plan de vigilance, ce qui aboutit à des plans de vigilance hétérogènes et aux contenus bien différents d’une société à une autre.

Dans un rapport de 2019 rédigé par plusieurs associations[85], celles-ci pointaient du doigt « des plans largement insuffisants » après en avoir étudié plus de 80. Selon ces mêmes associations, « les objectifs de la loi ne sont que très partiellement pris en compte (…) chaque entreprise a appliqué la loi avec des niveaux d’exigence disparates, la plupart des plans étant encore très centrés sur les risques pour les entreprises, et non pas pour les tiers ou l’environnement ». Les parties prenantes victimes des atteintes liées aux activités des entreprises estiment que l’encadrement n’est pas contraignant. C’est du moins ce que craint le droit de la compliance[86].

Cette situation révèle que les standards volontaires, uniques cadres existant actuellement à l’échelle internationale, ne sont pas une réponse suffisante pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement commises par les entreprises. Un encadrement contraignant par le droit est donc nécessaire. Or, les entreprises transnationales conduisent des activités dans plusieurs pays, et dépendent donc de plusieurs juridictions. Organisées en groupes de sociétés, au moyen de longues et complexes chaînes de sous-traitances situées dans divers pays[87], les activités sont réparties entre filiales, sous-traitants, fournisseurs et autres partenaires commerciaux. Comme il s’agit d’entités juridiques supposément indépendantes soumises à des juridictions disparates, les maisons-mères ou sociétés donneuses d’ordre ne sont pas légalement tenues pour responsables des atteintes graves aux droits humains et à l’environnement commises par leurs filiales ou par d’autres entreprises dans leur sphère d’influence (sous-traitants, fournisseurs, etc.). En effet, l’autonomie de la personne morale permet de protéger la maison mère de toute action menée à son encontre du fait des activités de sa filiale. Ce principe constitue en réalité un obstacle majeur que mènent les victimes pour accéder à la justice et obtenir réparation. La loi française relative au devoir de vigilance a voulu répondre à cet obstacle. En faisant peser une obligation de prévention et, surtout, en permettant d’engager la responsabilité civile de la multinationale pour l’impact de ses activités y compris celles de ses filiales, fournisseurs et sous-traitants, où qu’ils soient dans le monde, elle est la première législation au monde à proposer de dépasser l’autonomie de la personne morale. On notera cependant que pour certains commentateurs, et à la lecture des travaux parlementaires, certaines des mesures (cartographie des risques, procédure d’évaluation, mécanisme d’alerte) devant figurer dans le plan de vigilance pourraient s’inspirer de celles prévues par l’article 17 de la loi Sapin II[88] s’agissant de la lutte contre la corruption et contre les manquements à la probité. Les actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves, pourraient-elles être établies par référence, notamment, aux principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme. À en croire les professionnels du secteur, et notamment les conseils en compliance, le bilan n’est toutefois pas si négatif. En effet, les grandes entreprises visées par le devoir de vigilance n’auraient en réalité pas attendu la loi de 2017 pour s’attaquer au sujet. Au contraire, elles en auraient conscience depuis longue date et seraient même motrices en la matière. La crise du covid-19 a renforcé cette prise de conscience des entreprises, les incitant à encore plus de prévention et de mise en conformité s’agissant des risques sanitaires, de la santé au travail ou encore des risques psycho-sociaux pesant sur les salariés.

Le droit malien n’est pas en marge de ces critiques. Le code minier annonce des objectifs rassurants, en exigeant aux entreprises de souscrire à une garantie pour réhabilitation des sites. C’est aussi le cas du contenu local qui milite en faveur des droits fondamentaux. Il faut un temps pour faire une évaluation. Puisque le terme des contrats miniers est long, il n’est pas aisé pour les parties prenantes de se prononcer sur l’efficacité des mesures en faveur de l’obligation de vigilance. Ce qui explique l’attente espérée du droit OHADA à prendre le devant à propos de l’obligation de vigilance.

2- L’accueil attentif en droit OHADA

Le devoir de vigilance n’est pas inscrit au chapitre des priorités par le droit OHADA. Un auteur fait un appel pour son intégration en droit OHADA[89]. Cette mise à l’écart offre une gamme de réflexion qui conduit à une évaluation du droit OHADA en matière de préservation des droits sociétaux. Depuis son adoption, le législateur se préoccupe en grande partie de la création d’un cadre favorable à l’épanouissement des investissements. Une telle vision fait ressortir la volonté pour le droit OHADA à soutenir la maximisation des ressources pour les entreprises sociétaires. En réalité, les droits de l’homme et le droit OHADA constituent deux ensembles normatifs distincts et autonomes qui résultent de deux processus d’émergence parallèle. Il est donc compréhensible que ces deux catégories de normes entretiennent au départ une relation de cohabitation articulée autour d’une logique de juxtaposition et d’indifférence. Par contre, leur enchevêtrement est fort envisageable grâce notamment au rôle du juge et à l’action du législateur OHADA. C’est ce que révèlent les propos de Jean Bosco ESSOH à l’occasion d’un colloque[90].

Or, il est constant de constater les dérives liées aux activités menées par les sociétés commerciales[91]. C’est parce que l’AUDSC-GIE ne fait pas de l’obligation de vigilance une règle juridique, surtout que l’on envisage des sanctions en cas de mauvais comportement environnemental de l’entreprise contractante[92]. Il est aussi primordial qu’un principe de vigilance soit déployé a minima afin d’assurer une prévention et gestion appropriée des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance[93]. Elle pourrait se traduire notamment par l’établissement d’un devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre vis-à-vis de l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement. L’OHADA, en tant que cadre règlementaire de référence, se doit donc de construire des obligations RSE adaptées aux territoires concernés. Mais pour prospérer, ces mutations normatives devront s’accompagner d’un effort de sensibilisation de l’ensemble des parties prenantes. Décideurs publics, entreprises et communautés locales, tout le monde devra y trouver son intérêt afin de réparer l’empreinte majeure de l’entreprise sociétaire sur l’écosystème planétaire[94]. Le professeur DARANKOUM y voit cela comme une nouvelle jouge du droit OHADA[95].

A l’heure actuelle, la protection des parties prenantes contre les atteintes aux droits fondamentaux dans le cadre des activités sociétaires s’appuie en partie aux réponses apportées par la législation interne des Etats membres de l’OHADA. Pourtant, la vigilance est une mesure de précaution nécessaire pour une activité commerciale. Une inquiétude juridique se pointe compte tenu de la largesse souvent constatée dans la législation du travail. En effet, le code du travail du Mali exige l’hygiène et la sécurité dans le travail. Au sens de l’article 171 de la loi N°92-020 portant code du travail en République du Mali, l’accent est mis sur le respect de l’hygiène et de la sécurité en vue d’améliorer les conditions de travail et surtout la protection de la santé des travailleurs. Le code du travail semble se limiter aux seuls intérêts des travailleurs. Or, l’activité sociétaire peut avoir des effets néfastes au-delà des seuls employés. L’environnement de l’activité de l’entreprise est plus exposé aux atteintes. C’est le cas de l’entreprise ivoirienne Cim Ivoire qui contribue aux émissions de poussière à travers son activité de production du ciment. A travers les réactions des populations, la gestion de la poussière au Port d’Abidjan a poussé l’entreprise à s’engager à limiter ses émissions.

Tout de même, quelques avancées législatives existent. Puisque l’obligation de vigilance répond à l’une des préoccupations majeures de la RSE, certaines législations n’ont pas hésité à prendre des initiatives. Si l’on reconnait aujourd’hui que la RSE est devenue incontournable, parce qu’elle est la nouvelle boussole des modèles économiques. Et fait l’objet de multiples initiatives volontaires ou législatives à travers le continent, comme l’illustre la charte nationale RSE du Bénin, adoptée en juillet 2020, ou le projet de loi sénégalaise dédiée à l’Economie Sociale et Solidaire.

Conclusion

En dépit de l’inquiétude naturelle autour du droit prospectif[96], il ne fait aucun doute de constater que la moralisation de la vie des affaires est en marche. Les sociétés commerciales se retrouvent désormais dans l’obligation de définir des mesures pour protéger les intérêts en présence. La consécration du devoir de vigilance vient renforcer le droit de la responsabilité sociétale des entreprises. Le droit français semble prendre le devant en obligeant les entreprises à mieux maîtriser les risques juridiques liés à la sous-traitance tels que le travail dissimulé[97] ou les impacts négatifs sur l’environnement, la santé et la sécurité des personnes. Le droit malien ne reste pas à la traine puisqu’il exige déjà aux entreprises minières d’intégrer les mêmes obligations. Mais il est regrettable de constater que cette volonté législative a une portée limitée dans la mesure où toutes les entreprises sociétaires ne sont pas assujetties à ces obligations de vigilance. Le droit OHADA à travers l’AUDSC-GIE est interpellé face à cette nouvelle réalité juridique[98] qui ne doit plus épargner les entreprises sociétaires. Il est nécessaire de rendre ce dispositif normatif applicable à toutes les sociétés commerciales pour donner une portée élargie au régime de la responsabilité sociétale des entreprises en vue d’accentuer le rôle central des entreprises.

 

[1] G. DELALIEUX, « Devoir de vigilance », Revue Projet droit, 2016/3, n°352, p.78-87 ; G. BRANELLEC, I. CADET, « Le devoir de vigilance des entreprises françaises : la création d’un système juridique en boucle qui dépasse l’opposition hard law et soft law », Open Edition, 2017 ; V. MAGNIER, « Transformation de la gouvernance et obligation de vigilance », in M.-A. FRSON-ROCHE (dir.), L’obligation de complianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. Régulations § Compliance, 2024 ; I. DAUGAREILH, (dir.), La responsabilité sociale de l’entreprise, vecteur d’un droit de la mondialisation ? Bruylant, Collection Paradigme, 2017, pp. 515-545.

[2] M.-C. CAILLET, « Le devoir de vigilance et les relations d’affaires », in I. DAUGAREILH (dir.), op. cit., p.515-546.

[3] D. DEROUSSIN, « préface », in P. ROUBIER, Théorie générale du droit, histoire des doctrines juridiques et philosophie des valeurs sociales, Dalloz, 2005.

[4] Ibid.

[5] I. DAUGAREILH, « La responsabilité sociale des entreprises en quête d’opposabilité », In A. SUPIOT et M. DELMAS-MARTY (dir.), Prendre la responsabilité au sérieux, PUF, 2015, pp.183-199.

[6] G. BRANELLEC, I. CADET, « Le devoir de vigilance des entreprises françaises : la création d’un système juridique en boucle qui dépasse l’opposition hard law et soft law », 12ème Congrès du RIODD : « Quelles responsabilités pour les entreprises ? », RIODD, Oct. 2017, Paris, France.

[7] P. DEUNMIER, « Quand le droit souple rencontre le juge dur », Revue Trimestrielle de Droit Civil, 2016, p. 571.

[8] P. DIDIER, Ph. DIDIER, Droit commercial, tome I : introduction générale, l’entreprise commerciale, ECONOMICA, Paris, 2005, pp. 234-252.

[9] Voir Ch. GAVALDA, J. STOUFFLET, Droit bancaire, Lexisnexis, 8e éd., 2010, n° 294 et s., pp. 165 et s.

[10] Loi n° 2016-008/du 17 mars 2016 portant loi uniforme relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme évoque le terme obligation de vigilance dans ses articles 19, 20, 46, 47.

[11] Loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, JORF n° 0159 du 11 juil. 2014, p. 11496 et s.

[12] Art. L. 4231-1 et L. 8281-1 C. Trav français.

[13] Art. L. 4231-1 C. Trav français.

[14] J.-F. HAMELIN, « Le devoir de vigilance en droit des sociétés », in Contributeurs, Sécuriser la sous-traitance : quels nouveaux défis ? Actes du colloque de l’IFR, Presse de l’Université de Toulouse, 2019, pp. 89-101.

[15] En France, la Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, JORF n° 0287 du 10 déc. 2016.

[16] Art. 17 de la loi du 9 déc. 2016.

[17] R. INTOLE, La responsabilité des grandes entreprises en matière sociétale et environnementale à l’aune du devoir de vigilance : analyse comparée des droits français et OHADA, Université Paris-Panthéon-Assas, thèse, soutenue le 08 mars 2023.

[18] En France, la Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, JORF n° 0074 du 28 mars 2017. Sur celle-ci, voir not. X. BOUCOBZA et Y.‑M. SERINET, Loi « Sapin 2 » et devoir de vigilance : l’entreprise face aux nouveaux défis de la compliance, D. 2017, p. 1619 et s. ; Ch. HANNOUN, « Le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre après la loi du 27 mars 2017 », Dr. social 2017, p. 806 et s. ; J. HEINICH, « Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre : une loi finalement adoptée, mais amputée », Dr. soc. mai 2017, comm. n° 78.

[19] A. NESLEN, « Le drame du Rana Plaza pousse l’UE à bouger sur les normes du travail, archive », sur euractiv, 20 juin 2014, consulté le 16 juillet 2024 à 16h. G. DELALIEUX, « Devoir de vigilance, Archive », sur revue-projet.com, mars 2016.

[20] Journal Officiel de la République Française, Loi n°2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.

[21] G. DELALIEUX, « La loi sur le devoir de vigilance des sociétés multinationales : parcours d’une loi improbable », Droit et Société, 2020/3, n°106, pp. 649-665.

[22] J-M MOUSSERON, « La gestion des risques par le contrat », RTD civ., 1988, p. 481 ; A. NDORDJI, Théorie des risques et transfert de propriété, Comparaison des droits français, de l’OHADA et du commerce international, Droit, Université de Poitiers, Université du Tchad, 2018, 653 pp ; M. ALLAIS, Le comportement de l’homme rationnel devant le risque : critique des postulats et axiomes de l’école américaine, Econometrica, vol 21, 1953, pp 503-546 ; P. PERETTI-WATEL, La sociologie du risque, éditions Armand Colin, Paris, 2003, 286 pp.

[23] J.-F. HAMELIN, op. cit., p. 91.

[24] En France, la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat, dite loi Royer, avait pour objectif de permettre un développement équilibré des différentes formes de commerce et de protéger le petit commerce d’une croissance désordonnée des nouvelles formes de distribution.

[25] Pour une précision, ce texte n’a pas tout à fait la même portée selon les ordres juridiques. Bien qu’il ait des incertitudes quant à la valeur du principe, sa portée en revanche ne suscite aucune discussion. Ainsi, seule une loi peut limiter la liberté d’entreprendre (en ce sens, v. CE 22 mars 1991, AJDA, 1991, p. 650, note JP Théron, pour un décret limitant la période des soldes à deux fois par an jugé comme contraire à la liberté du commerce, une telle atteinte ne pouvant résulter que d’une loi.

[26] D. SCHMIDT, « De l’intérêt commun des associés », JCP, 1994, I, 3793.

[27] H. M. MONEBOULOU MINKADA, « la notion de société commerciale en droit OHADA », Revue de l’ERSUMA, 2019-1/N°10, p. 19.

[28] Amnesty International, « NIGÉRIA, Exploitation pétrolière et droits humains sont-ils compatibles ? », AFR 44/020/2004 – ÉFAI – La version originale en langue anglaise de ce document a été éditée par Amnesty International, Secrétariat international, Peter Benenson House, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni, sous le titre : Nigeria : Are human rights in the pipeline ? La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D’AMNESTY INTERNATIONAL – ÉFAI – novembre 2004 Vous pouvez consulter le site Internet des ÉFAI à l’adresse suivante : http://www.efai.org.

[29] « Shell et Milieudefensie ont négocié un accord au profit des communautés d’Oruma, Goi et Ikot Ada Udo au Nigeria, impactées par quatre marées noires survenues entre 2004 et 2007 », a déclaré le géant pétrolier dans un communiqué du 23 décembre 2023.

[30] Les habitants exigeaient que Shell répare les dommages causés à leur communauté en nettoyant les déversements de pétrole, en assurant un entretien adéquat des oléoducs afin de prévenir de futures fuites et en les indemnisant pour la perte de leurs moyens de subsistance. Cette décision du tribunal a relancé le débat de longue date sur les activités des multinationales pétrolières au Nigéria. Lorsque l’exploration pétrolière commerciale a commencé dans la région en 1958, beaucoup ont cru que cette activité augurait des lendemains meilleurs pour le pays. Mais des décennies plus tard, la pollution et d’autres dommages causés à l’environnement ont engendré un sentiment de mécontentement et des protestations, parfois violentes. Dans sa quête de justice, le peuple du Delta du Niger a saisi les tribunaux au Nigéria, aux États-Unis et aux Pays-Bas.

[31] A. AKAM AKAM, « La responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit OHADA », Revue Internationale de Droit Économique, 2007, pp. 211-243 ; v. art. 161 de l’AUSC-GIE.

[32] G. BRANELLEC, I. CADET, « Le devoir de vigilance des entreprises françaises : la création d’un système juridique en boucle qui dépasse l’opposition hard law et soft law », 12ème Congrès du RIODD : Quelles responsabilités pour les entreprises ? RIODD, Oct 2017, Paris, France.

[33] I. CISSE, Gouvernance d’entreprise, responsabilité sociétale en droit malien, thèse, UGB, 12 déc. 2016, pp. 120.

[34] Cet accident survenu le 24 avril 2013, a servi de base pour proposer une loi visant à prévenir les atteintes (droits humains, libertés fondamentales, santé, sécurité des personnes, et à l’environnement) liées aux activités menées par les multinationales.

[35] D. SCHMIDT, « De l’intérêt social », Rev. dr. banc, 1995, p. 130.

[36] « Qu’est-ce que l’entreprise ? » in, L’entreprise, nouveaux apports, Economica, Paris, 1987, p. 11 et s ; « Le droit moderne de la personnalité morale », RTD civ., 1993, p. 705 et s.

[37] J. PAILLUSSEAU, La société anonyme, technique d’organisation de l’entreprise, thèse, Université de Rennes, 1967 ; Fr. OST, « L’auto-organisation écologique des entreprises : un jeu sans conflits et sans règles ? », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 1992/1(Volume 28), pp. 147-178.

[38] Mb. NGOM, « L’unanimité en droit OHADA des sociétés commerciales », Revue de l’ERSUMA, 2019-1/N°10, p. 141.

[39] O. WEINSTEIN, Pouvoir, finance et connaissance. Les transformations de l’entreprise capitaliste entre XXe et XXIe siècle, éd. La Découverte, série « Économie », p.181, 2010 ; I. CADET, « L’intérêt social, concept à risques pour une nouvelle forme de gouvernance », Dans Management et Sciences Sociales, 2012/2 n°13, pages 14 à 26.

[40] G. CHARREAUX, P. DESBRIÈRES, « Gouvernance des entreprises : valeur partenariale contre-valeur actionnariale », Finance Contrôle Stratégie, vol. 1, n°2, juin 1998 ; I. CISSE, op. cit., pp. 18, 257-258.

[41] M. Ai. MOUTHIEU, L’intérêt social en droit des sociétés, L’Harmattan, 2009, 420 pages ; J-P. BERTREL, « La position de la doctrine sur l’intérêt social », Droit et patrimoine, 1997, p. 42. G. BRANELLEC, « Point de vue juridique : l’entreprise : vers un projet collectif au service de la collectivité », Humanisme et entreprise, 2011, Le projet dans l’action collective, 304, pp.13-24 ; B. Y. MEUKE, « De l’intérêt social dans l’AUSCGIE de l’OHADA », Revue trimestrielle de droit et de jurisprudence des affaires Penant, n° 859, juil.-sep. 2007, p. 338, n° 2, p. 45 ; Com. 16 oct. 2019, n° 18-19.373.

[42] I. CISSE, op. cit, p. 250.

[43] L’équitéisme est un régime alternatif, qui place en son cœur non plus le capital, mais l’équité. Ce qui permet d’échapper à l’emprise du capital au profit d’une économie de marché non capitaliste qui respecterait la justice commutative, distributive et attributive. V. A. SERSIRON, Libéralisme ou capitalisme ? Recherches sur la question du meilleur régime économique, thèse de doctorat en philosophie, Sorbonne Université, soutenue le 01 déc. 2021.

[44] LOI n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance (…).

[45] S. DUPOUY, « Les sanctions du droit commun des contrats face au devoir de bon comportement environnemental de l’entreprise contractante », Recueil Dalloz, 2024 p.1426 ; F.-G. TREBULLE, « L’ESG au prétoire ? », EEI, 2024, Repère 3.

[46] « Art. L. 225-102-4.-I.-Toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l’étranger, établit et met en œuvre de manière effective un plan de vigilance. « Les filiales ou sociétés contrôlées qui dépassent les seuils mentionnés au premier alinéa sont réputées satisfaire aux obligations prévues au présent article dès lors que la société qui les contrôle, au sens de l’article L. 233-3, établit et met en œuvre un plan de vigilance relatif à l’activité de la société et de l’ensemble des filiales ou sociétés qu’elle contrôle. « Le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle au sens du II de l’article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation. « Le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société, le cas échéant dans le cadre d’initiatives pluripartites au sein de filières ou à l’échelle territoriale. Il comprend les mesures suivantes :« 1° Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ; « 2° Des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques ; « 3° Des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ; « 4° Un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ; « 5° Un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité. « Le plan de vigilance et le compte rendu de sa mise en œuvre effective sont rendus publics et inclus dans le rapport mentionné à l’article L. 225-102. « Un décret en Conseil d’Etat peut compléter les mesures de vigilance prévues aux 1° à 5° du présent article. Il peut préciser les modalités d’élaboration et de mise en œuvre du plan de vigilance, le cas échéant dans le cadre d’initiatives pluripartites au sein de filières ou à l’échelle territoriale. « II.- Lorsqu’une société mise en demeure de respecter les obligations prévues au I n’y satisfait pas dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure, la juridiction compétente peut, à la demande de toute personne justifiant d’un intérêt à agir, lui enjoindre, le cas échéant sous astreinte, de les respecter. « Le président du tribunal, statuant en référé, peut être saisi aux mêmes fins. (Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-750 DC du 23 mars 2017.)

[47] Cl. BOURGEOIS, X. HOLLANDTS, B. VALIORGUE, « La loi PACTE : enjeux et perspectives pour la gouvernance des sociétés françaises », Revue française de gouvernance d’entreprise, 2021, pp. 4-29 ; I. TCHOTOURIAN, B. ROUSSE et M. CHOUINARD, Droit canadien des entreprises à mission : présentation et commentaires, PUL, 2024, 282 p.

[48] M. MORALES, « La loi PACTE et la prise en compte des considérations sociales et environnementales en droit des sociétés : une réforme en trompe l’œil ? », Revue juridique de l’environnement, 2019/2, vol. 44, pp. 339 à 351.

[49] Loi n°2023-041 du 29 août 2023 relatif au contenu local dans le secteur minier.

[50] En outre, en vertu de l’article 8 de la Convention n°176 sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995., l’exploitant minier est tenu de, lorsque les travailleurs sont exposés à des dangers d’ordre physique, chimique ou biologique, « tenir les travailleurs informés, d’une manière intelligible, des dangers que présente leur travail, des risques qu’il comporte pour leur santé et des mesures de prévention et de protection applicables ; prendre des mesures appropriées afin d’éliminer ou de réduire au minimum les risques résultant de cette exposition ; lorsque la protection contre les risques d’accident ou d’atteinte à la santé, et notamment contre l’exposition à des conditions nuisibles, ne peut être assurée par d’autres moyens, fournir et entretenir, sans frais pour les travailleurs, des vêtements appropriés aux besoins ainsi que des équipements et autres dispositifs de protection définis par la législation nationale; et assurer aux travailleurs qui ont souffert d’une lésion ou d’une maladie sur le lieu de travail les premiers soins, des moyens adéquats de transport à partir du lieu de travail ainsi que l’accès à des services médicaux appropriés ».

[51] J.-P. Brodeur, « Justice distributive et justice rétributive », Philosophiques, 24(1), 1997, pp. 71–89 ; A.-J. FAIDHERBE, « Le droit de la justice distributive », Revue des Sciences philosophiques et théologiques, Vol. 22, No. 1 (1933), pp. 47-70 ; B. BILLAUDOT, « Justice distributive et justice commutative dans la société moderne », Journées de l’Association Charles Gide (Justice et économie : doctrines anciennes et nouvelles théories), Université Toulouse 1 Capitole, Jun 2011, 21 p.

[52] Articles 8.2 et 8.3 de la Loi relative au Contenu local dans le secteur minier.

[53] Au regard de l’article 173 du code minier : « Le plan de fermeture et de réhabilitation est établi en fonction du site et du type d’exploitation. Il est publié sur le site web de l’exploitant ainsi que sur le site web de l’administration chargée des mines ».

[54] Conformément à l’article L. 225-102-4 du Code de commerce, le plan de vigilance vise à présenter les mesures de vigilance raisonnable mises en place au sein du Groupe en vue d’identifier les risques et de prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes et l’environnement résultant des activités de la Société et de celles des sociétés qu’elle contrôle au sens du II de l’article L. 233-16 du Code de commerce, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

[55] Faisant application de la loi sur le devoir de vigilance, TotalEnergies publie en 2019 un plan de vigilance intégrant les mégaprojets pétroliers Tilenga et EACOP qu’elle développe en Ouganda et en Tanzanie en collaboration avec sa filiale Total Eren. Ces projets, annoncés en 2018, ont suscité l’indignation générale et poussé un consortium de six associations de protection de l’environnement et de défense des droits de l’homme (Les six associations demandeuses sont les suivantes : Les Amis de la Terre, Civic Response to Environment and Development et Navigators, The National Association of Professional Environmentalists, Survie, Africa Institute for Energy Governance) à contester ce plan de vigilance, jugé non conforme aux exigences légales de vigilance et à l’origine de graves atteintes aux droits humains et environnementaux.

[56] Le juge français retient l’incompétence et estime que c’est le juge ougandais qui est habilité à statuer.

[57] G. DELALIEUX, « La loi sur le devoir de vigilance des sociétés multinationales : parcours d’une loi improbable », Revue droit et société, 2020, n°106, pp., 649-665.

[58] La subtilité dans la négociation voire dans la construction des contrats est un outil très avancé dans l’ingénierie contractuelle. Les juristes d’affaires ont développé une expertise de conformité offrant à l’entreprise les techniques de minimiser les obligations. J-M MOUSSERON, « Le droit de la négociation contractuelle », La Revue juridique Thémis, vol. 29 – n° 1, 290-300 ; A. GUEDJ, Le Droit international privé des négociations précontractuelles, Droit, Université Paris, thèse, 11, 2012, p. 85 ; S. DIABATE, Les procédures contractuelles, Université Paris-Saclay, Institut droit éthique patrimoine, thèse, 15 déc. 2021, p. 29-286.

[59] J.-F. HAMELIN, op. cit.

[60] A. DANIS-FATOME, G. VINEY, « La responsabilité civile dans la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre », D. 2017, p. 1610 et s.

[61] Rappr. J. HEINCH, comm. préc.

[62] Comp. A. DANIS-FATOME, G. VINEY, art. préc., spéc. I, B et C.

[63] J.-F. HAMELIN, op. cit.

[64] C. const., 23 mars 2017, n° 2017-750DC, cons. n° 27.

[65] Voir X. BOUCOBZA et Y.‑M. SERINET, art. préc., n° 29.

[66] Communiqué du Conseil des Ministres du mercredi 11 octobre 2023 CM N°2023-42/SGG.

[67] B. FRYDMAN, L. HENNEBEL, « Le contentieux transnational des droits de l’homme : une analyse stratégique », Revue trimestrielle droit de l’homme, n°77, 2009, pp. 79-80.

[68] N. LENOIR, « Manquement au duty of care en lien avec la stratégie climatique d’une société », Recueil Dalloz, 2023 p.1469.

[69] Il existe des plaintes notamment celle du chef du village de DOMBA contre Morila SA pour n’avoir pas relogé toutes les victimes, le bruit incessant, la poussière qui entre par les fenêtres des salles de classe.

[70] Au Mali, l’effondrement d’une mine d’or fait plus de 70 morts, Africanews, dernière MAJ : 25/01 – 14 : 21.

[71] Au Sénégal, la Loi n° 2015-09 du 04 mai 2015 relative à l’interdiction de la production, de l’importation, de la détention, de la distribution, de l’utilisation de sachets plastiques de faible micronnage et à la gestion rationnelle des déchets plastiques ; au Kenya, la loi de 2017 qui limite l’interdiction à deux catégories de sacs : les sacs de transport et le sac plat ; au Cameroun, Arrêté conjoint N° 004/ Minepded/Mincommerce du 24 octobre 2012 Portant réglementation de la fabrication, de l’importation et de la commercialisation des emballages non biodégradables ; au Mali, la Loi n° 2014-024 du 03 juillet 2014 portant interdiction de la production, de l’importation et de la commercialisation des sachets plastiques non biodégradables en République du Mali ; au Niger, la Loi n° 2014-63 du 05 novembre 2014, portant interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation, de l’utilisation et du stockage des sachets et des emballages en plastique souple à basse densité ; au Burkina Faso, la Loi n° 017-2014/AN portant interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation et de la distribution des emballages et sachets plastiques non biodégradables..

[72] Tribunal de Paris, jugement rendu le 05 Décembre 2023.

[73] Tribunal judiciaire de Nanterre, 2 juillet 2021, n° 15/10981.

[74] V. Rapport de la Cour suprême du Mali sur l’influence des conventions internationales sur le droit interne de l’environnement, in http://www.v1.ahjucaf.org consulté le 24 sept. 2022 in I. CISSE, Y. DOLO, « L’avenir des défis environnementaux au regard du droit malien », Cahiers Africains de Droit International, N° 029 – Nov. 2022, p. 117.

[75] E.-D. KEMFOUET, « L’irruption du droit de l’environnement dans la jurisprudence des Cours de justice de la EAC et de la CEDEAO », Revue africaine de droit de l’environnement, novembre 2020, n° 5, p. 73.

[76] Ordonnance du 22 déc. 2006 du TPI d’Abidjan-Plateau et l’arrêt n° 359 du 24 déc. 2010 de la Cour d’appel d’Abidjan. V. P. EBAH, « Les juridictions ivoiriennes et burkinabè à l’épreuve de la répression des infractions environnementales : avancées, reculs ou stagnation ? », Revue africaine de droit de l’environnement, nov. 2020, n° 5, pp. 97-106.

[77] La protection du droit à un environnement sain est devenue effective devant le juge communautaire CEDEAO depuis l’arrêt rendu le 14 décembre 2012 dans l’affaire ayant opposé la Socio-Economic Rights and Accountability Project (SERAP) à la République fédérale du Nigéria (Arrêt ECW/CCJ/JUD/18/12 du 14/12/2012 : Socio-Economic Rights and Accountability Project (SERAP) contre République fédérale du Nigéria) in Palakwindé Ted Rodrigue BILGHO, « La protection du droit à un environnement sain devant la cour de justice de la CEDEAO », Revue africaine de droit de l’environnement, novembre 2020, n° 5, p. 87.

[78] L. MARTINET, V. ROUER et L. BOCQUILLON, « Premiers jugements sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance des entreprises : le juge des référés entre pédagogie et sur) interprétation », Actu-juridique, Lextenso, 3 mai 2023, in H. GRAS, « Le devoir de vigilance des multinationales, une réponse aux enjeux d’une économie mondiale responsable », Fondation Jean Jaurès, Environnement, 09/11/2023 consulté le 06 janvier 2024 à 10h.

[79] TJ Paris, 28 févr. 2023, no 22/53942 : https://lext.so/XFW7e8

[80] Si l’OHADA ou l’UEMOA tardent à se procurer d’une législation verte, une directive européenne ambitieuse consacrant un devoir de vigilance d’inspiration française est en marche. Face aux mégaprojets de TotalEnergies, le Parlement européen prend position en votant, le 15 sep. 2023, une résolution d’urgence dénonçant les conséquences dommageables de ces projets pétroliers. Il demande l’arrêt des forages dans les zones protégées et le report des travaux de pipeline, le temps d’étudier les possibilités d’alternatives durables permettant de préserver l’environnement. Il exige également l’arrêt des violations des droits humains, telles que les évictions forcées, menaces de mort et arrestations arbitraires de défenseurs des droits humains, constatées en Ouganda et en Tanzanie (Résolution du Parlement européen n°2022/2826 (RSP) « Violations of human rights in Uganda and Tanzania linked to investments in fossil fuels projects).

[81] RÖLD & PARTNER, « Les enseignements du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 28 février dans l’affaire TotalEnergies », Paris, 13 mars 2023 in in H. GRAS, op. cit.

[82] P. BARRAUD DE LAGERIE, É. BETHOUX, A. MIAS et É. PENALVA ICHER, « La mise en œuvre du devoir de vigilance : une managérialisation de la loi ? », Droit et société, vol. 3, n°106, 2020, pp. 699-714, in H. GRAS, idem.

[83] H. GRAS, op. cit.

[84] Résolution du Parlement européen n°2022/2826 (RSP), op. cit.

[85] Le rapport, « Loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre – Année 1 : les entreprises doivent mieux faire », Les Amis de la Terre, Amnesty International, Sherpa…etc., 2019.

[86] M.-A. FRISON-ROCHE, « La responsabilité ex ante, pilier du droit de la compliance », Recueil Dalloz, 2022 p. 621 ; B. A. BOCOUM, « Le droit et la gouvernance des risques numériques dans l’entreprise », Annales de l’Université de Parakou, Série “Droit et Science Politique”, Vol.6, n°3 DECEMBRE (2023), p. 1006.

[87] Voir le rapport de la CSI sur 50 des plus grandes entreprises transnationales, qui montre qu’elles n’emploient de manière directe que 6 % des travailleurs ; 94 % le sont via leurs sous- traitants et fournisseurs : https://www.ituc-csi. org/frontlines-report-2016-scandal?lang=en.

[88] Les dispositions de l’article 17 concernent l’obligation pour les présidents, directeurs généraux et gérants des sociétés atteignant certains seuils de prendre « les mesures destinées à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence selon les modalités prévues au II » de la loi Sapin II. Guide Pratique « Le dispositif anticorruption de la loi SAPIN II », MEDEF, 2017, p. 11 ; V. Y. BROUSSOLLE, « Les principales dispositions de la loi Sapin pour la transparence et la modernisation de la vie économique », Gestion/Finances Publiques, 2017/2 (n°2), pp. 108-113 ; Guide méthodologique sur le reporting RSE du MEDEF : « Déclaration de performance extra-financière : les nouvelles dispositions légales et réglementaires », septembre 2017 ; V. I. DESBARATS, « La R.S.E « à la française » : où en est-on ? », D. soc., 2018, p. 525.

[89] R. INTOLE, op. cit. (Dans le résumé de sa thèse, il propose l’intégration du devoir de vigilance en droit OHADA).

[90] J.-B. ESSOH, « L’OHADA et les droits de l’homme : Etats des lieux et perspectives d’une cohabitation », in Colloque, « Formation des formateurs de l’ERSUMA, thèmes : ingénierie pédagogique, droit commercial général, droit des sociétés coopératives et droits de l’homme », ERSUMA, du 03 au 07 sep. 2012, consulté le 02/01 2024 à 16h00.

[91] PNUD, « Les entreprises et les droits de l’homme en Afrique subsaharienne : de la première décennie à la suivante », Busness and human rights, 2022.

[92] S. DUPOUY, op. cit., p.1426 ; G. CHANTEPIE, M. LATINA, Le nouveau droit des obligations, Dalloz, 3e éd., 2024, p. 682.

[93] G MUBERANKIKO, « La société à mission : une possibilité au service de l’intégration de la RSE en droit OHADA », Revue horizons du droit, n°37, juin-juillet 2022, pp. 55-91.

[94] Cour de cassation, 1804 – 2024 : Quel code civil à l’heure de l’Anthropocène ? colloque, Grand-chambre de la CC, 17 octobre, de 9h15 à 17h30.

[95] E. S. DARANKOUM, « Responsabilité sociétale des entreprises : La nouvelle jauge pour l’OHADA », Propos du Secrétaire permanent de l’OHADA, 19 avril 2021.

[96] J.-F. HAMELIN, op. cit., p. 97.

[97] Articles L. 8221-1 à L. 8221-8 du code du travail français (travail dissimulé) ; Articles L. 8224-1 à L. 8224-6 du code du travail français (sanctions pénales) ; Articles L. 8272-1 à L. 8272-5 du code du travail français (sanctions administratives) ; Article 121-7 du code pénal français (complicité). V. O. FARDOUX, « La répression du travail dissimulé », Dans Fiches de Droit pénal du travail, (2018), pp. 390 à 396. V. Cour de cassation, Chambre criminelle, 6 décembre 2011, 10-86.829, Publié au bulletin ; Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février 2018, 16-22.335, Publié au bulletin ; Cour de cassation, Chambre civile 2, 9 novembre 2017, 16-25.690, Publié au bulletin.

[98] R. INTOLE, op. cit. ; P-S GUEDJ, « Le continent africain peut compter sur l’OHADA et l’Europe pour développer la RSE sur son sol », Dossier Afrique : L’AGEFI HEBDO, du 23 au 29 juin 2022, p. 24, consulté le 16/08 2024 à 12h34.

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