Réflexion sur la protection du locataire-gérant en droit de l’OHADA
Renaud Etiennis OKOMEN TSAGUE
Enseignant-chercheur à l’Université de Yaoundé II, Secrétaire permanent de l’observatoire africain de la pratique des affaires
Annick Mirabelle OBA’A ATYAM
Enseignant-chercheur à l’Université Yaoundé
La location-gérance met aux prises le loueur de fonds et le gérant libre, le premier concédant au second la gestion libre d’un fonds contre paiement d’une redevance bien souvent composite. Cela étant, on peut à juste titre relever que le particularisme et l’enjeu de ce rapport juridique suscite tout l’intérêt d’une réflexion sur la protection du gérant libre dont la simple évocation invite à une tentative de caractérisation d’une telle protection en droit OHADA. Sur la question, l’analyse fait état de l’ambivalence qui caractérise la protection du gérant libre d’un fonds de commerce en droit OHADA. En effet, si l’arsenal mobilisable, aussi bien à la formation qu’à l’exécution du contrat de location-gérance, postule pour une protection remarquable du gérant, celle-ci n’en demeure pas moins discutable quand on envisage la situation en fin de contrat ou les hypothèses de mutation du droit de propriété sur le fonds loué en cours de contrat.
Introduction
Imaginée à l’origine pour tenter de suppléer l’incapacité du mineur à gérer un fonds de commerce reçu en héritage ou comme une sorte de réserve de propriété dans laquelle le propriétaire d’un fonds de commerce en conservait la propriété tandis que l’acquéreur se constituait locataire jusqu’à règlement intégral du prix de cession, la location-gérance apparaît dorénavant, non seulement comme un terrain d’élection dans la grande distribution, mais aussi comme une technique de redressement des entreprises en difficulté[1].
Ce mode d’exploitation du fonds de commerce ayant captivé l’essentiel de l’attention du législateur OHADA[2], au détriment de l’exploitation directe, tire toute sa pertinence de la séparation qu’elle favorise entre la propriété du fonds et son exploitation. La première intervention législative en la matière résulte d’un décret n°53-874 du 22 septembre 1953 [3] mis en application par l’effet de la loi n°53-611 du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier. Ce texte présentait certaines lacunes [4] au point où les commentateurs et la pratique y virent une quasi-interdiction de ce mécanisme[5]. Fort heureusement, on assiste en quelque sorte à sa « résurrection »[6] quelques années plus tard avec la loi n°56-277 du 20 mars 1956 relative à la location gérance des fonds de commerce et des établissements artisanaux[7], qui contenait des règles quasiment plus souples sur lesquelles le législateur OHADA n’a pas cru bon de faire table rase. D’abord traité aux articles 106 et suivants de l’AUDCG du 1er octobre 1997, le contenu et les contours de la location gérance feront l’objet d’amples précisions à l’occasion de la révision de l’acte uniforme sur le droit commercial général intervenue en 2010[8]. Ainsi, l’article 138 alinéa 3 AUDCG révisé définit la location gérance comme « une convention par laquelle le propriétaire du fonds de commerce, personne physique ou morale, en concède la location, en qualité de bailleur, à une personne physique ou morale, locataire gérant, qui l’exploite à ses risques et périls ».
A côté de cette définition, le lexique des termes juridiques dispose pour sa part que la location gérance est un « contrat par lequel le propriétaire d’un fonds de commerce, appelé bailleur ou loueur confie, en vertu d’un contrat de location l’exploitation de son fonds à une personne appelée gérant ou locataire gérant qui exploite ce fonds en son nom, pour son compte et à ses risques et périls, et qui paie au propriétaire un loyer ou redevance. »[9]. A la lecture de ces deux textes on se rend compte que désormais l’exploitation d’un fonds mis en location gérance est assortie du paiement d’un loyer[10]. Pour les professeurs Pedro Santos AKUETE et Yado TOE[11], c’est la première obligation pesant sur le gérant. Précisons pour finir que la location gérance reste de plus en plus utile au locataire dans la mesure où ce dernier n’est pas obligé d’immobiliser des capitaux importants pour l’acquisition d’un fonds[12]. Plus encore, aujourd’hui, elle constitue une technique de redressement des entreprises en difficultés. Les stipulations et le contenu de ce contrat relève de la volonté des parties ; notamment : le bailleur ou loueur du fonds et le preneur à bail ou locataire-gérant. Mais, la récurrence d’abus qui rejaillissent de la pratique de l’autonomie de volonté en matière contractuelle favorise de plus en plus la tendance à la « moralisation » ou à l’« humanisation » du rapport contractuel. Cela étant, la protection et la défense du cocontractant le plus faible se trouvent désormais érigées en leitmotiv de l’interventionnisme étatique en matière contractuelle, qui plus est, s’agissant particulièrement de la gérance libre de fonds ou location-gérance. Aussi, peut-on appréhender le sens et l’intérêt d’une réflexion sur la protection du locataire-gérant en droit OHADA.
Le locataire-gérant ou gérant libre est la personne qui, par opposition au bailleur dans la conclusion d’un contrat de location gérance, prend à bail[13]. Envisagé par la doctrine comme étant le preneur et donc, « celui qui obtient le droit d’utiliser la chose louée contre le versement d’une somme d’argent appelé loyer »[14], c’est en réalité, toute personne physique ou morale qui obtient le droit d’exploiter le fonds qui lui est concédé, à ses risques et périls, contre le versement d’une redevance. On le distingue nettement du gérant-salarié[15] ; de même qu’il importe de bien distinguer sa situation de celle du gérant mandataire en droit français[16]. Pendant que le gérant libre en sa qualité de commerçant, exploite le fonds qui lui est concédé en bon père de famille, sans interruption, tout en veillant au bon usage des locaux et du matériel dont il dispose ; le gérant salarié lui, gère au nom et pour le compte du propriétaire ledit fonds, ceci moyennant une rémunération[17].
Quant au vocable protection, du latin protectio, il renvoie littéralement, à l’ensemble des mesures destinées à protéger certaines personnes[18]. Selon Gérard Cornu, la protection se dit d’« une précaution qui, répondant au besoin de celui ou de celle qu’elle couvre et répondant en général à un devoir pour celui qui l’assure, consiste à prémunir une personne ou un bien contre un risque, à garantir sa sécurité et son intégrité…par des moyens juridiques ou matériels. Elle désigne aussi bien l’action de protéger que le système de protection établi »[19]. Vu sous un prisme juridique, elle s’entend comme un ensemble de moyens de droit permettant la reconnaissance, la défense ou la sauvegarde de droits individuels et collectifs[20]. Ramener à la présente réflexion, il suggère que le locataire-gérant ou gérant libre doive jouir d’une protection positive, c’est à dire celle qui lui est due.
Depuis l’avènement de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), l’acte uniforme relatif au droit commercial général a été adopté à Lomé au Togo le 17 avril 1997 et entré en vigueur le 01 janvier 1998. Il met en œuvre la protection des personnes à savoir le commerçant, mais, aussi les parties liées par des contrats commerciaux tel le contrat de location gérance, parmi lesquelles le preneur et le bailleur. Toutefois, au regard des circonstances et des réalités y relatives, nous avons assisté à une réforme ayant permis l’avènement d’un nouvel acte uniforme depuis la date du 15 décembre 2010. Ceci nous amène à dire que ce qui était le cas avant ne l’est plus forcément aujourd’hui. Dès lors, dans le cadre de notre travail, il s’agira au regard d’un certain nombre de paramètres, de procéder à une caractérisation de la protection accordée au gérant libre en droit OHADA. D’où la nécessité à ce stade de mettre un accent sur l’état de la protection dont bénéficie ce dernier tout en scrutant, le cas échéant, les possibilités d’un renforcement. Dès lors, il s’avère opportun de répondre à la question de savoir : quelle protection du gérant libre d’un fonds de commerce en droit OHADA ?
La question au cœur de cette réflexion est d’autant plus intéressante que la location-gérance apparaît dorénavant comme une technique douce de transmission de l’entreprise commerciale. Il en va ainsi dès lors qu’il s’agit d’une formule, au final, très utile aussi bien pour le propriétaire qui se trouve dans l’incapacité de gérer son fonds de commerce, que pour le gérant libre qui n’est pas obligé de mobiliser d’importants capitaux pour acquérir et exploiter un fonds. De plus, la présente étude en réalisant une analyse minutieuse des dispositions du droit OHADA afférents à la location-gérance et spécifiquement, à la sauvegarde des intérêts du gérant libre, pourrait servir d’éclairage aux praticiens du droit ainsi qu’aux opérateurs économiques qui songeraient à être partie à un contrat de location-gérance. Dans le même sens, elle pourrait inspirer le législateur OHADA qui envisagerait un renforcement de la protection dont il s’agit. Et pour y répondre, une analyse des ressources législatives et doctrinales ; de même que l’observation de la pratique en matière de contrat de location-gérance permettent de constater avec force que la caractérisation de la protection du gérant libre d’un fonds de commerce au regard du droit OHADA s’avère quelque peu ambivalente. En effet, de ce qui ressort à l’analyse, la protection du gérant libre en droit OHADA bien qu’indéniable (I) n’en demeure pas moins discutable dans certains cas (II).
I. Une protection indéniable du locataire-gérant en droit OHADA
L’idée de sauvegarde des intérêts du gérant libre n’est pas absente dans l’esprit du législateur OHADA. On aurait pu préjuger du contraire en se fondant sur la quantité infime de développement que ce dernier accorde à la question de la location-gérance dans l’AUDCG[21].
Quoi qu’il en soit, on peut remarquer sans efforts qu’il existe bel et bien un imposant dispositif de protection du locataire gérant dans ses rapports avec le propriétaire du fonds de commerce et les tiers. Qu’il soit consacré par le droit commun, le droit OHADA ou la pratique commerciale, force est de constater qu’il est constitué de moyens de protection du gérant libre aussi bien à la formation (A) qu’à l’exécution du contrat de location-gérance (B).
A. Les moyens de protection du gérant inhérents à la formation du contrat de location-gérance
Il convient d’emblée, d’appréhender le vocable formation du latin juridique formatio synonyme de conclusion dans le cadre de l’activité contractuelle, comme désignant aussi bien la phase d’élaboration du contrat que l’aboutissement de celle-ci marquée par la réunion de toutes les conditions nécessaires à la perfection de l’accord et à la naissance de l’obligation[22]. Au stade de la formation du contrat de location-gérance, bien des mécanismes tirés des conditions de formation du contrat de l’article 1101 du Code civil et de celles spécifiques au contrat de location-gérance[23] sont perceptibles. Ainsi constate-t on que pendant la formation du contrat de location-gérance, la protection du gérant tient, au fond, sur l’impératif de gestion préalable et à titre personnel du fonds par le loueur (1), et sur la forme, sur l’observance du formalisme relatif à la location-gérance (2).
1. L’impératif de gestion préalable et à titre personnel du fonds loué par le propriétaire
Il s’agit ici de relever les moyens de préservation des intérêts du gérant libre tenant aux conditions de fonds de la location gérance. Ce sont d’une part, l’existence du fonds et la qualité de propriétaire du loueur de fonds ; et d’autre part, l’antériorité de la gestion à titre personnel du fonds par le loueur.
a. L’existence du fonds et la qualité de propriétaire du loueur
La gérance libre ou location-gérance impose, dans l’optique de garantir la protection des droits du preneur, d’une part, que le loueur soit effectivement le propriétaire du fonds de commerce ; et d’autre part, que le fonds donné en location-gérance existe au moment de l’opération. Au-delà de la kyrielle de définition érudites y afférentes, la location-gérance est le «contrat par lequel le propriétaire d’un fonds de commerce, appelé bailleur ou loueur confie, en vertu d’un contrat de location, l’exploitation de son fonds à une personne appelée gérant qui exploite ce fonds en son nom, pour son compte et à ses risques et périls, et qui paie au propriétaire un loyer ou redevance »[24]. Il s’agit plus exactement, d’« une convention par laquelle le propriétaire du fonds de commerce, personne physique ou morale, en concède la location à un gérant, personne physique ou morale, qui l’exploite à ses risques et périls »[25]. On peut au sortir de cette parenthèse définitionnelle, constater toute la nécessiter de garantir au gérant au moment de la formation du contrat de location-gérance que le « bailleur », indique l’AUDCG, est le propriétaire, au sens des dispositions du code civil relatives à la propriété[26], du fonds de commerce mis en location. En effet, la conclusion du contrat de location-gérance avec une personne autre que le propriétaire ou son mandataire ne saurait efficacement se réaliser. D’ailleurs, un bailleur ne peut céder ou concéder que des droits dont il est titulaire.
Si l’AUDCG semble clair sur la qualité de commerçant du gérant, il n’en est pas de même du bailleur. D’ailleurs, hormis l’allusion dans ce sens faite à l’article 139 al.4 AUDCG, on subodore la qualité de commerçant chez le loueur à travers l’exigence d’exploitation préalable et à titre personnel du fonds mis en location contenue dans l’article 141 AUDCG. D’ailleurs, il en découle de suite l’interdiction aux personnes objets d’interdictions ou de déchéances de l’exercice de la profession commerciale de consentir à une location-gérance.
En principe, l’objet doit exister au moment de la formation du contrat, et cet objet doit être conforme à la loi. Autrement dit, il faut que le fonds existe réellement au moment de la conclusion du contrat. D’ailleurs, il semble assez dans l’esprit des juges africains qu’en l’absence de fonds, le contrat intervenu entre les parties ne saurait recouvrir la qualification de contrat de location-gérance[27]. Et à l’instar de tous autres contrats, il ne suffit pas que l’objet existe, il faut aussi que cet objet soit déterminé ou déterminable. Il n’y a pas de contrat si l’on ne sait pas à quoi l’on s’engage. De plus, il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. C’est pourquoi, le fonds de commerce doit être individualisé. Pour protéger le gérant, le juge a décidé que la location-gérance suppose que le loueur procure au locataire-gérant la jouissance d’un fonds de commerce, lequel peut comprendre le droit au bail du local d’exploitation[28]. L’existence d’un fonds de commerce ne suffit pas pour la validité du contrat de location- gérance. Ce fonds doit posséder la clientèle, un des éléments nécessaires au fonds de commerce. On comprend donc que le législateur OHADA ait pris la peine de distinguer entre charges locatives dues pour le fonds lui-même et pour les locaux occupés. Dans ce sens, il est clair que le « locataire gérant doit payer au bailleur du fonds un loyer correspondant à la redevance due pour la jouissance des locaux, et bien sûr, un autre loyer pour la jouissance des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce tels que décrits dans le contrat de location-gérance »[29].
De plus, la location-gérance qui porte sur le fonds de commerce auquel est attachée une clientèle, impose l’existence de la clientèle, élément essentiel et incompressible du fonds de commerce. Pour protéger le locataire-gérant, la chambre commerciale de la Cour de cassation française a décidé qu’en l’absence de clientèle, il ne saurait y avoir de location gérance[30]. La simple location d’un fonds aménagé, par exemple d’une salle de spectacle, sans clientèle, c’est un bail d’immeuble et non une location-gérance de fonds de commerce[31]. La jurisprudence s’est encore prononcée en faveur de la location-gérance pour un fonds de commerce donné en location-gérance et non exploité. Il faut que tous les éléments du fonds de commerce existent déjà, y compris les éléments incorporels, telle la clientèle qui est réelle et certaine[32].
b. Le caractère préalable de la gestion à titre personnel du fonds par le loueur
Le loueur, personne physique ou morale, est tenu d’avoir exploité pendant deux ans au moins le fonds mis en gérance. C’est ce qui ressort en substance des dispositions de l’acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général[33]. Il est clair qu’en imposant cette période d’exploitation à titre personnel du fonds objet de location-gérance, le législateur OHADA, à l’exception des cas limitativement énumérés à l’article 143 AUDCG, n’en envisage pas la suppression. Il résulte de tout ceci que l’acquéreur du fonds de commerce déjà mis en location-gérance par le précédent propriétaire ne peut pas prétendre au maintien de cette location dès lors qu’il a fait l’acquisition du fonds en vue de le donner lui-même en location-gérance[34] et que le locataire-gérant, qui donne à son tour le fonds qu’il exploite en location-gérance, doit remplir en sa personne la condition d’exploitation pendant deux ans. Néanmoins, le fait de donner un fonds de commerce en location-gérance ne confère pas au loueur la qualité de commerçant, le contrat est commercial si le loueur exploitait le fonds avant de le donner en location[35]. Selon ce texte, d’abord le bailleur doit avoir été commerçant pendant deux années ou avoir exercé pendant une durée équivalente des fonctions de gérant ou de directeur commercial ou technique d’une société.
Quoi qu’il en soit, le principe de l’exploitation préalable à titre personnel du fonds par le loueur est appuyé par une sanction en cas de défaut. Comme condition, à ce point spécifique de formation du contrat de location-gérance, le défaut d’exploitation préalable et à titre personnel du fonds loué constitue une cause de nullité du contrat. Dans le silence préjudiciable de l’acte uniforme relatif au droit commercial général, cette condition connait une sanction analogue aux conditions de formation des actes juridiques en général. Cela étant, la location-gérance consentie par le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds qui n’a pas exploité le fonds pendant deux ans est nulle. Et toute personne pourrait en demander la nullité, même en référé, dans la mesure où il s’agit d’une disposition d’ordre public. La nullité du contrat de location- gérance entraîne la déchéance du droit au renouvellement du bail à usage professionnel, ce qui est une sanction d’une extrême gravité pour le propriétaire du fonds. Cette sanction est automatique sous le ciel français. Lorsque la nullité du contrat de location est invoquée, le propriétaire du fonds ne peut réclamer des loyers au loueur, en revanche, il pourra lui réclamer des indemnités d’occupation, en raison de l’occupation du fonds qui constitue un avantage à son détriment puisqu’il a été privé de la jouissance dudit fonds.
2. L’observance du formalisme relatif au contrat de location-gérance
S’agissant de l’observance du formalisme relatif à la location-gérance, l’occasion est donnée de mettre en exergue dans le cadre de la protection du gérant libre, aussi bien l’exigence tacite d’un écrit préfigurée que l’exigence expresse de publication de la location-gérance.
a. L’exigence tacite d’un écrit formalisant l’engagement
La notion d’écrit ne peut bien être comprise qu’à travers une lecture des dispositions du code civil relatives à la preuve littérale. En effet dans ce sens, « la preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission »[36]. Ce texte largement rajeuni, propose une définition de la preuve littérale dont les termes sont si vastes qu’elle permet une extension considérable du nombre de documents susceptibles de constituer une preuve par écrit. En effet, toute forme de signe est admissible dès lors qu’au moment de produire l’instrumentum[37] comme preuve, le texte est compréhensible par tous. C’est une orientation qui est largement partagée par le législateur OHADA de 2010 lorsqu’il pose à travers les règles d’équivalence fonctionnelle[38] et de neutralité technologique[39], la validité des documents conservés et transmis par voie électronique. Ainsi comprend-t-on aisément que tout signe intelligible et quel qu’en soit le support de conservation et de transmission, constitue un écrit[40].
L’intérêt de l’écrit dans le cadre de la location-gérance repose sur le fait qu’au-delà de son emploi ad validitatem[41] dans certaines conventions ou accords, l’écrit ici est utilisé ad probationem ; c’est-à-dire, comme un moyen de preuve de la location-gérance. On évoque l’écrit comme un procédé de preuve parfait des actes juridiques[42]. D’ailleurs, l’article 1341 du Code civil affirme l’admissibilité de l’écrit comme moyen de preuve d’actes juridiques au détriment du témoignage. A cet effet, l’écrit qu’il soit authentique ou établi sous seing privé devra porter la signature de la personne dont on souhaite établir la manifestation de volonté à l’acte. Il doit, dans ce sens, avoir été dressé en vue de constater la manifestation de volonté des parties au contrat ou à l’acte juridique dont s’agit. L’AUDCG reprend à son compte l’exception relative aux opérations entre commerçants en posant que « les actes de commerce se prouvent par tous les moyens (…) »[43]. Et d’ailleurs, s’agissant de la location-gérance, on remarque tout de suite que l’’exigence d’écrit n’est formulée que de façon implicite à travers l’exigence claire de publication du contrat de location-gérance.
b. L’exigence expresse de publication du contrat de location-gérance
L’acte uniforme portant droit commercial général impose dans ses dispositions la publicité du contrat de location-gérance. On peut d’ailleurs y lire que « tout contrat de location-gérance doit (…) être publié, par la partie la plus diligente et aux frais du locataire-gérant, dans la quinzaine de sa date, sous forme d’extrait dans un journal habilité à publier les annonces légales et paraissant au lieu où le fonds de commerce est inscrit au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier »[44]. En clair, le contrat doit être publié dans un journal habilité à recevoir les annonces légales, dans les 15 jours de sa conclusion puis inscrit au RCCM[45]. Le propriétaire du fonds et le locataire, de manière concomitante, sollicitent leur propre immatriculation ou modification de leur inscription antérieure. La fin de la location-gérance donne lieu aux mêmes mesures de publicité.
Lorsque le contrat de location-gérance est renouvelé par tacite reconduction, il n’est pas nécessaire de procéder à une nouvelle publicité du contrat, dès lors que la nature de l’exploitation et l’identité de l’exploitant restent inchangées par rapport à la publication initiale[46]. L’acte uniforme portant droit commercial général impose que le locataire-gérant doit indiquer sous peine de sanctions pénales, en tête des bons de commande, factures et autres documents à caractère financier ou commercial de sa qualité de locataire-gérant du fonds de commerce ainsi que son numéro d’immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier[47]. Le défaut de publicité n’entraîne pas la nullité de la location-gérance. Toutefois, les conditions de publicité sont sanctionnées par une inopposabilité de la location-gérance aux tiers. Dans ce cas, pour protéger les créanciers du locataire-gérant, le propriétaire reste responsable des obligations contractées par son successeur dans l’exploitation du fonds. Pour cette raison le propriétaire a intérêt à faire publier le contrat afin d’être déchargé de ces dettes. Quant au locataire-gérant, la publicité est organisée de telle manière que les tiers sachent bien que le fonds n’est pas sa propriété. Parallèlement au formalisme imposant un écrit dans le cadre de la constitution d’actes juridiques, il faut mentionner la multiplication des formalités obligatoires de publicité pour certains d’entre eux[48], comme c’est le cas pour le contrat de location-gérance. Cette exigence de forme est sanctionnée par des dommages-intérêts au profit de ceux qui en auraient souffert. Par ailleurs, l’inobservation de l’exigence de publicité de location-gérance est sanctionnée à titre principal par son inopposabilité. Une sanction des plus efficace qui, sans entamer la valeur de l’acte juridique entre le bailleur et le locataire-gérant, le rend inopposable aux tiers. Il est clair en droit OHADA que la publication du contrat de location-gérance est l’objet de mesures de publicité tant au début qu’à la fin de la location-gérance. Le non-respect de cette exigence, sans entrainer la nullité de la location-gérance[49], la rend inopposable aux créanciers du fonds. Et dans ce sens, maintient une solidarité à l’origine temporaire entre le preneur et le loueur du fonds. C’est ce qui ressort clairement des dispositions de l’acte uniforme portant sur le droit commercial général qui dispose que : « jusqu’à la publication du contrat de location-gérance, le propriétaire du fonds est solidairement responsable des dettes du locataire-gérant nées de l’exploitation du fonds donné en location-gérance »[50].
Une autre implication de cette double mesure de publication[51] doublée du maintien de l’inscription au RCCM du loueur, quoique modifié[52], montre à bien des égards une certaine survivance dans l’esprit du législateur OHADA de l’idée de dépendance du locataire-gérant du fonds. Ce dernier n’étant finalement que preneur d’un fonds de commerce dont il n’est pas propriétaire et les tiers devant en être informés[53].
B. Les moyens de protection afférents à l’exécution du contrat de location-gérance
Une bonne pléiade de mécanismes est dédiée pour la protection du locataire-gérant dans le cadre de l’exécution du contrat de location-gérance. Mais avant de s’y pencher véritablement, il convient de préciser le contenu du vocable exécution. Du latin juridique executio, du verbe exsequi, l’exécution peut être généralement comprise comme la « réalisation effective des dispositions d’une convention ou d’un jugement »[54]. C’est plus précisément « l’accomplissement par le débiteur de la prestation due »[55] ; ou en clair, le « fait de remplir son obligation »[56]. Ce terme s’apparente à ceux de paiement, observation ou désintéressement ; impliquant une satisfaction du créancier et une libération du débiteur. Ainsi dans la phase d’exécution du contrat de location-gérance, il y a lieu de remarquer, au-delà des garanties mises à la charge du loueur de fonds en vertu du contrat (1), il importe de relever la possibilité d’appel en responsabilité de ce dernier dans des cas bien précis (2).
1. Les garanties à la charge du loueur de fonds en vertu du contrat de location-gérance
Entre garantie de jouissance paisible, garantie de l’éviction et garantie des vices cachés du fonds loué, les obligations incombant au loueur de fonds en vertu du contrat de location-gérance sont d’un apport certain dans la protection du gérant libre.
a. La garantie de jouissance paisible du fonds loué
La garantie de jouissance paisible du fonds loué et des locaux y afférents qui pèse sur le bailleur-propriétaire du fonds de commerce mis en gérance libre se décompose en obligation de mise à disposition du fonds, d’une part ; et en obligation d’assurer au preneur la jouissance paisible, d’autre part.
Désignée par ailleurs sous les vocables obligation de délivrance du fonds loué, l’obligation de mise à disposition du fonds loué est l’une des obligations majeures dont est tenu le bailleur du fonds. En quoi consiste la mise à disposition du fonds loué ? En effet, il découle de cette obligation du loueur qu’il est tenu de délivrer au locataire-gérant le fonds de commerce avec tous les éléments qui le composent, et ce, en bonne état de toutes réparations. Sauf stipulations contraire contenues dans le contrat de location-gérance, la délivrance du fonds de commerce est présumée porter sur tous les éléments existants nécessaires à sa bonne exploitation. Il s’agit de la clientèle ; l’enseigne et le nom commercial ; le droit au bail ; les brevets, marques et dessins le cas échéant ; les éventuelles licences nécessaires à l’exploitation ; le mobilier ; le stock ; le matériel ; etc. La jurisprudence d’outre méditerranée rappelle fréquemment que l’obligation pour le propriétaire du fonds de le mettre à la disposition du gérant doit répondre en tout temps aux normes de sécurité fixées par les lois pour en permettre une exploitation régulière. Dans ce sens, la clause de prise de possession des lieux en l’état n’exonère pas le loueur de son obligation de délivrer le fonds en l’état de servir à l’usage convenu.
Par ailleurs, la clause par laquelle le gérant reconnait prendre les lieux dans l’état où ils se trouvent et s’interdit même tout recours à l’encontre du bailleur est parfaitement valable en ce qui concerne la prise de possession et la délivrance. Il en va de même de la clause par laquelle ce dernier déclare prendre possession des lieux en l’état, sans pouvoir par la suite exiger du bailleur une quelconque réparation autre que celles qui sont véritablement nécessaire pour assurer une bonne exploitation qui décharge le bailleur des travaux d’aménagement imposés par la réglementation en vigueur lors de la prise de possession des lieux. Au-delà, lorsque le bailleur ne remplit pas son obligation de délivrance ou même laisse planer une non-conformité de sa délivrance, le gérant peut saisir le juge à l’effet d’exiger la mise à disposition conforme du fonds de commerce loué. Il peut par ailleurs, à son choix demander tout simplement la résiliation du contrat de location-gérance. Dans tous les cas, le locataire-gérant qui n’a pas reçu délivrance conforme du fonds loué doit être indemnisé par le bailleur de qui provient ce défaut. Le bailleur doit assurer au gérant libre une jouissance paisible du fonds de commerce loué, pendant toute la durée du contrat. Ainsi, ce dernier doit s’abstenir de faire concurrence au gérant, soit directement, soit indirectement, par personne interposée[57]. D’ailleurs, il est d’usage d’insérer dans le contrat de location-gérance, une clause de non rétablissement qui doit être limitée soit dans le temps, soit dans l’espace. Enfin, le bailleur ne doit pas donner le fonds qui est en location à un autre gérant.
In fine, le bailleur ne doit pas modifier unilatéralement les conditions d’exploitations prévues au contrat initial. Dans ce sens, la chambre sociale de la Cour de cassation française a décidé qu’en imposant une ouverture permanente à son gérant de station-service, une société pétrolière est responsable de la rupture du contrat[58].
b. La garantie de l’éviction et des vices cachés du fonds loué
Entre garantie contre l’éviction et des vices cachés, la protection du preneur dans la location-gérance semble bien adressée au stade de l’exécution du contrat. Le loueur doit garantir la jouissance paisible du bail à son locataire, à cet égard il doit avant tout garantir de son fait personnel : il doit s’abstenir de tout fait qui pourrait diminuer la valeur du fonds de commerce et entraver par conséquent l’exploitation du locataire-gérant. Il peut ainsi évincer le locataire de certains éléments du fonds exemple : l’enseigne ; ni de lui faire concurrence directement ou indirectement, soit par le fait de détourner la clientèle par des manœuvres frauduleuses soit de procéder à des agissements susceptibles de gêner le locataire gérant dans son exploitation. Il s’agit par analogie à la situation d’un acquéreur de fonds, de garantir le preneur ou locataire de l’éviction du fait personnel du loueur ou du fait des tiers. Ainsi, à l’instar de l’acquéreur de fonds[59], le preneur est protégé par l’interdiction de tout acte qui serait susceptible de le gêner dans le cadre de la gérance du fonds loué. Et dans ce sens, les parties à la location-gérance pourront insérer au contrat de location-gérance les clauses de non-rétablissement, dont le but est d’empêcher le bailleur de faire concurrence au gérant ; en se réinstallant à proximité ou avant l’écoulement d’un certain laps de temps. On comprend tout de suite que cette obligation soit limitée dans le temps ou dans l’espace, rien n’interdisant une limitation cumulativement dans le temps et dans l’espace.
En revanche, il faut bien préciser que la clause de non-concurrence ou de non-rétablissement en faveur du locataire comme pour l’acquéreur d’un fonds[60], ne doit valoir que pour le type d’activité exercée via le fonds, car, il faut seulement empêcher le bailleur de reprendre la clientèle qu’il cède en jouissance au gérant libre. De plus, les clauses dont il s’agit, doivent être suffisamment précises pour indiquer quand est ce que le loueur de fonds peut reprendre une activité similaire. S’agissant par ailleurs des cas d’éviction du fait des tiers, il est question de préserver le locataire-gérant des cas où des tiers disposeraient de droits sur le fonds ou simplement, le cas où des charges grèveraient le fonds loué. Et à cet effet, le bailleur est tenu de garantir au locataire-gérant une jouissance, pour le moins paisible du fonds loué comme il le ferait dans le cadre d’une cession en pleine propriété du fonds[61].
Le bailleur aussi est tenu de garantir le locataire gérant contre les vices antérieurs ou postérieurs au contrat de gérance, affectant soit le fonds dans son ensemble, soit un élément du fonds individuellement considéré à condition qu’ils soient graves à tel point qu’ils empêchent ou entravent l’exploitation du fonds. Encore faut-il que le loueur n’en ait pas connaissance au moment de la conclusion du contrat[62]. Selon le degré de gravité du vice, le gérant a le droit, soit de demander la résiliation du contrat soit la diminution du prix de la location. Il est clair qu’à l’instar de tout vendeur de fonds, le loueur de fonds de commerce demeurant garant auprès du locataire-gérant de l’ensemble des vices cachés pouvant affecter le fonds mis en location. Et on subodore de cette garantie comme une sanction des défaillances du bailleur du fonds face à ses obligations[63]. Ainsi pense-t-on au cas où le locataire-gérant serait évincé partiellement, soit qu’il découvre des charges qui n’étaient pas déclarées dans le cadre de la formation du contrat de location-gérance, soit que le fonds est affecté de vices cachés. En l’occurrence, le bailleur du fonds peut s’abstenir de fournir certaines informations sur les caractéristiques du fonds[64] ou même la situation géographique du fonds[65] qui par la suite s’avère déterminantes. Dans ces cas de figure, la sanction serait la résiliation de la location-gérance ; à condition de démontrer en tout état de cause que la situation est de nature à affecter significativement sa jouissance du fonds loué et donc, qu’il n’aurait pas pu en connaissance d’une telle situation consentir au contrat.
Par ailleurs, le propriétaire du fonds de commerce qui est commerçant ou, du moins qui l’était, est tenu de faire modifier à ses frais son inscription au RCCM par la mention de la mise en location-gérance de son fonds. On peut penser, et ce à juste titre[66], que cette obligation du bailleur du fonds est enserrée dans le même délai que la publication du contrat de location- gérance[67]. En effet, semble-t-il, contrairement à l’idée en matière de cession de fonds de commerce, dans le cadre de la gérance libre, le gérant devient commerçant à la place du loueur de fonds qui lui cesse de faire de l’accomplissement des actes de commerce par nature sa profession[68]. C’est dans ce sens que le législateur OHADA n’exige qu’une modification de son inscription et il est procédé à la modification inverse au terme contrat de location-gérance ; et cette fois, aux frais du gérant[69]. D’ailleurs, l’on envisage toujours la possibilité de demande de radiation au RCCM de l’enregistrement du bailleur dans le mois suivant sa cessation d’activité, à moins qu’il ne dispose d’un autre fonds de commerce[70].
2. La possibilité d’appel en responsabilité du loueur de fonds
L’appel en responsabilité du loueur de fonds est envisageable en tout état de cause en vertu de l’obligation solidaire, suggérée à l’article 145 AUDCG et dont il est tenu s’agissant des dettes du locataire-gérant nées de l’exploitation du fonds donné en location ; de même qu’il opère à travers les éventuels cas de responsabilité personnelle de son fait personnel.
a. La solidarité du loueur des charges et dettes de gérance du fonds
L’article 145 de l’acte uniforme portant droit commercial général pose la règle de la solidarité du propriétaire du fonds de commerce s’agissant des dettes du locataire-gérant issues de l’exploitation du fonds loué. Ainsi, peut-on y lire que « jusqu’à la publication du contrat de location-gérance, le propriétaire du fonds est solidairement responsable des dettes du locataire- gérant nées de l’exploitation du fonds donné en location-gérance »[71]. C’est dire combien le bailleur a intérêt à faire publier le contrat le plus vite possible afin d’être déchargé de ces dettes contractées par le gérant ; quand on sait qu’il transparait de ce texte un enserrement de cette solidarité dans la durée par le législateur. Mais aussi, convient-il de le préciser : le bailleur du fonds ne répond dans le cadre de cette solidarité l’ensemble des dettes du locataire-gérant ; toute chose imposant de procéder à un examen de la nature des dettes d’exploitation objet de cette solidarité.
La durée de la solidarité du propriétaire des dettes du locataire-gérant n’est pas clairement posée à l’article 145 de l’acte uniforme fixant l’exigence. D’ailleurs, on y observe simplement que jusqu’à la publication du contrat, le locataire et le bailleur sont solidairement responsables des dettes contractées par le locataire-gérant. Et donc, en claire, la solidarité dont s’agit dure tant que la mesure de publication prévue à l’article 139 al. 3 AUDCG n’est pas effectuée. Cette disposition prévoit que « tout contrat de location-gérance doit en outre être publié dans la quinzaine de sa date sous forme d’extrait dans un journal habilité à recevoir les annonces légale ». Autrement dit, pour le législateur OHADA, la solidarité dure 15 jours ; sauf bien sûr manque de diligence de la part des parties au contrat de location-gérance. Il semble évident à la lecture combinée des articles 139 al. 3 et 145 AUDCG que la période de solidarité commence à courir de la date de conclusion du contrat de location-gérance au jour de la publication conformément aux dispositions de l’article 139 al. 3 AUDCG y afférentes.
Ainsi, ne sont pas prises en compte les dettes contractées par le gérant avant qu’il n’acquière cette qualité[72]. Il convient d’indiquer aussi que les tribunaux font une interprétation restrictive favorable au bailleur, de la notion de « dette du locataire, contractées » à l’occasion de l’exploitation ; parce qu’il faut vérifier qu’il s’agit d’une dette commerciale. Dans ce sens les tribunaux ont décidé qu’il fallait examiner l’objet de la dette[73]. Aussi, faut-il exclure les dettes non contractuelles, c’est -à- dire délictuelles ou quasi-contractuelles[74], pour retenir les dettes contractuelles. La jurisprudence a considéré qu’il fallait entendre par « dettes contractuelles », celles qui ont une origine contractuelle et non celles qui résultent de la loi comme les cotisations sociales[75]. Pour protéger le gérant, la Cour de cassation française a décidé que le bailleur ne peut écarter la responsabilité solidaire qui pèse sur lui qu’à condition d’établir que le fournisseur a commis une imprudence en laissant le gérant s’endetter à son égard de façon excessive[76]. A noter que la solidarité ne joue pas lorsque le contrat de location-gérance a été passé par un mandataire de justice chargé de l’administration du fonds[77].
b. Les cas de responsabilité personnelle du loueur de fonds
La protection du locataire-gérant et ses créanciers, imposait d’engager la responsabilité du bailleur sur le fondement du droit commun. Dans le cadre du contrat de location-gérance, pour engager la responsabilité du bailleur, il faut d’abord établir sa faute, ensuite la corrélation entre cette faute et le non-paiement de la dette[78]. La responsabilité du bailleur présente bien des avantages pour les créanciers, puisqu’elle leur permet de s’affranchir des limites de la solidarité légale. Cette responsabilité peut porter sur tout type de dette et sur toute la durée du contrat[79]. Dans le cadre de cette responsabilité, le bailleur peut rester responsable après l’expiration du délai de six mois s’il a créé et entretenu une confusion entre son exploitation personnelle et l’exploitation du fonds donné en gérance libre. Cette responsabilité peut résulter d’une faute volontaire ou d’une imprudence. La chambre commerciale de la Cour de cassation française a décidé que « le bailleur pourrait être condamné in solidium avec le gérant s’il avait entretenu aux yeux des tiers une confusion entre sa propre affaire et le fonds exploité par le gérant »[80].
En plus de la responsabilité sur le fondement du droit commun, le bailleur du fonds encourt aussi une certaine responsabilité sur le plan fiscal. Le Code général des impôts consacre bien dans sa substance la responsabilité fiscale du bailleur d’un fonds ou tout simplement du bailleur. Ce texte oblige certaines personnes, en l’occurrence les bailleurs, à payer les impôts sur les bénéfices industrielles et commerciaux quel que soit leur objet. Ainsi définit-il les personnes qui sont soumises à ces impôts. Il s’agit des personnes et sociétés qui donnent en location un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation que la location comprenne ou non tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d’industrie. Cela dit-il, le bailleur d’un fonds est tenu du paiement de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux pour les redevances qu’il perçoit[81]. Cette responsabilité s’étend à tous les impôts directs établis en raison de l’exploitation de ce fonds de commerce. Cette obligation fiscale couvre toute la durée de la location. Et il appartient aux tribunaux, en cas d’ambiguïté des conventions, de rechercher d’après l’intention des parties qui, du bailleur ou du gérant est tenu d’en supporter la charge[82]. C’est-à-dire qu’il n’existe pas de texte impératif imposant à l’une des parties la charge définitive de la TVA.
Au regard de ce qui précède, bien qu’indéniable compte tenu de la panoplie de moyens mobilisables pendant la formation et l’exécution du contrat de location-gérance, la protection du gérant libre en droit OHADA n’est pas moins discutable.
II. Une protection discutable du locataire-gérant en droit OHADA
L’appréciation de la protection accordée au gérant libre en droit OHADA donne d’observer comme une protection, pour le moins, encore discutable. En effet, peut-on le constater, la défaillance de la protection du gérant libre en fin de contrat (A) ne cache que très mal l’absence de protection de ce dernier dans les cas de changement de propriétaire du fonds loué en cours de contrat (B).
A. La protection défaillante du locataire-gérant en fin de contrat
La défaillance observable de la protection du gérant en fin de contrat est plus visible qu’elle repose sur le choix préjudiciable en faveur d’un droit à reconduction du contrat de location-gérance (1), suggérant d’explorer les pistes d’un renforcement souhaitable (2).
1. Le choix préjudiciable en faveur d’un droit à reconduction du contrat de location-gérance
La reconduction renvoie à une continuation matérielle du contrat dans le silence des parties et dans ce cas, l’effet extinctif du terme n’ayant pas été modifié par les parties, il y aura tout simplement poursuite des relations contractuelles régies par les conditions du contrat originaire.
Ainsi, la technique contractuelle économiquement performante qu’est la location-gérance de fonds de commerce s’est voulue épurée de tout ce qu’elle avait d’excessif dans son fonctionnement, notamment cette solidarité instituée entre le bailleur et le gérant. Le législateur, par certains faits, a de manière incontestable rétabli une forme de justice contractuelle dont le déséquilibre né d’une confusion de situations juridiques constatée dans des législations antérieures se voulaient n’être que dommageables. La fin du contrat de location-gérance met en évidence certains effets y rattachés qui s’apprécient soit par une préférence à la tacite reconduction, pouvant s’exprimer au détriment du droit au renouvellement.
L’arrivée du terme stipulé met fin au contrat de location-gérance à durée déterminée, sauf clause de reconduction tacite initialement prévue au contrat. La tacite reconduction s’opère pour une durée indéterminée, s’il n’est pas justifié que le bail a été conclu pour des périodes successives. Le contrat tacitement reconduit entraîne son renouvellement automatique à l’issue de son terme sans formalité particulière en l’absence de décision contraire des parties. Cette tacite reconduction pourrait être empêchée au cas où une demande de résiliation dans le délai de préavis a été faite. Cette reconduction ne peut être envisagée à l’instar du renouvellement dont elle constitue la variété, que pour un contrat à durée déterminée. La reconduction obéit à certaines conditions et produit certainement des effets. L’article 1215 du code civil prévoit que « lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction ». Ainsi, lorsque le bail d’une location arrive à son expiration sans que le propriétaire ait donné congé au locataire ou en cas de silence des deux parties, il se poursuit tacitement. Toutefois, la durée de reconduction est encadrée par la loi. Le droit OHADA précise que la durée d’un contrat reconduit ne peut excéder trois (03) ans[83]. Quoique cette durée soit une durée indéterminée, le contrat de bail tacitement reconduit obéit à la règle selon laquelle, le bailleur a le droit de délivrer congé au locataire à tout moment, sous réserve de respecter un préavis suffisant. Ce congé délivré par le bailleur peut être accompagné d’une offre de renouvellement du bail ; dans ce cas, il n’est pas nécessaire de proposer une indemnité d’éviction.
La reconduction produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat ; elle a de ce fait pour conséquence d’emporter création d’un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée. Cette règle posée est toutefois supplétive, de sorte que les parties peuvent y déroger. La tacite reconduction peut entraîner des effets indésirables pour les parties. Elle permet de continuer à bénéficier des avantages du statut du contrat en question. En effet, la prolongation ne crée pas de nouveau contrat entre les parties ; c’est le contrat initial qui a vocation à s’appliquer. Par conséquent, le bailleur et le preneur restent les mêmes. Il peut arriver que certains effets liés à la tacite reconduction constituent des risques pour le preneur. Il en va ainsi dès lors que le régime de la reconduction place le gérant dans une situation précaire et très incertaine dont l’aurait préservé le droit au renouvellement.
2. Les pistes souhaitables de renforcement de la protection du locataire-gérant en fin de contrat
C’est le lieu ici de relever que le renforcement de la protection attendue du gérant libre en fin de contrat passe par une évolution vers un véritable droit au renouvellement de la location-gérance ; et aussi, par les actions de sauvegarde des intérêts du gérant en fin de contrat contre les comportements frauduleux du loueur.
a. L’évolution espérée vers un véritable droit au renouvellement au bénéfice du gérant en fin de contrat
L’analyse de l’Acte Uniforme OHADA nous démontre que le contrat de location gérance présente plusieurs lacunes ; pour cette raison, le recours aux solutions du législateur français visant à compléter nos données en la matière s’avère nécessaire. Notons en outre que le législateur communautaire, n’ayant pas apporté des éclaircissements sur les relations qui existent entre le locataire gérant et les tiers au contrat (à savoir le propriétaire de l’immeuble dans lequel le fonds est exploité et l’acquéreur du fonds), nous devons pour le moment faire appel au législateur et à la jurisprudence français qui nous démontrent que le locataire-gérant n’a pas de droits à l’égard de ces personnes ; de même que le renouvellement du bail est reconnu au seul bailleur du fonds. Il est également à noter la question de la redevance, élément indispensable au contrat de location-gérance qui a été omis par le législateur OHADA qui se veut être associée avec celle de l’exploitation personnelle du fonds de commerce, à la suite de quoi nous tablerons sur les conditions d’amélioration du statut du locataire-gérant en s’inspirant du régime du bail professionnel. En considérant la définition de la location-gérance telle que donnée par l’article 138 al.2 AUDCG, on se rend rapidement compte, dans la suite[84], que le législateur a été soucieux de fournir bien de précisions sur la redevance que doit généralement payer le locataire-gérant. Les loyers que doit payer le gérant en tant que redevance doivent être prévus au contrat car étant un élément indispensable à celui-ci[85].
Les professeurs Santos et Toé ont pensé, conformément à la conception de la location-gérance que la première obligation du locataire-gérant est de payer la redevance[86]. La location-gérance est un contrat qui contient en général une clause aux termes de laquelle « la présente location-gérance est personnelle au locataire-gérant qui ne pourra en conséquence se substituer quiconque, sous quelque forme que ce soit dans l’exploitation du fonds ». Le paiement de redevance et l’exploitation personnelle sont des obligations substantielles au contrat sans pour autant détenir l’exclusivité en matière de location-gérance.
b. La nécessaire préservation des intérêts du locataire-gérant en fin de contrat contre les comportements frauduleux du loueur
Une fois le fonds mis en location-gérance, le loueur ou bailleur va d’abord cesser d’être commerçant, mais va demeurer inscrit au RCCM avec sa nouvelle qualité de loueur. Il a les obligations du bailleur et doit mettre le fonds à la disposition du locataire et il doit s’abstenir d’apporter un trouble dans l’activité du locataire. En particulier il ne doit pas lui faire de concurrence déloyale. De ce fait, le loueur ne doit pas être de mauvaise foi. Il doit en outre au locataire une garantie contre un abus de son droit de propriété. L’article 1104 du code civil dispose que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ». Ce principe qui était auparavant énoncé au 3e alinéa de l’article 1134 du code civil, est tantôt entendu comme un continuum de la force obligatoire du contrat, tantôt comme un mécanisme d’équité pouvant venir au secours de la partie faible dans un contrat.
A la fin d’un contrat de location-gérance, compte tenu du silence de la part du législateur communautaire sur la question, le bailleur dans son droit de refus de renouvellement pourrait avoir à user de mauvaise foi à l’endroit du locataire. La pratique observée nous fait état d’un type de bailleur, qui, voyant l’activité du locataire-gérant prospérer, va faire usage de stratégie ou de ruse afin de faire pression sur le locataire ou alors de multiplier son loyer. Cette mauvaise foi a pour principal objectif d’évincer le locataire de son exploitation qu’il s’est donné la peine de fructifier, et du coup, va engager la perte de son fonds de commerce, et partant, son élément essentiel qui est la clientèle. Le bailleur ne doit pas donner le fonds qui est déjà en location à un autre gérant. Même si le fonds a été loué à deux personnes, celle qui a été mise en possession de bonne foi doit être préférée, et par la suite maintenue en jouissance, lorsque même son bail serait postérieur en date[87].
Le bailleur du fonds doit s’abstenir de faire concurrence à son locataire-gérant, soit directement, soit indirectement (par personne interposée). Il sera alors d’usage d’insérer dans le contrat de location gérance une clause de non rétablissement qui devra être limitée dans le temps et dans l’espace. Bref, le loueur ne doit pas modifier unilatéralement les conditions d’exploitation prévues au contrat initial. Dans ce sens, nous pouvons nous référer à la décision prise par la Cour de cassation française relative au fait que, l’imposition d’une ouverture permanente à son gérant de station-service a rendu une société pétrolière responsable de la rupture du contrat[88]. Comme cela est effectif dans le contrat de bail à usage professionnel au profit du bailleur, elle pourrait se trouver insérée dans le contrat de location-gérance au profit du locataire. Sur ce, elle devrait revêtir une automaticité au profit du locataire. Lorsqu’elle est uniquement l’apanage du bailleur, si le juge ne vient pas à en constater la pertinence de l’infraction relevée, les conséquences se voudront assez graves pour le preneur qui sera expulsé et du coup perdra le fonds de commerce exploité dans les lieux loués. Faire échec à certains comportements déloyaux impose au juge de s’interroger sur les circonstances de la mise en œuvre de cette clause qui permettra de déceler une éventuelle attitude abusive du bailleur[89]. Le recours à une bonne foi contractuelle va donc se trouver être un outil véritable qui a vocation de faire échouer la clause résolutoire que le bailleur va utiliser à des fins détournées.
B. L’absence de protection du locataire-gérant dans les cas de changement de propriétaire de fonds en cours de contrat
C’est un fait patent à l’analyse des dispositions de l’AUDCG relative à la location-gérance du fonds de commerce que le législateur OHADA ne prête aucune attention aux hypothèses très probables de changement de propriétaire du fonds en cours de location-gérance. En effet, la survenance de telles situations peut s’avérer dévastatrice pour les intérêts du preneur et ainsi le fragiliser dans l’exercice de son activité. En l’état, il semble tout de même regrettable que le sort du preneur de fonds de commerce ne soit pas abordé par le législateur OHADA quand on sait que la réalisation des différentes hypothèses de changement de propriétaire du fonds de commerce mis en location-gérance pourrait porter un coup à la stabilité de son exploitation (1). Et face à cette carence il semble louable d’envisager des pistes d’encadrement des droits du locataire-gérant en diverses hypothèses de changement de propriétaire (2).
1. Les cas possibles de changement de propriétaire
Le changement de propriétaire du fonds en cours de location-gérance s’opère en cas de cession du fonds, d’une part ; et en cas de décès survenu du loueur de fonds, d’autre part.
a. La cession du fonds en cours de contrat
C’est clair que la propriété d’un fonds de commerce objet de location-gérance peut être transférée par suite de cession. Une opération juridique portant sur le droit de propriété dont la compréhension éclaire à suffisance sur le sort de la location-gérance en cours. Le terme cession tiré du verbe « céder » synonyme d’aliéner désigne l’opération juridique par laquelle la propriété d’un bien ou d’un ensemble de bien ou d’un droit, passe du patrimoine du cédant à celui du cessionnaire ou bénéficiaire de la cession. D’ailleurs, la cession du fonds de commerce évoque assez clairement l’hypothèse de la cession d’un ensemble patrimonial comprenant à la fois des biens mobiliers[90] et des droits[91]. Il s’agit précisément de la cession entendue du latin cessio dérivé de cedere ; c’est-à-dire, aller, se retirer ou même, faire abandon de. C’est pour ainsi dire, la transmission entre vifs du cédant au cessionnaire d’un droit réel ou personnel[92]. Cela, que ce soit à titre onéreux ou gratuit[93].
Pour Protéger le gérant en cas de cession du fonds loué, la question se pose de savoir si le contrat de location-gérance est opposable à l’acquéreur du fonds, étant donné que le propriétaire du fonds conserve le droit de le vendre et de le donner en nantissement[94]. Encore les créanciers du propriétaire peuvent saisir le fonds et le vendre en justice. Pour répondre à cette question, nous savons que l’article 1743 du Code civil qui permet au locataire d’un immeuble d’opposer le bail à l’acquéreur n’est pas opposable au contrat de location-gérance. L’acquéreur pourrait donc en théorie expulser le gérant[95]. Pourtant dans le but, même inavoué de préservation des droits du locataire-gérant, le législateur OHADA devrait consacrer soit, l’obligation de poursuivre jusqu’à terme le contrat de location-gérance ; soit, et pour convenir avec une certaine doctrine[96], envisager les possibilités d’indemnisation du preneur dans ces cas de rupture incidente et surtout préjudiciable de rupture de la location-gérance.
Dans la pratique, mention est toujours faite dans les actes de vente de fonds de commerce de l’éventuelle existence d’une location-gérance. Dans ce cas l’acquéreur doit respecter ce contrat ou bien, l’acte de location-gérance pourra prévoir que la gérance prendra fin de manière anticipée en cas de vente du fonds. En clair, l’importance du maintien de la location-gérance doit pouvoir s’apprécier en faveur du gérant ; quand on sait le terme de la location-gérance marque le point de départ de l’exigibilité des obligations nées de l’exploitation ou gestion du fonds. Ce qui serait extrêmement périlleux pour ce dernier si d’aventure la fin de la location-gérance devait intervenir de façon incidente par la cession du fonds de commerce dont il s’est vu concéder la jouissance. Si au demeurant il semble incontestable que la cession d’un fonds objet de location-gérance entraine la fin du contrat de location gérance, qu’en sera-t-il en cas de décès du bailleur ou propriétaire du fonds de commerce loué ?
b. Le décès du propriétaire du fonds loué
L’une des conséquences du décès en droit est le transfert de la propriété aux survivants. C’est le sens de l’aphorisme juridique selon lequel le mort saisit les vivants. Et on aurait tout de suite envisagé comme une survivance des droits et obligations du de cujus dans la personne de son héritier. Les textes applicables aux baux d’immeubles sont exclus au contrat de location-gérance. Encore, le bail des locaux d’exploitation pouvait contenir une clause interdisant au locataire de faire occuper les lieux par des tiers ou obligeant le preneur à exploiter personnellement. Et dans les cas où il existe une telle clause, la location-gérance est interdite[97]. Mais le souci de protection du preneur en cas de redressement judiciaire, en revanche, rend ces clauses inopérantes en cas de décision du tribunal autorisant la conclusion d’un contrat de location- gérance[98]. Le locataire-gérant n’a aucun lien de droit avec le propriétaire de l’immeuble. Il n’est pas considéré comme un sous-locataire des locaux commerciaux, il n’a alors aucun droit à l’égard du bailleur de ces locaux[99]. Dans le cadre de la protection du locataire-gérant, on peut examiner deux cas. D’abord, lorsque le bailleur du fonds est lui-même locataire des locaux où est exploité le fonds, le locataire-gérant est un tiers vis à vis du propriétaire de l’immeuble. Dans cette hypothèse – la plus fréquente –, le gérant est tenu de respecter les clauses du bail de l’immeuble[100]. Dans cette hypothèse la Cour de cassation française a décidé que le bailleur du fonds a seul la qualité pour demander le renouvellement du bail[101]. Cette position est à notre avis injuste parce qu’elle n’est pas favorable aux locataires-gérants. Plus tard, pour protéger le locataire- gérant, la Cour de cassation française a décidé qu’en cas de refus de renouvellement du bail par le propriétaire de l’immeuble et le maintien dans les lieux du locataire-gérant, l’indemnité d’occupation doit être payée par le bailleur[102]. Ensuite, il est à souhaiter que cette solution de la chambre civile de la Cour de cassation française soit généralisée dans les Etats de l’espace OHADA. Lorsque le bailleur du fonds est en même temps propriétaire de l’immeuble dans lequel le fonds est exploité, le gérant se trouve alors locataire de l’immeuble. Dans ce cas, le gérant a droit, lorsqu’il quitte les lieux, à une indemnité égale à la plus-value apportée au fonds de commerce ou à l’immeuble par les améliorations effectuées avec l’autorisation du propriétaire[103]. L’étude des obligations du gérant libre pendant l’exécution du contrat de location-gérance nous a permis de constater les différentes charges qui lui incombent pendant l’exécution et à la fin du contrat de location-gérance. Pour cela donc, le gérant libre ou preneur a besoin d’une protection accrue.
Qu’il s’agisse, en somme, de l’hypothèse de cession du fonds loué ou celle de décès du propriétaire en cours d’exécution de la location-gérance, et considérant les effets pervers probables sur l’exploitation du fonds par le gérant libre, il importe d’envisager assez sérieusement l’encadrement des droits de ce dernier dans les cas de changement de propriétaire en cours d’exécution du contrat.
2. Les voies explorables en cas de changement de propriétaire intervenu en cours de contrat
Pour faire face au risque d’instabilité qui plane sur l’activité du gérant libre du fait seul de la possibilité de changement de propriétaire en cours d’exécution du contrat de location-gérance, il importe de réagir pour susciter une reconsidération de la situation de tout gérant en cas de mutation du droit de propriété sur le fonds mis à sa disposition. Dans ce sens, envisageons- nous, au-delà de la poursuite automatique de la location-gérance avec le nouveau propriétaire du fonds, la consécration d’un véritable droit de préemption au profit du locataire-gérant en cas de cession envisagée du fonds objet du contrat de location- gérance.
a. La continuation de plein droit de la location-gérance avec le nouveau propriétaire
Il importe, dans l’optique de préservation des intérêts du locataire-gérant dans les cas de changement de propriétaire, d’envisager de façon automatique la poursuite du contrat de location-gérance avec le nouveau propriétaire. A cet effet, il sied d’évoluer vers la continuation de la location-gérance avec les héritiers du bailleur décédé ou la poursuite du contrat de location-gérance avec l’acquéreur du fonds de commerce. La survenance du décès du bailleur du fonds peut s’avérer dévastatrice pour l’activité du gérant. Qui plus est, face au silence jusqu’ici gardé par le législateur OHADA, qui, en envisageant les mécanismes de protection du preneur d’un fonds de commerce n’a pas cru bon ou tout simplement, n’a pas eu la présence d’aller au bout pour poser les règles en cas de décès survenu du bailleur du fonds de commerce.
Mais quoi qu’il en soit, l’idée présente de renforcement de la protection du preneur dans le contrat de location-gérance, comparaison n’étant pas toujours raison, nous impose par analogie de revisiter le régime du contrat de location le plus abouti ; en l’occurrence, le bail à usage professionnel. A propos du bail à usage professionnel, le droit OHADA pose sans ambiguïté que « le bail ne prend pas fin par la cessation des droits du bailleur sur les locaux donnés à bail »[104]. Toujours à ce propos, l’acte uniforme relatif au droit commercial général dispose, pour clairement adresser l’hypothèse de décès du propriétaire ou du bailleur, que « le bail ne prend pas fin par le décès de l’une ou de l’autre des parties ». Ainsi donc, de la lecture croisée de ces deux dispositions de l’acte uniforme portant sur le droit commercial général, il apparaît clairement une exception au principe de l’effet relatif des contrats, à savoir : la continuation de plein droit du bail à usage professionnel. D’ailleurs, cette continuation concerne bien aussi les cas de décès du bailleur. Cette posture du législateur OHADA en matière de protection du bail des professionnels devra guider son expression et son action dans le sens du renforcement souhaité de la protection du locataire d’un fonds de commerce en cas de décès de son bailleur. Et dans ce sens, il est envisagé la possibilité de continuation du contrat de location-gérance avec les survivants du bailleur. D’ailleurs, semble-t-il, l’acte uniforme portant sur le droit commercial général lève un pan de voile sur la question en introduisant des dérogations à l’exigence d’exploitation préalable et à titre personnel du fonds mis en location par le bailleur. Il s’agit de la possibilité de déroger aux dispositions de l’article 141 de l’AUDCG[105], en autres, offert « (…) aux héritiers et légataires du commerçant décédé, en ce qui concerne le fonds exploité par ce dernier ; (…) »[106].
Bien évidemment, le bailleur du fonds, demeurant propriétaire du fonds de commerce loué peut envisager la cession de ce dernier, soit volontairement ou à la demande des créanciers du fonds. Toute chose suggérant de s’interroger sur le sort du preneur ; question de garantir autant que faire se peut ses droits dans la location-gérance. C’est dire que dans le cas où le fonds donné en location gérance serait vendu soit par le propriétaire lui-même, soit par les créanciers inscrits sur le fonds, la question au demeurant sera de savoir si le nouvel acquéreur peut expulser le locataire-gérant ; et donc, lui retirer la gérance du fonds. Si rien ne permet en l’état actuel du droit harmonisé de répondre à cette interrogation dans une optique de préservation des intérêts du locataire-gérant, le recours au droit commun des baux donne de constater qu’il est fait obligation à l’acquéreur d’une chose louée le respect de baux ayant une date certaine avant la vente sauf stipulation contraire. On est même en droit de penser que c’est fort de cette disposition que le législateur dans le cadre de la protection du bail à usage professionnel indique de manière claire que « le bail ne prend pas fin par la cessation des droits du bailleur sur les locaux donnés à bail »[107] ; parce que dans ce cas, précise-t-il, « le nouveau bailleur est substitué de plein droit dans les obligations de l’ancien bailleur et doit poursuivre l’exécution du bail »[108]. Une telle position doit être poursuivie par le législateur OHADA, s’agissant de la location-gérance dans le sens de la préservation d’une certaine stabilité à l’exploitation du locataire-gérant de fonds.
Pour ainsi qu’à défaut d’un texte légal, l’on peut déduire par analogie que la gérance du fonds est opposable à l’acquéreur du fonds. Il est à remarquer cependant que certains auteurs contestent ce point de vue. Ainsi par exemple, Lyon Caen et Renault[109] refusent d’étendre les dispositions de l’article 1743 du Code civil français en tout point conforme aux dispositions du droit marocain des contrats[110], à la location gérance du fonds de commerce en l’absence d’un texte spécial, étant donné que ledit article constitue une disposition d’exception propre à la location d’immeuble. En pratique une telle opinion ne peut entraîner qu’un grave risque d’insécurité sur le contrat consenti au locataire-gérant. Il serait donc préférable, selon Marie Jeanne Compana, d’étendre l’article 1743 du Code civil français en matière de location-gérance[111]. Enfin, toute clause stipulant que le contrat prendra fin en cas de vente du fonds de commerce de plein droit est valable, et le locataire-gérant a droit à une indemnité d’éviction[112]. Quoi qu’il en soit au final, entre possibilité de poursuite du contrat de location-gérance en cas de décès du bailleur ou cession du fonds loué par ce dernier, il semble à stade loisible de reconnaitre au bénéfice du locataire-gérant un droit préemptif dans les cas de cession du fonds dont il se serait vu concéder la gérance auparavant.
b. L’évolution vers un droit préemptif du gérant sur le fonds loué en cas de cession envisagée
Il faut bien comprendre par droit de préemption, un avantage donné à quelqu’un, soit par la loi soit par une disposition contractuelle de pouvoir se substituer à l’acquéreur d’un droit ou d’un bien pour en faire l’acquisition à sa place et dans les mêmes conditions que ce dernier. C’est une prérogative qui innerve les rapports locatifs. Ainsi, la loi fait presque toujours obligation au bailleur d’un local à usage d’habitation qui a signifié un congé à son locataire motivé par son intention de vendre le logement que ce dernier occupe, de l’informer des modalités de la vente qu’il projette de réaliser. Cela, à l’effet de permettre au locataire de préempter ; et donc, de se substituer à tout acquéreur pour acquérir le logement.
De façon plus précise, le vocable juridique préemption est un terme composite fait du latin prae signifiant avant et emptio, c’est-à-dire, achat. Il s’agit selon Gérard Cornu du nom donné dans la tradition juridique à la faculté conférée par la loi ou par une convention à une personne, bénéficiaire d’une option, d’acquérir de préférence à toute autre, un bien que son propriétaire se propose de céder en se portant acquéreur de ce bien dans un délai donné, en général aux prix et conditions de la cession projetée[113].
La préemption ou droit de préemption a ceci de particulier qu’il accorde à une personne une place préférentielle dans l’acquisition d’un bien ou d’un droit. Ainsi notre réflexion sur la protection du preneur dans le contrat de location-gérance fait état de ce qu’au-delà des efforts jusqu’ici consentis dans l’espace OHADA, la situation du preneur dans la location- gérance reste tout de même, on ne peut plus précaire. Face à cet état de chose, et surtout dans l’optique de consolidation de la stabilité de l’activité du locataire-gérant, la consécration à son profit d’un droit préemptif sur le fonds de commerce loué est non seulement souhaitable mais indispensable au nécessaire renforcement de la protection du locataire-gérant OHADA. En effet, n’est-il pas en droit ligne de toute idée de développement économique de tenter de préserver l’activité économique même de sacrifice de quelques droits ? Ce fût le cas en matière de bail d’habitation et plus encore s’agissant de baux à usage professionnel. Quoi qu’il en soit, il semble clair qu’un droit préemptif en faveur du preneur dans le cadre du contrat de location-gérance constituerait un sérieux gage de stabilité de son activité commerciale. Et dans ce sens, il serait loisible que le locataire-gérant OHADA puisse à l’avenir se prévaloir de ce droit préférentiel d’acquisition dans les cas où le bailleur du fonds venait à en envisager la cession.
Rendu au terme réflexion sur la protection du gérant libre d’un fonds de commerce en droit OHADA, notons que la location-gérance met aux prises le loueur de fonds et le gérant libre, le premier concédant au second la gestion libre du fonds contre paiement d’une redevance bien souvent composite. Cela étant, rappeler l’intérêt de l’étude sur la protection du gérant libre sonne comme un pléonasme. Et dès lors, tentant de caractériser la protection du gérant libre d’un fonds de commerce en droit OHADA, force est de constater qu’aussi remarquable soit-elle, cette protection demeure, à tout le moins, discutable.
C’est donc pour tenter de la parfaire que notre constat d’analyse a fait état d’hésitations quant à l’affirmation d’un véritable droit au renouvellement de la location-gérance, doublées du silence préjudiciable du législateur OHADA sur la question relative au sort du gérant en cas de changement de propriétaire en cours d’exécution du contrat de location-gérance. Aussi avons-nous suggéré, pour juguler ces imperfections, la nécessité de consécration du droit au renouvellement de la location ; question de tempérer un tant soit peu les comportements frauduleux du bailleur du fonds en fin de contrat. Dans le même sens, l’importance d’un encadrement des cas de changement de propriétaire impose, comme c’est le cas en matière de bail à usage professionnel, de garantir au gérant la continuation du contrat de location-gérance avec le nouveau propriétaire ; ou même, de reconnaitre à celui-ci un droit de préemption sur le fonds dont la cession est envisagée. Si dans l’objectif même inavoué de promotion de l’investissement et de développement de l’activité économique, on peut convenir avec Jean Etienne Marie Portalis que « tout prévoir est un but qu’il est impossible d’atteindre »[114], on peut tout de même demeurer dans l’expectative d’une embellie dans le cadre de la protection du gérant dans le contrat de location-gérance. En effet peut-on préjuger d’une réaction très prochaine du législateur OHADA ; si tant est que le droit OHADA loin de muer en obstacle se devra toujours de stimuler dans la mesure du possible l’activité économique ? Dans ce sens, la doctrine n’enseigne-t-elle pas que « le droit doit faciliter l’activité économique au lieu de la contrarier »[115] ?
[1] Art. 115 AUPCAP.
[2] En effet, les articles 138-146 AUDCG consacrés aux modes d’exploitation du fonds de commerce évoquent à peine l’exploitation directe du fonds confinée à l’article 138 alinéa 2, et consacre d’importants développements aux précisions sur la location-gérance ou gérance libre.
[3] Décret n°53-874 du 22 septembre 1953 portant réglementation de la location gérance des fonds de commerce.
[4] L’article 4 du décret n°53-874 du 22 septembre 1953 prévoyait que seules les personnes physiques ou morales ayant exploité une entreprise commerciale depuis plus de sept années, ou ayant exercé une activité dans telle entreprise pouvaient donner leurs fonds en location gérance. Cette disposition laissait à un commerçant la possibilité de mettre en location gérance des fonds de commerce n’ayant aucun rapport avec son activité professionnelle propre, sans aucune restriction, et lui permettrait ainsi d’effectuer des opérations purement spéculaires, que le texte interdit.
[5] Voir. F. GIVARD, « L’agonie de la gérance libre », D., 1953, chron., p. 161.
[6] R. MAUS, « La résurrection du contrat de gérance », DS, 1956, chron., p. 14.
[7] A la différence du droit français, la location gérance ne porte pas sur un fonds artisanal.
[8] Voir l’articles 138 à 146 du chapitre 2, titre II de l’AUDCG révisé.
[9] S. GUINCHARD et T. DEBARD, (Dir.), Lexique des termes juridiques, 25ème éd., Dalloz, 2017-2018, p. 41.
[10] Voir. article 138 alinéa 4 de l’AUDCG
[11] P.-S. AKUETE et Y.-J. TOE, Droit commercial général, coll. Droit uniforme africain, Bruylant, Bruxelles, 2003, p.217.
[12] M. MENJUCQ, Droit commercial et des affaires, 14ème éd., Gualino, 2021.
[13] Dictionnaire de français compact, p. 1100.
[14] S. GUINCHARD et T. DEBARD, Lexique des termes juridiques, 25ème éd., Dalloz, 2017-2018, p 1261.
[15] Le gérant salarié est lié au propriétaire du fonds par un contrat de travail. Ceci implique une double subordination entre ces deux personnes : une subordination économique en ce sens qu’en contrepartie de ses prestations, le gérant a droit à une rémunération et une subordination juridique dans la mesure où le gérant agit conformément aux instructions reçues du propriétaire du fonds. A. FOKO, « Fonds de commerce », In P-G POUGOUE (Dir.), Encyclopédie du Droit OHADA, 1e éd., Lamy, 2011, p 821.
[16] Le gérant mandataire connu en droit français gère un fonds de commerce moyennant le versement d’une commission proportionnelle au chiffre d’affaire. Dans cette configuration à la française, le mandant demeure propriétaire du fonds et assume seul les risques. Voir à cet effet, B. SAINTOURENS, à propos de la loi n°2005-882 du 02 août 2005 en faveur des PME, RTD com. 2005, p. 504.
[17] Il est un salarié qui bénéficie de la législation sociale soumise à la loi n°92/007 du 14 Août 1992 portant code de travail du Cameroun.
[18] Dictionnaire de français compact, Larousse, Paris, 2005, p 1123.
[19] G. CORNU (dir), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 12ème éd., PUF, 2018. Voir dans le même sens, R.E. OKOMEN TSAGUE, « La protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel dans l’espace juridique OHADA », Revue de Doctrine Juridique Africaine, n°1, Mars 2021.
[20] N. EKWELLE EKANE, La protection des actionnaires dans l’espace OHADA, mémoire de D.E.A, université de Dschang, 2008, p. 6.
[21] Des articles 138 à 146 AUDCG ; alors qu’il aurait en apporter bien des précisions.
[22] G. CORNU (dir), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 475.
[23] Voir les articles 138 à 146 AUDCG.
[24] Voir Lexique des termes juridiques.
[25] Art. 138 al. 4 AUDCG.
[26] Art. 544 du Code civil.
[27] CA Ouagadougou, arrêt n°034 du 19 mars 2010 : Ohadata J-12-185.
[28] Com. 30 juin 1970 : Bull. civ., IV, n°227.
[29] Art. 138 al. 4 AUDCG. C’est une distinction qui aurait pour mérite d’introduire de la souplesse dans l’opération de location-gérance ; de même qu’elle permet d’éviter les confusions entre la location-gérance dont l’objet est le fonds et la sous-location dont l’objet est le local commercial (Cf. commentaires de l’art. 138 AUDCG, In OHADA : Traité et actes uniformes commentés, 4ème éd., Juriscope, 2012, J. ISSA-SAYEGH, P-G. POUGOUE et F-M. SAWADOGO (Sous la coordination), p. 313.
[30] Cass. com. 29 mai 1953, D. 1953. 9 599.
[31] M. MENJUCQ, Droit commercial et des affaires, 14ème éd., Gualino, p. 111.
[32] Cass. com. 1er févr. 1984, D. 1984. I. R. 229.
[33] Art. 141 al. 1 AUDCG : « La personne physique ou morale qui concède une location-gérance doit avoir exploité, pendant deux au moins en qualité de commerçant, le fonds mis en gérance ».
[34] Cass. com. 25 juin. 1974 : Bull. civ. IV p. 165
[35] Voir. J. DRAY, « Le contrat de location-gérance », Legavox, 2021. Disponible sur : www.legavox.fr
[36] Art. 1316 C Civ. Voir dans ce sens, L. GRYNBAUM, C. LE GOFFIC et L. MORLET-HAIDARA, Droit des activités numériques, 1er éd., Dalloz, 2014, n°19.
[37] Référence faite au support de l’écrit, et par opposition dans le cadre de l’élaboration d’actes juridiques au negotium ; bien entendu, contenu matériel ou informatif du document de preuve.
[38] Face à la difficulté de le définir, une autre question se pose : à quoi sert un écrit ? Il apparaît en effet important de tenter de répondre à cette question souvent analysée comme la clé pour opérer le passage harmonieux du « papier » au technologique. En effet, sur la base de l’équivalence fonctionnelle qui est reprise à plusieurs occasions dans la Loi, il semble possible d’opérer ce passage entre les deux supports. Ainsi, un document, quel que soit son support, sera considéré comme étant un écrit dès lors qu’il remplit les fonctions de ce dernier. Sans développer davantage cette expression qui dispose d’une page dédiée, nous nous limiterons à affirmer que cette notion peut être utilisée par les juges pour interpréter les cas pratiques de courriels, de vidéos, d’enregistrements sonores, de retranscriptions dans des banques de données, etc., qui sont présentés devant eux. Une méthode d’interprétation qui est somme toute similaire à la bonne vieille approche téléologique. La notion d’équivalence fonctionnelle vient de la Commission des Nations Unies sur le Droit Commercial.
[39] V. GAUTRAIS, La Neutralité Technologique : rédaction et interprétation des lois face aux changements technologiques, Editions Thémis, Montréal, 2012.
[40] L. GRYNBAUM, C. LE GOFFIC et L. MORLET-HAIDARA, Droit des activités numériques, 1er éd., Dalloz, 2014, n° 20 et s.
[41] Il s’agit des cas où l’écrit serait envisagé comme un élément de validité d’un acte juridique. Voir dans ce sens, H. et L. MAZEAUD, J. MAZEAUD et F. CHABAS, Introduction à l’étude du droit, 11ème éd., Monchrestien, 1996, Tome 1, Vol. 1, Leçon de droit civil, p. 382.
[42] H. et L. MAZEAUD, J. MAZEAUD et F. CHABAS, Introduction à l’étude du droit, op. cit., n° 395, pp. 538 et s.
[43] Art. 5 al. 1 AUDCG.
[44] Art. 139 al.3 AUDCG.
[45] Art.107 Acte Uniforme portant droit commercial général.
[46] Cass. com. 7 juil. 1996, JCP. 1996. 2. 14842.
[47] Art. 140 AUDCG.
[48] H. et L. MAZEAUD, J. MAZEAUD et F. CHABAS, Introduction à l’étude du droit, op. cit., n° 267, p. 382.
[49] Cette réflexion est portée par la doctrine (H. et L. MAZEAUD, J. MAZEAUD et F. CHABAS, op. cit., n°267, p. 382) et soutenue par la jurisprudence africaine (CA Abidjan, n° 263 du 25 février 2005).
[50] Art. 145 AUDCG.
[51] Publication au RCCM et au journal habilité à publier les annonces légales (Art. 139 al. 3 AUDCG).
[52] Art. 139 al. 4 AUDCG.
[53] Voir commentaires de l’article 140 AUDCG, In OHADA : Traité et actes uniformes commentés, 4e éd., Juriscope, 2012, J. ISSA-SAYEGH, P-G. POUGOUE et F-M. SAWADOGO (Sous la coordination), p. 314.
[54] G. CORNU (dir), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 432.
[55] Idem.
[56] Ibid.
[57] F. LEMEUNIER, op.cit., p.179
[58] Cass. soc. 11 oct. 1978, JCP.1978, IV, 343
[59] Art. 155 AUDCG : « Le vendeur de fonds de commerce doit s’abstenir de tout comportement qui serait de nature à gêner l’acquéreur dans l’exploitation du fonds vendu ».
[60] Selon la jurisprudence, l’obligation de non concurrence en matière de cession de fonds peut être invoquée aussi bien par l’acquéreur que par le sous-acquéreur si le fonds est revendu avant l’expiration du délai convenu pour le non-rétablissement (Cf. Req., 18 mai 1868, 1, 366) ; et cela se justifie, selon le Professeur Justine DIFFO TCHUNKAM, par le concept propter rem ou obligation réelle, transmise avec l’objet (res) dont elle est l’accessoire (J. DIFFO TCHUNKAM…p.221.
[61] Art. 155 al.3 AUDCG : « Le vendeur doit assurer à l’acquéreur la possession paisible de la chose vendue, et en particulier le garantir contre les droits que d’autres personnes prétendraient faire valoir sur le fonds vendu ».
[62] Exemple : « location gérance d’un débit de boisson situé dans une zone prohibée dissimulation au gérant que l’auteur du bail s’était réservé le droit de se rétablir à proximité ».
[63] A côté de l’obligation générale d’information et de renseignement, on parle de la mise à la disposition du preneur du fonds loué et l’obligation d’en assurer une jouissance paisible.
[64] Absence de brevet sur les inventions, non enregistrement des marques intégrant le fonds et ou absence de clientèle réelle, faute d’exploitation préalable effective du fonds loué.
[65] Inadéquation de l’activité avec le lieu de localisation du fonds. Exemple : vente de viande de porc dans un quartier majoritairement musulman.
[66] C’est ce qui ressort de la lecture de l’article 139 de l’AUDCG.
[67] Art. 139 al.3 AUDCG : « tout contrat de location-gérance doit en outre être publié (…) dans la quinzaine de sa date (…) ».
[68] Référence faite à l’article 2 AUDCG proposant une nouvelle formulation de la définition de commerçant (Cf. commentaires de l’article 2 AUDCG, In OHADA : Traité et actes uniformes commentés, 4ème éd., Juriscope, 2012, J. ISSA-SAYEGH, P-G. POUGOUE et F-M. SAWADOGO (Sous la coordination), p.244.
[69] Art. 139 al.5 AUDCG.
[70] Voir. commentaires de l’art. 139 AUDCG, In OHADA : Traité et actes uniformes commentés, 4e éd., Juriscope, 2012, J. ISSA-SAYEGH, P-G. POUGOUE et F-M. SAWADOGO (Sous la coordination), p.314.
[71] Art. 145 AUDCG.
[72] Cass. com. 26 mai 1962, BRDA, 1962/12, p. 21.
[73] Cass. com. 26 mai 1992, RJDA /1992, n°675.
[74] J. NGUEBOU, op.cit., p. 56.
[75] C.A Base-terre, 13 janvier 1997, BRDA, 1998/1, p. 10.
[76] Cass. com. 17 oct. 1995 : Bull. civ., IV, n° 238.
[77] G. MUBERANKIKO, La protection du preneur dans le contrat de location-gérance, op. cit.
[78] M. MENJUCQ, op.cit., p. 97.
[79] Idem.
[80] Cass. com. 22 déc. 1980 : Bull civ. IV, n° 439, P. 351.
[81] Voir Code général des impôts.
[82] Cass. 20 janv. 1979.
[83] Article 123 AUDCG.
[84] C’est bien le cas à l’alinéa 3 de l’article 138 AUDCG : « le locataire-gérant doit payer au bailleur du fonds un loyer correspondant à la redevance due pour la jouissance des locaux et un loyer pour la jouissance des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce tels que décrits dans le contrat de location gérance. Ces deux éléments de loyer sont obligatoirement déterminés de façon séparée dans le contrat de location-gérance, même si leurs échéances sont fixées aux mêmes dates. En accord avec le bailleur des locaux, le locataire-gérant peut être dispensé de lui assurer directement, à chaque échéance, le paiement du loyer dû à la rémunération de la jouissance des locaux ».
[85] M. MENJUCQ, Droit des Affaires, 2ème éd., Gualino, 2002 P. 91.
[86] P.-S. SANTOS et Y.-J. TOE, Droit Commercial Général, Coll. Droit Uniforme Africain, Bruylant, 2003 p. 217.
[87] Cass. 3e civ., 25 juin 1975 : Bull. civ. III. P. 166.
[88] Cass. Soc. 11 oct. 1978, JCP. 1978, IV, 343.
[89] Cass. 3e civ., 23 juin 2015, 412606.
[90] Parlant des marchandises et des équipements.
[91] Référence faite à l’enseigne et au nom commercial ; au droit au bail et à la clientèle.
[92] G. CORNU, p. 161.
[93] Idem, p. 161.
[94] Sur le nantissement, Voir, M. Bourassin, Droit des sûretés, 8ème éd., Sirey, 2024 ; Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE, Droit des sûretés et de la publicité foncière, 8ème éd., Dalloz, 2023.
[95] E. DU PONTAVICE et P. DU PROCHET, op.cit., p.887.
[96] G. MUBERANKIKO, La protection du locataire-gérant en droit OHADA, L’Harmattan, Coll. Etudes Africaines.
[97] Cass. com. mars 1979, Gaz. Pal. 1979, somm. 307.
[98] Loi du 25 janvier 1985 art. 47 et 94, loi relative au redressement et à la liquidation des entreprises.
[99] J. NGUEBOU, op.cit., p. 56
[100] F. LEMEUNIER, op.cit., p. 185-186
[101] Cass. civ. 10 juin 1981, Gaz. pal.1981. 1. 9.
[102] Cass. civ. 21 janvier 1998, D. 1998. IR. 41.
[103] Art. 37 décret du 30 septembre 1953 sur la propriété commerciale.
[104] Art. 110 AUDCG.
[105] Art. 141 al. 1 AUDCG : « La personne physique ou morale qui concède une location-gérance doit avoir exploité, pendant deux au moins en qualité de commerçant, le fonds mis en gérance ».
[106] Art. 143 AUDCG: « Les conditions fixées par l’article 141 (…) ne sont pas applicables :
– à l’Etat ;
– aux collectivités locales ;
– aux établissements publics ;
– aux incapables, en ce qui concerne le fonds dont ils étaient propriétaires avant la survenance de leur incapacité ;
– aux héritiers ou légataires d’un commerçant décédé, en ce qui concerne le fonds exploité par ce dernier ;
– aux mandataires de justice chargés, à quelque titre que ce soit, de l’administration d’un fonds de commerce, à condition qu’ils y aient été autorisés par la juridiction compétente et qu’ils aient satisfait aux mesures de publicité prévues ». Voir dans ce sens G. MUBERANKIKO, La protection du locataire-gérant en droit OHADA, L’Harmattan, Coll. Etudes Africaines, 130 pages.
[107] Art. 110 AUDCG.
[108] Idem.
[109] Lyon Caen et Renault, Traité du droit commercial, tome V., n° 148.
[110] L’art 694 DOC « le contrat de louage n’est pas résolu par l’aliénation volontaire ou forcée de la chose louée. Le nouveau propriétaire est subrogé à toutes les obligations de son auteur résultant des locations et baux en cours s’ils sont fraude et ont date certaine antérieure à l’aliénation ». Voir Lexique de termes juridiques, 8ème éd. Dalloz.
[111] M. J. COMPANA, « Entreprise individuelle et fonds de commerce », commercial III, édition 1987, Juris-class, fasc. 1750, p. 15.
[112] Il s’agit là, d’une indemnité analogue à celle à laquelle peut prétendre le titulaire d’un bail commercial dont le renouvellement est refusé sans que le bailleur puisse invoquer un droit de prise. Cette indemnité évaluée par les tribunaux selon les indications du législateur peut être très élevées et la menace de son versement constitue une forte incitation au renouvellement du bail.
[113] G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 788.
[114] J.E.M. PORTALIS, Discours préliminaire sur le Code civil, Présenté le 1er Pluviose An IX, Discours, rapports et travaux inédits sur le Code civil, Publiés par le Vicomte Frédéric PORTALIS, Paris, Joubert, 1844, Réédité par le Centre de philosophie politique et juridique URA-CNRS, Université de Caen, 1992, p. 6.
[115] J. PAILLUSEAU, « Une révolution juridique en Afrique : l’OHADA », In Dialogue Michel JEANTIN, 1999.
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