Absence de preuve de créance certaine : la liberté de la preuve entre commerçants a ses limites
CCJA, 3e ch., 7 juin 2012, n° 057/2012
Contexte juridique
Affaire : Studio d’Architecture BASSEY dite SABA c/ GPS & Morgan AUZANNEAU
Thème : Saisie conservatoire – preuve de la créance – liberté de la preuve entre commerçants – aveu judiciaire
Les faits : saisies conservatoires sur la base d’un contrat verbal contesté
En juillet 2002, le Studio d’Architecture BASSEY se prétend créancier de GPS et de son gérant, pour plus de 139 millions FCFA au titre d’honoraires pour des plans d’architecture. Il obtient des saisies conservatoires sur leurs biens, sur autorisation du juge des requêtes.
Mais sa demande de titre exécutoire est rejetée en première instance.
En appel, le Studio BASSEY est encore débouté. La cour d’appel juge les preuves insuffisantes, malgré l’existence alléguée d’un contrat verbal.
Le pourvoi en cassation : liberté de la preuve et aveu judiciaire ?
Le studio d’architecture forme un pourvoi devant la CCJA, invoquant deux moyens :
- Fausse application de l’article 5 de l’AUDCG :
Il invoque la liberté de la preuve entre commerçants, même en l’absence d’écrit. - Fausse interprétation des articles 1315 et 1416 du Code civil :
Il soutient que la reconnaissance verbale du contrat par GPS et AUZANNEAU constitue un aveu judiciaire.
La décision de la CCJA : rejet du pourvoi
La Cour commune de justice rejette les deux moyens :
Les juges du fond n’ont pas fondé leur rejet sur l’absence d’écrit. Ils ont seulement estimé, en leur pouvoir souverain d’appréciation, que les éléments fournis ne démontraient pas l’existence d’une créance certaine.
Le contrat verbal n’est pas nié en soi, mais son contenu, son montant et les conditions d’exécution sont contestés. Le studio n’apporte aucune preuve probante permettant de confirmer ses prétentions.
Résultat : pas de preuve de créance certaine → pas de fondement pour les saisies conservatoires → le pourvoi est rejeté.
Analyse juridique : liberté de la preuve ≠ dispense de preuve
Cette affaire rappelle une leçon essentielle :
- L’article 5 de l’AUDCG permet une liberté de la preuve entre commerçants, mais n’exonère pas le créancier de rapporter une preuve crédible et suffisante de sa créance.
- Une facture, une allégation verbale, ou un échange sans valeur probante, ne suffisent pas en cas de contestation sérieuse.
- L’aveu judiciaire supposé doit être exprès, clair et non équivoque : ici, la contestation des montants et des prestations exclut toute qualification d’aveu.
À retenir pour les praticiens
- Avant de solliciter des mesures conservatoires ou d’injonction de payer, il est impératif de constituer un dossier probatoire solide, surtout en cas de contrat verbal.
- Même dans un cadre OHADA où la liberté de preuve est admise entre commerçants, le juge reste libre d’apprécier la crédibilité et la force probante des éléments produits.
- Faute de preuve claire → rejet du recours → perte des mesures conservatoires.
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