Repenser l’entreprenant en droit OHADA : une approche épistémologique constructive

Komlanvi Issifou AGBAM

Docteur en droit privé Nantes Université, Docteur en droit (LL.D.) Université Laval du Canada

Fodé David FAYE 

Doctorant en droit à l’université Assane SECK de Ziguinchor


Le secteur informel, qualifié souvent de véritable moteur de la construction des villes et de l’animation de la vie urbaine en Afrique, a fait l’objet de nombreuses études dans lesquelles était décriée sa principale caractéristique, à savoir le fait qu’elle évolue en marge du cadre formel – légal et réglementaire – d’exercice des activités économiques. Fort de ce constat, le législateur de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a entrepris une réforme afin d’attirer les acteurs de ce secteur vers une formalisation progressive. Ainsi, l’entreprenant a connu son entrée dans l’espace OHADA à travers la réforme de l’AUDCG opérée le 15 décembre 2010 à Lomé (Togo). L’un des objectifs assignés à cette réforme était la facilitation de la création d’entreprises individuelles et surtout l’incitation des entrepreneurs du secteur informel à un minimum de formalisation. Le statut de l’entreprenant devrait jouer ce rôle et être, ainsi, l’outil juridique efficace et indispensable de l’appréhension de l’économie informelle dans l’espace OHADA. Cette mission difficile assignée à ce statut est aujourd’hui loin d’être atteinte. L’ineffectivité de la contribution du statut de l’entreprenant à la structuration juridique et à la formalisation des petites et moyennes entreprises qui exercent leurs activités dans un secteur informel dans l’espace OHADA mérite d’être soulevée après plus d’une décennie d’inefficacité au regard de l’objectif fixé au départ. À travers une approche épistémologique constructive, cet essai vise à retracer les difficultés concrètes de la mise en œuvre du statut de l’entreprenant dans l’espace OHADA et à proposer des pistes d’amélioration.

Introduction

Des entreprises qui exercent leurs activités dans un secteur informel dans l’espace OHADA, on en trouve. Des entreprises qui exercent leurs activités dans un secteur informel dans l’espace OHADA et qui se structurent juridiquement, on en cherche. C’est certainement ce constat alarmant et qui étonne des juristes non familiers aux droits africains, qui a poussé les acteurs de l’OHADA à réviser le 15 décembre 2010, l’Acte uniforme portant sur le Droit Commercial Général (ci-après AUDCG) en ouvrant ainsi, les portes du droit de l’OHADA à un nouvel acteur économique : l’entreprenant. La catégorie des acteurs économiques constituée par des personnes physiques dans l’espace OHADA s’est dédoublée depuis cette réforme en commerçant et en entreprenant.

Acteur clé et incontournable de l’économie informelle en Afrique en général et dans l’espace OHADA en particulier[1], l’entreprenant est défini par les dispositions de l’article 30 de l’AUDCG précité en son tout premier alinéa comme étant « un entrepreneur individuel qui, sur simple déclaration prévue dans le présent Acte uniforme, exerce une activité professionnelle civile, commerciale, artisanale ou agricole ». Il faut déduire de cette définition que l’entreprenant OHADA est un entrepreneur individuel à part entière. Il peut non seulement accomplir des actes de commerce par nature à titre de profession habituelle comme un véritable commerçant-personne physique, mais également des activités artisanales, agricoles et même exercer une activité de profession civile. L’assiette des activités réservées à l’entreprenant dans l’espace OHADA est alors bien large. 

Le droit OHADA renvoie au droit communautaire[2] ou continental de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires[3]. L’OHADA est l’intégration juridique la plus réussie en Afrique en droit des affaires. Il a été mis en place par le Traité originaire adopté à Port-Louis dans les îles Maurice le 17 octobre 1993 et révisé à Québec en 2008. C’est un droit au service du développement des activités économiques en Afrique[4]. L’OHADA est un ordre juridique créateur d’un ordre normatif et judiciaire. C’est un ordre juridique en ce sens qu’il est né d’un groupement étatique. L’existence d’une communauté humaine inhérente à la notion d’ordre juridique[5] ne fait donc pas défaut. L’ordre normatif « OHADA » est constitué d’un ensemble de normes issues des Actes Uniformes, lesquels sont adoptés à l’unanimité par le Conseil des ministres[6] et directement applicables dans chaque État membre[7]. C’est la possibilité pour les justiciables de se prévaloir des droits issus des Actes Uniformes de l’OHADA devant les juges des États membres en premier ressort et en dernier ressort devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) couplée de l’obligation corrélative pour ces derniers de protéger ces droits qui font indubitablement de l’OHADA un ordre judiciaire[8]

Il a été unanimement signalé en doctrine[9] que c’est bien la loi française n°2008-774 du 4 août 2008 dite de modernisation de l’économie (loi LME) ayant créé ce que la pratique a qualifié d’auto-entrepreneur en France qui a servi d’inspiration au législateur OHADA[10]. L’entreprenant OHADA résulterait donc d’un mimétisme juridique[11].

L’un des objectifs assignés à la réforme de l’AUDCG en 2010 était la facilitation de la création d’entreprises individuelles et surtout l’incitation des entrepreneurs individuels du secteur informel à un minimum de formalisation. Le statut de l’entreprenant devrait jouer ce rôle et être, ainsi, l’outil juridique efficace et indispensable de l’appréhension de l’économie informelle dans l’espace OHADA. La création du statut de l’entreprenant en droit OHADA avait pour but essentiel de permettre aux entrepreneurs de se formaliser sans tracasserie. Le statut de l’entreprenant est censé leur apporter une réponse qui leur permettra de se régulariser de la manière la plus simple et la moins coûteuse qui soit. Bien que ce nouveau statut ait pour but de faciliter ou de simplifier les procédures, son acquisition est soumise à des conditions tant de forme[12] que de fond[13]. Cette mission difficile assignée à ce statut est aujourd’hui loin d’être atteinte. L’effectivité de la contribution du statut de l’entreprenant à la structuration juridique et à la formalisation des petites et moyennes entreprises qui exercent leurs activités dans le secteur informel dans l’espace OHADA mérite d’être soulevée après plus d’une décennie d’inefficacité du statut juridique de l’entreprenant OHADA au regard de l’objectif fixé au départ[14].

Il convient de se poser les questions suivantes : le statut de l’entreprenant OHADA tel que pensé par les acteurs de l’OHADA est-il la réponse juridique idoine au phénomène de l’informalité en Afrique ? La réglementation de l’entreprenant n’est-elle pas tombée en désuétude dans l’espace OHADA ? 

Sans ambages, il faut signaler que le statut de l’entreprenant en droit OHADA, tout comme l’Acte uniforme relatif aux sociétés coopératives, celui relatif au droit du transport des marchandises par route, souffre dans l’espace OHADA d’un réel problème d’effectivité. Le rapport élaboré en mars 2022 par l’IDEA Consult international, à la suite de son étude sur l’impact économique de l’OHADA officiellement publié le 1er mai 2023 indique que : le statut de l’entreprenant, qui vise à assurer l’intégration des activités informelles dans l’économie formelle, […] demeure très peu attractif, voire inexistant dans la majorité des pays. Dix ans après la publication de l’AU sur le Droit Commercial, nous pouvons affirmer que la réforme de l’Entreprenant n’a pas produit les résultats escomptés, notamment en matière d’intégration des activités informelles dans les circuits économiques formels. Selon nos interlocuteurs dans tous les pays visités, les entrepreneurs ne connaissent pas ce statut et il faut dire qu’aucune mesure incitative et de sensibilisation n’a été prise par les autorités compétentes concrètement concernant ce statut (…)[15].

Plus loin, ce rapport ajoute ceci : il semble que les entrepreneurs individuels ne se projettent pas dans le futur pour se développer en une entreprise formelle. La réticence d’intégrer le secteur formel s’explique principalement par une fiscalité dissuasive et surtout par une méfiance vis-à-vis de l’administration dans certains pays. Les acteurs de l’informel craignent également la perte de leur liberté du fait de la lourdeur des procédures administratives qui en découlent.

Par ailleurs, l’entreprenant OHADA est assujetti aux charges fiscales et aux obligations sociales définies par les États membres. Il ressort de la lecture de l’article 30 de l’AUDCG que : « Chaque État partie fixe les mesures incitatives pour l’activité de l’entreprenant, notamment en matière d’imposition fiscale et d’assujettissement aux charges sociales ». Cet assujettissement des entreprenants aux charges fiscales paraît contre-productif. Le rapport de l’impact économique de l’OHADA précité indique par exemple que « les entrepreneurs individuels ne se projettent pas dans le futur pour se développer en une entreprise formelle. La réticence d’intégrer le secteur formel s’explique principalement par une fiscalité dissuasive et surtout par une méfiance vis-à-vis de l’administration [fiscale] dans certains pays ». Bien plus, le rapport indique qu’aucune mesure fiscale incitative et de sensibilisation n’a été prise par les autorités compétentes des différents États membres de l’OHADA concrètement concernant le statut de l’entreprenant OHADA, à l’exception du Bénin[16]. Malgré la facilitation et la simplicité introduites par le législateur OHADA, le statut de l’entreprenant souffre d’un réel problème d’efficacité. 

Le constat n’est pas étonnant et l’on devrait s’attendre à cette conclusion, car l’adoption du statut de l’entreprenant fait écho à celui du statut d’auto-entrepreneur adopté deux ans auparavant en France, ce qui rappelle les lignes percutantes de Guy Adjété Kouassigan selon lesquels « l’échec de la politique juridique d’assimilation à outrance n’a cependant pas détruit chez le colonisateur français la volonté d’étendre à l’Afrique Noire le bénéfice de sa propre loi. A l’assimilation outrancière et imposée se substitue l’assimilation suggérée »[17].

Une approche épistémologique constructive du statut de l’entreprenant OHADA paraît nécessaire pour élucider les difficultés réelles de la mise en œuvre de ce statut afin de proposer, des remèdes pouvant conduire progressivement à son attractivité dans les États parties au Traité de l’OHADA. En effet, il est de coutume que les textes juridiques en Afrique soient élaborés en dehors de toute perspective socio-épistémologique permettant de saisir de façon précise les particularismes africains[18]. En outre, sans pour autant refaire le procès de la codification du droit en Afrique, il est nécessaire d’avoir une approche pluridisciplinaire et transversale pour trouver les réponses nécessaires à cette problématique et mettre le droit africain en contexte. Il s’agit d’exiger une mise en cohérence devant conduire à une prise en compte de la complexité inhérente aux sociétés africaines où le pluralisme juridique s’exprime éloquemment[19].

C’est l’objectif qui guide essentiellement cette étude et qui la distinguera bien évidemment des nombreuses études antérieurement réalisées sur la question[20]. Cela étant, il convient tout d’abord de présenter son cadre symptomatique dans l’AUDCG (I) et de proposer, ensuite, un cadre thérapeutique pouvant conduire progressivement à son attractivité (II). 

I. Le cadre symptomatique du statut de l’entreprenant dans l’AUDCG

Nous entendons ici par cadre symptomatique, l’ensemble des dispositions ambiguës et contradictoires qui constituent, en quelque sorte, des symptômes de l’inefficacité du statut de l’entreprenant dans l’espace OHADA. Nous évoquerons d’une part, l’assiette des dispositions pathogènes relatives à ce statut dans l’AUDCG (A) et d’autre part, les mesures sur lesquelles le législateur a gardé un mutisme certainement contre-productif (B).

A. L’assiette des dispositions « pathogènes »

Nous n’évoquerons pas toutes les dispositions pathogènes. L’on se limitera à celles qui paraissent, à notre avis, importantes. Il s’agit essentiellement des articles 30, 65 et 138 de l’AUDCG. En effet, il résulte des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 30 de l’AUDCG précité que « l’entreprenant est un entrepreneur individuel qui, sur simple déclaration prévue dans le présent Acte uniforme, exerce une activité professionnelle civile, commerciale, artisanale ou agricole ». Cette disposition qui définit la notion d’entreprenant en droit OHADA est sujette à plusieurs questionnements et inquiétudes. Elle retrace tout d’abord mal la frontière entre entreprenant et commerçant. L’on se pose la question de savoir pourquoi le législateur OHADA définit la notion d’entreprenant en faisant un renvoi à « l’entrepreneur individuel » ? Veut-on faire de lui un entrepreneur individuel à part entière ou entièrement à part ? Lorsque l’acteur économique est entreprenant commerçant (c’est-à-dire qu’il exerce une activité commerciale) son statut se confond indubitablement avec celui de l’entrepreneur individuel qui par définition est une personne physique commerçante (c’est dire qu’il fait tout comme l’entreprenant commerçant, l’exercice d’un acte de commerce par nature sa profession habituelle). En l’état actuel de cette disposition, il semble probable que l’entreprenant qui opte pour une activité commerciale soit soumis à toutes les autres obligations incombant habituellement au commerçant. 

Le même article 30 de l’AUDCG en ses alinéas 2 et 4 est le temple d’une contradiction manifeste sur la détermination du seuil du chiffre d’affaires maximum au-dessus duquel l’entreprenant OHADA perdra les avantages liés à son statut. En effet, l’alinéa 2 précise que l’entreprenant conserve son statut si le chiffre d’affaires annuel généré par son activité pendant deux exercices successifs n’excède pas les seuils fixés dans l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises au titre du système minimal de trésorerie. Ce texte renvoie au chiffre d’affaires de l’Acte Uniforme relatif au Droit Comptable et à l’Information Financière[21] qui fixe les seuils à : soixante (60) Millions de FCFA pour les entreprises de négoces, quarante (40) Millions pour les entreprises artisanales, trente (30) Millions de FCFA pour les entreprises de services.

À la différence de cet alinéa qui renvoie au seuil de l’AU sur le droit comptable, l’aliéna 4 revoie à la détermination du seuil par les États parties lorsqu’il se borne à énoncer que lorsque durant deux années consécutives le chiffre d’affaires de l’entreprenant excède les limites fixées pour ses activités par l’État partie sur le territoire duquel il les exerce, il est tenu […] de respecter toutes les charges applicables à l’entrepreneur individuel. 

Il existe donc visiblement un doute qui plane sur le seuil qu’il faut concrètement retenir pour la perte de la qualité d’entreprenant. Toutefois, il semble qu’à la lecture des travaux préparatoires du statut de l’entreprenant ainsi que l’économie générale de la réforme qui accorde aux États parties une marge de manœuvre importante laissent plutôt penser qu’il s’agit de privilégier le seuil fixé par les États parties au Traité[22]. Si la démarche semble se comprendre dans la mesure où les États parties au Traité OHADA ne sont pas au même niveau de développement économique[23], elle est sans doute en déphasage avec la technique d’intégration juridique retenue par les pères fondateurs de l’OHADA : l’uniformisation. L’OHADA est un modèle remarquable d’uniformisation du droit des affaires ne laissant que très peu d’espace aux droits nationaux[24]. L’OHADA est, comme le considère la doctrine dans son unanimité, plus une unification qu’une harmonisation juridique[25]

L’absence d’harmonisation ou d’uniformisation du seuil à retenir pour le chiffre d’affaires de l’entreprenant présente également l’inconvénient d’engendrer un statut de l’entreprenant à plusieurs vitesses au sein de l’espace OHADA[26]. En conséquence, on se retrouvera face au risque que les acteurs économiques voulant bénéficier du statut de l’entreprenant migrent vers les États où ce seuil est élevé. 

Faisons observer qu’en pratique, certains États ont su jouer sur la contradiction qui existe entre les dispositions de l’AUDCG et les dispositions de l’AU sur le droit comptable quant au seuil à retenir.  En effet, la loi sénégalaise du 7 janvier 2020 portant promotion des petites et moyennes entreprises ainsi que le décret ivoirien du 21 juin 2017[27] fixant les modalités de perte du statut de l’entreprenant renvoient au seuil prévu par le droit comptable[28]. Le législateur ivoirien prévoit des seuils beaucoup plus faibles, notamment à travers le décret n° 2017-409 du 21 juin 2017[29]. Le législateur burkinabè, quant à lui, prévoit dans la loi burkinabè n°15-2017 du 27 avril 2017 portant loi d’orientation de promotion des PME, un autre seuil adapté à la réalité économique du pays[30].

L’article 65 de l’AUDCG prévoit que toute personne déclarée entreprenant bénéficie à ce titre, des dispositions de l’article 5 de l’AUDCG relative à la preuve, de celle des articles 17 à 29 et 33 de l’AUDCG relatives à la prescription et de celles des articles 101 à 134 du même AU relatives au bail à usage professionnel. Cette disposition est manifestement en parfaite contradiction avec la portée de l’article  1er alinéa 2 de l’AUDCG qui déclare applicable tout ledit Acte uniforme aux commerçants-personnes physiques et aux entreprenants, sous réserve des dispositions contraires pour ces derniers. Il n’est donc plus, théoriquement important, de préciser dans l’article 65 que l’entreprenant bénéficie des dispositions des articles 5, 17, 29, 33, 101 et 134 de l’AUDCG. Le texte pourra tout simplement se contenter d’évoquer les dispositions qui dérogent par exemple à l’article 2, c’est-à-dire celles dont l’entreprenant ne pourra pas bénéficier. 

Il résulte des dispositions de l’article 134, alinéa 2 que « sauf convention contraire entre le bailleur et l’entreprenant, le preneur ne bénéficie pas ni d’un droit au renouvellement du bail ni d’un droit à la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé ». Cette disposition est assez surprenante. En effet, il est difficile de comprendre ce pour quoi l’entreprenant qui exerce une activité commerciale ne serait pas en mesure de demander un droit au renouvellement du bail ou encore de demander au tribunal compétent de fixer le loyer du bail renouvelé. L’article 65 de l’AUDCG ne dispose-t-il pas que « l’entreprenant bénéficie des dispositions des articles 101 et 134 relatives au bail professionnel » ? Cela ne signifie pas que l’entreprenant devrait bénéficier de tout le régime du bail à usage professionnel ? Pourquoi créer alors une restriction au droit au renouvellement du bail ? Si le législateur OHADA semble, à travers cette restriction, offrir une protection particulière aux commerçants, il ne doit pas perdre de vue qu’une telle restriction créera un désamour du statut de l’entreprenant. L’entreprenant est, avant tout un acteur économique qui peut, tout de même, exercer une activité commerciale. L’article 134 alinéa 2 précité crée ainsi, une disparité importante entre entreprenant et commerçant. Cette disposition est « maladroite dans sa présentation, et ne protège pas l’entreprenant » pour reprendre les termes de ISSA-SAYEGH[31].

Prenons l’exemple d’un entreprenant qui a décidé de se formaliser et qui exerce une activité commerciale. Ce dernier, pour les fins de son commerce, conclut un bail à usage professionnel pour une durée de deux (2) ans. Vers la fin de la deuxième année, il a développé une clientèle assez importante et son activité commerciale a connu une belle croissance économique sans toutefois atteindre le maximum du chiffre d’affaires fixé par le droit comptable. Si le bailleur lui refuse le renouvellement du bail, ce dernier se sentira étouffé et retombera probablement dans l’économie informelle s’il n’a l’intention de basculer dans le régime de véritable commerçant tel que défini dans les articles 5 et suivants de l’AUDCG. Il faut convenir avec ISSA-SAYEGH que : « refuser à l’entreprenant le droit au renouvellement en le laissant à la discrétion du bailleur revient à interdire à l’entreprenant de constituer un fonds de commerce »[32]. Cette affirmation a toute sa raison d’être. En effet, le droit au bail fait partie des éléments importants du fonds de commerce. Il fait partie de l’assiette des éléments prévus dans les dispositions de l’article 137 de l’AUDCG. Or, il est acquis en droit qu’un fonds de commerce ne peut être cédé sans que la totalité de ses éléments qui le compose ne soit cédée. L’article 138 de l’AUDCG prévoit expressément que l’entreprenant commerçant peut exploiter un fonds de commerce. 

S’agissant de la fixation du loyer, il nous semble assez surprenant que le législateur OHADA interdise à l’entreprenant de demander au juge la fixation du loyer au renouvellement s’il estime que le loyer proposé par le bailleur est trop élevé et que les deux n’arrivent pas à trouver un modus vivendi. Dans ces conditions, refuser à l’entreprenant, en cas de réticence du bailleur, la fixation judiciaire du loyer revient à consacrer une injustice ou encore un déni de justice, un des principes fondamentaux du droit[33]

Finissons avec l’article 138 de l’AUDCG qui, en son alinéa 2, interdit à l’entrepreneur de faire partie d’un contrat de location-gérance. Le texte se borne à énoncer que « l’entreprenant ne peut être partie à un contrat de location-gérance ». Ce texte indique que l’entreprenant, qu’il soit bailleur ou preneur, ne peut pas conclure un contrat de location-gérance. C’est là une entorse cruciale au principe de la liberté contractuelle. En effet, si l’on peut aisément comprendre l’interdiction faite au preneur de devenir locataire-gérant par le désir du législateur OHADA de ne pas totalement assimiler l’entreprenant au commerçant, l’interdiction de lui refuser la qualité de bailleur de fonds de commerce (en qualité de propriétaire) se comprend moins surtout s’il est un entreprenant exerçant une activité commerciale.

Nous avons précédemment souligné que l’article 138, en ses alinéas 1 et 2, admet que l’entreprenant puisse exploiter un fonds de commerce. En conséquence, l’entreprenant peut créer un fonds de commerce, en être le propriétaire et l’exploiter directement. De manière surprenante, l’article 138 de l’AUDCG en son alinéa 2 ne lui permet pas de donner ce fonds de commerce en location-gérance, sauf pour l’entreprenant à passer au statut du commerçant-personne physique. Il semble que c’est ce résultat qui est probablement espéré par le législateur OHADA en refusant à l’entreprenant de valoriser un élément important de son patrimoine[34]. Le texte est contre-productif à notre avis. L’entreprenant qui n’a pas l’intention de basculer au régime du commerçant-personne physique va préférer retomber dans l’informel. 

B. Le mutisme contre-productif

On retrouve dans l’AUDCG des notions importantes sur lesquelles le législateur OHADA a préféré garder un silence qui fait l’objet de diverses interprétations. Tout d’abord, à la question de savoir si l’entreprenant devenu commerçant-personne physique ou entrepreneur individuel peut revenir à son statut antérieur si son chiffre d’affaires redescend au seuil qui lui avait permis d’y accéder antérieurement, l’Acte uniforme ne dit rien à propos. Pour une partie de la doctrine, ce silence autorise à penser que cela est chose possible, selon le principe que si aucune disposition expresse ou considération d’ordre public ne s’y oppose, c’est chose réalisable[35]. Il n’est pas exclu qu’on puisse également soutenir que le texte ne semble pas le permettre dans la mesure où le texte ne le dit pas expressément. Il faudra alors se référer aux travaux préparatoires pour débusquer l’intention du législateur, encore faut-il que ces derniers éclairent sur ce point. 

S’agissant, ensuite, de la fin ou de la durée du statut de l’entreprenantl’Acte uniforme n’a prévu aucune durée déterminée relative au statut de l’entreprenant. Il est resté silencieux à ce propos. Tout porte néanmoins à croire que si les conditions d’exercice de l’activité sous le statut d’entreprenant sont remplies (l’entreprenant exerce son activité économique sans dépasser le seuil de chiffre d’affaires prévu par exemple), l’entreprenant ne rencontrera aucune difficulté à exercer durant sa vie économique[36]. Il peut donc exercer à vie ses activités économiques s’il respecte les textes qui régissent ses activités : l’AUDCG et les règles particulières édictées par l’État-partie dans lequel il exerce ses activités. 

Une question importante reste cependant posée : face au silence du législateur OHADA, les législateurs nationaux peuvent-ils fixer un délai d’exercice de l’activité économique sous le statut de l’entreprenant ? Étant donné que le législateur OHADA ne dit rien à ce propos, rien ne semble malheureusement interdire aux législateurs nationaux de fixer un délai. La fixation de ce délai par les législateurs nationaux entraînera également dans l’espace OHADA un statut d’entreprenant à vitesses variables. Les entreprenants vont certainement migrer vers les États qui ne prévoient pas de limites ou ceux qui prévoient une durée plus longue. On retombe dans la contradiction avec la technique d’intégration juridique de l’OHADA précédemment évoquée. 

Dans la pratique, il faut faire observer que le législateur ivoirien, à travers le décret n° 2017-409 du 21 juin 2017 portant modalités d’acquisition et de perte du statut de l’entreprenant, a fixé une durée maximum du statut de l’entreprenant. En effet, l’article 5 du décret de 2017 énonce que « le statut de l’entreprenant est acquis pour une durée de 5 années à compter de la date d’inscription. Il est renouvelable dans les mêmes conditions ». Il faut déduire de cette disposition que l’entrepreneur individuel établi en Côte d’Ivoire perd sa qualité d’entreprenant OHADA si après cinq (5) années d’exercice, il ne renouvelle pas son statut auprès des autorités compétentes, plus précisément l’agence Côte d’Ivoire PME[37]. C’est une condition supplémentaire qui s’ajoute à celle des formalités prévues à l’article 30 de l’AUDCG. 

Au regard de cette analyse critique, il importe de proposer quelques pistes de solution ou d’amélioration pouvant conduire à l’attractivité du statut de l’entreprenant OHADA. 

II. Le cadre thérapeutique du statut de l’entreprenant OHADA

Pour véritablement dresser un cadre thérapeutique du statut de l’entreprenant en droit OHADA, nous pensons qu’il faudrait préalablement se poser deux questions importantes. Il sera, d’abord, question de savoir si l’économie informelle constitue un frein ou un poids pour les sociétés africaines. Ensuite, à supposer qu’elle constitue un frein pour l’essor du développement ou la progression économique en Afrique, le statut de l’entreprenant tel que proposé par le législateur de l’OHADA est-il la bonne piste pour inciter les acteurs de l’informel à un minimum de formalisation ? Ces deux questions intimement liées méritent d’être posées, d’autant plus que la production des normes « réalistes » et adaptées nécessite une bonne connaissance de l’état social et économique des États[38]. La réponse à la toute première question serait difficile, à notre avis, à donner par un juriste. Un économiste serait mieux placé pour y répondre après une étude sérieuse de la question. Nous tenterons néanmoins de formuler quelques pistes de réponses. Il est d’abord nécessaire de clarifier ce que l’on entend concrètement par économie informelle dans l’espace OHADA (A) afin de proposer des pistes pour dynamiser le statut de l’entreprenant dans l’espace OHADA (B).

A. Notion d’économie ou de secteur informel dans l’espace OHADA

L’économie dans les États-Parties au Traité de l’OHADA est tenue dans sa grande majorité par des Petites et Moyennes Entreprises/Industries. Ces entreprises individuelles ou pluripersonnelles regroupent à elles seules 90% au moins du parc des entreprises et constituent le plus grand employeur après l’État. La majorité des acteurs économiques de ces pays exercent leurs activités dans un secteur informel dont les contours sont difficiles à cerner par le droit moderne ou écrit. Le secteur informel occupe une position centrale dans le processus de croissance et de développement économique de l’Afrique[39]. En effet, l’économie informelle représente, à elle seule, entre 75 et 90% du tissu économique des pays membres de l’OHADA[40].  L’emploi formel dans le secteur privé en Afrique et dans l’espace OHADA en particulier est véritablement rare et concerne entre 1 et 5 % de la population active[41]. Il résulte des conclusions adoptées lors de la 90ème Conférence internationale des Travailleurs (CIT) sur la base du rapport « Travail   décent de l’économie informelle »[42] que l’expression « économie informelle » fait référence à toutes les activités économiques de travailleurs et d’unités économiques qui ne sont pas couvertes en vertu de la législation ou de la pratique par des dispositions formelles, soit qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de la loi, soit que la loi n’est pas appliquée, soit que la loi n’est pas respectée, car inadaptée, contraignante ou qu’elle impose des charges excessives[43]. Cette définition est essentiellement axée sur la taille des entreprises et surtout sur le critère d’enregistrement ou de couverture légale[44]. C’est donc l’absence de couverture légale des activités économiques qui caractérise généralement l’économie informelle à la lecture de ce rapport. Dans le contexte africain, l’économie informelle nous semble désigner les domaines d’activités des PME/PMI dans lesquels la loi n’est pas appliquée ou n’est pas respectée pour la simple raison qu’elle est contraignante et inadaptée aux réalités (sociologiques, culturelles ou économiques) africaines ou encore qu’elle impose des charges excessives qui sont généralement, des charges fiscales auxquelles l’on peut ajouter des frais de formalisation des entreprises. C’est sans aucun doute l’inadaptation, la rigidité des règlementations et la faiblesse des institutions étatiques qui sont à l’origine du phénomène d’informalité des entreprises en Afrique[45]. Patrick Juvet LOWÉ GNINTEDEM a utilement soutenu que « le recours au service de l’informel est […] une réaction contre un État jugé trop envahissant sur le plan fiscal ou réglementaire ou contre des institutions considérées comme peu crédibles[46]. L’économie informelle peut donc s’entendre comme l’activité économique qui échappe à certains cadres normatifs, administratifs et fiscaux pour les raisons que nous venons d’évoquer[47].

L’économie informelle n’est pas à distinguer du secteur informel. Les deux expressions nous semblent désigner les mêmes réalités économiques. En revanche, il faut distinguer l’économie ou le secteur informel du secteur ou de l’économie formelle. Cette dernière est celle dans laquelle les activités des acteurs économiques sont formalisées et déclarées auprès de l’administration conformément aux exigences légales[48]. Le critère de la taille de l’entreprise est aussi et très souvent invoqué pour caractériser le secteur informel. En effet, le secteur informel, le plus souvent, renvoie à l’image des petits producteurs non-organisés opérant à la lisière de l’économie moderne[49]. Toutefois, dans les pays d’Afrique en général et d’Afrique de l’Ouest en particulier, la situation semble généralement inversée. En effet, dans la plupart de ces pays, des petits exploitants de l’informel coexistent avec des réseaux bien organisés et des entreprises du gros informel, politiquement bien connectées[50]

De manière concrète, il faut retenir qu’en Afrique, le secteur informel n’est pas homogène. Il en existe deux variantes : le petit informel et le gros informel. Le petit informel renvoie aux réseaux des entreprises de petite taille dans lesquelles l’auto-emploi prédomine. La plupart des entreprises du petit informel sont enregistrées, en général auprès des municipalités et des ministères du Commerce, mais très rarement auprès des autorités fiscales.C’est la désobéissance au cadre fiscal et juridique, l’absence d’une comptabilité légalement tenue et la non-déclaration des salaires qui prédominent. Les efforts déployés par les acteurs de l’informel pour se soustraire à l’impôt s’expliquent par le fait que cette économie se base sur un chiffre d’affaires minime. Les acteurs de l’informel vivent au jour le jour avec le peu de chiffre d’affaires qu’ils réalisent. Dans ces conditions, il leur est difficile de déclarer leurs activités. À cela, il faut ajouter la mauvaise gestion des recettes fiscales dans les pays d’Afrique[51]. Le niveau d’éducation est généralement faible (les acteurs économiques de l’informel sont généralement analphabètes), avec une participation relativement élevée (mais toujours faible en termes absolus) des femmes. L’accès au crédit bancaire est quasi inexistant en raison du manque de documentation comptable et financière[52] et surtout de garanties suffisantes. Les banques ou les organismes de financement, en général, restent frileux dans l’octroi de crédits à court et surtout à long terme pour le financement des acteurs économiques de l’informel. À peine 15% des crédits accordés par les banques sont destinés aux PME de l’informel, victimes du rationalisme du crédit[53]

Le rapport de l’impact économique de l’OHADA indique que « dans l’UEMOA, les crédits accordés aux entreprises individuelles sur la période 2014-2019 ne représentent que 16% à 18% de l’ensemble des crédits du secteur productif »[54]. Face à ces situations, les entreprises du petit informel recourent aux marchés de crédit non-officiels, où les taux d’intérêt sont parfois onéreux. Ils font également recours à un mode de financement traditionnel adapté à leur pratique commerciale. Il s’agit de la tontine qui permet le financement d’opérations qui, par nature, ne sont pas bancables, car relevant de l’informel. Les acteurs de l’économie informelle font également recours aux microfinances. La microfinance fait référence à l’offre de services financiers adaptés aux personnes à faibles revenus ou exclues du système financier traditionnel formel en raison de leur faible revenu ou de l’absence de garanties[55]. Les établissements de microfinance qui sont des institutions financières non bancaires contribuent sans doute, au développement du secteur financier intermédiaire africain à travers des offres de financement des activités de l’informel basées sur la confiance et la solidarité envers les acteurs de l’informel. Les microfinances accordent généralement des prêts aux acteurs de l’informel pour financer leurs activités sans forcément exiger un dépôt de garantie. Ces prêts sont généralement accordés avec un taux d’intérêt moins élevé et pour une courte durée. Le rapport de l’impact économique précité indique également que les tendances de l’utilisation des services de microfinance sont de plus en plus prometteuses. Par exemple, dans l’UEMOA, le taux d’utilisation des services de microfinance par la population adulte est passé de 14,9% en 2010 à 21,7% en 2019, ce qui fait que les institutions de microfinance dans l’UEMOA ont pratiquement le même poids que les banques en termes d’encours de crédits pour le segment des microentreprises, entreprises individuelles.

Les entreprises du petit informel opèrent également dans un marché du travail totalement dérégulé et concurrentiel, et les employés ne bénéficient pas de couverture sociale. Il faut également rajouter que les langues locales sont celles utilisées et constituent ainsi le langage d’affaires des acteurs économiques du petit informel. 

Le gros informel, quant à lui, renvoie aux entreprises qui remplissent pour la plupart le critère de formalisation, mais ne tiennent généralement pas une comptabilité honnête et sous-évaluent donc très souvent leurs revenus, au point d’être assujetties à l’impôt forfaitaire[56]. Ces entreprises du gros informel ont un chiffre d’affaires appréciable, qui leur permet aisément de rivaliser avec les entreprises du formel[57]. Il est de notoriété publique que la plupart de ces firmes du gros informel se lancent dans des activités économiques frauduleuses[58]. Ils recrutent des salariés sans contrat de travail et ne les déclarent généralement pas aux organismes de sécurité sociale. Ces acteurs économiques du gros informel bénéficient souvent de l’indulgence ou même de la complicité de certains acteurs politiques ou hauts fonctionnaires de l’État. En dépit de leur taille et des relations politiques qu’elles entretiennent, les grandes firmes informelles sont aussi précaires parce qu’elles ont une certaine visibilité face au gouvernement et à l’opinion publique. Dès qu’elles perdent leur soutien politique ou religieux, elles se retrouvent mêlées à des scandales politiques retentissants[59].   

Au regard de ces développements, l’on peut tenter de répondre aux deux questions évoquées. Le secteur informel n’est pas totalement un frein pour le développement économique de l’Afrique. L’informelle est aussi une opportunité de développement pour les pays africains, car les activités relevant de l’informel ne sont toutes pas mauvaises. Il y a de l’informel utile et de l’informel nuisible. L’informel utile est celui-là qui vient compenser les failles de l’appareil étatique malgré l’absence de déclaration des activités économiques auprès des autorités fiscales. Le secteur informel utile dans lequel les activités exercées sont généralement licites constitue le plus grand producteur de richesses en Afrique et occupe une part importante de l’économie du continent. Quatre entreprises sur cinq relèvent de son champ[60]. Le contexte socioéconomique qui règne dans la plupart des États membres de l’OHADA est tout de même favorable au développement de l’économie informelle. Continent en pleine construction, avec un excédent de population plus que positif, l’Afrique doit faire face à des défis socio-économiques auxquels ses jeunes États semblent n’être pas encore préparés. La multiculturalité des populations, l’insuffisance des recettes de l’État, la difficulté à mettre en place une politique économique efficace de nature à endiguer l’analphabétisme, le chômage et à améliorer le quotidien des populations sont autant de facteurs qui favorisent l’informel. L’informel nuisible est celui des opérateurs du « gros informel » et ceux du petit informel qui exerce des activités illicites. Il s’agit entre autres du commerce des carburants frelatés [61]dénommé « boudè » au Togo et « foyo » au bénin, de la vente des téléphones volés dans les marchés aux puces. On pourra également ajouter au rang de ces activités illicites dans l’informel, la commercialisation des « faux médicaments » au bord des routes. 

Le statut de l’entreprenant a été introduit dans l’espace OHADA avec le but de permettre aux entrepreneurs du secteur informel de sortir de leur état de marginalité juridique et socialement régulé, avec des mesures fiscales simples et efficaces.  Ce statut de l’entreprenant construit par le législateur OHADA nous semble se cantonner sur les petits producteurs de l’informel utile (le petit informel) et semble exclure les entreprises du gros informel. Il nous semble difficile dans ces conditions de soutenir que ce statut de l’entreprenant tel que proposé par l’OHADA pourra éradiquer le secteur informel en Afrique. La majorité des populations africaines exerçant dans le petit informel utile vivent avec un faible revenu. Ils développent des activités génératrices de revenus de manière spontanée sans se préoccuper des lois en vigueur. Le statut de l’entreprenant de l’OHADA ne semble présenter aucun intérêt pour eux[62]. Bien au contraire, c’est une source de contraintes dont plusieurs voudront, et pourront, se passer.  

Il faut par ailleurs, rajouter que la faiblesse des capacités de mise en application des règles régissant les affaires dans le secteur formel, la fourniture déficiente des biens et services publics dans les États membre de l’OHADA, et l’absence de cadre réglementaire efficace et transparent sont décisifs dans les choix des entrepreneurs. Un environnement des affaires hostile peut ainsi pousser un agent économique dans le secteur informel. La formalisation signifie un meilleur accès aux services publics, mais également la mise en application des règles, notamment celles concernant le recouvrement fiscal. Ce qui ne semble pas être le cas dans les États africains, surtout ceux membres de l’OHADA.

B. La refonte de la réforme : la thérapie pour redynamiser le statut de l’entreprenant OHADA

Il est indubitable qu’une économie puisse véritablement se développer et répondre à la mondialisation lorsque la majeure partie de l’activité économique s’opère en dehors d’un cadre réglementaire et fiscal performant. L’informel, dans toutes ses dimensions (petites ou grosses, utiles ou nuisibles), empêche les entreprises d’acquérir des compétences managériales modernes et de bénéficier de la formation des travailleurs, réduisant ainsi davantage leur productivité. Le faible accès au financement en particulier signifie que les entreprises ont moins d’occasions d’investir et, de ce fait, ont un niveau d’intensité capitalistique plus faible et donc de productivité du travail réduit. Par conséquent, la formalisation raisonnée du secteur informel doit représenter un objectif à moyen et à long terme pour les États africains. Cette formalisation doit suivre une démarche progressive et l’approche institutionnaliste doit être délaissée. Les partisans de l’approche institutionnaliste de l’économie informelle soutiennent que l’informel est la résultante de la faiblesse des institutions. Ils préconisent, en conséquence, de renforcer les capacités et les pouvoirs de l’État pour contraindre les acteurs du secteur informel à se formaliser. Pour eux, « l’État doit être fort pour appliquer la réglementation à tout le monde en utilisant la carotte et le bâton »[63]. Cette approche rigide ne saurait résoudre la question de l’informalité dans nos sociétés africaines.

Le cadre réglementaire à concevoir pour être efficace doit être adapté au besoin des communautés locales, aux réalités culturelles, sociales et économiques dans les États africains et plus spécifiquement ceux qui sont membres de l’espace OHADA. C’est ce que soulève également et très récemment d’ailleurs, un auteur lorsqu’il soutient que : « Du point de vue des acteurs du secteur informel, il y a lieu de relever une vulnérabilité économique tenant à la taille des structures et une vulnérabilité quant à l’accessibilité au droit, liée en partie à l’analphabétisme. Un droit qui ne prendrait pas en compte ces réalités est nécessairement voué à l’ineffectivité »[64]. Le modèle OHADA de l’entreprenant doit avant tout être un modèle qui doit partir de l’observation des faits sociaux et économiques du secteur informel, c’est-à-dire de l’existant. L’idée d’un droit économique inspiré de l’existant peut s’appuyer sur un fondement doctrinal solide, celui de Hans KELSEN. En effet, KELSEN considère que les sources non juridiques doivent être au cœur de la création de la norme juridique. Pour lui, les sources non juridiques désignent « (…) toutes les représentations qui influencent les fonctions de création du droit et d’application du droit »[65]. Un défaut de la prise en compte ou encore une prise en compte insuffisante de ces sources non juridiques dans la fonction de création du droit « expose à l’impuissance du droit qui caractérise le secteur informel en rapport avec la législation sociale »[66]. Cette situation confirme sans aucun doute l’idée selon laquelle « le droit est la formulation de l’ordre social établi et non la représentation d’un ordre futur, la défense du présent et non l’anticipation de l’avenir »[67]. Il s’ensuit que la nécessité de prudence dans l’innovation quant à l’élaboration de la norme juridique est plus qu’un souhait mais, une exigence, une incombance pour le législateur[68]. L’inobservation de cette exigence dans la démarche légistique confine la norme secrétée dans l’ineffectivité. C’est ce que soulève BATIFOL lorsqu’il considère que « si le législateur ne lit pas dans les faits ce que son œuvre appelle, son œuvre est éphémère »[69].

Nous pensons que le modèle inspirant choisi par le législateur OHADA n’est pas le bon, car inadapté. En effet, l’objectif de la loi française du 4 août 2008 est d’inciter, en France, plus de monde à entreprendre et non à se formaliser. Le pari semble bien réussi en France, d’autant plus que la création d’entreprises sous le régime de micro-entrepreneur représente aujourd’hui, selon un rapport de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) datant du 7 février 2021, 2/3 des créations d’entreprises. Bien plus, un nouveau rapport de l’INSEE enseigne qu’en 2020, le nombre total de créations d’entreprises en France atteint un nouveau record avec 848200 créations, soit 4% de plus qu’en 2019, et ce, malgré la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19. Le rapport précise que la hausse du nombre d’entreprises créées est de nouveau portée par les immatriculations d’entreprises individuelles sous le régime de micro-entrepreneur[70]. En 2022, le nombre de créations d’entreprises en France a également atteint un nouveau record avec 1 071 900 créations[71].

Après plus de 10 ans d’inefficacité du statut de l’entreprenant OHADA, une refonte « de la réforme » du 15 décembre 2010 est plus que nécessaire. Le statut de l’entreprenant OHADA proposé par les acteurs de l’OHADA doit être modifié. Les différentes difficultés, ambiguïtés, contradictions soulevées dans la deuxième partie de cette étude méritent d’être prises en considération. Il ne faut pas, de notre point de vue, faire du statut de l’entreprenant la pilule magique ou le remède à la plaie de l’informel fortement répandue dans les États membres de l’espace OHADA. Cette mission est plus politique que juridique. Il ne faut pas perdre de vue que les activités exercées dans le secteur informel constituent une source de revenus pour les petits producteurs ou détaillants dont les options financières sont limitées, même si ces activités ne constituent pas une source durable de croissance à long terme et de génération de revenus conséquents.

Les États-parties doivent élaborer une vraie politique du secteur privé.  En effet, les États membres de l’OHADA sont généralement défaillants en matière de politique du secteur privé, alors même que l’État est incapable, du fait du développement rapide des populations, de fournir de l’emploi. La défaillance des États est également visible au niveau du recouvrement fiscal. Les autorités fiscales ciblent de manière disproportionnée les entreprises formelles. Selon une étude économique bien fouillée[72], il semble que beaucoup de dirigeants du secteur formel se plaignent qu’une fois que les autorités fiscales les identifient comme contribuables importants, ils sont soumis à des contrôles répétés et parfois des redressements. Les agents des impôts eux-mêmes reconnaissent leur attention relativement plus marquée pour les entreprises formelles. 

La démarche doit être progressive. Les acteurs politiques des États membres de l’espace OHADA doivent élaborer une vraie et bonne politique d’accompagnement des acteurs de l’économie informel (le petit). Il faut les identifier, cerner leurs besoins et les accompagner (sur le plan financier, matériel, pédagogique). Une approche beaucoup plus pragmatique de la question est à privilégier. En effet, pour pallier ce vrai faux bond qui consistait à s’inspirer du législateur français comme rappelé ci-dessus, il semble crucial de procéder à un travail de recensement des différentes pratiques usitées par les acteurs du secteur informel. Dans une étude produite par l’OMD, il appert que : […] les gouvernants et les administrations se trouvent pris dans une alternative entre négocier avec l’informel sans toujours savoir sur quelles bases, car disposant de peu de connaissances objectives dans ce domaine d’une part et d’autre part faire appliquer strictement les lois au risque de créer des troubles sociaux ou de faire basculer l’informel du commerce illégal de produits légaux vers le commerce de produits illégaux, plus lucratif et en adéquation avec les risques pris[73]

Ainsi, la juridicisation des pratiques commerciales informelles permettrait de mieux assurer une formalisation des acteurs du secteur dit informel. Cette méthode, en plus d’être empirique et « SMART »[74], a le mérite de renseigner davantage le législateur sur les pratiques et usages des acteurs du secteur informel. Nous sommes tentés de considérer que certaines règles adoptées çà et là par le législateur font face à une forme d’insensibilité juridique vis-à-vis des acteurs du secteur informel. PORTALIS ne disait-il pas que « les codes des peuples se font avec le temps ; mais à proprement parler, on ne les fait pas »[75]. Pour ainsi dire que le schéma doit être inversé pour plus d’efficience dans la production des règles juridiques devant encadrer les acteurs économiques informels et les amener à mieux intérioriser les règles juridiques qui, in casu, seront déjà connues, car issues de la pratique. Le secteur informel africain, considéré comme ayant ses propres réalités, doit connaître une transformation progressive permettant le passage des simples usages à une réglementation sans rupture brutale. Cette approche raisonnée est un facteur de continuité, gage d’effectivité, source de sécurité juridique[76].

Après ce travail de fond, il reviendra aux acteurs de l’OHADA de revisiter le statut de l’entreprenant en supprimant les restrictions difficiles à comprendre comme l’exclusion de l’entreprenant dans un contrat de location-gérance, du renouvellement du bail à usage professionnel…Il est tout de même nécessaire de communiquer suffisamment autour de ce statut. Les communications doivent aller au-delà du français. Il faudra tenir compte des langues locales. Il nous semble également que les acteurs de l’OHADA et les acteurs politiques des États parties doivent impliquer suffisamment la diaspora africaine dans cette démarche. La plupart des jeunes africains à l’étranger sont familiers des processus de formalisation des entreprises dans leurs différents pays d’accueil. Il faut élaborer une politique pouvant les inciter davantage à investir dans leurs propres pays d’origine en créant des entreprises formelles ou en optant pour le modèle de l’entreprenant à réviser.

Conclusion

En somme, il faut retenir que le statut de l’entreprenant tel que pensé par le législateur OHADA en 2010 a de véritables plombs dans l’aile. Ce n’est qu’à travers une refonte de la réforme de 2010 et une vraie volonté des acteurs politiques à promouvoir le secteur privé que ce statut pourra décoller. Pour l’heure, les acteurs économiques qui, pour une raison ou pour une autre (fiscale, financière, administrative, légale), ont délibérément choisi d’exercer de manière informelle, le statut de l’entreprenant leur propose des réponses qui ne font pas disparaître les problèmes rencontrés. Il appartiendra à chaque entrepreneur d’apprécier ce qu’il a à gagner ou à perdre en optant pour le statut de l’entreprenant. Mais de manière générale, nous pensons que le statut de l’entreprenant ne pourra pas massivement attirer les entrepreneurs du secteur informel sans une vraie réforme politique, juridique et économique dans l’espace OHADA. C’est pourquoi la formalisation des activités de l’informel ne doit pas être dans les États parties au traité OHADA un objectif déterminant pour le dynamisme de l’économie, mais une conséquence naturelle de l’évolution de l’activité informelle. Bien plus, c’est pour nous, une erreur grossière de faire de la formalisation des activités de l’informel dans nos pays africains, un levier déterminant de l’accroissement de l’assiette fiscale de nos États. La faible contribution de l’informel aux recettes fiscales devrait toujours être mis en parallèle avec son rôle social qui fait économiser à nos États africains, des transferts potentiels à des populations vulnérables pour qui l’activité informelle non nuisible est le seul secteur correspondant à leur profil.


[1]. J.-P. BERROU et T. EEKHOUT, « L’économie informelle: un défi au rêve d’émergence des économies africaines? », Études internationales, 2019, pp. 121-146.

[2]. La nature communautaire du droit de l’OHADA est discutable. Il s’agit en réalité d’un droit communautaire sans communauté. C’est un droit à effet communautaire. Certains auteurs considèrent que le droit OHADA est plutôt un droit de développement des activités économiques. Voir en ce sens: S. D. NJONGA MOUKALA, La nature du droit de l’OHADA, thèse Université de Dschang, 2019, p.1 et s.

[3]. L’OHADA a été mis en place par le Traité du 17 octobre 1993 signé à Port-Louis et révisé à Québec le 17 octobre 2008. 

[4] Voir dans ce sens: R. MASAMBA, P.-G. POUGOUE, « Attractivité économique du droit OHADA », in P.-G. POUGOUE (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, pp. 376-399.

[5]. P.-G. POUGOUE, « Doctrine OHADA et théorie juridique », Revue de l’ERSUMA: Droit des affaires – Pratique Professionnelle, pp 9-21, 2011.

[6]. Il est l’organe législatif et exécutif le plus actif de l’organisation. 

[7]. Voir l’article 10 du Traité OHADA révisé qui prévoit que: « Les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les États parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ».

[8]. P.G. POUGOUE, « Doctrine OHADA et théorie juridique », supra.

[9]. Voyons en ce sens: J. ISSA-SAYEGH, « L’entreprenant, un nouvel acteur économique en droit OHADA : ambiguïté et ambivalence », Pénant, n°878, 2011, p. 5 et s ; R. G. LANOU, « Le nouveau statut de l’entreprenant en droit OHADA : une réforme inachevée ? », Bulletin de Droit économique, 2017, pp.1-20; A. AYEWOUADAN, « L’entreprenant en droit OHADA », RRJ droit prospectif, 2013, n°1, p.299 et s ; D. B. ONGONO BIKOE, L’entreprenant en droit OHADA, thèse Panthéon Sorbonne, 2020 ; D. TRICOT, « Statut de l’entreprenant et du commerçant », 201 Droit et patrimoine, 2011, p.67 ; G. BLANC, « Les réformes du droit privé en Afrique : entre présent et futur, l’exemple du droit OHADA » in Les réformes du droit privé en Afrique  acte du colloque du 13 et 14 novembre 2014, Université de Dschang sous la direction de B. DJUIDJE CHATUE, PUA 2016, p. 66 et s. S. BISSALOUE, « L’informel et le droit OHADA » in Mélanges en l’honneur du Professeur Michel Filiga SAWADOGO, éd. CREDIJ, 2018, p.487 et s.; M. GONOMY, « Le statut de l’entreprenant dans l’AUDCG Révisé: entre le passé et l’avenir » Revue de l’Ersuma Droit des affaires Pratique professionnelle, n° 4, 2014, pp. 204-214.

[10] A. AYEWOUADAN, « L’entreprenant en droit uniforme OHADA », supra., note 9, p.300. Pour l’auteur, « s’il s’inspire de la loi française n° 2008-776 du 4 août 2008, […] qui crée le statut de l’auto-entrepreneur, le législateur OHADA s’émancipe toutefois de cette filiation, car il crée un véritable statut de professionnel indépendant et non un régime juridique applicable à certaines personnes ».

[11]. Ce qui semble à notre avis être la cause indirecte du désamour que rencontre ce modèle en pratique. L’objectif visé par la loi française n’est pas le même que celui du législateur OHADA. Bien plus, les réalités économiques en France et celles des États Parties au Traité OHADA sont aux antipodes. Voyons également en ce sens, D. B. ONGONO BIKOE, L’entreprenant en droit OHADA, thèse préc., note 9, p.317. Elle explique clairement que « dans un contexte comme la France où, de manière générale, il est difficile d’échapper aux normes, la simplification des formalités et l’allègement des obligations apportées par la loi LME sont de réels avantages qui permettent d’affirmer qu’avec le statut de l’autoentrepreneur, on est véritablement passé de la difficulté à la facilité. Dans l’OHADA, c’est tout le contraire, car, pour des entrepreneurs qui n’étaient soumis à aucune règle, l’adoption du statut de l’entreprenant va marquer le passage de la facilité à la rigueur, de la simplicité à la difficulté ». 

[12]. Elle concerne la déclaration d’activité en lieu et place d’une immatriculation pour accéder au statut de l’entreprenant, à la qualité de la personne prétendant, au non démarrage des activités avant la déclaration de celle-ci mais également aux formalités à accomplir en cas de perte du statut; V. les articles 30 et 65 de l’AUDCG.

[13]. La profession de l’entreprenant englobe un éventail d’activités suffisamment large exercées par les artisans, les professionnels libéraux, les agriculteurs et même les commerçants ayant la qualité d’entrepreneur individuel. Seul le domaine de production industrielle en est excepté. Il s’agit également de l’interdiction juridictionnelle générale, temporaire, définitive. Le texte vise également l’interdiction prononcée par une juridiction professionnelle et l’interdiction prononcée par l’effet d’une condamnation définitive à une peine privative de liberté pour des crimes, des délits, etc. L’entreprenant non commerçant ne doit  faire l’objet d’aucune interdiction d’exercer en relation avec sa profession; voir en ce sens, l’article 65 de l’AUDCG.

[14]. Le statut de l’entreprenant est l’une des innovations importantes apportées par le législateur communautaire OHADA lors de la réforme de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général adopté le 15 février 2010. C’est dans les dispositions des articles 30 et suivants de cet Acte uniforme que cette innovation trouve son siège.

[15]. IDEA Consult International, Rapport final d’étude de l’impact économique de l’OHADA: effectivité, impact économique et uniformité d’application du droit OHADAmai 2023, p. 60. Le rapport est disponible en ligne sur le site de l’OHADA (https://www.ohada.com/uploads/actualite/6738/ohada-rapport-final-etude-dimpact-economique.pdf(consulté le 2 mai 2023).

[16]Ibidem., « Les inconvénients de la formalisation tels qu’ils sont perçus par les acteurs de l’informel l’emportent sur les quelques avantages souvent méconnus ou mal perçus par ces mêmes acteurs ». Il est également indiqué que: « Le régime de l’entreprenant est perçu en plus comme un régime redondant avec d’autres formes juridiques sans qu’il n’offre réellement des avantages significatifs ».

[17]. G. A. KOUASSIGNAN, Quelle est ma loi? Tradition et modernisme dans le droit privé en Afrique noire francophone, éd. Pédone, 1974, p. 17.

[18]. Sur la question, voir K. AGBAM, Le contrat face à l’imprévision dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne: essai d’une analyse normative socio-économique, thèse 2023, Nantes Université et Université Laval, p.367 et s; voir aussi K. WOLOU, « De lege feranda, un droit du travail spécifique au secteur informel en Droit Togolais », RTDA, n°21, septembre 2022, p.96 et s.

[19] P. F. OHANDJA « OHADA, ZLECAF et harmonisation globale du droit des affaires en Afrique: la nécessité d’une approche pluraliste », Revue sénégalaise de droit, n°38, avril 2024, p.61 et s.; Voir également, VANDERLINDEN, « Le pluralisme juridique – Essai de synthèse », in J.  GILISSEN (dir.), Le pluralisme juridique, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1972, p.  19, p. 272. Les travaux de cet auteur sont considérables sur le sujet; J. VANDERLINDEN, Les pluralismes juridiques, Bruxelles, Bruylant, 2013; J. COMMAILLE, « Les nouveaux enjeux épistémologiques de la mise en contexte du droit », R.I.E.J., 2013, n°70, p. 62 et suivants.

[20]. Voir l’ensemble des travaux ci-dessus, note 9.

[21]. L’article 13 notamment.

[22]. Voir en ce sens, «Rapport général au secrétariat permanent de l’OHADA», septembre 2009, p. 9.

[23]. Dans le même sens, voir A. AYEWOUADAN qui souligne que « la fixation des seuils par l’État permet d’avoir une certaine souplesse afin de les modifier au gré des évolutions économiques. De plus, les niveaux de développement de ces États étant assez disparates, il est essentiel d’avoir ces seuils fixés en fonction des réalités domestiques de chaque État ». A. AYEWOUADAN, « L’entreprenant en droit OHADA », op.cit., note 9, p.321.

[24]. P.-G POUGOUE, Préface in « Les réformes du droit privé en Afrique », Actes du colloque du 13 et 14 novembre 2014, Université de Dschang sous la direction de B. DJUIDJE CHATUE, PUA, 2016, p.11. Il considère que l’uniformisation prônée par l’OHADA ne « sera pas toujours possible, ni même envisageable […]. Et comme solution d’avancement, il propose « de sonder d’autres procédés souples comme les directives ou les loi-types pour susciter et canaliser des réformes nationales ». Encore faut-il que le Traité fondateur de l’OHADA soit modifié.

[25]. R. MASAMBA, « L’OHADA et le climat d’investissement en Afrique », Penant, n° 885, 2006, p. 158-159; Ph. TIGER « Les rapports entre les juridictions de cassation nationales et la CCJA : aspects conceptuels et évaluation », Penant, n°860, 2007, pp. 288-289; J. ISSA-SAYEGH « Quelques aspects techniques de l’intégration», 1999, p.9; J. PALLEISSEAU, « Le droit OHADA-Un droit très important et original », la Semaine juridique, n° 44, supplément n°5, 2004, p. 2 ; K. M’BAYE, Discours in « Séminaire sur l’harmonisation du droit des affaires dans les États de la zone franc ». Abidjan, 18 et 20 avril 1993.  

[26]. P-G. POUGOUE et S.S. KUATE TAMEGHE, L’entreprenant OHADA, PUA 2013, p. 189.

[27]. Article 7 du décret n°2017-409 portant modalités d’acquisition et de perte du statut de l’entreprenant. 

[28]. Loi n°02-2020 d’orientation relative aux PME promulguée le 7 janvier 2020 en son article 3. Voir aussi l’exposé des motifs de la loi. Pour une analyse de ce texte, voir K. AGBAM « La loi sénégalaise n°02-2020 du 7 janvier 2020: le nouveau cadre juridique de référence des PME entre avancées et oublis? », ATDA, n°7, 2020. 

[29] V. Article 7: la qualité d’entreprenant se perd lorsque, durant deux années consécutives, le chiffres d’affaires de l’entreprenant excède les seuils suivants:

– 30 millions pour les entreprises de négoce;

– 20 millions pour les entreprises artisanales et assimilées;

– 10 millions pour les entreprises de services.

[30]. Voir l’article de la loi citée.

[31]. J. ISSA-SAYEGH, « L’entreprenant, un nouvel acteur économique en droit OHADA: ambiguïté et ambivalence », op.cit, note 9, p.17.

[32]. Ibidem.

[33]Ibidem.

[34]. J. ISSA-SAYEGH, « L’entreprenant, un nouvel acteur économique en droit OHADA: ambiguïté et ambivalence », op.cit, note 9, p.17.

[35]Ibidem, p.9.

[36]. Ibidem, p.12.

[37]. C’est l’agence dédiée à la promotion des PME en Côte d’Ivoire. C’est elle qui reçoit les demandes de déclaration et de renouvellement du statut de l’entreprenant. 

[38]. Voyons en ce sens, P. ROUBIER, Théorie générale du droit. Histoire des doctrines juridiques et philosophie des valeurs sociales, 2ème éd., Sirey, 1951, n°22, pp. 203-211, cité par J.-L. BERGEL, Théorie générale de droit, D. 1985, p. 184. 

[39]. N. BENJAMIN et A. MBAYE, Les entreprises du secteur informel en Afrique de l’Ouest, taille, productivité et institutions, Collection l’Afrique en développement, 2012, p. 26.

[40]. D. C. SOSSA in « Rapport de synthèse de l’atelier régional de partage d’expériences sur la mise en œuvre du statut de l’entreprenant dans les États membres de I’OHADA », Cotonou (Bénin). 27 et 28 janvier 2016 http://www.ohada.com/content/newsletters/2886/rapport-de-synthese-signe-atelier-cotonou-statut-entreprenant.pdf

[41]. N. BENJAMIN et A. MBAYE, Les entreprises du secteur informel en Afrique de l’Ouest, taille, productivité et institutions, supra., p.27.

[42]https://www.ilo.org/public/french/standards/relm/ilc/ilc90/pdf/pr-25res.pdf (consulté le 19 janvier 2023)

[43]. Paragraphe 3 du rapport précité.

[44]. En conséquence, ce rapport limite l’échantillon des enquêtes sur le secteur informel aux ménages et aux petits exploitants généralement individuels. Il ignore les acteurs du gros informel. 

[45]. Il s’agit de la thèse des légalistes à laquelle nous adhérons. Elle s’oppose à la thèse des marginalistes et celle des dualistes. En effet, les tenants de l’école dualiste considèrent que l’économie informelle doit disparaître pour laisser libre cours à une économie formelle avec la modernisation de l’économie. Les marginalistes quant à eux, considèrent que l’économie informelle ne contribue pas à la création de la richesse. C’est une économie de subsistance basée sur la reproduction sans une perspective d’accumulation. Pour plus sur ces différents courants doctrinaux, lire K. AGBAM, Le contrat face à l’imprévision dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne: essai d’une analyse normative socio-économique, thèse préc., note 18, p.281 et s.

[46]. P. J. LOWE GNINTEDEM, « Droit OHADA, Covid-19 et secteur informel: une analyse économique », BEPP. 2020, n°33, pp.6-7.

[47]. Dans le même sens, A. AYEWOUADAN, « L’entreprenant en droit OHADA », op.cit., note 9, p.301.

[48]. En Afrique noire francophone, les commerçants ou acteurs de l’économie formelle sont généralement instruits et maîtrisent la langue française.

[49]. N. BENJAMIN et A. MBAYE, Les entreprises du secteur informel en Afrique de l’Ouest, taille, productivité et institutions op.cit., note 39, p.26.

[50]Ibidem.

[51]. Le détournement des fonds par des acteurs politiques influents. 

[52]. N. BENJAMIN et A. MBAYE, Les entreprises du secteur informel en Afrique de l’Ouest, taille, productivité et institutions, op.cit., note 39., p. 32.

[53] P. KAM, « Le crédit-bail comme levier de financement des PME » in l’OHADA au service de l’économie et des entreprises, éd. JUTA, 2013 p.308.

[54]. Voir p.62 du rapport.

[55]. J. ATTALI, « Les nouveaux visages de la microfinance en Afrique », Revue d’économie financière, vol. 116, n°4, 2014, p. 243.

[56]. Ibidem, p.36.

[57]. Ibidem, p.94.

[58]. S. BISSALOUE, « L’informel et le droit OHADA », op.cit., note 9, p. 12; N. BENJAMIN et A. MBAYE, Les entreprises du secteur informel en Afrique de l’Ouest, taille, productivité et institutions, Collection l’Afrique en développement, op.cit., note 39, 94.

[59]. Ibidem, p.94.

[60]. D.COGNEAU, M. RAZAFINDRAKOTO et F. ROUBAUD, « Secteur informel et ajustement au Cameroun », Revue d’économie du développement, année 1996, p. 4.

[61]. Le marché des carburants frelatés consiste à commercialiser aux abords des voies publiques de l’essence aux origines douteuses. La commercialisation se fait dans des conditions de transport et de stockage très risquées (souvent dans des bouteilles de litres d’eau exposées au soleil).

[62]. Voyons en ce sens, D. B. ONGONO BIKOE, L’entreprenant en droit OHADA, thèse préc., note 9, p. 318.

[63]. N. BENJAMIN et A. MBAYE, Les entreprises du secteur informel en Afrique de l’Ouest, taille, productivité et institutions, préc., note 39, p.17Voir également I. ADO, « Qu’est-ce qu’une entreprise informelle? » in L’économie informelle dans l’espace OHADA : approches économique, juridique, politique et sociaux anthropologique, Revue de l’Ersuma. 2021-2, n°H-S. p.20.

[64]. K. WOLOU, « De lege feranda, un droit du travail spécifique au secteur informel en Droit Togolais », op.cit., note 18, p.100.

[65]. H. KELSEN, Théorie pure du droit, Bruylant, LGDJ,1999, p. 234.

[66]. En ce sens, K. WOLOU, « De lege feranda, un droit du travail spécifique au secteur informel en Droit Togolais », supra., p.103.

[67]. G. RIPERT, «Les forces créatrices du droit», LGDJ, 1955, p. 10; Article cité par K. WOLOU, in « De lege feranda, un droit du travail spécifique au secteur informel en Droit Togolais », supra., p.103.

[68]. K. WOLOU, « De lege feranda, un droit du travail spécifique au secteur informel en Droit Togolais », op.cit., note 18, p.103.

[69]. H. BATIFOL, « Préface, Sources du droit », Archives de philosophie du droit, Sirey, 1982. p.1.  

[70]. Voir rapport INSEE 2021  https://www.insee.fr/fr/statistiques/5016913 (consulté le 5 mai 2021).

[71]. Voir le rapport INSEE février 2023, https://www.insee.fr/fr/statistiques/6692134 (consulté le 04 mai 2024).

[72]. N. BENJAMIN et A. MBAYE, Les entreprises du secteur informel en Afrique de l’Ouest, taille, productivité et institutionsop.cit., note 39, p.90 et s.

[73]. T. CANTENS, Les pratiques commerciales informelles, Document de recherche de l’OMD, n° 22, mars 2012, p. 3 https://www.wcoomd.org/fr/topics/research/~/media/337BBC262DD54B8EAE467EFCE7B2F752.ashx (consulté le 5 décembre 2022.)

[74]. SMART signifie Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réalisable, Temporellement défini. Il s’agit d’une technique qui permet de fixer des objectifs de façon pragmatique, et optimiser l’atteinte des objectifs. Le législateur OHADA à propos du secteur informel, devrait en faire sien. 

[75]. E. PORTALIS, Discours préliminaire du premier projet de Code Civil (1801), Bordeaux, Éditions Confluences, 2004, p.78.

[76]. K. WOLOU, « De lege feranda, un droit du travail spécifique au secteur informel en Droit Togolais », op.cit., note 18, p.104.

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